lundi 30 mai 2011

"Le Logement" - Pierre Kropotkine


[Ecrit dans une prose accessible, qui prenait déjà pour contexte la situation des exploité-e-s en france, le style de ce texte extrait de "La conquête du pain" a certes pris un coup de vieux, mais à l'heure des expulsions massives de logements, de squats, et de la gentrification des quartiers populaires, ses arguments sur la question du logement comme priorité révolutionnaire restent à plusieurs égards d'une criante actualité...]




I

Ceux qui suivent avec attention le mouvement des esprits chez les travailleurs ont dû remarquer qu'insensiblement l'accord s'établit sur une importante question, celle du logement. Il y a un fait certain : dans les grandes villes de France, et dans beaucoup de petites, les travailleurs arrivent peu à peu à la conclusion que les maisons habitées ne sont nullement la propriété de ceux que l'Etat reconnaît comme leurs propriétaires.

C'est une évolution qui s'accomplit dans les esprits, et on ne fera plus croire au peuple que le droit de propriété sur les maisons soit juste.

La maison n'a pas été bâtie par le propriétaire ; elle a été construite, décorée, tapissée par des centaines de travailleurs que la faim a poussé dans les chantiers, que le besoin de vivre a réduit à accepter un salaire rogné.

L'argent dépensé par le prétendu propriétaire n'était pas un produit de son propre travail. Il l'avait accumulé, comme toutes les richesses, en payant aux travailleurs les deux tiers, ou la moitié seulement, de ce qui leur était dû.

Enfin - et c'est surtout ici que l'énormité saute aux yeux - la maison doit sa valeur actuelle au profit que le propriétaire pourra en tirer. Or, ce, profit sera dû à cette circonstance que la maison est bâtie dans une ville pavée, éclairée au gaz, en communication régulière avec d'autres villes, et réunissant dans son sein des établissements d'industrie, de commerce, de science, d'art ; que cette ville est ornée de ponts, de quais, de monuments d'architecture, offrant à l'habitant mille conforts et mille agréments inconnus au village ; que vingt, trente générations ont travaillé à la rendre habitable, à l'assainir et l'embellir.

La valeur d'une maison dans certains quartiers de Paris est d'un million, non pas qu'elle contienne pour un million de travail dans ses murs ; mais parce qu'elle est à Paris ; parce que, depuis des siècles, les ouvriers, les artistes, les penseurs, les savants et les littérateurs ont contribué à faire de Paris ce qu'il est aujourd'hui : un centre industriel, commercial,. politique, artistique et scientifique. ; parce qu'il a un passé ; parce que ses rues sont connues, grâce à la littérature, en province comme à l'étranger ; parce qu'il est un produit du travail de dix-huit siècles, d'une cinquantaine de générations de toute la nation française.

Qui donc a le droit de s'approprier la plus intime partie de ce terrain ou le dernier des bâtiments, sans commettre une criante injustice ? Qui donc a le droit de vendre à qui que ce soit la moindre parcelle du patrimoine commun ?

Là-dessus, disons-nous, l'accord s'établit entre travailleurs. L'idée du logement gratuit s'est bien manifestée pendant le siège de Paris, lorsqu'on demandait la remise pure et simple des termes réclamés par les propriétaires. Elle s'est manifestée encore pendant la Commune de 1871, lorsque le Paris ouvrier attendait du Conseil de la Commune une décision virile sur l'abolition des loyers. Ce sera encore la première préoccupation du pauvre quand la Révolution aura éclaté.

En révolution ou non, il faut au travailleur un abri, un logement. Mais, si mauvais, si insalubre qu'il soit, il y a toujours un propriétaire qui peut vous en expulser. Il est vrai qu'en révolution le propriétaire ne trouvera pas d'huissier ou d'argousins pour jeter vos hardes dans la rue. Mais, qui sait si demain le nouveau gouvernement, tout révolutionnaire qu'il se prétende, ne reconstituera pas la force et ne lancera pas contre vous la meute policière ! On a bien vu la Commune proclamant la remise des termes dus jusqu'au 11, avril, - mais jusqu'au 1er avril seulement ! (1). Après quoi il aurait fallu payer, lors même que Paris était sens dessus dessous, que l'industrie chômait, et que le révolutionnaire n'avait pour toute ressource que ses trente sous !

Il faut cependant que le travailleur sache qu'en ne payant pas le propriétaire, il ne profite pas seulement d'une désorganisation du pouvoir. Il faut qu'il sache que la gratuité du logement est reconnue en principe et sanctionnée, pour ainsi dire, par l'assentiment populaire ; que le logement gratuit est un droit, proclamé hautement par le peuple.

Eh bien, allons-nous attendre que cette mesure, répondant si bien au sentiment de justice de tout honnête homme, soit prise par les socialistes qui se trouveraient mêlés aux bourgeois dans un gouvernement provisoire ? Nous attendrions longtemps, - jusqu'au retour de la réaction !

Voilà pourquoi, en refusant écharpe et képi - signes de commandement et d'asservissement, - en restant peuple parmi le peuple, les révolutionnaires sincères travailleront avec le peuple à ce que l'expropriation des maisons devienne un fait accompli. Ils travailleront à créer un courant d'idées dans cette direction ; ils travailleront à mettre ces idées en pratique, et quand elles seront mûries, le peuple procédera à l'expropriation des maisons, sans prêter l'oreille aux théories, qu'on ne manquera pas de lui lancer dans les jambes, sur les dédommagements à payer aux propriétaires, et autres billevesées.

Le jour où l'expropriation des maisons sera faite, l'exploité, le travailleur auront compris que des temps nouveaux sont arrivés, qu'ils ne resteront plus l'échine courbée devant les riches et les puissants, que l'Egalité s'est affirmée au grand jour, que la Révolution est un fait accompli et non un coup de théâtre comme on n'en a déjà vu que trop.


II


Si l'idée de l'expropriation devient populaire, la mise en exécution ne se heurtera nullement aux obstacles insurmontables dont on aime à nous menacer.

Certainement, les messieurs galonnés qui auront occupé les fauteuils vacants des ministères et de l'Hôtel de Ville ne manqueront pas d'accumuler les obstacles. Ils parleront d'accorder des indemnités aux propriétaires, de dresser des statistiques, d'élaborer de longs rapports, - si longs qu'ils pourraient durer jusqu'au moment où le peuple, écrasé par la misère du chômage ne voyant rien venir et perdant sa foi dans la Révolution, laisserait le champ libre aux réactionnaires, et finiraient par rendre l'expropriation bureaucratique odieuse à tout le monde.

En cela, il y a, en effet, un écueil sur lequel tout pourrait sombrer. Mais si le peuple ne se rend pas aux faux raisonnements dont on cherchera à l'éblouir ; s'il comprend qu'une vie nouvelle demande des procédés nouveaux, et s'il prend lui-même la besogne entre ses mains, - alors l'expropriation pourra se faire sans grandes difficultés.

- " Mais comment ? Comment pourrait-elle se faire ? " nous demandera-t-on. - Nous allons le dire, mais avec une réserve. Il nous répugne de tracer dans leurs moindres détails des plans d'expropriation. Nous savons d'avance que tout ce qu'un homme, ou un groupe, peuvent suggérer aujourd'hui sera dépassé par la vie humaine. Celle-ci, nous l'avons dit, fera mieux, et plus simplement que tout ce que l'on pourrait lui dicter d'avance.

Aussi, en esquissant la méthode suivant laquelle l'expropriation et la répartition des richesses expropriées pourraient se faire sans l'intervention du gouvernement, nous ne voulons que répondre à ceux qui déclarent la chose impossible. Mais nous tenons à rappeler que, d'aucune façon, nous ne prétendons préconiser telle ou telle manière de s'organiser. Ce qui nous importe, c'est de démontrer seulement que l'expropriation peut se faire par l'initiative populaire, et ne peut pas se faire autrement.

Il est à prévoir que dès les premiers actes d'expropriation, il surgira dans le quartier, la rue, le pâté de maisons, des groupes de citoyens de bonne volonté qui viendront offrir leurs services pour s'enquérir du nombre des appartements vides, des appartements encombrés par des familles nombreuses, des logements insalubres et des maisons qui, trop spacieuses pour leurs occupants, pourraient être occupées par ceux qui manquent d'air dans leurs bicoques. En quelques jours ces volontaires dresseront pour la rue, le quartier, des listes complètes de tous les appartements, salubres et insalubres, étroits et spacieux, des logements infects et des demeures somptueuses.

