Le 29 Juin 2011
A la lumière des faits de ces dernières semaines, de ces derniers mois, et même de ces dernières années, force est de reconnaitre que la situation en Grèce n'est pas "révolutionnaire".
En effet, après plusieurs grèves générales successives d'une ampleur qui dépasse tout ce que la France a connu depuis Mai 1968 et même au delà, sur fond d'occupations, d'affrontements dans les rues, d'émeutes géantes où le peuple insurgé dispute la rue aux flics : pas de "déclic" à l'horizon. Pas de renversement de l'Etat. Pas d'expropriation de la bourgeoisie, ni de destruction de la propriété privée. Malgré l'insurrection de décembre 2008 et les nombreux mouvements et grèves depuis, pas d'explosion. Malgré la "pression de la rue", pas de grand saut de la révolte à la révolution. Alors quoi ? Quel bilan pouvons nous tirer ?
La Grèce est un pays dont l'Etat est au bord de la faillite parce que les classes dominantes et les dirigeants du gouvernements ont trafiqué les comptes et dilapidé "les caisses" pour pouvoir tenir le rythme impossible de croissance et de "modernisation" imposé par l'Union Européenne dans un contexte de crise générale du capitalisme, dans un même élan de productivisme et d'industrialisation (même dans le secteur touristique, qui n'est pas déconnecté de la "crise du logement", parce que spéculation et gentrification vont de paire) lié à un même phénomène de concentration du capital. Même si -les économistes ayant tiré quelques maigres leçons de l'histoire-, les Etats et leurs instances économiques internationales (F.M.I, O.M.C, Banque mondiale...) et supra-étatiques (Ici l'Union Européenne) cherchent à tempérer et retarder les effets de la crise (qu'ils croient pouvoir juguler), cette crise générale est inéluctable parce que le capitalisme fonctionne en produisant lui-même ses crises. On ne se lasse pas de le répéter,
Le capitalisme : C'est la crise.
Mais la classe dominante en Grèce, comme ailleurs, n'a pas agit contre ses propres intérêts.
Il n'y a pas de "raison nationale" aliénée à un ennemi "étranger" qui serait "la grande méchante pieuvre européenne" (ou Américaine, ou Chinoise, ou autre...) tirant les ficelles du gentil "gouvernement socialiste grec" ou de la "gentille bourgeoisie nationale" corrompue par un méchant "capitalisme apatride" (concept néo-fasciste très en vogue). Encore et toujours, la bourgeoisie et son gouvernement ont agit conformément à leurs intérêts éternels, avec le plus grand cynisme : dans une situation d'appauvrissement généralisé, ils se sont sauvé eux-même en prétendant agir au nom de tous et toutes, et continuent de le faire en adoptant un plan d'austérité à 155 voies contre 138 dans leur parlement, facture qu'ils comptent bien faire payer au prolétariat grec.
Dans ce jeu de quilles, l'Union Européenne, la banque mondiale ou même le F.M.I font plus figure de joyeux prétextes que "d'ennemis" ou de "pères fouettards" pour une classe exploitante locale qui est bien heureuse de se dégager de toute responsabilité quant à son rôle historique : "Si on applique pas le plan d'austérité, on aura pas d'aides, et ce sera encore plus dur". Voilà, en substance, l'essentiel du message que le gouvernement grec "socialiste" du PASOK fait passer à la population pour un plan d'austérité qui va consister, en gros, à "sauver l'économie" en Grèce en endettant encore plus les pauvres et à gérer les problèmes engendrées par l'économie capitaliste en appliquant des méthodes néo-libérales encore plus drastiques.
Un peu comme si pour vider l'eau du bain, on le remplissait encore plus.
De l'autre coté, le Parti Communiste Grec du KKE se présente comme "l'alternative suprême" à base de propositions de "gouvernement populaire" ou d'autres carottes populistes du style "sortir de l'Union Européenne", alors même qu'il bride l'effort révolutionnaire porté depuis le début par les anarchistes, les autonomes et autres anti-autoritaires (parce que faire la révolution implique l'affrontement avec l'Etat, et l'expropriation de la propriété privée -une démarche assumée par le mouvement anarchiste grec depuis le début à travers les squats, les grèves des loyers, les grèves générales offensives, les actions de soutien et le développement de l'entraide, mais aussi à travers les occupations de champs en friche ou les offensives de tout type contre la propriété privée) et que les méthodes autoritaires et contre-révolutionnaires du KKE, en plus d'une démarche largement électoraliste et attentiste, sont connues. Le Parti Communiste Grec, en essayant de se refaire une jeunesse sur l'actuel mouvement de révolte populaire, tente de faire oublier d'une part ses attaques répétées contre ses "dissidents" ou opposants révolutionnaires, ayant été jusqu'à l'affrontement (comment devant l'école polytechnique d'Athènes où ses militants ont plusieurs fois tenté d'empêcher les anarchistes ou autres manifestants de se réfugier dans l'université après les affrontements avec la police), et d'autre part sa participation au gouvernement avec le parti socialiste -PASOK- par le passé.
D'un coté, les théoriciens marxistes "d'avant-garde" et la "vieille garde" du P.C grec théorisent et re-théorisent jusqu'à la nausée le communisme et l'expropriation -par les urnes ou en installant un "Etat socialiste" par un coup de force improbable : le fétichisme vulgaire des marxistes pour l'Etat trouve encore ici toute son expression-, de l'autre, une bonne partie des anarchistes la mettent en pratique.
