[Traduction du texte du camarade anarchiste syrien Mazen Kalmamaz paru le 24 avril 2011 (Berckman, Coordination des Groupes Anarchistes) ]
1- En suscitant les conflits ethniques, le régime syrien a une double intention, d'une part déformer l'image de la révolution syrienne et d'autre part accentuer l'introversion (replis sur soi), la phobie sociale, et éloigner toute action, interaction ou dialogue avec les composantes de la société en dehors d'une tutelle de l'appareil de sécurité de l'état. Le despotisme exclut toute possibilité de dialogue ou d'action avec autrui, coupant ainsi les liens et isolant les individus les uns des autres.
Le silence imposé par le régime est en outre utilisé comme prétexte pour créer une atmosphère de crainte et d'appréhension, et écarter toute possibilité d'une action collective. Ainsi en isolant les individus les uns des autres et en les cernant dans le cercle de la terreur et du paranoïa, les gens développent une frayeur non seulement vis-à-vis des appareils de l'état mais aussi vis-à-vis du spectre du tiers avec qui on coexiste et on partage la même destinée. Le pouvoir et ses institutions deviennent ainsi indispensable dans une société dépourvue de liens, inhibé et léthargique, tel est le despotisme authentique. En une telle occurrence la révolution est synonyme de recréer le dialogue libre interindividuel et l'action libre collective.
2- La répression et la réticence imposées généreraient une obscurité qui faciliterait au régime la création de dissensions entre les opprimés, du moment qu'ils ne s'instruisent et ne s'informent qu'à travers les médias du régime, de ses adeptes, ou ses adversaires parmi les puissances dominantes. Ces derniers peuvent ainsi diffuser des messages plein d'arrière pensée.
Il ne s'agit pas de dire que la pensée ethnique n'existe pas, mais elle n'est pas aussi terrible que le pouvoir veut le faire croire. Cette pensée est à un certain degré la conséquence de la pérennité des supplices et du comportement ethnique infligés par le régime. Les médias officiels ne parlent ni de l'ethnicité du régime ni de ses agissements malveillants contre des personnes d'une autre ethnie. Les assassins mercenaires du régime sont plutôt dépeints comme exerçant une violence purement ethnique. Ensemble, les partisans du régime et les Takfiri [1] sont responsable de la création de la haine ethnique en Syrie, ils sont en réalité les Takfiri du pouvoir. Les forces démocratiques, gauchistes et laïques parmi l'ethnie alaouite , et d'ailleurs les masses alaouites entières pillées et réprimées par le régime comme pour le reste de la population syrienne ,revendiquent aujourd'hui la dénonciation du barbarisme de ces criminels, autant que les forces homologues sunnites doivent dénoncer tout appel au takfirisme ou à l'atteinte des minorités.
3- Le régime syrien et son homologue saoudien ont des intérêts mutuels, sans pour autant être des adversaires, il s'agit d'un antagonisme objectif plutôt que personnel. L'ennemi principal des deux régimes est leur peuple, chacun des régimes utilise l'autre pour justifier la répression qu'il inflige à son peuple. Le régime syrien utilise le nom de Bandar ben Sultan (prince héritier saoudien) et le fait passer pour le principal initiateur des soulèvements populaires, le régime saoudien utilise la révolution syrienne et particulièrement l'attitude hypocrite de l'Iran envers ladite révolution pour justifier la répression de la révolution du Bahrain. Les deux régimes essaient d'ethniciser les révolutions arabes et les restreindre à de pures conflits ethniques, masquer leur réalité révolutionnaire et éviter leur transformation en un Tsunami populaire menaçant toutes les dictatures de la région.
4- Le régime syrien, Iranien et Saoudien se ressemblent dans leurs pratiques et dans leurs structures, en Syrie il existe des services secrets qui détiennent un pouvoir absolu leur permettant la répression illimité des individus voire même leur torture et leur exécution. De manière comparable, en Arabie saoudite il existe le service secret mal réputé, en plus de la Commission répressive pour la promotion de la Vertu. Comme en Syrie, en Arabie Saoudite on est entrain de faire hériter les fonctions répressives, le prince Mohamed ben Naif est entrain de détenir progressivement la fonction de son père dans la présidence des institutions de la répression et dans l'infliction des supplices aux gens. En Syrie on note l'émergence de Maher Alassad tout dernièrement, celui-ci essaie de démontrer à Deraa qu'il mérite la succession de son oncle, le boucher de humat et Tadmoor [2]. La même logique s'applique en Iran, sauf que dans cette dernière l'héritage ne se fait pas selon la filiation mais plutôt dans le cadre des institutions religieuses
5- L'attitude de l'alliance 8 mars envers la révolution syrienne ne peut être qualifiée que de honteuse, tout particulièrement la position de Hezbollah en essayant de masquer les crimes du régime syrien. L'attitude de l'alliance 14 mars est aussi abject et ignoble, celle-ci soutient la position de l'Arabie saoudite qui ethnicise la révolution syrienne et bahreïnienne et la présente comme étant une simple substitution d'un tyran alaouite par un autre sunnite. Ceci n'est pas seulement du galimatias mais aussi un mensonge éhonté.