Librement ils se communiqueront leurs listes, et en peu de jours ils auront des statistiques complètes. La statistique mensongère peut se fabriquer dans des bureaux ; la statistique vraie, exacte, ne peut venir que de l'individu ; qu'en remontant du simple au composé.

Alors, sans rien attendre de personne, ces citoyens iront probablement trouver leurs camarades qui habitent des taudis et leur diront tout simplement " Cette fois-ci, camarades, c'est la révolution tout de bon. Venez ce soir à tel endroit. Tout le quartier y sera, on se répartira les appartements. Si vous ne tenez pas à votre masure, vous choisirez un des appartements de cinq pièces qui sont disponibles. Et lorsque vous aurez emménagé, ce sera affaire faite. Le peuple armé parlera à celui qui voudra venir vous en déloger ! "

- " Mais tout le monde voudra avoir un appartement de vingt pièces ! " - nous dira-t-on.

Eh bien non, ce n'est pas vrai ! Jamais le peuple n'a demandé à avoir la lune dans un seau. Au contraire, chaque fois que nous voyons des égaux ayant à réparer une injustice, nous sommes frappés du bon sens et du sentiment de justice dont la masse est animée. A-t-on jamais vu réclamer l'impossible ? A-t-on jamais vu le peuple de Paris se battre lorsqu'il allait chercher sa ration de pain ou de bois pendant les deux sièges ? - On faisait queue avec une résignation que les correspondants des journaux étrangers ne cessaient d'admirer ; et cependant on savait bien que les derniers venus passeraient la journée sans pain ni feu.

Certainement, il y a assez d'instincts égoïstes dans les individus isolés de nos sociétés. Nous le savons fort bien. Mais nous savons aussi que le meilleur moyen de réveiller et de nourrir ces instincts serait de confier la question des logements à un bureau quelconque. Alors, en effet, toutes les mauvaises passions se feraient jour. Ce serait à qui aurait une main puissante dans le bureau. La moindre inégalité ferait pousser des hauts cris ; le moindre avantage donné à quelqu'un ferait crier aux pots-de-vin, - et pour cause !

Mais lorsque le peuple lui-même, réuni par rues, par quartiers, par arrondissements, se chargera de faire emménager les habitants des taudis dans les appartements trop spacieux des bourgeois, les menus inconvénients, les petites inégalités seront prises bien légèrement. On a rarement fait appel aux bons instincts des masses. On l'a fait cependant quelquefois pendant les révolutions, lorsqu'il s'agissait de sauver la barque qui sombrait, - et jamais on ne s'y est trompé. L'homme de peine répondait toujours à l'appel par les grands dévouements.

Il en sera de même lors de la prochaine révolution.

Malgré tout, il y aura probablement des injustices. On ne saurait les éviter. Il y a des individus dans nos sociétés qu'aucun grand événement ne fera sortir de l'ornière égoïste. Mais la question n'est pas de savoir s'il y aura des injustices ou s'il n'y en aura pas. Il s'agit de savoir comment on pourra en limiter le nombre.

Eh bien, toute l'histoire, toute l'expérience de l'humanité, aussi bien que la psychologie des sociétés sont là pour dire que le moyen le plus équitable est de remettre la chose aux intéressés. Seuls, ils pourront, d'ailleurs, prendre en considération et régler les mille détails qui échappent nécessairement à toute répartition bureaucratique.


III



D'ailleurs, il ne s'agirait nullement de faire une répartition absolument égale des logements, mais les inconvénients que certains ménages auraient encore à subir seraient aisément réparés dans une société en voie d'expropriation.

Pourvu que les maçons, les tailleurs de pierre, - ceux du "bâtiment" en un mot, - sachent qu'ils ont leur existence assurée, ils ne demanderont pas mieux que de reprendre pour quelques heures par jour le travail auquel ils sont accoutumés. Ils aménageront autrement les grands appartements qui nécessitaient tout un état-major de servantes. Et en quelques mois des maisons, autrement salubres que celles de nos jours, auront surgi. Et à ceux qui ne se seront pas suffisamment bien installés, la Commune anarchiste pourra dire :

" Patientez, camarades ! Des palais salubres, confortables et beaux, supérieurs à tout ce que bâtissaient les capitalistes, vont s'élever sur le sol de la cité libre. Ils seront à ceux qui en ont le plus besoin. La Commune anarchiste ne bâtit pas en vue des revenus. Les monuments qu'elle érige pour ses citoyens, produit de l'esprit collectif, serviront de modèle à l'humanité entière, - ils seront à vous ! "

Si le peuple révolté exproprie les maisons et proclame la gratuité du logement, la mise en commun des habitations et le droit de chaque famille à un logement salubre, la Révolution aura pris dès le début un caractère communiste et se sera lancée dans une voie dont on ne pourra la faire sortir de sitôt. Elle aura porté un coup mortel à la propriété individuelle.

L'expropriation des maisons porte ainsi en germe toute la révolution sociale. De la manière dont elle se fera, dépendra le caractère des événements. Ou bien nous ouvrirons une route, large, grande, au communisme anarchiste, ou bien nous resterons à patauger dans la boue de l'individualisme autoritaire.

Il est facile de prévoir les mille objections qu'on va nous faire, les unes d'ordre théorique, les autres toutes pratiques.

Puisqu'il s'agira de maintenir à tout prix l'iniquité, c'est certainement au nom de la justice qu'on parlera : - " N'est-ce pas infâme, s'écriera-t-on, que les Parisiens s'emparent pour eux des belles maisons et laissent les chaumières aux paysans? " Mais ne nous y trompons pas. Ces partisans enragés de la justice oublient, par un tour d'esprit qui leur est propre, la criante inégalité dont ils se font les défenseurs.

Ils oublient qu'à Paris même le travailleur suffoque dans un taudis, - lui, sa femme et ses enfants, - tandis que de sa fenêtre il voit le palais du riche. Ils oublient que des générations entières périssent dans les quartiers encombrés, faute d'air et de soleil, et que réparer cette injustice devrait être le premier devoir de la Révolution.

Ne nous attardons pas à ces réclamations intéressées. Nous savons que l'inégalité, qui réellement existera encore entre Paris et le village, est de celles qui se diminueront chaque jour ; le village ne manquera pas de se donner des logements plus salubres que ceux d'aujourd'hui, lorsque le paysan aura cessé d'être la bête de somme du fermier, du fabricant, de l'usurier et de l'Etat. Pour éviter une injustice temporaire et réparable, faut-il maintenir l'injustice qui existe depuis des siècles ?

Les objections soi-disant pratiques ne sont pas fortes, non plus.

" Voilà, nous dira-t-on, un pauvre diable. A force de privations, il est parvenu à s'acheter une maison assez grande pour y loger sa famille. Il y est si heureux; allez-vous aussi le jeter dans la rue? "

- Certainement non ! Si sa maison suffit à peine à loger sa famille, - qu'il l'habite, parbleu ! Qu'il cultive le jardin sous ses fenêtres ! Nos gars, au besoin, iront même lui donner un coup de main. Mais s'il a dans sa maison un appartement qu'il loue à un autre, le peuple ira trouver cet autre et lui dira : " Vous savez, camarade, que vous ne devez plus rien au vieux ? Restez dans votre appartement et ne payez plus rien : point d'huissier à craindre désormais, c'est la Sociale ! "

Et si le propriétaire occupe à lui seul vingt chambres, et que dans le quartier il y ait une mère avec cinq enfants logés dans une seule chambre, eh bien, le peuple ira voir si sur vingt chambres il n'y en a pas qui, après quelques réparations, pourraient faire un bon petit logement à la mère aux cinq enfants. Ne sera-ce pas plus juste que de laisser la mère et les cinq gosses dans le taudis, et le monsieur à l'engrais dans le château ? D'ailleurs le monsieur s'y fera bien vite ; lorsqu'il n'aura plus de servantes pour ranger ses vingt chambres, sa bourgeoise sera enchantée de se ébarrasser de la moitié de son appartement.

- " Mais ce sera un bouleversement complet ", vont s'écrier les défenseurs de l'ordre. " Des déménagements à n'en plus finir ! Autant vaudrait jeter tout le monde dans la rue et tirer les appartements au sort ! " - Eh bien, nous sommes persuadés que si aucune espèce de gouvernement ne s'en mêle, et que si toute la transformation reste confiée aux mains des groupes surgis spontanément pour cette besogne, les déménagements seront moins nombreux que ceux qui se font dans l'espace d'une seule année par suite de la rapacité des propriétaires.

