dimanche 29 avril 2012

"Le vrai travail rend libre" ? Une autre histoire du 1er mai.

Sur fond de cirque électoral, le 1er mai redevient soudain un enjeu pour tout les opportunistes.
Les syndicats et partis de gauche revendiquent une fête qui serait "d'abord la leur" alors qu'ils n'ont finalement hérité que de sa version officielle, les fascistes veulent la transformer en "fête de la pucelle d'Orléans" pendant qu'un président miné dans les sondages appelle à un rassemblement pour "le vrai travail" aux accents pétainistes pour tenter de redorer sa cote.

La "fête du Travail" ? un hold-up historique . 
« Le 1er mai a été, jusqu’ici, un symbole de division et de haine. Il sera désormais un symbole d’union et d’amitié, parce qu’il sera la fête du travail et des travailleurs. Le travail est le moyen le plus noble et le plus digne que nous ayons de devenir maître de notre sort. »
                                                                                   Le Maréchal Pétain, 24 avril 1941.

En France, c'est en effet seulement depuis le régime de Vichy que le 1er mai a été consacré fête du "Travail et de la concorde sociale". Depuis, cette "fête du travail" a été relayée servilement par la majorité du "peuple de gauche" sans plus de protestation chaque année en france. Même les "communistes" du PCF et autres socio-démocrates y distribuent depuis des décennies leur muguet.

Et pourtant, c'est encore sous Pétain que le muguet (blanc comme le lys, selon une tradition initiée par Charlemagne) vient remplacer les églantines rouges (symbole révolutionnaire depuis la première commune de 1793 et repris comme symbole des luttes ouvrières) qui étaient alors portées et distribuées le jour du 1er Mai avant le régime de Vichy. C'est  bien de la responsabilité des syndicats qui n'ont cessé de revendiquer cette "fête du Travail" si cette journée est aujourd'hui célébrée selon des rites travaillistes et autoritaires hérités du pétainisme. On voit bien l'idée.

En glorifiant le travail et la "concorde", autant dire la paix sociale, on masque les antagonismes de classes. C'est le vieux fantasme fasciste qui consiste à prétendre qu'on peut "réconcilier les classes", et tout ça dans le travail et la joie, évidemment. La suite est connue, c'est le S.T.O (service du travail obligatoire), les camps de travail forcé et pour beaucoup aussi, les camps de la mort, avec à l'entrée de la plupart une inscription sans équivoque : "Arbeit Macht Frei", "le travail rend libre", évidemment ?


Fête des exploité-e-s, fête révolutionnaire !

Depuis au moins les années 70, une partie des révolutionnaires ont cherché à tourner non sans raison en ridicule cette "fête du Travail". Le 1er Mai 1977, des autonomes déploient une immense banderole célébrant la "FETE DE L'ALIENATION" en lettres de 1 mettre de haut au dessus du cortège de la CGT et des autres syndicats (soit une foule de 100 000 personnes) comme pour leur rappeler l'absurdité de cette tradition galvaudée, et surtout de ce que cette fête est devenue. Beaucoup l'ont depuis ironiquement rebaptisé "fête de la paresse". Aujourd'hui encore, partout dans le monde, depuis le quartier de Kreuzberg à Berlin jusqu'à Madrid et Barcelone, de San Francisco à Athènes et de Istanbul à Oakland (qui lance cette année depuis sa Commune un appel international à la grève générale), le 1er Mai est chaque année synonyme de révolution, de révolte, de grève et même un peu partout d'affrontements avec la police et d'émeutes géantes.
C'est la fête des exploité-e-s, pas de l'exploitation. 

Le 1er Mai pacifié et policé main dans la main par police et S.O syndicaux reste une exception bien française. L'appel à la grève générale est aussi relayé en Espagne pour le 1er mai 2012 avec des appels à l'action contre la Banque Centrale Européenne le 3 mai. A tel point que le gouvernement espagnol a fait fermer les frontières et que le pays est officiellement sorti de l'espace Schengen depuis le 25 avril jusqu'au 3 mai 2012 pour éviter la venue de protestataires d'autres pays contre la B.C.E. Ce même 25 avril aussi, se tenait à la Haye une conférence d'Europol (agence de police européenne) contre la menace des "euro-anarchistes" et la manière dont les polices européennes doivent s'organiser pour s'y opposer. Tout un programme de contre-révolution préventive en somme...Ou quand l'illusion démocratique s'efface devant la nécessité de protéger l'économie.

Ce qui nous ramène à l'origine du 1er Mai.

