vendredi 25 février 2011

"Qu'est-ce qu'un dispositif ?" (suite 1)

Florilège de quelques dispositifs
rudimentaires dans la vie quotidienne...


Numero 1 - "Petit frère te regarde" : La caméra de surveillance.

Il s'agit à première vue d'un « dispositif de base ». Pour ce cas là, on en présence d'une configuration binaire, où le dispositif est apriori mis en place pour la fonction à travers laquelle il se présente : la surveillance. A titre d'exemple, le seul métro parisien et ses 12 500 caméras répertoriées donnent le ton. En 2007, le nombre de caméras "autorisées" (donc dans "l'espace public" en France) était estimé à 340 000 mais pourrait atteindre un million d'ici peu. L'ancien ministre de l'intérieur, Michelle Alliot Marie (MAM), début 2009, déclare que des caméras seront à terme placées dans tout les lycées et gares ferroviaires du pays. Effet d'annonce ou simple discours du façonnement des consciences ?

Toujours est il que nous sommes passé d'une situation, celle du début des années 80, où la caméras de surveillance se limitait -en raison du coût élevé de son exploitation- quasi-exclusivement aux sièges des banques, des grandes entreprises à une prolifération épidémique et exponentielle du dispositif, dont la vente constitue un marché juteux.
Désormais appelée de "vidéo-protection", elles pullulent aujourd'hui un peu partout.

Un marché donc, dont le but final se couple parfaitement avec un projet de société de panoptique. Ce qui signifie par exemple : l'utilisation policière quasi-systématique des enregistrements vidéos pour ficher les groupes dans des déplacements convergents vers une manifestation, un événement sportif ou « culturel ». N'importe quel prétexte à enregistrer, analyser, identifier, ficher, et classer massivement chaque individu ou groupe dans une situation donnée (« réseau d'individus »). Mais aussi le « partage des données » : à des fins publicitaires par exemple. La soit-disant « vidéo-protection » n'a pas pour unique vocation la « surveillance » dans un but délimité, mais bien le fichage et le contrôle des populations de toutes les manières possibles. A titre d'exemple, en moyenne, seul 60% des demandes policières de bandes vidéos provenant des caméras de la RATP sont destinées à des affaires liés au métro ou RER.
Ce qui signifie que tout le reste est utilisé pour des affaires qui n'ont aucun lien avec le réseau de transports. La caméra s'est tellement bien intégrée dans le décors urbain que sa généralisation géographique (au m²), ainsi que l'extension de son usage (à des finalités qui restent souvent méconnues) tendent à passer complètement inaperçues. Dernier exemple en date : la « caméra dans la pub ». Science-fiction ? Pas vraiment. Les toutes nouvelles « publicités animées » (écrans géants publicitaires dans le métro parisien, apparu début 2010) sont également équipées d'une micro-caméra invisible au premier coup d'oeil, située juste au dessus de l'écran. L'objectif est muni d'un dispositif permettant de « détecter les regards » et même les cibler (pour comptabiliser le nombre de fois que la publicité a été vue et ce qui a attiré le regard), ainsi bientôt que les téléphones portables pour envoyer des publicités par "sms" ou "mms" aux
« regards intéressés ». Autre nouvelle dotation des caméras qui devrait se généraliser : les «capteurs vidéos» autour de l'objectif, dispositif qui, associé aux caméras de surveillance doivent détecter automatiquement les « mouvements suspects » dans les lieux publics. La question n'est même pas de savoir si le dispositif sera assez "performant" pour faire la différence entre les mouvements d'un groupe d'enfants qui jouent et une véritable rixe (il n'y a pas à douter qu'ils le seront), mais plutôt : « à qui profite la surenchère sécuritaire ?» et encore, en ces circonstances : sommes nous libres de nos mouvements ?

"Vidéo-protection" ou surveillance généralisée ?

