mardi 20 décembre 2011

Contre le chomâge... et contre le travail !

Après avoir récemment perdu mon travail, je suis rentré dans le rang de ce qu’on appelle communément les chomeurs et précaires. Je n’ai pas envie d’écrire un texte théorique contre le travail ou des textes intellos conceptuels. Je me limiterai à ce long billet d’humeur et de quelques réflexions.

Ce titre d’article résume à peu près tout ce que je pense concernant la problématique du chômage et du travail.

En gros : ni l’un, ni l’autre, non merci.

Pour l’expliquer, je commencerai par une anecdote : pas plus tard qu’il y a quelques jours, j’allais à une manifestation "contre le chomage". Et là, le mégaphone de la CGT retentit. Plusieurs trucs assez insupportables et un notamment deux phrases qui me frappent comme un courrier de "trop perçu de la C.A.F en votre faveur". Le mec se lance dans une diatribe sur les patrons et les capitalistes (jusqu’ici, tout va bien) en expliquant que "ces gens là, qui ne travaillent pas sont des parasites, et que le travail, c’est ça la dignité dans la vie" puis nous explique que "les chomeurs doivent lutter pour un travail et un salaire décents" (il a l’air de savoir de quoi il parle).

La première escroquerie consiste à prétendre que la division de classe ne repose que sur le travail. Ce qui est faux, et les chomeurs et chomeuses en sont la preuve vivante. Non seulement il y a des pauvres qui ne travaillent pas (et survivent tant bien que mal, la fameuse "armée de réserve du capital") mais il y a des patrons, des propriétaires et des capitalistes qui travaillent. Même si du point de vue strictement "ouvriériste" ou travailliste, ils ne produisent rien ou pas grand chose, la plupart des cadres de la société d’exploitation dans laquelle nous vivons travaillent effectivement. Dans des bureaux, dans des bourses, en supervisant des chantiers, en faisant des réunions, en se déplaçant, en faisant leurs calculs, en faisant de la politique, etc, bref à des postes de gestionnaires la plupart du temps et généralement moins manuels, mais du travail quand même. En fait, c’est une minorité de rentiers qui ne travaillent pas du tout. La plupart des capitalistes d’aujourd’hui travaillent. Certains sont même salariés (il y a des patrons salariés par les actionnaires ou grands patrons, et qui ne sont donc pas complètement propriétaires, ou seulement d’une partie) même si ils ont des salaires gras et ne foutent pas grand chose, etc. Bref, si la plupart des pauvres travaillent dur pour gagner juste de quoi survivre ou un tout petit peu plus, ça ne veut pas dire que tout repose sur la seule problématique "salarié-e-s/patrons" (même si ça reste une problématique importante).

C’est bien sur le pouvoir décisionnel, la propriété privée (qu’elle soit "libéralisée" ou d’Etat) et les moyens de la défendre qui sanctionnent aussi la constitution d’une classe dominante. Si il y a bien un secteur dans la société où il n’est jamais question de "démocratie" ou de liberté (même "pour de faux"), c’est bien celui du travail. De l’entreprise. Du salariat, bref de l’économie. L’économie est privation par définition. Elle partage celà avec la prison. Tourner un film documentaire dans le monde de l’entreprise est au moins aussi improbable que de filmer le quotidien d’une prison. L’économie est l’antithèse de la décision raisonnée et prise collectivement. Pour celui ou celle qui n’a que sa force de travail à vendre, à aucun moment il n’est question de choix sur l’organisation du travail.