Haymarket Square : mémoire d'un massacre. 
"Le jour viendra où notre silence sera plus fort que les voix qui nous étranglent aujourd’hui"
 August Spies, anarchiste condamné à mort
 suite au évènement d'Haymarket Square
Le 1er mai 1886, les syndicats américains IWPA et AFL, ainsi que le journal anarchiste The Alarm lancent une grève pour la journée de 8 heures sans perte de salaire. Le jour même a lieu un rassemblement à l'usine McCormick à Chicago. La grève générale mobilise 340 000 travailleurs. August Spies est le dernier à prendre la parole devant la foule des manifestants. Des affrontements se produisent lorsque des grévistes, désirant chasser les jaunes (the scabs, en argot anglais) embauchés par McCormick pour briser la grève, sont accueillis par les détectives privés et la police armés de fusils à répétition. Deux ouvriers trouvent la mort et cinquante sont blessés. Le journal Arbeiter Zeitung publie alors un appel à un rassemblement de protestation contre la violence policière, qui se tiendra le 4 mai 1886 (voir l'appel ci-dessous). Un appel dans le journal The Alarm encourageait aussi les travailleurs à venir armés par soucis d'autodéfense, pour empêcher des carnages comme il s’en était produit lors d’autres grèves, mais finalement, le rassemblement se veut pacifiste.

Le jour venu, quinze mille personnes environ sont au rendez-vous,
et l'immense majorité n'est pas armée ni hostile.

Du haut d'un char, Spies, Albert Parsons, Fielden prennent successivement la parole.
Tout se passe dans le calme. La foule commence se retirer quand des policiers font irruption sur la place et commencèrent à charger violemment les manifestants. Le commandant n'avait pas fini de prononcer la phrase réglementaire en pareil cas qu'une bombe tombe dans les rangs de la police, en couchant par terre une soixantaine. Deux sont tués sur le coup et six devaient mourir des suites de leurs blessures.
C'est le signal d'une panique totale et d'une bataille plus terrible que celle de la veille. Les policiers survivants, aidés par d'autres arrivés en renfort, ouvrent le feu nourri la foule encore présente.
Le massacre est épouvantable, mais il est impossible d'en établir le bilan. Une dépêche de l'agence de Chicago parle de plus de cinquante "d'émeutiers" blessés, dont plusieurs mortellement, et le chiffre sera plusieurs fois revu à la hausse.

le 20 août 1886,  Spies, Fielden, Neebe, Fischer, Schwab, Lingg, Engel et Albert Parsons, tous anarchistes, sont condamnés à la pendaison. Toutefois, une mesure de grâce intervient pour Schwab et Fielden, dont la peine est commuée en prison perpétuelle, et pour Neebe qui s'en tire avec quinze ans de prison. Entre-temps, l'affaire était revenue en appel le 18 mars 1887 et, par arrêt du 20 septembre, le jugement est confirmé. La Cour Suprême des Etats-Unis ne consent pas à casser le jugement pour vice de forme.

 L'avant-veille de l'exécution, Louis Lingg, soupçonné d'être le chimiste de la bombe, en fumant un cigare de fulminate, se suicide dans sa cellule dans l'espoir de sauver ses camarades.  Un des jurés, hors du tribunal, avoue cyniquement l'objectif poursuivi sous le couvert du jugement rendu : "On les pendra quand même. Ce sont des hommes trop dévoués, trop intelligents, trop dangereux pour nos privilèges".

Les condamnés sont pendus le 11 novembre 1887, avant midi, dans la cour de la prison, cependant qu'aux abords et dans les rues environnantes, des cordons de troupe contiennent la foule.

C'est en souvenir des morts de McCormick et d'Haymarket Square, et des 8 anarchistes condamnés à la pendaison que le 1er Mai est depuis rappelé internationalement comme une fête révolutionnaire,

là où on en a pas encore oublié les origines.

ci-dessous, pour mémoire, l'appel du journal Die Arbeiter Zeitung en date du 2 Mai 1886 :

La guerre des classes a commencé.
Hier, on a fusillé les travailleurs, en face de l'usine Mc Cormick. 
Leur sang crie vengeance!
Qui pourrait douter que les tigres qui nous
 gouvernent sont avides du sang des travailleurs !
Mais les travailleurs ne sont pas des moutons.
A la Terreur-Blanche, ils répondront par la Terreur-Rouge.
Mieux vaut la mort que la misère !
Si l'on fusille les travailleurs, répondons de telle façon 
que nos maîtres s'en souviennent longtemps.
C'est la nécessité qui nous fait crier : Aux armes !
Hier les femmes, les enfants de pauvres pleuraient leurs maris et leurs pères fusillés.
 Tandis que, dans les palais, les riches remplissaient leurs verres de vins coûteux 
et buvaient à la santé des bandits de l'ordre...
Séchez vos pleurs, vous qui souffrez. Ayez du cœur, esclaves !
Insurgez-vous
!