Ils ne soucient pas du peuple syrien et de sa liberté, mais ils croient plutôt que la révolution syrienne, en affaiblissant un de leurs adversaires, accentuera objectivement leur position de force dans la concurrence quant à l'assujettissement du Liban et l'exploitation de ses richesses. Ils veulent déculpabiliser leurs seigneurs et leursles bouchers et réduire la révolution populaire syrienne à une affaire purement ethnique.
Un conflit entre des forces répressives autoritaires et fascistes, utilisant la carte ethnique et recourant à l'initiation de massacres ethniques quand cela est nécessaire pour contrecarrer une autre puissance similaire, telle est leur vision vis-à-vis du conflit au Liban et dans la région toute entière. La révolution syrienne aujourd'hui a dévoilé la défaillance du système ethnique et les puissances ethniques y compris de la gauche adepte de l'empire Hariri ou du hizboullah qui à son tour regarde le monde entier, le moyen orient, la Syrie et le Liban d'un point de vue purement ethnique.
Pour les leaders des mouvements ethniques la liberté des syriens ordinaires ne signifie pas plus que la liberté des libanais ordinaires. Cette liberté ne représente qu'un slogan manipulé avec malveillance, et dont les seuls objectifs sont, la pérennité de la domination et l'oppression au profit du régime syrien.
Le régime syrien essaie de démontrer que le pays jouit de la liberté, tout en asservissant le peuple. Le régime ethnique libanais et toutes les alliances ethniques au Liban prétendent à la démocratie et considèrent le système ethnique comme étant démocratique, ces puissances réduisent le citoyen libanais à un simple chiffre dans le compte de son leader.
Le régime syrien considère les conflits ethniques comme une menace, et de manière contradictoire il exerce lui-même la discrimination ethnique et les massacres contre les minorités. Au Liban les leaders ethniques reproduisent les même actions, ils accusent les autres d'être ethniquement discriminatoire, tandis qu'eux même mène une politique inspirée de l'ethnicité. Aujourd'hui Il n'existe pas de preuve aussi tangible que celle-ci, pour démontrer que la révolution syrienne contre le régime totalitaire est du même côté que la révolution des jeunes libanais contre le régime ethnique. Cette révolution n'est pas comme les médias à la solde d'Hariri le prétendent, un soulèvement hostile à l'Iran et aux chiites. Les chiites, les iraniens et toute personne sur la terre méritent la liberté comme nous, nous adhérons à leur militantisme pour bannir le totalitarisme, et nous croyons que notre cause est unique, et que les pouvoirs totalitaires quoiqu'ils soient des concurrents entre eux, sont par nature hostiles envers leurs peuples avant de s'opposer aux ambitions des autres peuples.
6- La carte des réformes est jouée par le régime syrien pour gagner du temps, rappelons le conflit sanguinaire en 1980-1979 entre les frères musulmans et le régime, ce dernier avait fait des promesses de réforme pour absorber la colère et bannir tout soulèvement qui s'oppose à la révolution des frères musulmans et au régime totalitaire Baasiste. Après les massacres de Humat le régime syrien a redirigé sa répression contre tous les courants politiques en Syrie, ainsi il a réprimé tout le monde, les gauchistes et les Nasseriens, les nationalistes en dehors du front [3], et bien évidemment les islamistes, organisés ou non, n'ont pas été épargnés, puis le régime a finalisé l'aliénation des partis du front. Pratiquement tout activiste a purgé une décade et demi d'emprisonnement, en somme le régime a imposé une sorte de résignation et a bâti un état policier ayant fini par faire hériter honteusement le pouvoir, la bureaucratie étatique militaire a plongé dans un pillage sans limite (ce qu'on appelle aujourd'hui la débauche). Avec l'arrivée de la politique néolibérale, les choses se sont aggravées, de larges masses vivent sous le seuil de la pauvreté. Les promesses de réforme de Bachar Alassad ne différent en rien ni aux promesses de Jamal Mubarak en Egypte, ni aux promesses de Saif Alislam en Lybie. Ces promesses ont été proclamées pour la première en l'an 2000, en concomitance avec l'intronisation, puis les dites promesses se sont renouvelées en 2005. En somme 11 ans sont passés, l'oppression et l'exploitation ont continué avec de nouveaux visages qui ne sont que la descendance de Hafed Alassad. Les promesses de réformes sont identiques à celles proclamés par le régime en 1980 et 1979, le seul but de ces derniers est de gagner du temps pour briser le soulèvement populaire. En outre, le régime projette d'isoler la société et plus particulièrement les couches appauvries, puis de la mener avec une poigne de fer et transmuer la Syrie en une vaste prison.