Il y a, d'abord, dans toutes les villes considérables un si grand nombre d'appartements inoccupés, qu'ils suffiraient presque à loger la plupart des habitants des taudis. Quant aux palais et aux appartements somptueux, beaucoup de familles ouvrières n'en voudraient même pas : on ne peut s'en servir s'ils ne sont entretenus par une nombreuse valetaille. Aussi, leurs occupants se verraient-ils bientôt forcés de chercher des habitations moins luxueuses, où mesdames les banquières feraient elles-mêmes la cuisine. Et peu à peu, sans qu'il y ait à accompagner le banquier, sous escorte de piques, dans une mansarde, et l'habitant de la mansarde dans le palais du banquier, la population se répartira à l'amiable dans les logements existants, en faisant le moins de remue-ménage possible. Ne voit-on pas les communes agraires se distribuer les champs, en dérangeant si peu les possesseurs de parcelles, qu'il reste seulement à constater le bon sens et la sagacité des procédés auxquels la Commune a recours. La Commune russe, - ceci établi par des volumes d'enquêtes, - fait moins de déménagements, d'un champ à un autre, que la propriété individuelle avec ses procès plaidés devant les tribunaux. Et on veut nous faire croire que les habitants d'une grande ville européenne seraient plus bêtes ou moins organisateurs que des paysans russes ou hindous !

D'ailleurs, toute révolution implique un certain bouleversement de la vie quotidienne, et ceux qui espèrent traverser une grande crise sans que leur bourgeoise soit jamais dérangée de son pot-au-feu, risquent d'être désappointés. On peut changer de gouvernement sans que le bon bourgeois manque jamais l'heure de son dîner ; mais on ne répare pas ainsi les crimes d'une société envers ses nourriciers.

Il y aura un bouleversement, c'est certain. Seulement, il faut que ce bouleversement ne soit pas en pure perte, il faut qu'il soit réduit au minimum. Et c'est encore - ne nous lassons pas de le répéter - s'adressant aux intéressés, et non pas à des bureaux, que l'on obtiendra la moindre somme d'inconvénients pour tout le monde.

Le peuple commet bévue sur bévue quand il a à choisir dans les urnes entre les infatués qui briguent l'honneur de le représenter et se chargent de tout faire, de tout savoir, de tout organiser. Mais quand il lui faut organiser ce qu'il connaît, ce qui le touche directement, il fait mieux que tous les bureaux possibles. Ne l'a-t-on pas vu lors de la Commune ? Et lors de la dernière grève de Londres ? Ne le voit-on pas tous les jours dans chaque commune agraire ?



Note : (1) Décret du 30 mars ; par ce décret remise était faite des termes d'octobre 1870, de janvier et d'avril 1871.

lundi 23 mai 2011

"La crise comme pacification"

par Peter Gelderloos

[Texte anarchiste nord-américain publié sur les sites "Guerilla News" et "Anarchistnews.org" le 25 juillet 2010 dans un recueil de textes de critique sociale radicale sur la thématique de la crise intitulé "Cascades : conversations in crisis" également publié sur le site "anarchist-studies.org" par Friendly Fire Collective. Il revient sur une expérience des luttes en Europe, principalement en Espagne et en Grèce, et en tire quelques leçons en comparaison avec la situation du mouvement anarchiste aux Etats-unis. Nous avions déjà traduit et publié "La non-violence est patriarcale", du même auteur.]

Tiré de "Cascades: Conversations en crise".

De retour aux États-Unis après avoir vécu quatre ans à l'étranger, j'ai été surpris d'y découvrir une prolifération de campements sauvages, d'occupations de maisons vides, de squats, d'occupations d'universités, de jardins urbains sauvages, des rassemblements de solidarité avec les immigrés, et d'émeutes contre la police de la côte Est à la côte Ouest.

D'une part, il semble y avoir un certain niveau d'agitation à l'échelle national, un potentiel d'ébullition qu'on a plus vu dans ce pays depuis des décennies. D'autre part, le sentiment collectif d'être dans un moment révolutionnaire, la réalité émotionnelle de participer à une lutte forte et d'ordre mondial semble étrangement absent. Les gens ne semblent pas oser vouloir que leurs leurs espoirs s'accomplissent, quand précisément ce dont la lutte a besoin pour espérer voir ses espoirs s'accomplir, et de quoi qu'il s'agisse : c'est de faire preuve d'audace. Pour cause, la réalité de l'activisme façon ONG dans laquelle beaucoup de gens s'impliquent ici, et qui a dominé les mouvements sociaux dans ce pays depuis des années, n'est rien d'autre que démoralisante.

Beaucoup de gens ont déjà fait remarqué que «La crise, c'est la routine», ou que la crise est partie intégrante du fonctionnement normal, de flux et de reflux, du capitalisme. Une autre bonne façon de comprendre « la crise » est de la voir comme la pacification des mouvements sociaux. Le capitalisme nous exploite toujours, et le gouvernement cherche toujours à nous duper, tirer profit de nous et à accroître ses pouvoirs. Peut-être l'élément le plus tragique de la crise actuelle est de constater à quel point ils ont pu s'en tirer, précisément parce que nous avons été pacifié-e-s.

A Barcelone, où je vis actuellement, la pratique du squat de bâtiments abandonnés pour le logement et les centres sociaux a aboutit à un mouvement important, et possédant une forte capacité d'auto-défense. A proximité, en Grèce, une lutte anarchiste enracinée de longue date a permis de gagner du temps et du terrain qui a pu s'investir dans de nouvelles occupations urbaines des terres, dans les mouvements de travailleurs/euses, dans les luttes de solidarité aux immigré-e-s, dans une riposte à la brutalité policière, et bien plus encore.

En comparant la situation aux États-Unis avec celles dans ces deux pays, on peut tirer un certain nombre de leçons qui pourraient être utiles ici.

La démocratie n'est pas ton ami

En Espagne et en Grèce, la transition de la dictature fasciste ou militaire à la démocratie s'est opérée dans les années 1970, et les deux dictatures ont été mises en place avec la complicité active de la bourgeoisie à une époque où les mouvements révolutionnaires anarchistes et communistes allaient en grandissant. Parce qu'ils ont gardé cette mémoire vivante, plus de gens qu'ailleurs y sont conscients que la démocratie et la dictature ne sont que les deux faces d'une pièce, et que c'est une pièce de monnaie que la classe dominante saura encore faire tourner lorsqu'elle en aura besoin pour augmenter ses chances. Dans ces pays, il y a moins de confiance dans les gouvernements, donc l'illusion de la paix sociale et le piège de la participation, les deux outils que possède la démocratie et pas la dictature, sont moins efficaces. Les anarchistes dans ces deux pays ne se considèrent pas comme une partie de la gauche, parce qu'ils comprennent bien que la gauche n'y est rien de plus que la gauche du capital. Tout comme l'État a deux ailes, il dispose de deux stratégies de base de contre-insurrection : la répression - c'est à dire écraser violemment les luttes sociales, et la récupération - c'est à dire la corruption et le détournement des luttes sociales en alternatives citoyennistes qui se concentrent sur le rajeunissement du système plutôt que sur sa destruction-.

Utiliser « la démocratie » comme un bon terme, tenter de la comprendre autrement que comme le système esclavagiste qu'elle a toujours été depuis l'Athènes de la Grèce antique, nous empêche de comprendre le principal moyen par lequel les mouvements sociaux sont défaits de nos jours : en étant happées par la participation au système et la confiance aux autorités, qui sont à blâmer pour tous les problèmes que nous tentons de combattre.* [note en bas de page]

En Espagne et en Grèce, les anti-capitalistes comprennent que les ONGs sont tout autant des ennemis que la police. Les ONG obtiennent leurs financements de la Fondation Ford, du gouvernement, et même des entreprises d'Etat et du capitalisme en général, précisément parce qu'elles fournissent une belle soupape de sécurité bien pratique : en prévenant les tensions sociales et leur transformation en luttes sociales. Les ONGs transforment les révolutionnaires en carriéristes, l'implication politique radicale en engagement politique de bureau, les luttes en bureaucraties.

La gauche, à travers ses partis politiques, autant que par ses organisations non gouvernementales, est structurée de manière à contrôler et canaliser la résistance. Ceux et celles d'entre nous qui veulent vraiment un monde libre et égalitaire, dans laquelle tout le monde peut répondre à ses besoins et poursuivre ses désirs feraient mieux de comprendre notre relation avec le système démocratique comme un antagonisme.