Plaque commémorative à Chicago, posée par le ministère de l'intérieur des Etats-unis. 
Le graffiti au dessus et en dessous dit :
"D'abord ils prennent ta vie, plus ils exploitent ta mémoire".  
 
Sources :
- Anarchopedia, les articles "1er Mai" et "Emeute de Haymarket".
- Increvables anarchistes, l'article "1886, 1e-4 Mai, grèves, émeutes et attentats à Chicago".

vendredi 20 avril 2012

"Les buts de la révolution anarchiste", par Wolfi Landstreicher

[Cet article, publié en anglais dans le journal anarchiste insurrectionnaliste américain Wilful Disobedience au début des années 2000, a été écrit par son principal auteur Wolfi Landstreicher. Si son propos peut paraitre court, voir synthétique, il pose la question de l'opposition traditionnelle entre individu et communauté d'une manière assez inédite, à la manière d'un Malatesta (même si ce dernier se définissait plus ouvertement anarchiste-communiste) et romps avec les clivages traditionnels encore prégnants qui traversent les mouvements anarchistes et anti-autoritaires.]  

 L'individualisme et le communisme. 
Les buts de révolution anarchiste. 
Le projet anarchiste insurrectionnel est un projet révolutionnaire, c'est-à-dire un projet qui vise à la destruction de la société actuelle et la création de nouvelles manières de vivre. Le but de cette révolution est la suppression de toute limite sociale qui empêche les individus de créer leur propre vie en fonction de leurs propres désirs et les rêves et déterminer les relations qu'ils veulent créer pour ce faire.

Mais un tel objectif implique aussi d'autres buts. Le système social du capital sépare la plupart des gens à partir des conditions d'existence. Cela oblige la grande majorité à accepter les médiations du travail et de la consommation des matières premières afin de maintenir une existence minimale au détriment de leurs vies, de leurs désirs, de leurs rêves, et de leurs individualités. La rareté artificielle économiquement imposée par le capital conduit à une concurrence qui est souvent promue aux Etats-Unis comme la base de «l'individualisme», en dépit du fait qu'il crée à peu près les mêmes existences médiocres dans lesquelles la vie est subsumée dans la survie. Il est possible, même dans ce contexte social de reprendre sa vie, les conditions de son existence, dans une mesure limitée, en choisissant de vivre sur les marges comme un hors-la-loi.

Mais une telle décision ne peut être qu'une première étape si l'on ne veut pas s'isoler. Il nous met dans une position de guerre avec la société telle qu'elle existe. Et ses ennemis - les maîtres de cet ordre - ont beaucoup plus accès aux moyens d'existence que le hors-la-loi marginalisé. Donc, si cette révolte individuelle ne veut pas tomber dans le domaine des gestes inutiles, elle doit se tourner vers une perspective révolutionnaire. Cette perspective se développe lorsque l'on reconnaît la nécessité de détruire l'ordre social, la destruction complète de l'État et du capital. Si tous les individus doivent en effet être libre de créer leurs vies et leurs relations comme ils le souhaitent, il est nécessaire de créer un monde dans lequel l'égalité d'accès aux moyens et aux conditions d'existence est une réalité.

Cela nécessite la destruction totale de l'économie - la fin de l'échange marchand des biens et du travail. Ainsi, nous voyons que la prise de conscience généralisée de la liberté individuelle va de paire avec les meilleurs aspects de l'idéal anarcho-communiste et ne peut être atteint que grâce à une transformation révolutionnaire. Mais une telle révolution n'est pas un don accordé par l'Histoire abstraite.

C'est ici que la pleine signification de la révolte individuelle fait sens. Lorsque l'on rejette toute vision déterministe de la révolution, il devient clair que les actions des individus en révolte consciente contre l'ordre social sont essentiels pour la construction d'une révolution. Ces individus qui rejettent toute exploitation, qui refusent de mettre en place avec un monde qui exige d'acheter sa survie au détriment de ses rêves et de ses désirs, au détriment de la vie vécue pleinement, et qui recherchent les outils et les méthodes pour détruire cette ordre social. A partir de ces analyses, les projets et actions qui sont la base d'une projectualité anarchiste insurrectionnelle peuvent se développer.

mercredi 11 avril 2012

"Le mur est une tristesse élevée entre deux jardins"

Quelques affiches d'ici et d'ailleurs, trouvées à Paris...