Ensuite, je suis peut être pas très vieux, mais je sais pas ce que c’est qu’un "travail décent" ou un "salaire décent". Jusqu’ici même quand presque tout le monde était contant autour de moi dans son boulot (ou plutôt feignait d’y être contant, comme on fait tous ou presque en général hors période de grève, de gros ras le bol ou de pétage de plombs) je ne l’étais pas et n’ai jamais su "faire semblant" bien longtemps. Je n’ai jamais gardé un boulot plus de 6 mois (licenciement économique, "plan social" ou non-renouvelement de C.D.D) et ayant laissé tombé les études sans diplôme, j’ai du dire adieu à la bourse et j’ai depuis enchainé les boulots qui passaient. Je n’ai jamais aimé le travail. Même si j’ai ressenti (comme la plupart des gens j’imagine) très tôt la nécessité de bosser (au départ pour arrondir les fins de mois pendant les études, combler les découverts, ou mettre de l’argent de coté) à certains moments et ai tenté de trouver des tafs qui me "plaisaient" ou plus supportables, je n’ai jamais rien trouvé qui ne soit pas épuisant au final et mieux payé que le S.M.I.C. Les planques existent, j’y ai évidemment pensé, et je finirai sans doutes par le faire, mais je sais que je me lasserai vite. En fait, qu’il s’agisse de travail "salarié" ou de travail à l’école, je n’ai jamais aimé le travail. Ce n’est ni l’effort, ni le fait de faire des choses avec d’autres gens qui me dérange, bien au contraire, mais ce qui fait la base du travail dans nos sociétés : la contrainte, et le fait d’être instrumentalisé, utilisé. De me sentir étranger à moi même, en un mot : aliéné. La base de l’exploitation capitaliste, ce n’est pas une question de propriété privée libérale ou d’Etat, ni seulement une question de rapport salarié (employeur/employé-e), mais aussi et surtout un rapport coercitif, de contrainte. On ne travaille ni parce qu’on le désire, ni parce qu’on aime ce qu’on fait, ni parce qu’on en a envie, ni parce que ça nous est vraiment utile (ce qu’on produit, ce qu’on fabrique, qu’on fait, dit ou vend, etc...) mais parce qu’il le faut. Parce que "c’est comme ça".

Voilà la seule raison d’être du travail en tant qu’aliénation et contrainte : c’est comme ça. La raison d’être du travail dans nos société : c’est la prison. Si on pousse le raisonnement un tout petit peu plus loin, on comprend vite à quoi servent les flics et les tribunaux. Si ils n’étaient pas là : qui obligeraient les gens à travailler et fermer leur gueule au juste ? Certainement pas la C.G.T et son S.O. Pendant cette même manif, je dis à un copain à coté de moi que je trouve ridicule et insultant de rabacher à des chomeurs qu’il leur faut un "travail décent" et que c’est "ça le sens de leur lutte" et même de leur vie donc, et en fait. A près tout, quelle différence de fond ça fait avec le discours de Pôle Emploi ? "Ta lutte, gamin, c’est de trouver un boulot, et de le garder, le reste, c’est de la littérature". En somme : aucune différence, sinon sur les détails. Le copain me répond que "c’est ça que veulent la plupart des chomeurs". Genre, un boulot. Je ne lui en veux pas personnellement de me dire ça. Il ne fait que reproduire le discours dominant sur le sujet. En quoi le fait que la plupart des chomeurs "demandent" du travail constitue une preuve à quoi que ce soit ? Moi aussi je suis inscrit comme demandeur d’emploi, moi aussi je serai encore amené à écrire des C.Vs et faire des entretiens d’embauche. Est-ce que ça m’empêche de détester le travail ? Est-ce que c’est ça que je veux vraiment ? Bien sur que non. Mais la question se pose quand même : il est qui pour dire ça ? Moi je suis chômeur. Et je n’ai pas envie de travailler. Même si j’y serai encore contraint, ou que je m’y résoudrais et espère que ça ne sera pas trop dur et bien payé : ce n’est pas ça que je désire vraiment dans ma vie. Je ne rêve pas "d’un salaire décent" avant de m’endormir. Je veux être libre et ne produire que ce dont j’ai besoin. D’ici là, je veux avoir de quoi bouffer et vivre "dignement" comme on dit, et bien sur m’amuser et jouir de la vie. Pas bosser. Non. Certainement pas. Et si je le fais quand même, ce sera parce que j’y suis contraint. Parce que j’ai trop désespérément besoin de cet argent qui est nécessaire à ma survie. Même si je fais un boulot qui me plait. Pour autant : est-ce que j’ai envie d’en faire ma seule revendication politique ? Même à court terme ? C’est hors de question.