Les gens dans les mouvements sociaux aux États-Unis ont besoin d'affirmer l'autonomie des luttes. Les partis politiques, les politiciens, et le financement d'entreprise ou d'État ne sont pas les bienvenus. Les projets qui doivent compter sur ce type de financements, qui leur permet de soulager leurs besoins à court terme, doivent avoir l'ouverture d'esprit et l'honnêteté de reconnaître qu'ils ont troqué leur autonomie, et que pendant qu'ils font leur important travail de charité et d'humanitaire, ils n'ont pas entrepris de luttes sur une base durable, à long terme, qui peuvent s'attaquer aux causes profondes des troubles sociaux qu'ils dénoncent.


l'Histoire se meurt sans notre amour

Les luttes sociales en Espagne et en Grèce bénéficient aussi de plus de souvenirs qui leurs offrent des leçons d'histoire collective, d'élan, et de continuité pour survivre d'une génération à l'autre. Leur analyse plus approfondie de la démocratie ne serait pas possible si l'histoire des luttes passées avait disparue. La société américaine, d'autre part, souffre d'une amnésie prononcée, et ceci parce que les mouvements révolutionnaires dans ce pays ont choisi, par omission, de laisser l'histoire des luttes mourir dans un coin. L'histoire n'a pas d'existence objective. Elle se dessèche si elle n'est pas nourrie et alimentée, et sortie pour être remise en marche. L'histoire ne peut pas vivre sur les pages d'un livre, elle ne peut vivre que dans les rues.

Quel meilleur exemple de la puissance et de la vulnérabilité de l'histoire que celle du 1er Mai ? Une lutte menée il y a 114 ans dans ce pays a donné naissance à une force que les mouvements anti-capitalistes du monde entier peuvent encore se ré-approprier aujourd'hui, et toujours dans ce pays, le 1er Mai avait presque disparu jusqu'à ce que des immigrants en lutte le ramènent à la vie en 2006 ( « May Day »). Perdre cette histoire signifie perdre la capacité à lutter contre le capitalisme armé de la connaissance du fait que la paix démocratique n'a jamais existé, que nous avons toujours lutté et contre-attaqué. La profondeur historique correspond à la profondeur politique. Sans elle, tout ce que nous pouvons faire, c'est prier pour nos déchets et nous opposer aux outrages sociaux les plus récents tout en laissant le système intacte. Cette stratégie témoigne d'une grande faiblesse du mouvement anti-mondialisation. Cette politique commune à la gauche, qui manque de profondeur historique, ne peut contester le néolibéralisme, tout en restant muette sur les structures profondes et mondiales qui ont produit le néolibéralisme, et pour laquelle le néolibéralisme n'a été rien d'autre qu'une stratégie alternative.

L'histoire de la lutte est généralement l'histoire de nos défaites, mais ces défaites nous sont chères, parce qu'elles nous rappellent que nous sommes courageux/euses, que nous sommes capables de riposter, et elles nous enseignent comment faire mieux la prochaine fois. Il y a tout juste quelques décennies encore, les États-Unis étaient le théâtre de puissantes luttes sociales qui sont toujours une source d'inspiration pour les radicaux et anti-capitalistes du monde entier. Les Black Panthers, par exemple, non seulement pour les Afro-Américains, mais pour le reste du monde.

A Barcelone, les squatters anarchistes parlent encore de l'expulsion du centre social « Cine Princesa », 14 ans après les faits. La résistance a échoué, le bâtiment a été expulsé, mais les gens se sont inspirés eux-mêmes en luttant de toutes leurs forces. Ils ont fait réfléchir à deux fois l'Etat avant la prochaine expulsion, et ils tiennent à la mémoire de cette bataille, parce qu'elle peut inspirer les générations futures.

Dans l'ensemble, nous avons permis que ces histoires nous soient volées dans ce pays. Beaucoup de gens deviennent politiquement actifs aujourd'hui et apprennent davantage sur les luttes du passé à travers les livres et les documentaires que dans les veillées commémoratives, les manifestations plans-plans et les défilés, les affiches, et les célébrations de jours fériés. Les luttes révolutionnaires des années 60 et 70 ont été anéanties par une efficace répression gouvernementale, une grande partie des mouvements se sont vendus ou retirés à des fins pacifiques, pour participer à la politique municipale ou trouver un endroit peinard, une planque au sein du système, et pour une autre partie l'adoption de formes de plus en plus autoritaires d'organisation, ce qui -on pouvait s'y attendre- a conduit à la constitution de factions, à des jeux de pouvoir, et à des luttes intestines. Malheureusement, les gens en sont aujourd'hui plus à réinventer la roue plutôt que de s'investir de manière honnête après la profondeur de ces défaites.

Les fantômes des luttes passées peuvent nous donner de la force, mais seulement si nous continuons à leur parler, à apprendre d'eux, pour les ramener dans les rues.

Aux États-Unis, nous devrions commencer par commémorer par exemple l'anniversaire des émeutes importantes, les meurtres commis par la police, les occupations de terres, et d'autres événements des luttes en organisant des manifestations et des festivals, en recréant cette histoire aux yeux de tout le monde, et en nous rappelant que nous avons toujours été mis en difficulté. Nous devrions publiquement faire mémoire de l'esclavage, de la ségrégation et du génocide contre les peuples autochtones. Non pas afficher avec arrogance le chemin que nous avons parcouru, comme le fait la gauche, mais montrer combien le système actuel a édifié sa puissance, et combien de fois il a changé de
masques.

« L'opinion publique » n'existe pas.

Une autre force des anarchistes en Espagne et en Grèce, c'est qu'en général, ils ne parlent pas aux médias. Ils comprennent que les médias ne sont pas des alliés, mais une partie du système de contrôle démocratique. Le problème n'est pas seulement «les grands médias», lorsque par exemple c'est la même société qui fabrique des bombes et qui produit également l'information du journal de 20H : qui explique comment et pourquoi les bombes ont été utilisées, et fait des reportages glorifiant les personnes qui ont utilisés ces bombes (l'armée). Même si cela ne fait qu'intensifier le problème, tout ça va beaucoup plus loin : jusqu'aux fondements mêmes d'une société dans laquelle les informations sont créées par des producteurs spécialisés, et distribuées dans des espaces spécifiques par le biais de flux qui sont réglementés et non-réciproques. En d'autres termes, la structure des médias crée des producteurs et des consommateurs de faits et de culture. Dans une société vraiment libre : tout le monde participerait à créer l'information et la construction de la culture, et les partageraient réciproquement.

Dans certains cas spécifiques, la couverture médiatique peut être influencée pour faire une différence concrète, mais les médias ne communiquent jamais les idées que nous avons besoin de communiquer afin de parvenir à un changement social radical. Au lieu de cela, les anarchistes en Grèce et en Espagne mettent l'accent sur la contre-information, sur la communication directe avec la société au moyen d'affiches, de tracts, de graffitis, de manifestations, des marches de protestation, de conversations en face à face afin de contrer les mensonges propagés par les médias.

Aux États-Unis, les médias ont des mouvements sociaux dont ils peuvent tirer les ficelles, et la plupart des militant-e-s se mettent dans cette position volontairement. Les radicaux américains sont si sensibles à « l'opinion publique », qu'ils et elles semblent ne pas saisir quel genre d'institution sont la presse et les médias. La chose la plus importante à comprendre est que « l'opinion publique » n'existe pas. C'est un produit imaginaire d'une démocratie spectaculaire, régie par les médias. L'opinion publique est créé par des flux à sens unique d'informations (par exemple la télévision et les journaux, ou la publicité) et le cadrage permanent du débat. On pourrait facilement obtenir par ce biais une société de contrôle, même si les gens étaient autorisés à voter sur toutes les décisions (par exemple sous la forme d'une «démocratie directe»), aussi longtemps que l'on pourrait cadrer quelles questions ont été posées et comment on les poses. « L'opinion publique » ne sera jamais pour l'abolition des prisons, car d'une part, cette question n'est jamais posée (à la place, le ou la journaliste demande: «pensez-vous que la police fait bien son travail? »), et d'autre part, le public est constamment bombardé d'histoires sur la hausse de la criminalité, l'insécurité, etc. Les causes profondes du crime, ou même de ce que tel ou tel crime signifie comme construction sociale, et qui arrive à le définir : tout ceci ne rentre jamais dans le débat public.

Etre sensible à l'opinion publique en ce qui concerne les tactiques que nous utilisons dans nos luttes, c'est un peu comme demander au FBI ce qu'il pense de nos projets politiques et de nos stratégies.