Nous sommes contre la prison...

Nous sommes contre la prison parce qu'elle est née et s'est développée pour défendre les privilèges des riches et le pouvoir.

Nous sommes contre la prison parce qu'elle ne sert qu'à enfermer les pauvres et gérer la misère.

Nous sommes contre la prison parce que le bruit de la clé dans la serrure d'une cellule est une torture quotidienne, l'isolement une abomination, la fin du parloir une souffrance, et le temps enfermé un sablier qui tue à petit feu.

Nous sommes contre la prison parce que nous n'avons pas oublié la grisaille pénitentiaire des couloirs de l'école et que les sonneries résonneront toujours en nous comme la cadence du dressage.

Nous sommes contre la prison parce qu'il y aura toujours des maton-nes pour étouffer nos révoltes.

Nous sommes contre la prison parce que nous voulons changer radicalement cette société, pas nous intégrer pacifiquement dans ses villes, dans ses usines, dans ses casernes dans ses supermarchés.

...Parce que ce monde n'en a que trop besoin

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Avis de tempête

La vie n'est pas une croisière où tout le monde s'amuse :
un emploi perdu, une allocation menacée par les mesures d'austérité, une centrale nucléaire qui pète, un-e proche arrêté-e par les flics, une survie toujours plus difficile. Et dans ce monde en perpétuelle transformation, on s'attend à une prochaine tempête.

Beaucoup s'en remettent à la démocratie et font confiance à ses institutions, que ce soit les élections comme les syndicats, la police comme la justice, assurant au pouvoir la perpétuation dont il a besoin. Les sangsues nationalistes, religieuses et communautaires s'agitent, sentant que la situation peut leur être propice.

De sont coté l'Etat se prémunit, resserre son contrôle et construit de nouvelles prisons pour enfermer les indésirables, les récalcitrant-e-s, celles et ceux qui se révoltent, celles et ceux qui préfèrent voler dans les magasins et arnaquer les allocs plutôt que de crever la dalle.

Mais le vent pourrait tourner.
En Angleterre, des milliers de gens ont brisé les règles du jeu le temps de quelques nuits d'août enflammées. De Lampedusa à Christmas Island, des prisons pour étranger-e-s sont incendiées par les sans-papiers qui y sont enfermés.
En Tunisie comme en Egypte, des révolté-e-s s'attaquent au pouvoir en place. Tout cela nous porte à croire que l'on peut changer radicalement l'Existant.

Nous ne voulons pas de leur religion, de leurs prisons, ni de leur nation et de leurs frontières.
Parce que le pouvoir perpétuera toujours la domination et l'oppression, il n'y a rien à faire de leur démocratie, qu'elle soit de gauche ou de droite, représentative ou réelle.

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Ils font ce qu'ils peuvent pour nous enterrer mais ils ont oublié que nous sommes de la mauvaise graine...

Nous occupons les bâtiments vides. Nous basons nos vies sur l'égalité et la solidarité. Les principes de l'auto-organisation s'enracinent et ainsi s'enracinent aussi nos projectualités révolutionnaires, jusqu'à ébranler les fondations de toutes les formes de domination.

Contre la réalité de la marchandisation, de l'aliénation et des médiations, nous répondons avec notre passion inébranlable pour la liberté.

Nous squattons parce que nous ne voulons pas vivre à la solde d'un propriétaire qui nous prive des 2/3 de nos revenus. L'immense majorité des appartements ou des immeubles loués sont construits par des salarié-e-s et non par ceux qui les possèdent. Les propriétaires tirent toute la valeur de leurs "biens" de la rente qu'ils extorquent à leurs locataires avec leurs agences immobilières, bailleurs, et autres gestionnaires de misère sous la menace des huissiers et des flics. Nous refusons la logique d'une société qui nous pousse à nous faire exploiter dans des boulots de merde payés des miettes pour faire tourner le marché de l'immobilier, engraisser des capitalistes et des propriétaires...

A travers les espaces libérés
nous ouvrons des chemins
pour une société sans hiérarchies,
sans Etat, et sans classes.

Contre toutes les expulsions :
Organisons l'autodéfense ! Grève des loyers !

Abolition de la
propriété privée !

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Spéculation immobilière
Rénovation urbaine
Gentrification
Expulsion

Squat
Réappropriation
Grève des loyers

NE LAISSONS PAS
LE QUARTIER
AUX RICHES



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Aujourd'hui comme hier,
Il y a milles raisons de se révolter !