A mesure que l'obsession irrationnelle du contrôle s'étend dans toute sa rationalité, et que les caméras de surveillance ainsi que les motifs consubstantiels leur usage se multiplient proportionnellement, les conseillers en communication du gouvernement mettent du coeur à l'ouvrage pour "rassurer le citoyen" sur ses généreuses intentions et nous pondent de jolis termes de novlang orwellienne. Nouvelle constriction linguistique : "la vidéo-protection". L'article 17 du projet de loi "L.O.P.P.SI 2" indique que :

"Dans tous les textes législatifs et réglementaires, le mot : « vidéosurveillance » est remplacé par le mot : « vidéoprotection »."
mais encore que :
"Le mot de « vidéosurveillance » est (…) inapproprié car le terme de « surveillance » peut laisser penser à nos concitoyens, à tort, que ces systèmes pourraient porter atteinte à certains aspects de la vie privée."

Tentant ainsi maladroitement de masquer le caractère grossier des desseins d'une telle loi.
Offrant en outre les pleins-pouvoirs au Préfet sur cette question comme sur d'autres, aucune possibilité de contester (même pour les élus municipaux) une décision d'installation de caméras de surveillance dans la rue par un quelconque recours légal : c'est donc la police qui fixe l'ordre du jour. L'esprit de la loi défendant l'idée de la délégation du pouvoir policier (à des "annexes", comme les "citoyens réservistes" que cette même loi prévoit de recruter), il n'y a pas à douter que ce sont les entreprises privées (dont les effectifs en caméra de surveillance dépasseront bientôt ceux de la gendarmerie) qui en bénéficient le plus. En effet, la loi permet aux entreprises d'installer des caméras filmant la "voie publique". Sorte de nouveau droit de l'entreprise, comme parachevant ainsi le vieux processus de transformation de ce qu'il est encore convenu d'appeler l'espace publique en Pré Carré capitaliste.

En effet, quoi de plus logique lorsqu'on transforme les rues en galeries marchandes que de vouloir y installer des caméras, révélant ainsi la fonction de l'agent de police ou du gendarme pour ce qu'elle est essentiellement : celle d'un vigile assermenté, d'un gardien de la marchandise et de la propriété.

mardi 22 février 2011

"Qu'est-ce qu'un dispositif ?"



« Notre société n'est pas celle du spectacle, mais celle de la surveillance [...]. Nous ne sommes ni sur les gradins, ni sur la scène, mais dans la machine panoptique, investis par ses effets de pouvoir que nous reconduisons nous-mêmes puisque nous en sommes un rouage. »

Michel Foucault,
in « surveiller et punir ».

« Le droit à la liberté sans les moyens de le réaliser n'est qu'un fantôme. »
Michel Bakounine

Cette question « qu'est-ce qu'un dispositif ? », au premier abord parfaitement neutre pour les profanes, agite depuis déjà quelques années les esprits, chez les sociologues comme chez les conseillers en communications. Le terme « dispositif », est rentré dans le langage commun du pouvoir, comme de celui de nombre de chercheurs et de sociologues quasiment au même titre que les termes de « classes sociales », revêtant ainsi une nouvelle importance.

Mais qu'est-ce qu'un dispositif ?

Laissons pour un moment le dictionnaire là où il est. Tentons d'explorer le concept.
Selon Foucault,
un dispositif est à peu près un ensemble de mécanismes, d'assemblages hétérogènes de discours, de lois, d’institutions, de pratiques, d’outils, de dispositions spatiales, etc.

Assemblages mis en place pour et par ceux qui l'ont forgé, mais pas seulement.

Le piège à loup est un dispositif. La liste des élèves d'une école, agrémentée du nom de leurs parents ou tuteurs légaux, voir même de leurs situations sociales respectives, est un dispositif.