Ce discours sur "les chômeurs qui ne demandent qu’à travailler" est un discours esclavagiste, qui ne conçoit pas les chômeurs ou chômeuses comme des êtres humains avec des désires propres, des problèmes, des intérêts de classe et même des contradictions et des antagonismes, mais comme des robots prêts à l’emploi. Des humains-machines. C’est cet individu qui n’est plus autre chose qu’un travailleur, qui dans une société qui repose sur le travail, n’a plus de sens à sa vie sans son emploi, cet humain désespérément moderne que décrit Hannah Arendt dans "La condition de l’homme moderne". Ce discours relayé jusque dans les syndicats et les organisations de gauche n’est que le pendant du discours libéral : c’est toujours le discours du pouvoir. D’un coté la droite dit "le chomage est un problème individuel, une question de choix et de volonté", et de l’autre la gauche dit "c’est un problème strictement collectif, avec des raisons économiques déterminées. Les gens ne demandent qu’à travailler". Pourtant, les deux contiennent une part de vérité, mais les deux sont absolument faux énoncés tels quels. Dans les deux cas, le travail comme valeur sociale fondamentale n’est pas remis en cause, et reste présenté comme le sens même de la vie ou plutôt de l’existence. Mais dans quel but ?

En même temps, si "les gens ne demandent qu’à travailler" pourquoi il y a tant de fraude aux allocs ? Pourquoi les gens ratent leurs RDV du pôle emploi délibérément ? Pourquoi les gens font grève ? Pourquoi il y a temps d’absentéisme au travail ? Etc, etc.

"Le caractère étranger du travail apparaît nettement dans le fait que, dès qu’il n’existe pas de contrainte physique ou autre, le travail est fui comme la peste. [Pourquoi ?] Parce que le travail dans lequel l’individu s’aliène, est un travail de sacrifice de soi, de mortification" Et ce n’est pas moi qui le dit. C’est le jeune Marx dans ses manuscrits de 1844.

De tout temps des résistances au travail et contre le travail ont existé. Et le travail a toujours été fuit comme la peste. Parce que le travail n’est pas la base de la vie. Ce n’est pas vrai. C’est encore plus faux dans la société dans laquelle nous vivons et selon ce qu’on met derrière ce mot. Il ne peut pas être utilisé aujourd’hui comme ne représentant que "l’ensemble de l’activité productive humaine". Parce qu’utiliser le terme "travail" de manière strictement positive c’est assimiler le fait de créer, de réaliser et de produire entre producteurs librement associés à n’importe quelle forme d’esclavage salarié, de tortures, d’abrutissements, de mutilations et d’aliénations. C’est mélanger les deux dans un terme flou qui masque l’oppression dans un signifié implicite qui voudrait seulement dire "faire un truc". C’est faire comme si depuis plus de 200 ans, ce terme n’était pas utilisé pour décrire l’humiliation et la contrainte quotidienne que représente l’obligation de se vendre pour gagner le droit de survivre. D’autant plus que 131 ans après l’écriture du "Droit à la paresse", où Paul Lafargue (en 1880) expliquait déjà que 3h par jour de travail seraient amplement suffisant à satisfaire les besoins vitaux de la société pour chaque individu (si on supprimait la plus-value et donc la propriété privée et le capitalisme), il est d’autant plus vrai aujourd’hui que le niveau atteint par la technique rend quasiment le travail humain virtuellement obsolète. Ce n’est pas un hasard si la classe dominante partout dans le monde vente les louanges du travail en tant que "valeur sociale". La nécessité historique du travail forcé en tant qu’activité humaine touche à sa fin. Ou plutôt n’en finit plus de toucher à sa fin. Même la gauche et l’extrême gauche ont abandonné depuis longtemps leur identité "progressiste" dans cette stratégie qui voulait qu’à travers la réduction du temps de travail on en arrive à supprimer l’exploitation salariée. Elle en est même, au contraire, aujourd’hui à vanter la "création d’emploi". Et on justifie la nécessité du travail en inventant des emplois au nom de l’écologie, de la construction d’autoroute, dans une usine de pneu ou pour faire du street marketing au moment même où pour la première fois dans l’histoire de l’humanité se profile la possibilité d’abolir le travail en tant que corvée et activité séparée de la vie.