7- La situation réelle est complètement différente de ce qui est dépeint par les médias étatiques ou les médias d'Hariri, à Deraa les islamistes ne sont pas les activistes principaux, les soulèvements sont à certain degré spontanés, et même les leaders les plus classiques et qui jouissent d'un certain respect de la rue ne sont pas les commandeurs des soulèvements.
Plusieurs gauchistes de différentes tendances participent aux soulèvements, on cite entre autres ceux qui ont fini en prison Walid Fares le leader du courant Qasyon fi draa. Même à Douma où le caractère conservateur domine dans la population,, les islamistes n'ont joué aucun rôle.manière
Je ne peux pas parler de Banias, j'ai connu à l'époque des médecins de Banias et leurs familles, ces gens accusés de manière aberrante d'ethnicisme par le journaliste Abi Hassan dans son article sur Banias sont bien loin de cette attaque. Je tire ce point de vue de mes connaissances personnelles. Si les gens de Banias ont changé dernièrement, ceci est arrivé à l'ombre de la répression absolue du régime, ceci est une preuve que la dictature mène à l'impasse
8- Nous les gauchistes et les laïques vaincus par la répression et poussés à l'abattement à cause des attitudes honteuses de nos leaders , nous constituons aujourd'hui une force non négligeable mais abattue et désespérée dans une ambiance ou la politique ne tient plus de place chez les gens, ensemble avec les jeunes rebelles et les couches appauvries et opprimées par le régime, nous sommes capable de mener un dialogue libre avec toutes les parties de la société et créer une nouvelle atmosphère caractérisée par l'équité et la justice .
Les deux régimes arabes abattus prétendaient la laïcité et ont farouchement lutté contre les fondamentalistes, mais ces derniers n'ont pas pu s'accaparer du pouvoir après la déchéance des appareils de sécurité des deux régimes. Les frères musulmans en Egypte et Enahda en Tunisie se sont trouvés dans l'obligation d'annoncer leur intention ni de vouloir s'emparer du pouvoir ni de vouloir imposer leurs idées. Nous assistons aujourd'hui à l'émergence d'une nouvelle liberté ; les gens dans la rue auparavant pris par le régime comme des troupeaux sous l'égide des religieux, sont eux qui empêchent les pouvoirs politiques de s'emparer de la rue, et mettent une plateforme commune faite de liberté et d'équité.
Il existe deux méthodes pour combattre l'ethnicisme et le sectarisme, la première est de créer un ethnicisme opposant, ceci profite aux puissances dominantes, et accentue de manière nette l'exploitation et l'oppression dont les masses sont victimes depuis des décennies ; la deuxième est la laïcisation véritable inspirée de la liberté pour tous et l'équité, ceci est synonyme de liberté des masses et leur droit à la justice et au partage équitable des richesses. Il existe aussi deux manières pour combattre la violence ethnique, ou bien par l'intermédiaire d'un dispositif de sécurité allié à une puissance illégale (tel est le cas d' achabiha) et dont la violence est poussée, ou bien une mobilisation libre de la rue, prête à payer cher pour sa liberté. Enfin il existe deux modes de vie et pas plus, ou bien nous sommes libres, ou bien nous sommes asservis, et il n'y a pas un mode intermédiaire.
Mazen Kamalmaz, anarchiste syrien,
24 avril 2011
[1].Partisans de l'islam politique adepte de la violence pour imposer leur vision de la religion, considérant comme apostats tous les musulmans ne partageant pas leur vision de la religion.
[2]. Localités syriennes
[3]. Front national progressiste syrien, la façade politique du régime regroupant les partis légaux depuis 1972 ( Parti Baas.Union socialiste arabe, Mouvement socialiste arabe, Parti social nationaliste syrien Parti communiste syrien (groupe de Youssouf Fayçal), Parti communiste syrien (groupe de Khalid Bakdash) Parti de l'union socialiste Unionistes sociaux-démocrates )
Texte original en arabe
Traduction: Berckman, C.G.A et My Al Houria
Source : Texte trouvé sur Anarkismo.net
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