D'une certaine manière, on peut dire que beaucoup de gens parmi ces exploité-e-s -qu'ils soient anarchistes ou pas, organisés ou non, ont accédé à un niveau de "conscience" supérieur, parce qu'au delà de la peur de l'avenir, beaucoup ont compris qu'il va falloir se battre, et que la révolte seule ne suffira pas, que tout se joue "aujourd'hui et maintenant" (et pas le jour des élections), que ses intérêts ne sont pas ceux de la classe dominante, de son Etat, et de ses lois.
En bref, on peut dire que la situation en Grèce est explosive, qu'elle est "pré-révolutionnaire",
mais celà ne suffit pas. Il faut s'organiser, il faut préparer la majorité des exploité-e-s à mettre en échec la contre-révolution (qu'elle vienne de l'Etat, de paramilitaires, de milices privées ou des fascistes, ou de tout ça en même temps). Il faut organiser l'auto-défense et pousser à l'auto-organisation des révolutionnaires anarchistes et anti-autoritaires, toutes tendances confondues.
Trouver des terrains "d'entente", de lutte en commun, dépasser les "affinités impossibles" et les différences stratégiques.
Surtout, il faut abandonner toute naïveté et comprendre que si une révolution éclate, et si l'Etat grec est débordé, les Etats voisins n'hésiterons pas à se liguer pour écraser la révolution à coups de frappes militaires, comme l'armée française en Libye l'a fait au prétexte de "soutenir" la "révolution" avec l'OTAN dans le rôle de "l'armée de libération".
Car ce gouvernement grec, tout socialiste ou de gauche soit-il, et les capitalistes qu'il défend, ne sont pas à abattre parce qu'ils constitueraient une "ploutocratie" (le terme même étant inopérant et inapproprié puisque le pouvoir n'est jamais question abstraite "d'argent", en particulier en Grèce actuellement, mais bien plutôt de capital économique, social, politique et culturel, etc... Parce que le propre de l'autorité est de se consolider de tout, et partout), ou parce qu'ils sont "corrompus" ou "bureaucratiques" (même si ils le sont effectivement) mais parce que leurs intérêts ne sont pas les nôtres, parce que ce sont des exploiteurs lorsque nous voulons l'égalité, des dirigeants lorsque nous voulons la liberté, et parce qu'ils détruisent la nature et le peu de "société" qui existe contre l'Etat, parce que leur existence même implique la misère et l'exploitation pour l'immense majorité.
Nous ne devrions pas vouloir des "dirigeants moins corrompus" et "moins de bureaucratie", mais simplement la libération totale et l'égalité dans l'auto-organisation et le reprise en main de nos vies.
Comprendre la situation en Grèce est essentiel pour comprendre ce qui arrivera fatalement en France et ailleurs à plus ou moins courte échéance, et que le processus est déjà largement entamé (avec la désagrégation programmée de ce qui reste "d'Etat providence" ou de "services publics" : les hôpitaux, les maternités, les centres IVG, les centres d'hébergements, les foyers sociaux qui ferment les uns après les autres par manque de personnel ou de logistique, le système de retraites par répartition démantelé, etc...) . Essentiel aussi pour comprendre que les grèves générales à répétition, même offensives et ponctuées d'occupations et de confrontation avec les forces répressives de l'Etat, même si elles sont nécessaires, ne suffiront pas. Que la défense des "services publics" tels qu'ils existent n'est pas révolutionnaire (parce que même dans leur meilleur rendement, ils n'ont jamais été ce qu'il y a de plus souhaitable en matière de santé, de savoir, etc...). Que l'action directe ne s'arrête pas à l'action syndicale et que l'action politique traditionnelle -même anarchiste- seule est simplement inefficace, dans le meilleur des cas.
L'Etat grec, pour sa part, n'a même pas encore eu besoin de recourir à l'armée pour l'instant. Il se contente de s'appuyer sur la poussée fasciste (et les groupes comme l'Aube Dorée, qui s'en prennent directement aux squats anarchistes, aux centre-sociaux et foyers d'immigrés lorsque la police regarde faire complaisamment - et démontrent par la même ce qu'il y a de révolutionnaire dans ces occupations et leur défense) tout en perfectionnant sa police avec l'apparition systématisée dans les grandes manifestations des forces de police "Delta" (notamment à moto -photo 1- effectuant des percées dans les manifestations pour les "couper" à coups de matraques, remarquablement similaire dans leur mode opératoire aux Bassidjis iraniens -photo 2- montés à moto qu'on pu observer durant l'insurrection iranienne en 2009 ou aux "voltigeurs" français qui tuèrent Malik Oussékine durant les manifestations contre le projet de loi Devaquet en 1986).
Dès maintenant, il faut organiser la solidarité internationale, l'autodéfense, construire une culture révolutionnaire d'auto-organisation (et donc aussi anti-patriarcale, anti-fasciste et anti-raciste, d'écologie radicale, de libération animale, etc...), multiplier les expériences sociales autonomes, s'organiser -formellement ou pas- entre anarchistes et anti-autoritaires pour continuer à propager la révolte et construire l'offensive contre l'Etat et l'expropriation du Capital :
POUR CONSTRUIRE LA REVOLUTION SOCIALE !
Solidarité avec les camarades et compagnons de Grèce !
Le Cri Du Dodo
Photos et vidéos depuis Indymedia Athens.
Pour suivre l'actualité de la grève générale et des luttes sociales en Grèce :
- Fil d'informations heure par heure sur la grève générale
pour les Mardi 28 et Mercredi 29 Juin sur Contrainfo.espiv.net
- Le texte anarchiste grec "Réflexion sur une journée étrange" sur LeReveil.ch
- Texte relatant le procès du compagnon anarchiste grec Aris Seirindis, finalement libéré, sur Contrainfo.espiv.net
- Vidéos des émeutes des 28 et 29 Juin à Athènes sur Lereveil.ch
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