Vous ne savez pas quoi faire de votre vie ? Ne vous inquiétez pas, le gouvernement va vous créer un emploi ! Des milliers d’années de philosophie retournées comme un gant de bain sale. La question n’est plus "qui suis-je ? Où vais-je ?" mais "à quoi vais-je servir ?" ou plutôt "qui vais-je servir ?". L’utilitarisme capitaliste touche ici à ce qu’il a de plus absurde.

La condition de chômeur est ce bug dans la "matrice" de l’idéologie dominante : il veut forcement travailler, ou alors c’est un feignant et un parasite. Dans tout les cas, c’est un être triste et servile. Sans désir et forcément malheureux (au moins jusqu’à l’entretiens d’embauche concluant).

Et peut être qu’elle commence là, la lutte "contre le chômage" des chômeurs et précaires : par rejeter cette classification biaisée, rejeter la culpabilisation qui va avec, oser s’imaginer heureux sans travail (même temporairement), et s’organiser en conséquence.

Non pas juste "pour demander du travail et un salaire décents" ou un "salaire social garanti" (par qui ? par l'Etat ? dirigé par qui ?), mais, avec les salarié-e-s, avec tout-e-s les autres exploité-e-s, pour lutter contre l’aliénation du travail et le système du salariat. Lutter contre la propriété privée en l’attaquant en son coeur : en refusant de payer partout où c’est possible. En organisant l’entraide localement, sabotant ainsi l’intégration forcée au travail et à tout le système d’exploitation capitaliste. Faire en sorte que "ne pas avoir de travail" ou "perdre son boulot" ne soit plus une fatalité qui conduit immédiatement à courir après le suivant ou à se culpabiliser. Multiplier les bouffes de quartier, les cantines collectives et les espaces communautaires et activités gratuites, les lieux d’échanges gratuits, les permanences d’informations pratiques, collectiviser les allocations et autres prestations sociales, organiser des auto-réductions, s’organiser pour empêcher les expulsions locatives, ouvrir des lieux d’habitations, des squats, des centres sociaux autogérés, créer des co-opératives agricoles ou autres pour permettre à ceux et celles qui le désirent de produire pour survivre (mais sans hiérarchie, sans patrons), même si ce ne sont que des solutions temporaires, tout en continuant de lutter pour précipiter la chute de ce monde.

Tout ce qui peut renforcer l’autonomie individuelle et collective, sans aller dans le sens d’un projet "alternativiste", mais dans une perspective clairement révolutionnaire ou insurrectionnelle, ne peut que nous rendre plus forts et plus fortes et accélérer l’histoire. Moins nous sommes affairé-e-s à survivre dans nos petites bulles individuelles ou notre petit milieux, et plus nous avons de temps pour faire autre chose. Pour vivre, pour lutter, etc. Toutes ces propositions sembleront cruellement routinières à certaines personnes qui crieront au déjà-vu, et pourtant si peu appliquées. Elles ne suffisent évidement pas, mais sont des pistes lancées. Une chose est sure : à moi, ça me parle plus qu’une manif balisée par les syndicats-poubelles et pacifiée par les flics pour demander un boulot de merde payé des miettes.

Contre le chômage, et contre le travail, ses profiteurs et ses idéologues :

Détruire le salariat, depuis l’intérieur... ou l’extérieur.

Un ennemi débonnaire du travail et de l’Etat.

vendredi 9 décembre 2011

"Une question de classe" - Alfredo Bonanno

Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, la classe n'est pas un concept marxiste.

Bien que nous rejetions les allégations marxistes sur le rôle historique de la classe ouvrière industrielle comme supérieure à tous les autres exploités, il est évident que la société est encore divisée en classes antagonistes.


Les termes de cette division se transforment avec la restructuration du capital.
Il est important de reconnaître celà afin d'adresser nos attaques vers les bonnes cibles dans la lutte.

Beaucoup d'anarchistes croient que l'idée de «classe» est un concept marxiste, et par conséquent ne s'y intéressent pas, et essaient de travailler sur d'autres manières de comptabiliser les divisions sociales.