Les révolutionnaires aux Etats-Unis doivent reconnaître qu'en fait, changer radicalement notre société toute entière est une perspective effrayante, et que cela nécessite de faire considérablement tanguer la barque. Être « pragmatique » et jouer le jeu des relations publiques comporte des avantages à court terme tout en rendant les changements à long terme impossibles. Pour le moment, nous prenons le risque d'être impopulaires, jusqu'à ce que par la répétition, le travail acharné, l'audace et l'engagement constant des les conflits sociaux, nous faisions que les idées radicales apparaissent normales et sensées, et que les tactiques les plus radicales deviennent plus attractives que les autres.

Avant la popularité, vient l'action

Le public n'est pas la société, mais il est plus accessible. Dans le capitalisme, la société est en grande partie invisible, alors que le public est très visible, même si la première est réelle et que ce dernier est imaginaire. Il est absolument vital de communiquer avec la société, mais personne ne sait réellement ce que la société pense, et moins encore la société elle-même.

Ce que nous savons est que la société est pleine de gens qui applaudissent en silence à chaque fois que quelqu'un tire sur la police pour se défendre, chaque fois que des gens qui s'emparent d'un bulldozer et le détournent pour démolir un hôtel de ville, chaque fois que des gens sont si dégoûtés par l'aseptisation et le contrôle des façades de l'espace urbain qu'ils ou elles les recouvrent de graffitis : des applaudissements de gens qui se pensent seuls dans leur haine du système. Les signes de résistance sont partout.

Nous avons besoin d'avoir confiance en nos propres analyses, et d'agir contre le système même en l'absence d'un mandat populaire. Le capitalisme est basé sur la dissonance cognitive [ndt : processus psychologique qui consiste à accepter son insatisfaction en se trouvant des raisons], etsur l'apprentissage de l'auto-trahison : et pour l'attaquer, les gens doivent attaquer leurs propres chaînes, leurs propres modes de vie. En Grèce, pendant des années, seuls les anarchistes eurent recours aux pratiques « impopulaires et non-pragmatiques » telles que tenir des assemblées ouvertes, organiser des occupations à durée indéterminée, casser des banques, et attaquer des postes de police. Mais dans le soulèvement social de grande envergure qui eu lieu en Décembre 2008 et depuis lors, des centaines de milliers de personnes ont eu recours à ces pratiques, y compris les personnes qui les critiquaient.

La plupart des gens ne soutiendront jamais une lutte à grande échelle à moins que celle-ci existe déjà sous une forme moins développée, parce que seule une lutte qui a déjà commencé à créer de l'énergie peut pousser les gens sur la voie difficile de la riposte contre les structures de dominations qui les exploitent. En attendant, les luttes ne peuvent être initiées que par ceux et celles qui osent agir. Les attaques directes contre le capitalisme, l'Etat, les structures de la suprématie blanche et le patriarcat peuvent gagner en sympathie. Cette sympathie ne pourra jamais se mesurer dans les médias ou dans les conversations de militant-e-s professionnels, mais il sera audible dans les rues, sur les murs, dans les transports en commun, dans les universités. Au début, c'est nécessairement une position minoritaire, car dans un premier temps : seul-e-s ceux et celles dont le rejet de l'ordre actuel est le plus viscérale et sans concessions se joignent aux luttes, mais comme ces luttes deviennent moins apologétiques et s'affirment comme une force réelle dans tous les mouvements sociaux et au travers de toutes les lignes de faille des conflits sociaux, de plus en plus de gens sont amenés à reconnaître qu'en fin de compte, il est logique de se battre contre un système qui constitue une exploitation, une humiliation, et une guerre contre chacun-e d'entre-nous.

* [Note] Prenez le mouvement anti-guerre aux Etats-unis. Il n'a pas été vaincu par la répression : il s'est suicidé à petit feu. En étant pacifiques, en étant citoyenniste, en se faisant avec le crédit de l'autorité et donc en plaçant sa confiance en celle-ci, en participant aux élections : il a perdu sa capacité à inspirer et à créer de la puissance.
Peter Gelderloos

Traduction française par Le Cri Du Dodo.

lundi 16 mai 2011

Le Jura Libertaire dans la tourmente policière.

[Suite à ses démêlés avec la justice bourgeoise, le Jura Libertaire change d'adresse mail (juralib@riseup.net) et d'hébergeur.]

Pour une histoire de graffitis (encore...) dont les photos ont été envoyées et publiées sur le site du Jura Libertaire, le site est à nouveau dans la tourmente (voir leur article ci-dessous).

L'un de nos tout premiers articles concernait déjà, l'année dernière (Juillet 2010), l'acharnement politique et policier lancé contre Indymedia Grenoble et le Jura Libertaire suite aux émeutes qui ont suivit la mort d'un homme (Karim Boudouda, 27 ans) après le braquage raté d'un casino, abattu par la police à l'issue d'une course-poursuite où Karim avait tenté de s'enfuir. Nous ne nous lasserons pas de le rappeler : quoi que les médias aux ordres puissent en dire, et sans sombrer dans le "victimisme", c'est un mort pour rien de plus au compteur de la police nationale. Alors que d'autres ont suivit depuis.

Déjà, cette "anecdote" était pour nous révélatrice d'un climat politique où souligner le fait que la police tue constitue déjà un affront contre le pouvoir.

Alors que l'immense majorité des médias traditionnels choisissaient de pleurer une "situation dramatique" ou plus généralement de voir comme "inacceptable" le fait que des jeunes de quartiers populaires veuillent venger la mort d'un des leurs [fusse t'il un "petit braqueur"], Les deux sites (Indy Grenoble et le Jura Libertaire) comme d'autres du même type, qui agissent comme plateforme d'informations relayant des articles divers, ainsi que des billets parfois plus personnels, ou encore des photos de l'actualité des luttes et des révoltes sociales, étaient accusés de faire "l'apologie de l'émeute", "le jeu des casseurs" (qu'est-ce qu'on rigole) et encore de "propager la haine anti-flics".

C'est le ministre de l'intérieur de l'époque, Brice Hortefeux, qui s'était alors longuement étendu sur ces "sites qui s'attaquent à l'honneur de la police nationale" avant de porter une plainte contre les sites en question.

Ce qui est en réalité insupportable à la fois au yeux de ce qu'il est encore convenu d'appeler "la classe politique" (au delà des seuls élus) et son auditoire-propagandiste préféré que sont les grands médias -outre le fait que des médias "sérieux" ne puissent soutenir ou tenter de comprendre l'esprit de révolte permanent qui hante ces "classes dangereuses" peuplant la périphérie des grandes villes- c'est que certains médias alternatifs, en plus de s'exprimer sur le ton qui leur convient, et de ne pas cirer les pompes du pouvoir, ose le faire en prenant régulièrement le parti de ses ennemis et en se substituant à toute censure.

Ce n'est pas la "haine des flics" qui dérange le plus le gouvernement ou son Ministère de l'Intérieur sur ces sites : parce qu'il ne sait que trop bien (puisqu'il qualifie sans cesse de "préoccupant" dans ses rapports la recrudescence des "violences contre la police") que le "bas peuple" n'a pas besoin d'un Indymedia ou du Jura libertaire pour le haïr.

Ce qui lui est parfaitement insupportable, c'est le simple fait que des médias alternatifs ou des sites qui ne lui cachent pas leur inimitié puissent relayer (à travers des articles, billets ou photographies de manifestations ou de graffitis sur les murs) des informations sur l'existence d'une véritable culture populaire de l'agitation, de la révolte ou au moins de la résistance à l'oppression et ce sans la condamner moralement ni en parler en termes de "désespoir" ou "d'actes incompréhensibles".

Mais même dans le cadre d'un "Etat de droit", où l'information n'est pas censée être inféodée au pouvoir, le simple fait de produire de l'information sur l'existence de la résistance et de la révolte permanente à ce dernier qui agite constamment la société est déjà presque un "crime".

Peut être tout simplement parce qu'il se pourrait bien que l'idée fasse son chemin,
et qu'en période pré-électorale : cette idée ne peut que faire trembler tout les pouvoirs.

Au delà de considérations strictement politiques, nous n'avons pas la naïveté de croire qu'il ne s'agit là que d'un acharnement contre ces sites. La LOPPSI 2 votée, n'importe quel site dont l'hébergeur conserve les logs pourra se voir reprocher un peu tout et n'importe quoi au prétexte de ce qui aura pu être posté sur son site ou son blog : par ses administrateurs/trices ou par d'autres. Ce qui est visé n'est donc encore une fois pas nécessairement le fait de commettre un acte illégal ou de faits gênants pour le pouvoir, mais de relayer une information sur leur existence.