Ce qui ne veut pas dire qu'un dispositif est utilisé aux fins pour lesquelles il a été crée.
Nombre de dispositifs, (on pourrait aussi écrire « d'agencements ») peut être même l'essentiel, ne sont pas utilisés pour leur usage premier. On n'utilise plus que rarement le piège à loup pour capturer des loups. On ne l'utilise d'ailleurs pas que pour capturer ou blesser des animaux. Il est utilisé en temps de guerre ou de conflits civils pour blesser des êtres humains et les capturer. Il en va de même pour les listes scolaires qui ne servent évidemment pas qu'à contacter les parents d'un enfant pour parler de ses « résultats », de son « assiduité au travail » ou de son « comportement »... On s'en sert, à l'occasion, pour faire pression sur des parents accusés de mal s'occuper de leurs enfants, en leur imputant « le mauvais comportement » de ce dernier ou ses mauvais résultats justement. On s'en sert aussi pour ficher, arrêter, et expulser une famille de sans-papiers ou des individus accusés pour tel ou tel litige. «Pour leur bien », cela va s'en dire.

D'autre part, autre fait remarquable : l'expression est très prisée dans les discours gouvernementaux contemporains. On met en place le « dispositif alerte enlèvement » (en passant la photographie d'une personne disparue à la télévision en boucle ou sur les emballages de produit de consommation alimentaires), des « dispositifs de prévention de la délinquance dès la maternelle » (c'est à dire, par exemple, une surveillance psychologique pour « détecter les signes » qui devraient traduire chez les enfants un « penchant », présenté comme « naturel » ou « congénital » pour la délinquance ), des « dispositifs de surveillance », des « dispositifs de communication », des « dispositifs publicitaires », le « dispositif bonus écologique » comme le « dispositif de l'armée française en Afghanistan ». Il existe dans le langage du pouvoir une surabondance dans l'usage du terme qui de toute évidence n'est pas fortuite.

Il suffit pour s'en convaincre de taper le terme « dispositif » sur un moteur de recherche internet pour tomber rapidement sur plusieurs sites ministériels type « developpement-durable.gouv.fr».

On pourrait répertorier encore bien des exemples.

Mais pour saisir l'enjeu de l'utilisation du terme, il faut comprendre les dispositifs non seulement comme des ensembles mécaniques de gestion du pouvoir dans ses tâches les plus apparement administratives, subalternes et « neutres », tout aussi bien comme un lot d'objets, d'expressions, d'idées, de « façons de pensée », et même de concepts qui moralement ou matériellement, justifient et permettent d'assurer la surveillance généralisée -et l'adhésion quasi-automatique aux choix de société qui vont avec- comme rapport au monde. Herbert Marcuse soutenait que la rationalité technologique façonne l'idéologie. Parce que cette rationnalité organise chaque secteur de la société (culture, politique, social, économie) suivant le principe idéologique essentiel de la productivité matérielle. La conséquence étant que les individus se replient sur des modes de vie uniformes et non contestataires, et plus encore en période de "crise" (comme mode d'administration). En d'autres termes, on pourrait aussi dire que le processus économique ("exigence de productivité") façonne l'idéologie -comme discours du pouvoir aussi bien que comme norme culturelle- qui façonne à son tour la manière de penser de la plupart des gens. Plus précisément, cette exigence fait que chaque dispositif (même une simple pub) contient avec lui un paradigme : une vision du monde.