Mais ces divisions existent clairement. Les conflits et la souffrance dominent la réalité moderne. Les masses qui soutiennent les profiteurs, et même leurs laquais survivent avec peine.

Il est donc nécessaire de tracer les contours des groupes sociaux où des individus partagent la même situation économique, politique, culturelle et sociale; peu importe la difficulté que cela représente.

Il est vrai que le terme «classe» a été dominé par la mystification marxiste pendant les quarante dernières années. Et ce n'est pas tant dans l'identification que Marx fait des classes, que par son affirmation selon laquelle la classe ouvrière industrielle est historiquement destinée à entraîner non seulement sa propre libération, mais aussi celle de l'ensemble de l'humanité, à travers la direction du parti qui prétend la représenter.

Tout anarchiste peut voir ici combien cette notion de classe est absurde et erronée. Mais nous devons nous rappeler que celà n'a pas tant à voir avec le concept de classe, qu'avec le rôle déterministe et messianique qui a été imposé à la classe ouvrière industrielle.

Nous pensons que le concept de classe est non seulement valable, mais nécessaire. Il est un instrument pour nous guider à travers le flux des divers aspects de la réalité sociale. Mais que nous ne sommes pas intéressés par les revendications mythiques sur le destin de la classe ouvrière industrielle.

Une chose que nous pouvons dire avec certitude est que les structures productives qui définissaient les divisions de classe dans le passé récent sont aujourd'hui en profonde mutation. Ce qui est également certain, c'est que bien que différent à bien des égards, un conflit tout aussi amer se reproduit aujourd'hui. Le problème est de voir comment cela se passe. A quoi faisons-nous face aujourd'hui ? Qu'est-ce qui marque la frontière entre la partie dominante de l'humanité et le reste?

Cette question est si importante qu'elle met la nécessité d'étudier les strates intermédiaires en deuxième place à l'heure actuelle. De tout aussi peu d'importance - pour le moment - est la nécessité d'envisager une répartition en trois classes ou plus. Ce qui nous intéresse aujourd'hui est la disparition progressive des divisions de classe traditionnelles et l'émergence d'une nouvelle. Il est clair qu'un tel argument a besoin de plus d'espace que ne nous pouvons lui en consacrer ici, mais nous ferons de notre mieux.

La division de classe était jadis basée sur l'idée d'un «manque».
Il y avait quelque chose qui était considéré comme le «bien commun» qui a été divisée en deux parties inégales.
La classe au pouvoir a pris possession de la plus grande partie de ce bien (communément connu comme la richesse), et de ce profit injuste a tiré les moyens de poursuivre l'exploitation et la domination. Ce sont, en premier lieu, les moyens culturels et idéologiques sur lesquels une échelle de valeurs a été fondée et qui condamnait la masse expropriée à ce qui semblait une situation irréversible.

En fait, les profondes contradictions au sein du système lui-même produisent des effets aussi radicaux en son sein que la lutte contre ses propres de domination. De récurrents problèmes sociaux ont été résolus par l'amélioration des conditions de travail.

La situation est devenu si insupportable pour le capital qu'il a dû renforcer ses structures, en augmentant la collaboration entre les États : mais c'est la technologie de pointe qui a eu un impact décisif en rendant la restructuration de la production possible.

Nous nous dirigeons maintenant vers une situation radicalement différente. La question du «manque» est de plus en plus floue, tandis que la question de la «possession» se dessine. La différence de classe n'est plus seulement créée par le fait que quelqu'un ne possède pas "autant" que l'autre, mais par le fait - unique dans l'histoire de l'humanité - qu'une partie possède «quelque chose» que l'autre n'a pas.