C'est pourquoi nous croyons qu'avec ou sans cartes de presse, l'information doit être libérée partout et tout le temps et par n'importe qui. La validité d'un article n'étant pas sanctionné par le crédit que lui donne la loi ou le droit de presse, mais par sa pertinence, le fait de produire une information qui n'existe nulle part ailleurs, la véracité et l'authenticité de son contenu mais aussi la nature de son point de vue : c'est à dire de son positionnement idéologique, sociologique et politique (puisque le pouvoir tend à occulter ce qui l'arrange, à défendre la raison d'Etat et les intérêts de classe).

Au delà des sérieuses divergences qui peuvent nous séparer, nous affirmons notre pleine et entière solidarité avec les camarades du Jura Libertaire.
Tout continue ! Sur internet ou sur papier :
Que vive les médias et la presse révolutionnaires !

Le Cri Du Dodo

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[L'article du Jura Libertaire]

Second communiqué

Le précédent communiqué (ci-dessous) ne semble pas suffisamment précis et des ambiguïtés en ressortent.

Notre hébergeur — over-blog — ne se gène pas pour faire son sale boulot d’auxiliaire de police : collaboration sur la collecte d’information sur les individus utilisant entre autres le juralib (logs), délation de celles-ci à l’État et à ses chiens.

Mercredi 27 avril, deux personnes ont été perquisitionnés puis auditionnées dans le Périgord avec pour motif ou prétexte l’inscription de slogans de solidarité sur la façade du vice-consulat d’Italie à Bordeaux. Celleux-ci ont été retrouvés par l’adresse IP correspondant à la connexion internet à partir de laquelle fut réalisée la publication de l’article lié, sur le juralib.

Les deux ordinateurs ont été saisis.

Sur ces ordinateurs, beaucoup de choses familiales et militantes, mais aussi potentiellement le mot de passe de notre ancienne adresse, chez no-log.

Le lendemain de la perquisition, nous avons effacé tous les mails qui se trouvaient sur la boîte mail no-log et en avons modifié le mot de passe. Il n’est techniquement pas impossible que les flics aient lu cette adresse, et tous les mails reçus sur celle-ci depuis un moment, non effacés.

Nous tirons les leçons qui s’imposent en matière de précaution et de sécurité qui en découlent.

Le Jura Lib, 3 mai 2011.

Aux correspondantEs du Jura Libertaire

Le 14 avril dernier, Le Jura Libertaire publiait un courriel reçu, relatant l’inscription de slogans de solidarité sur la façade du vice-consulat d’Italie à Bordeaux :

Mercredi 27 avril, deux personnes ont été auditionnées en Périgord — sur la base de l’adresse IP de publication sur over-blog —, lors d’une perquisition de flics de Bordeaux.

Deux PC ont été saisis.

Le Jura Libertaire en Dordogne et ailleurs - 28, 29 avril, 2 mai.

samedi 14 mai 2011

Belgique - Bruxelles : une caméra de police retrouvée cachée dans un apparement.



[Nous parlions récemment dans un de nos articles des caméras de surveillance comme d'un dispositif omniprésent dans la vie quotidienne des grandes métropoles capitalistes. Voici un exemple plutôt incongrus de son utilisation dans l'actualité récente de camarades/compagnons belges...]




Vidéosurveillance cachée trouvée au domicile de deux anarchistes de Bruxelles

Source : Indymedia Bruxelles, Dimanche 08 Mai 2011

Nous venons de trouver un dispositif de vidéo-surveillance caché dans notre appartement. Nous nous limiterons ici, provisoirement, à fournir quelques précisions techniques, en joignant les photos.

Le dispostif était caché derrière une petite grille de ventilation, placée pour aérer le mur en gyproc, dans notre cuisine. Le caméra, type "S/W" ( ?) était juste derrière la grille, relié à une batterie plutôt grande composé de 3 tubes de 4 batteries de 14,4 V. La batterie se trouvait derrière l’évier, le tout relié avec des câbles. Entre la batterie et le reste du disposif, se trouvait ce que nous croyons être un interrupteur, manipulable à distance. Le caméra était relié à une petite boîte noire, servant comme "encodeur". Cet encodeur, type "Micro View Lock" (Ovations Systems) était à son tour relié à ce que nous pensons être l’antenne pour transmettre les images sur 1,4 Ghz. Il n’y avait donc pas de carte SIM.

La caméra :


L'antenne (?) :
Le caméra pointait vers la table de la cuisine. Nous ne sommes pas sûrs s’il contient aussi un micro. Le caméra était fixé avec des éléments magnétiques.

Sur quasi tous les élements, des autocollants "CS" étaient apposés. Une vite recherche nous a donnée une piste : "CS" correspond en effet au code du magasin du Service Logistique de la Police Fédérale.

Sans peur ni parano,
Deux anarchistes de Bruxelles

Grèce - Grève Générale : Un communiqué et un article.

[Suite à la grève générale du 11 Mai 2011, aux manifestations et affrontements dans les rues de Grèce, nous publions une traduction du "First announcement of the occupied refectory building in Propylaea, Athens" posté par ses auteur-e-s sur le site Contra-info, ainsi qu'un autre article du site anarchiste anglais Occupied London relatant la manifestation et les violences policières, également traduit par le site Contra-info, ainsi que quelques photos d'une manifestation contre la répression le lendemain.]

Premier communiqué de l'occupation du réfectoire au Propylée d'Athènes.


Mercredi 11 Mai 2011.

Lors de la manifestation pour la grève générale du 11 mai, des milliers de travailleurs ont exprimé leur opposition aux mesures anti-sociales du gouvernement grec, qui affectent directement les travailleurs. Tandis que la politique prédatrice de la Troika, en coopération avec le gouvernement grec, précipite des pans de plus en plus grands de la société dans la pauvreté absolue, les forces anti-émeutes attaquent les manifestants avec une grande violence.

Durant la manifestation du 11 mai, et alors qu’une grande partie des manifestants avait dépassé le parlement et se dirigeait vers le Propylée (rue Panepistimiou), les flics ont attaqué avec acharnement, et de façon injustifiée, différents cortèges (assemblées de quartier, syndicats de base, anarchistes/anti-autoritaires, gauche extra-parlementaire…), les frappants sauvagement et utilisant des tonnes de gaz lacrymogène. Plus d’une centaine de manifestants ont été transférés vers les hôpitaux généraux (Nikaia, KAT, Evangelismos), trois d’entre eux ont du subir des opérations chirurgicales.

Le camarade Yannis K. a été mortellement attaqué par les forces de répression. Blessé et la tête ensanglantée, il s’est éloigné de la rue Panepistimiou aux côtés d’un autre manifestant. Prenant la rue Amerikis, au croisement de Stadiou Street, ils se sont réfugiés sous un porche, où des témoins l’ont vu saigner. Il a été transféré, dans un état ante-mortem (d’après le communiqué du syndicat des médecins hospitaliers) à l’hôpital général de Nikaia, souffrant d’une hémorragie interne à la tête. Il a été immédiatement opéré et hospitalisé aux soins intensifs, dans un état comateux.

Au moment-même où ce texte est écrit, les mécanismes formels de la manipulation se mettent en place au travers des apologistes de leur régime, qui tentent activement de présenter l’attaque meurtrière comme une “blessure subie dans des circonstances floues” dédouanant ainsi les responsables et instigateurs (l’Etat grec, les forces répressives).

Le souvenir de la révolte de décembre 2008 devient une épée de Damoclès pour la classe dirigeante, qui tremble devant la perspective d’une nouvelle explosion sociale.

Par ailleurs les forces répressives, en collaboration étroite avec les membres des organisations d’extrême-droite, ont lancé un pogrom coordonné contre les milieux politiques et les squats (Villa Amalias, Patission 61 et le squat Skaramaga), tentant ainsi de détruire “l’ennemi intérieur” en envoyant un message de terreur et de peur à quiconque riposte.

Aujourd’hui, 12 mai, à 9h, nous avons occupé le réfectoire de l’université d’Athènes au Propylée, rue Panepistiniou, dans le centre d’Athènes. Nous avons d’ores et déjà transformé le bâtiment et sa cour en un centre de contre-information et un front de la lutte, une digue dressée contre l’invasion de l’Etat et la brutalité capitaliste.