Le 14 septembre 2011, le nouveau mandat d'arrêt européen a permis à la France d'extrader Sonja et Christian vers l'Allemagne. Soupçonnés d'avoir participé il y a plus de trente ans à des actions contre le nucléaire et la gentrification, et d'avoir appartenu aux Cellules Révolutionnaires, ils y ont été emprisonnés dans l'attente d'un procès. Christian, gravement malade a été mis en liberté provisoire tandis que Sonja est toujours emprisonnée à Francfort.
Ses 79 ans ne la mettent pas à l'abri de la vengeance d'Etat.

Ils sont l'objet d'un acharnement judiciaire lourd de sens : on voudrait nous faire croire que seule la résignation est possible et qu'on ne que marcher au pas. France et Allemagne travaillent main dans la main lorsqu'il s'agit de nous enfermer, comme lorsqu'il s'agit de gérer notre exploitation et de nous soumettre à une économie mortifère.

Sonja et Christian se sont acharnés toute leur vie à rester libres. Aujourd'hui, encore et toujours, ils se battent pour ne pas être séparés et enfermés, tandis que partout, encore et toujours, il faut se battre avec la détermination des rhinocéros pour ne pas se laisser anéantir.


Leur combat est le nôtre.
Notre solidarité est leur force.

Solidarité avec Sonja et Christian !

mardi 10 avril 2012

Procès antiterroriste pour 6 camarades du 14 au 22/05/2012 à Paris


RDV le 14 MAI à 13h30 pour la première audience - 10e chambre - TGI Paris
( Métro Cité )

Petit rappel des faits :

Ivan, Bruno et Damien sont arrêtés en janvier 2008 alors qu’ils se rendent
à une manif devant le centre de rétention de Vincennes avec des fumigènes
artisanaux et des crève-pneus, qui deviennent pour la justice et les
médias une “bombe à clous”. Ivan et Bruno sont alors placés en détention
préventive et Damien sous contrôle judiciaire.

Quelques jours plus tard, Inès (*Isa) et Franck (*Farid) sont arrêtés lors
d’un contrôle des douanes à Vierzon en possession de manuels expliquant
des techniques de sabotage, du plan d’une prison pour mineurs et de
chlorate. L’antiterrorisme se saisit de l’affaire. Les flics prétendent
que l’ADN d’Isa correspondrait à une des 5 traces ADN présentes dans un
sac contenant des bouteilles d’essence, retrouvé sous une dépanneuse de
flics pendant l’entre-deux-tours des présidentielles de 2007.

Rapidement, ces deux enquêtes sont jointes en un seul dossier, instruit
par les mêmes juges antiterroristes. La police ratisse alors dans
l’entourage des personnes arrêtées et des personnes fichées
“anarcho-autonomes” pour tenter de trouver qui se cacherait derrière les
ADN manquants. Javier (*Juan), le frère d’Inès (*Isa), puis Damien (qui
avait été arrêté avec Ivan et Bruno) sont mis en prison pendant plusieurs
mois car leurs profils ADN correspondraient aussi aux traces retrouvées
sous la dépanneuse. Par ailleurs, en juin 2010, Javier (*Juan) a, en plus,
été mis en examen pour une série de sabotages par incendie sur des
armoires électriques de signalisation SNCF qui ont paralysé une partie du
trafic ferroviaire en 2006 pendant le mouvement "CPE". Son ADN aurait été
retrouvé sur le lieu d’une tentative de sabotage.

Inès (*Isa), Javier (*Juan), Damien, Ivan, Franck (*Farid) et Bruno ont
chacun fait entre 5 et 13 mois de détention préventive dans le cadre de
cette procédure. Et ils restent sous contrôle judiciaire jusqu'au procès
en correctionnelle.

Du 14 au 22 mai aura donc lieu le premier procès sous juridiction
antiterroriste de militants désignés comme appartenant à la « mouvance
anarcho-autonome ». Les six inculpés, comme des centaines de milliers
d'autres personnes, ont pris part aux différentes luttes sociales de ces
dernières années : mouvement "CPE", révoltes lors des élections
présidentielles de 2007, luttes contre l'enfermement des sans-papiers et
pour la liberté de circulation... De manifs sauvages en sabotages, la
conflictualité qui s'exprimait dans ces luttes débordait souvent du cadre
légal ou des habituelles médiations politiques et syndicales. Et quand ça
remue, l'Etat cherche à punir un petit nombre pour faire peur à tous : par
la police et la justice, il tente toujours de séparer les "bons
manifestants" des "vilains casseurs", d'isoler les actes du contexte dans
lequel ils s'inscrivent, et de finalement diviser pour mieux régner. Et ce
qui est attaqué là, c'est aussi un ensemble de mauvaises intentions et la
tentative de les mettre en pratique de manière autonome.