Pour mieux comprendre cela, nous devons nous rappeler que dans le passé la classe des exploité-e-s a toujours "possédé" quelque chose, même si ce n'était seulement que leur «force de travail», c'est à dire leur capacité à produire. Ils et elles ont toujours été obligé-e-s de la vendre, c'est vrai, et souvent à un prix très bas, mais l'autre côté en avait toujours besoin.
La négociation pouvait même atteindre ce point où ces malheureux vendeurs de leur force de travail n'arrivaient plus à joindre les deux bouts, mais personne ne pouvait nier que la classe ouvrière avait une «possession» qui faisait partie de la même échelle de valeurs que celle de la classe dominante. Dans le passé, les exploiteurs et les exploité-e-s se faisaient face (également au sein de la gamme considérable de stratifications de classes) sur la base d'une «possession» qui a été commune aux deux, mais leur appartenait de manière inégale. Maintenant un côté possède quelque chose que l'autre n'a pas, et n'aura jamais.

Cette «chose», c'est la technologie : la gestion technologique de la domination, la construction d'une «langage» exclusif appartenant à une classe «d'inclus». La classe dominante s'entoure aujourd'hui d'une muraille qui est beaucoup plus élevée que celle d'autrefois, qui consistait en la richesse matérielle et était défendu par des gardes du corps et des coffres-forts. Ce mur sera toujours une séparation radicale, aussi nette qu'incompréhensible - à court terme - pour ceux et celles qui ne se trouvent pas dans le processus d'inclusion. Le reste, les «exclus», deviennent une classe de "bénéficiaires" externes, capables d'utiliser seulement la technologie de manière secondaire et parfaitement instrumentale au projet de domination.

La partie des "exclu-e-s" de l'humanité n'est pas encore en mesure, au moins pour un temps très long à venir, de réaliser ce qui lui a été volé, parce que c'est une production qui n'appartient plus à la même échelle de valeurs. En construisant cette nouvelle séparation, la dernière espère-t-elle, la classe dominante a également construit un nouveau code moral qui n'appartient plus à la même échelle de valeurs, une sorte de code moral qu'elle n'a plus l'intention de partager avec les autres, avec ceux et celles qui appartiennent au monde des exclu-e-s. Autrefois, le principe du talon d'Achille était précisément ce code moral. Il était utile de plusieurs façons en vue d'assurer un meilleur contrôle, mais il a souvent abouti à ce que les exploiteurs sentent le souffle chaud de leurs partisans sur leurs cous.

Ainsi, cette nouvelle situation qui est sur le point de s'achever est la construction de nouvelles structures de classes, et non l'abolition du concept de classe. Ce n'est pas une question de terminologie, mais une nécessité opérationnelle. A l'heure actuelle, les concepts de classe et ceux relatifs aux «conflits de classe» semblent tout à fait adéquates pour indiquer les processus de la structuration sociale et comment celle-ci fonctionne. De la même manière, il est toujours possible d'utiliser le concept de «conscience de classe
» face à la difficulté croissante que les «exclus» ont à considérer leur propre condition d'exclusion.

Chaque stratégie révolutionnaire que nous pouvons imaginer pour la résistance contre le processus de restructuration en cours devrait garder à l'esprit les modifications qui sont en cours et, dans certaines limites, la stratification au sein des classes elles-mêmes. Peut-être dans cette phase précoce les marges de la classe incluse (l'ennemi de classe) ne sont pas faciles à définir. Nous aurons donc à adresser nos attaques vers des objectifs qui sont les plus évidents. Mais ce n'est qu'une question de documentation et d'analyse.

Ce qui est plus important à ce stade est de montrer que les discussions sur la terminologie ne vont pas résoudre le problème qui consiste à trouver l'ennemi et à le démasquer. Un acharnement à ce sujet masque simplement une incapacité à agir.

Notes: D'abord publié en anglais dans le numéro 5 du journal "Insurrection", en 1988.
Source: Récupéré le 7 avril 2011 à partir de http://pantagruel-provocazione.blogspot.com/2010/07/question-of-class.html

Traduit de l'anglais par Le Cri Du Dodo.Lien

lundi 5 décembre 2011

Le Rémouleur [programme de Décembre 2011]

Les nouveaux horaires d’ouverture du local :
le lundi de 16h30 à 19h30, le mercredi de 16h30 à 19h30 et le samedi de 14h à 18h.
L’entrée reste libre et gratuite, comme d’hab !