NON A LA PERSÉCUTION DES PERSONNES ARRÊTÉES LORS DE LA GRÈVE GÉNÉRALE DU 11 MAI !

PAR TOUS LES MOYENS, GUERRE A L’ETAT ASSASSIN !

NOUS APPELONS A UNE ASSEMBLÉE DANS LE RÉFECTOIRE OCCUPE AU PROPYLÉE, JUSTE APRES LA FIN DE LA MANIFESTATION (DÉBUT DE LA MANIFESTATION A 18h00)

Des anarchistes et anti-autoritaires
de l’occupation du bâtiment du réfectoire (Propylée)

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La vicieuse attaque policière contre la manifestation de la grève générale du 11 mai à Athènes a laissé au moins douze personnes blessées, dont une dans un état critique

Mercredi 11 Mai 2011.

A la fin d’une manif pour la grève générale qui aurait restée sans incidents la police a lancé une attaque vicieuse et injustifiée : des dizaines de manifestants qui passaient de l’extérieur du grand magasin « Attica » à bd. Panepistimiou ont été encerclés par la police antiémeutes qui a commencé à leur donner des coups des pieds, à les jeter sur le chaussée et à lancer des gaz lacrymos et des flash-bang grenades sans discrimination, directement sur la foule. Il y a au moins douze personnes blessées. Un manifestant de 30 ans est dans un état critique. Il a été transféré à l’hôpital général de Nikaia et il a subi une opération. Il est actuellement en soins intensifs et, d’après les médecins, son état va rester critique au moins pour quelques jours.

Il y a eu aussi des affrontements dans le quartier d’Exarchia dans l’après-midi. Au moins sept personnes ont été interpellées à l’extérieur de l’Ecole Polytechnique.

A l’heure actuelle (19h34) la présence de la police dans le quartier d’Exarchia est toujours forte et l’état de la personne qui a été blessée est toujours critique.



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Manifestation contre la répression à Athènes, Jeudi 12 Mai 2011 :



vendredi 13 mai 2011

Paris (Squat) : Le Bourdon expulsé...


Le squat du Bourdon a été expulsé par la bleusaille Mercredi 11 Mai 2011 au matin.

15 personnes dont 5 tunisiens (apparemment sans-papiers ?) arrêtées sur place.

Tout le monde a finalement été relâché dans les journées du Jeudi 12 et Vendredi 13 Mai, même les 2 personnes qui ont vu leur garde à vue prolongée de 48h avec motif invoqué de refus de donner leur identité.

Des suites judiciaires seront sans doutes à prévoir (convocations au tribunal).

Pas plus d'informations pour l'instant.

Quoi qu'il en soit : un de fermé, dix d'ouverts !

Source : Indymedia Paris. Voir l'article ici pour le fil d'info et les échanges sur les arrestations et la répression.

mercredi 11 mai 2011

Réflexions sur la révolution syrienne

[Traduction du texte du camarade anarchiste syrien Mazen Kalmamaz paru le 24 avril 2011 (Berckman, Coordination des Groupes Anarchistes) ]
1- En suscitant les conflits ethniques, le régime syrien a une double intention, d'une part déformer l'image de la révolution syrienne et d'autre part accentuer l'introversion (replis sur soi), la phobie sociale, et éloigner toute action, interaction ou dialogue avec les composantes de la société en dehors d'une tutelle de l'appareil de sécurité de l'état. Le despotisme exclut toute possibilité de dialogue ou d'action avec autrui, coupant ainsi les liens et isolant les individus les uns des autres.

Le silence imposé par le régime est en outre utilisé comme prétexte pour créer une atmosphère de crainte et d'appréhension, et écarter toute possibilité d'une action collective. Ainsi en isolant les individus les uns des autres et en les cernant dans le cercle de la terreur et du paranoïa, les gens développent une frayeur non seulement vis-à-vis des appareils de l'état mais aussi vis-à-vis du spectre du tiers avec qui on coexiste et on partage la même destinée. Le pouvoir et ses institutions deviennent ainsi indispensable dans une société dépourvue de liens, inhibé et léthargique, tel est le despotisme authentique. En une telle occurrence la révolution est synonyme de recréer le dialogue libre interindividuel et l'action libre collective.

2- La répression et la réticence imposées généreraient une obscurité qui faciliterait au régime la création de dissensions entre les opprimés, du moment qu'ils ne s'instruisent et ne s'informent qu'à travers les médias du régime, de ses adeptes, ou ses adversaires parmi les puissances dominantes. Ces derniers peuvent ainsi diffuser des messages plein d'arrière pensée.

Il ne s'agit pas de dire que la pensée ethnique n'existe pas, mais elle n'est pas aussi terrible que le pouvoir veut le faire croire. Cette pensée est à un certain degré la conséquence de la pérennité des supplices et du comportement ethnique infligés par le régime. Les médias officiels ne parlent ni de l'ethnicité du régime ni de ses agissements malveillants contre des personnes d'une autre ethnie. Les assassins mercenaires du régime sont plutôt dépeints comme exerçant une violence purement ethnique. Ensemble, les partisans du régime et les Takfiri [1] sont responsable de la création de la haine ethnique en Syrie, ils sont en réalité les Takfiri du pouvoir. Les forces démocratiques, gauchistes et laïques parmi l'ethnie alaouite , et d'ailleurs les masses alaouites entières pillées et réprimées par le régime comme pour le reste de la population syrienne ,revendiquent aujourd'hui la dénonciation du barbarisme de ces criminels, autant que les forces homologues sunnites doivent dénoncer tout appel au takfirisme ou à l'atteinte des minorités.

3- Le régime syrien et son homologue saoudien ont des intérêts mutuels, sans pour autant être des adversaires, il s'agit d'un antagonisme objectif plutôt que personnel. L'ennemi principal des deux régimes est leur peuple, chacun des régimes utilise l'autre pour justifier la répression qu'il inflige à son peuple. Le régime syrien utilise le nom de Bandar ben Sultan (prince héritier saoudien) et le fait passer pour le principal initiateur des soulèvements populaires, le régime saoudien utilise la révolution syrienne et particulièrement l'attitude hypocrite de l'Iran envers ladite révolution pour justifier la répression de la révolution du Bahrain. Les deux régimes essaient d'ethniciser les révolutions arabes et les restreindre à de pures conflits ethniques, masquer leur réalité révolutionnaire et éviter leur transformation en un Tsunami populaire menaçant toutes les dictatures de la région.

4- Le régime syrien, Iranien et Saoudien se ressemblent dans leurs pratiques et dans leurs structures, en Syrie il existe des services secrets qui détiennent un pouvoir absolu leur permettant la répression illimité des individus voire même leur torture et leur exécution. De manière comparable, en Arabie saoudite il existe le service secret mal réputé, en plus de la Commission répressive pour la promotion de la Vertu. Comme en Syrie, en Arabie Saoudite on est entrain de faire hériter les fonctions répressives, le prince Mohamed ben Naif est entrain de détenir progressivement la fonction de son père dans la présidence des institutions de la répression et dans l'infliction des supplices aux gens. En Syrie on note l'émergence de Maher Alassad tout dernièrement, celui-ci essaie de démontrer à Deraa qu'il mérite la succession de son oncle, le boucher de humat et Tadmoor [2]. La même logique s'applique en Iran, sauf que dans cette dernière l'héritage ne se fait pas selon la filiation mais plutôt dans le cadre des institutions religieuses

5- L'attitude de l'alliance 8 mars envers la révolution syrienne ne peut être qualifiée que de honteuse, tout particulièrement la position de Hezbollah en essayant de masquer les crimes du régime syrien. L'attitude de l'alliance 14 mars est aussi abject et ignoble, celle-ci soutient la position de l'Arabie saoudite qui ethnicise la révolution syrienne et bahreïnienne et la présente comme étant une simple substitution d'un tyran alaouite par un autre sunnite. Ceci n'est pas seulement du galimatias mais aussi un mensonge éhonté.

Ils ne soucient pas du peuple syrien et de sa liberté, mais ils croient plutôt que la révolution syrienne, en affaiblissant un de leurs adversaires, accentuera objectivement leur position de force dans la concurrence quant à l'assujettissement du Liban et l'exploitation de ses richesses. Ils veulent déculpabiliser leurs seigneurs et leursles bouchers et réduire la révolution populaire syrienne à une affaire purement ethnique.