Séparer. Il suffit d'assister à une comparution immédiate pour voir que
les pauvres et les marginaux sont toujours présumés coupables et très
souvent condamnés : la culpabilité et l'innocence sont les deux grands
concepts utilisés jour après jour, du bureau du procureur à la salle
d'audience, pour maintenir l'ordre social. Ces notions ne peuvent pas être
les nôtres. Et chercher à s'en sortir face à la Justice ne signifie pas
renier ses idées et ses pratiques.
Isoler. La Justice nous contraint à rentrer dans une temporalité qui lui
est propre : celle de l'instruction, de la prison, du contrôle judiciaire
et du procès. Ce temps judiciaire permet non seulement d'isoler
concrètement les inculpés en les enfermant, mais aussi de les maintenir
sous pression - par un contrôle judiciaire avec interdicion de se voir les
uns les autres, par exemple. Enfin, l'instruction est chargée d'établir
des profils qui participent à différencier les peines voire à faire de
certaines d'entre elles des peines exemplaires.
Diviser. Des squatteurs des cages d'escaliers aux manifestants, se
regrouper ou s'organiser collectivement représente une menace potentielle
pour le pouvoir. Les accusations d'"association de malfaiteurs", "bande",
"en réunion" sont de plus en plus utilisés comme des "circonstances
aggravantes" : cela permet d'alourdir les peines et d'inciter les gens à
rester atomisés. C'est dans cette même logique qu'opère la juridiction
antiterroriste utilisée par l'Etat, au gré des intérêts politiques du
moment, pour rejeter du "corps social" ce qui dérange, et neutraliser des
pratiques et pensées qui sortent du cadre institutionnel.

Pour autant, les mécanismes de la Justice ne sont pas les seuls outils du
pouvoir à devoir être critiqués et combattus. De multiples dispositifs et
institutions participent tous les jours à maintenir l'ordre social et
l'exploitation : du crédit aux antidépresseurs, du salariat aux contrôles
CAF, de l'école à l'armée... Mais il n'y a pas qu'en Grèce que des
milliers de personnes refusent l'horizon qu'imposent le capitalisme et
l'Etat. Et ce qui se jouera au Tribunal n'est pas un rapport
interpersonnel entre les inculpés et les juges, mais un moment de la lutte
entre la classe des possédants et les exploités, un moment de la lutte
entre l'autorité et les récalcitrants. Exprimer sa solidarité c'est
s'inscrire dans cette lutte.

Solidarité avec les inculpés !
Plus d'infos sur la page de "Mauvaises intentions":
https://infokiosques.net/mauvaises_intentions

Pour recevoir des brochures Mauvaises Intentions 3 : écrire à
solidaritesinculpes@riseup.net

Pour nous soutenir financièrement ( notamment pour l'impression de la
brochure, tracts, etc. ) : envoyer au CICP MAuvaises Intentions 21 ter rue
Voltaire 75011 paris, à l'ordre de "LES"

lundi 9 avril 2012

La fin des illusions


Les fins de mois sont déjà difficiles à boucler, et voilà qu’on nous promet de tous côtés une nouvelle cure d’austérité à ingurgiter en se pinçant le nez, et surtout sans broncher. En somme, un mal nécessaire pour sauver de la tempête cette foutue galère dans laquelle nous ramons depuis trop longtemps.

Dans ce monde à l’envers, le problème ne serait pas qu’un petit nombre s’enrichisse sur le dos des autres, mais de ne pas se résigner aux miettes qu’on nous octroie. Ce ne serait pas la marchandisation de tout et de tous, mais que certains passent à la caisse sans payer. Ce ne serait pas le règne de la politique, mais que des révoltés luttent pour une société sans gouvernants ni gouvernés, sans maîtres ni esclaves.

Dans ce monde à l’envers, l’inacceptable ne serait pas de saturer la terre de poisons industriels et nucléaires, de bombarder très démocratiquement des populations entières, de tuer et mutiler des milliards d’êtres humains au turbin. Ce serait de vouloir briser la routine de l’exploitation et de la domination, pour enfin commencer à expérimenter un monde fait de liberté et de réciprocité.