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Le Rémouleur
106 rue Victor Hugo
93170 Bagnolet
(M° Robespierre ou M° Gallieni)

leremouleur ((A)) riseup . net
S’inscrire à la lettre d’info du local : https://lists.riseup.net/www/subscribe/leremouleur/

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Projection du film “L’Argent de la vieille” (Lo scopone scientifico)
de Luigi Comencini, Italie 1972.
dimanche 4 décembre à 18 heures
Chaque année, une vieille milliardaire américaine vient habiter une villa à proximité d’un bidonville à Rome. Fanatique du “Scopone Scientifico”, un jeu de cartes, elle entreprend de longues parties avec Peppino et Antonia, habitants du bidonville, qui espèrent la plumer. Les autres habitants ont fait de ces derniers leurs champions dans une lutte qu’ils considèrent comme une revanche sociale.
Les règles semblent être les mêmes pour tous. Mais en les acceptant, le prolétariat accepte son échec...

Soirée “guerre d’Espagne, 1936” samedi 10 décembre à 18 heures

Présentation du livre « Cipriano Mera Sanz, 1897- 1975, De la guerre à l’exil » de Clément Magnier suivi du film « Land and Freedom » de Ken Loach Présentation d’une biographie inédite de Cipriano Mera, figure emblématique, mais peu connue, du prolétariat révolutionnaire de Madrid : ce maçon devient pendant la guerre civile espagnole général de l’armée populaire.
A travers le personnage de Mera, antimilitariste convaincu qui en 36 prône la militarisation des milices, ce livre pose clairement la question de la prise des armes dans une révolution. Il met en lumière le rôle du Parti Communiste tout au long de cette guerre et contredit le schéma réducteur d’un combat opposant fascisme et démocratie.
Ces questions se retrouvent, avec un autre point de vue, dans le film « Land and Freedom », (1994, 1H49) qui, à sa sortie, a secoué l’Espagne contemporaine.

Discussion autour des émeutes et pillages
en Grande-Bretagne au mois d’aout dernier
lundi 12 décembre à 19 heures 30
Retour sur les émeutes qui ont secoué la Grande- Bretagne du 6 au 10 août 2011. Des dizaines de milliers d’habitants des quartiers pauvres se sont soulevés contre leurs conditions d’existence toujours plus difficiles, crise et austérité aidant... Ils sont allés se servir directement dans les magasins sans s’embarrasser de revendications...
Soirée débat pour la sortie de Sic n°1, une revue internationale consacrée à la communisation. dimanche 18 décembre à 18 heures

Sic est la rencontre de divers groupes français, anglais, grecs et suédois et d’individus qui se retrouvent dans la problématique de la communisation. Sic est la continuation de Meeting sur une base réellement internationale.
“ La révolution est communisation... On n’abolit pas le capital pour le communisme mais par le communisme, plus précisément par sa production. “

Projection de Land of the dead, 2005. samedi 31 décembre à 18 heures

Dans ce film entre science-fiction post apocalyptique et film de zombies, Romero nous montre dans un futur proche un monde divisé entre humains et morts-vivants, mais où les morts vivants sont la majorité. Les humains eux, séparés entre ploutocrates cyniques, milices surarmées et prolétariat toujours exploité, survivent dans une cité fortifiée. Mais pendant ce temps les morts-vivants s’organisent...

Permanence “Sans papiers : s’organiser contre l’expulsion”
Tous les 1er samedi du mois,

lors des permanences vous pourrez discuter et rencontrer des personnes ayant participé à la brochure Sans papiers : S’organiser contre l’expulsion. Que faire en cas d’arrestation ?, disponible sur http://sanspapiers.internetdown.org (broLienchure en cours de réactualisation du fait de nouvelles lois sur l’immigration). Il s’agit d’un guide pratique et juridique, écrit à partir d’expériences de luttes de ces dernières années, pour s’organiser contre les expulsions :
> De l’arrestation à l’aéroport, connaître et utiliser les procédures juridiques pour tenter d’obtenir la libération des personnes interpellées.
> S’organiser collectivement pour mettre la pression sur la préfecture, les tribunaux, les consuls...

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