Un conflit entre des forces répressives autoritaires et fascistes, utilisant la carte ethnique et recourant à l'initiation de massacres ethniques quand cela est nécessaire pour contrecarrer une autre puissance similaire, telle est leur vision vis-à-vis du conflit au Liban et dans la région toute entière. La révolution syrienne aujourd'hui a dévoilé la défaillance du système ethnique et les puissances ethniques y compris de la gauche adepte de l'empire Hariri ou du hizboullah qui à son tour regarde le monde entier, le moyen orient, la Syrie et le Liban d'un point de vue purement ethnique.

Pour les leaders des mouvements ethniques la liberté des syriens ordinaires ne signifie pas plus que la liberté des libanais ordinaires. Cette liberté ne représente qu'un slogan manipulé avec malveillance, et dont les seuls objectifs sont, la pérennité de la domination et l'oppression au profit du régime syrien.

Le régime syrien essaie de démontrer que le pays jouit de la liberté, tout en asservissant le peuple. Le régime ethnique libanais et toutes les alliances ethniques au Liban prétendent à la démocratie et considèrent le système ethnique comme étant démocratique, ces puissances réduisent le citoyen libanais à un simple chiffre dans le compte de son leader.

Le régime syrien considère les conflits ethniques comme une menace, et de manière contradictoire il exerce lui-même la discrimination ethnique et les massacres contre les minorités. Au Liban les leaders ethniques reproduisent les même actions, ils accusent les autres d'être ethniquement discriminatoire, tandis qu'eux même mène une politique inspirée de l'ethnicité. Aujourd'hui Il n'existe pas de preuve aussi tangible que celle-ci, pour démontrer que la révolution syrienne contre le régime totalitaire est du même côté que la révolution des jeunes libanais contre le régime ethnique. Cette révolution n'est pas comme les médias à la solde d'Hariri le prétendent, un soulèvement hostile à l'Iran et aux chiites. Les chiites, les iraniens et toute personne sur la terre méritent la liberté comme nous, nous adhérons à leur militantisme pour bannir le totalitarisme, et nous croyons que notre cause est unique, et que les pouvoirs totalitaires quoiqu'ils soient des concurrents entre eux, sont par nature hostiles envers leurs peuples avant de s'opposer aux ambitions des autres peuples.

6- La carte des réformes est jouée par le régime syrien pour gagner du temps, rappelons le conflit sanguinaire en 1980-1979 entre les frères musulmans et le régime, ce dernier avait fait des promesses de réforme pour absorber la colère et bannir tout soulèvement qui s'oppose à la révolution des frères musulmans et au régime totalitaire Baasiste. Après les massacres de Humat le régime syrien a redirigé sa répression contre tous les courants politiques en Syrie, ainsi il a réprimé tout le monde, les gauchistes et les Nasseriens, les nationalistes en dehors du front [3], et bien évidemment les islamistes, organisés ou non, n'ont pas été épargnés, puis le régime a finalisé l'aliénation des partis du front. Pratiquement tout activiste a purgé une décade et demi d'emprisonnement, en somme le régime a imposé une sorte de résignation et a bâti un état policier ayant fini par faire hériter honteusement le pouvoir, la bureaucratie étatique militaire a plongé dans un pillage sans limite (ce qu'on appelle aujourd'hui la débauche). Avec l'arrivée de la politique néolibérale, les choses se sont aggravées, de larges masses vivent sous le seuil de la pauvreté. Les promesses de réforme de Bachar Alassad ne différent en rien ni aux promesses de Jamal Mubarak en Egypte, ni aux promesses de Saif Alislam en Lybie. Ces promesses ont été proclamées pour la première en l'an 2000, en concomitance avec l'intronisation, puis les dites promesses se sont renouvelées en 2005. En somme 11 ans sont passés, l'oppression et l'exploitation ont continué avec de nouveaux visages qui ne sont que la descendance de Hafed Alassad. Les promesses de réformes sont identiques à celles proclamés par le régime en 1980 et 1979, le seul but de ces derniers est de gagner du temps pour briser le soulèvement populaire. En outre, le régime projette d'isoler la société et plus particulièrement les couches appauvries, puis de la mener avec une poigne de fer et transmuer la Syrie en une vaste prison.

7- La situation réelle est complètement différente de ce qui est dépeint par les médias étatiques ou les médias d'Hariri, à Deraa les islamistes ne sont pas les activistes principaux, les soulèvements sont à certain degré spontanés, et même les leaders les plus classiques et qui jouissent d'un certain respect de la rue ne sont pas les commandeurs des soulèvements.

Plusieurs gauchistes de différentes tendances participent aux soulèvements, on cite entre autres ceux qui ont fini en prison Walid Fares le leader du courant Qasyon fi draa. Même à Douma où le caractère conservateur domine dans la population,, les islamistes n'ont joué aucun rôle.manière

Je ne peux pas parler de Banias, j'ai connu à l'époque des médecins de Banias et leurs familles, ces gens accusés de manière aberrante d'ethnicisme par le journaliste Abi Hassan dans son article sur Banias sont bien loin de cette attaque. Je tire ce point de vue de mes connaissances personnelles. Si les gens de Banias ont changé dernièrement, ceci est arrivé à l'ombre de la répression absolue du régime, ceci est une preuve que la dictature mène à l'impasse


8- Nous les gauchistes et les laïques vaincus par la répression et poussés à l'abattement à cause des attitudes honteuses de nos leaders , nous constituons aujourd'hui une force non négligeable mais abattue et désespérée dans une ambiance ou la politique ne tient plus de place chez les gens, ensemble avec les jeunes rebelles et les couches appauvries et opprimées par le régime, nous sommes capable de mener un dialogue libre avec toutes les parties de la société et créer une nouvelle atmosphère caractérisée par l'équité et la justice .

Les deux régimes arabes abattus prétendaient la laïcité et ont farouchement lutté contre les fondamentalistes, mais ces derniers n'ont pas pu s'accaparer du pouvoir après la déchéance des appareils de sécurité des deux régimes. Les frères musulmans en Egypte et Enahda en Tunisie se sont trouvés dans l'obligation d'annoncer leur intention ni de vouloir s'emparer du pouvoir ni de vouloir imposer leurs idées. Nous assistons aujourd'hui à l'émergence d'une nouvelle liberté ; les gens dans la rue auparavant pris par le régime comme des troupeaux sous l'égide des religieux, sont eux qui empêchent les pouvoirs politiques de s'emparer de la rue, et mettent une plateforme commune faite de liberté et d'équité.

Il existe deux méthodes pour combattre l'ethnicisme et le sectarisme, la première est de créer un ethnicisme opposant, ceci profite aux puissances dominantes, et accentue de manière nette l'exploitation et l'oppression dont les masses sont victimes depuis des décennies ; la deuxième est la laïcisation véritable inspirée de la liberté pour tous et l'équité, ceci est synonyme de liberté des masses et leur droit à la justice et au partage équitable des richesses. Il existe aussi deux manières pour combattre la violence ethnique, ou bien par l'intermédiaire d'un dispositif de sécurité allié à une puissance illégale (tel est le cas d' achabiha) et dont la violence est poussée, ou bien une mobilisation libre de la rue, prête à payer cher pour sa liberté. Enfin il existe deux modes de vie et pas plus, ou bien nous sommes libres, ou bien nous sommes asservis, et il n'y a pas un mode intermédiaire.


Mazen Kamalmaz, anarchiste syrien,
24 avril 2011

[1].Partisans de l'islam politique adepte de la violence pour imposer leur vision de la religion, considérant comme apostats tous les musulmans ne partageant pas leur vision de la religion.

[2]. Localités syriennes

[3]. Front national progressiste syrien, la façade politique du régime regroupant les partis légaux depuis 1972 ( Parti Baas.Union socialiste arabe, Mouvement socialiste arabe, Parti social nationaliste syrien Parti communiste syrien (groupe de Youssouf Fayçal), Parti communiste syrien (groupe de Khalid Bakdash) Parti de l'union socialiste Unionistes sociaux-démocrates )

Texte original en arabe
Traduction: Berckman, C.G.A et My Al Houria
Source : Texte trouvé sur Anarkismo.net

mardi 10 mai 2011

Procès en appel des inculpés de Vincennes

Incendie du CRA de Vincennes : le procès en appel des inculpés reporté.

Suite à l’audience du vendredi 6 mai 2011 : Le procès en appel est reporté.

- Rendez-vous à nouveau le vendredi 13 mai 2011 à 13h30 à la cour d’appel du TGI de Paris Pôle 2 chambre 9.

Relaxe de tous les inculpés !

Liberté de circulation et d’installation !

Fermeture des centres de rétention !

Plus de papiers du tout !

Source : Indymedia Paris.