Car face à nous, chaque fois qu’on ne courbe pas assez la tête, il y a la matraque et ses souteneurs pour tenter de nous faire rentrer dans le rang. Face à nous, les uniformes occupent militairement les quartiers, mènent la traque avec fichiers et caméras de surveillance, multiplient contrôles et tabassages.
Alors, qui n’a jamais pensé à leur rendre coup pour coup, qui n’a jamais caressé le désir d’en finir avec les chiens qui gardent l’ordre et les privilèges des puissants ?

Face à nous, quand on refuse de crever bien sagement à petit feu, l’Etat brandit sans cesse la menace de la prison. Incarcérés parce qu’on a pas respecté la sacro-sainte propriété, enfermés parce que dépourvus du petit bout de papier adéquat, embastillés pour avoir craché notre rage à la gueule de l’autorité.
Alors, qui n’a jamais rêvé que les taules soient rasées ? L’attaque de comicos ou de prisons ne fait-elle pas partie des réjouissances lorsqu’éclatent des soulèvements, ici ou ailleurs, comme l’an dernier en Tunisie ?

Du 14 au 22 mai 2012, six camarades passeront en procès à Paris sous l’accusation d’association de malfaiteurs à finalité terroriste. Les faits concernent la tentative d’incendie d’un véhicule de keufs en 2007 pendant la dernière mascarade présidentielle, et un sabotage de la circulation des trains lors du mouvement anti-CPE en 2006. Ils sont également accusés de fabrication de fumigènes artisanaux et crève-pneus destinés à une manifestation devant la prison pour étrangers de Vincennes en 2008, ou encore d’avoir eu entre leurs mains des manuels de sabotage, du chlorate et des plans originaux de la prison pour mineurs de Porcheville (Yvelines).

Un abîme sépare ceux qui s’insurgent pour se libérer, et ceux qui frappent dans le tas pour défendre, consolider ou conquérir le pouvoir, c’est-à-dire l’Etat, les patrons et leurs concurrents.
Alors, parce que la liberté est le crime qui contient tous les autres, que chacun exprime sa solidarité de la manière la plus adéquate.

Contre le terrorisme d’Etat,
Que crève le meilleur des mondes !

Des mutiné-e-s de la prison sociale


Source : Indy Nantes et La base de données anarchistes.

dimanche 8 avril 2012

Recit de la manifestation contre les expulsions du 17 Mars [Paris]

[nous republions ce récit de la manifestation du 17 mars et quelques images, dans l'espoir que les volontés et perspectives autonomes portées à cette occasion ne restent pas lettre morte, et que cette première initiative ne soit pas la dernière, tant ses cris (grève des loyers, abolition de la propriété, etc...) expriment la nécessité d'un mouvement autonome de mal logés, squatteur/euse-s, etc... contre la propriété privée et pour la gratuité des logements en particulier et de la vie en général]

Ce texte est un simple récit. Il ne prétend pas être parfait ni retranscrire l’ensemble des évènements ni leur exactitude. C’est un point de vue et les impressions du moment pour ceux et celles qui n’y étaient pas. Commentaires, photos et vidéos (visages floutés) bienvenues !

Arrivée à Alexandre Dumas à 13h10, une petite foule s’est déjà amassée sur le trottoir à gauche de la bouche de métro. Les gens se regardent et se saluent, commencent à discuter. Un camarade dit l’air un peu dégouté "Ah... ya pas énormément de monde". Un autre lui répond ironiquement "Patience, c’est pas le premier mai". Il y a un peu moins de 200 personnes.

On fignole les préparatifs. Des gens ont ramené des autocollants couleurs sur plusieurs thèmes (squat/logement, mais aussi prisons, révoltes, grève, liberté de circulation et frontières, nucléaire, etc) et des fumigènes.

Les banderoles sont hissées sur des manches en bois et le cortège qui a déjà bien grossi commence à se mettre en branle sur le boulevard de charonne.

On lit en vrac sur les banderoles : sur celle de tête "Un logement pour tous" et je ne sais plus quoi, une autre immense au milieu « la restructuration urbaine : c’est la chasse aux pauvres », une autre en blanc sur noir "si tu veux être heureux, pends ton propriétaire", une autre en français et en arabe "ni gauche, ni droite : liberté !", et une en noir sur fond rouge "Contre toutes les expulsions : grève des loyers - occupations - autodéfense. Abolition de la propriété privée !" avec des illustrations. Il y a maintenant autour de 450 personnes environ. La manif qui part vers 13h30 fait le tour du quartier.

L’ambiance est bien chaude, la batucada qui est lancée fait son petit effet, quoi qu’on en dise. Une petite camionnette recouverte d’affiches crache par le son de sa sono quelques slogans et notamment "les maisons sont vides : occupation ! les loyers sont trop chers : occupation !" reprise en coeur et à quoi la manif répond "grève, grève, grève des loyers ! crève, crève, crève les huissiers !" tout au long du parcours. On remonte la rue d’avron en direction du périph’ et les gens dans la rue sont et aux fenêtres sont souvent contants. La manif a encore grossie rejoint par quelques retardataires et passant-e-s aquis-e-s à l’ambiance.

D’autres slogans assez sympatiques et offensifs fusent : "j’y suis, j’y reste : on ne m’expulsera pas !", "explusion = baston, nouvelle occupation !", "des beaux quartiers, mais sans policiers" ou encore "des maisons, pas des prisons".

Contre toute attente, les flics se font discrets quoi que présents (quelques civils qui se baladent dont un coupé citroene C5 couleur beige sombre / mativoire, en queue de manif, des flics à vélo qui se font plus ou moins refoulés en tentant de passer dans la manif à un moment, et enfin la bagnole et les motos-crottes en tête mais sans accrochage et les gens restent alertent et réactifs. Sur tout le parcours, plusieurs tags sont posés avec ou sans pochoirs sur les agences immobilières, les promoteurs (bouygues, etc...) ou encore les banques tels que "le capitalisme fait crever les peuples : crevons le capitalisme" ou encore " contre les expulsions et le marché de l’immobilier : squattons !". Des affiches sont aussi systématiquement collées sur les profiteurs de misère sus-cités. Une notamment qui dit " Spéculation immobilière, rénovation urbaine, gentrification : squat, réappropriation, grève des loyers. Ne laissons pas le quartier aux riches". Tout le long de la manif, des pétards éclatent.

Une banderole immense en solidarité avec les inculpé-e-s de l’affaire dite de la « dépanneuse » en "anti-terroriste" (Inès, Javier, Damien, Ivan, Bruno et Franck) a été préalablement attachée sur un pont au dessus de la rue d’avron par des petites mains agiles : « Justice, Police, Guerre, Le terroriste c’est l’Etat. Propageons la révolte et nos mauvaises intentions »

La manif arrive enfin au rond point de la porte de montreuil et plusieurs pétards sont jetés. On danse, on crie, on chante les slogans à tue-tête. Un camarade lâche "on est plus nombreux que la manif du DAL" et surtout quelle ambiance. Malgré un certain "calme", ça nous change des manifs de soc-dems. Un gros tag "Plutôt squatteurs que procureurs" est posé sur un mur.

On passe le périph’ et une camarade à la sono prévient "on arrive à montreuil", les slogans et la manif sont bien accueillis rue de paris, un autre slogan presque dérisoire fuse pendant quelques secondes "contre la vie chère, et le chômage : grève, pillage, et sabotage" et encore "grève des loyers" et les autres qui sont repris en boucle. Plusieurs passant-e-s applaudissent et sourient ou commencent à danser sur le rythme de la batucada et suivent. Après un "gauche, droite, même arnaque" un mec s’énerve depuis la terrasse d’un café et crie "non la gauche c’est bien et la droite c’est nul" (sic). Et la manif continue. Arrivée à croix de chavaux

Plusieurs tracts sont distribués. On en retiendra un pour l’anecdote, appelé « les 3 petits cochons » et qui n’est ni plus ni moins que la gentrification et les expulsions locatives (et quelques moyens d’y remédier) expliqués aux enfants (petits et grands) avec des loups flics et des maisons en carton. Et un autre "petites chroniques bellevilloises" avec des brèves sur le quartier du 20e arrondissement. Ou encore évidemment celui de la manif.

Les banderoles sont alignées une dernière fois sur la place de la croix de chavaux dont une contre Hochard (le chef de l’A.S.V.P, la milice montreuilloise qui expulse -entre autre-) aux sons de "squattons ! squattons : ça fait une occupation" et de quelques slogans chantés en occupant la rue pendant une petite demi-heure. La pluie a finalement sonné l’ordre de dispersion que personne n’aurait jamais donné.

Au vu du monde et de l’ambiance de la manif, on se dit que l’auto-organisation finit par payer. En effet : vivement la prochaine... et qui sait, avec plus de monde encore. Car en attendant les expulsions "reprennent" et continuent.

Contre la restructuration urbaine, la gentrification et toutes les expulsions : squats et nouvelles occupations ! Vive la grève des loyers ! Abolition de la propriété privée !

Source : La base de données anarchiste, depuis Indy Paris, lundi 19 mars 2012 [+ rectif de quelques erreurs sur des slogans].