Le choix de favoriser les solutions d'enfermement pour ceux et celles qui sont perçus comme des déviant-e-s (les prisons, les centres fermés, « l'hospitalisation prolongée » des hôpitaux psychiatriques, et les récents projets de loi qui doivent permettre de « favoriser l'hospitalisation d'urgencce » -en clair l'enfermement-) ou des indésirables (les camps de détention dits « centres de rétention administratives » pour sans-papiers). Le choix de prévenir, et même de rendre quasiment impossible, tout mouvement de foule suspect dans le métro ou dans la rue (via les drônes-vidéos, ou la vidéo-localisation -voir plus loin), le choix de bétonner une dalle, un trottoir ou un carrefour pour y empêcher ou y compliquer les rassemblements. A titre d'exemple, la préfecture de police de Paris déploie un nombre considérable de dispositifs stratégiques et logistiques (toutes les caméras de surveillance de la ville y sont visibles sur un mur d'écrans, et le préfet peut déplacer à partir de là hélicoptères, camions anti-émeutes, compagnies de CRS, etc...) lui permettant, si cela devenait nécessaire, de revoir la carte de la ville en champs de bataille avec vue panoramique façon « jeu vidéo en temps réel » : c'est exactement ce qui s'est passé durant les manifestations et les émeutes géantes du printemps 2006 (mouvement dit « anti-CPE »), ayant fait figure de laboratoire à grande échelle pour ce véritable « Etat dans l'Etat ». En définitive, des choix de « gouvernance » (pour reprendre un autre néologisme assez prisé dans les discours) qui conçoivent le rapport à la société sous l'égide unilatérale de l'Etat comme synonyme de « positions stratégiques », « d'affrontements », de « projections », de « conflits », et tout simplement : de contrôle. Révélant plus visiblement l'Etat pour ce qu'il est par essence, au moins d'un point de vue technique : un Etat policier . Tout ces rapports sociaux ne sont pas « neutres ». Ils engagent des visions du monde donc, une ou plusieurs idéologies.

Il serait naïf de s'imaginer que toutes ces choses sont laissées au hasard. Elles sont le fruit de décisions mûrement réfléchies et pensées dans le cadre de la loi, de l'histoire et de la réactivité de « l'opinion publique » durement sculptée selon les intérêts économiques et politiques du moment.

On parle aujourd'hui beaucoup de la LOPSSI 2 (Loi d'Orientation et de Programmation Pour la Sécurité Intérieure), qui constitue finalement un peu la « mise à jour générale » de la fonction répressive de l'Etat sous forme de gros lot de nouvelles lois scélérates. Mais d'une certaine manière, cela ne doit pas être vu comme beaucoup plus que la modernisation permanente de l'économie politique du contrôle, sous l'égide de la doctrine de la guerre économique. Son but n'est finalement rien d'autre que la création d'une « police globale », qui serait partout, jusqu'à se substituer à tout lien social. Biensur, ces décisions, ces décrets, ces réformes juridiques qui permettent l'emploi généralisé de ces dispositifs s'appuient opportunément sur tout un ensemble d'innovations techniques qui vont de paire avec le développement de l'économie. Mais justement, l'économie elle même n'est pas « neutre ». Elle suit tout un lot de schémas idéologiques et politiques déterminés qui ne sont pas dus au pur hasard, ou aux évolutions aléatoires des « découvertes scientifiques », mais bien plus aux nécessités des classes possédantes et de ses dirigeants politiques qui orientent jusqu'à la recherche, qui donc n'est pas neutre non plus. S'imaginer que les innovations techniques jaillissent du néant sans être orientées et même encadrées par les intérêts des classes possédantes relève de l'aveuglement volontaire ou au moins de la naïveté. Il n'y a pas plus de « flic neutre » qu'il n'y a de « journaliste objectif » au sens pur de ces termes. On ne peut pas vivre dans un monde où le premier budget mondial est l'armement tout en pensant que le développement technologique suit le cours du progrès social.

Peut on nier, par exemple, que le développement d'internet, « formidable outil de communication », fut dès sa création par des étudiants d'une faculté américaine, accaparé par l'armée et les autorités étatiques, qui confisquèrent alors toute décision sur le développement du projet ? L'exemple d'internet reste néanmoins « positif », en ce sens qu'il est une technologie dont l'usage et la ré-appropriation populaire à des fins réellement "utilitaires" et contestataires jusqu'à aujourd'hui ne doit pas être nié ou relativisé. Malgré la surveillance. Malgré l'usage qu'en fait la police. Le travail policier des télécommunications et de la presse, même « clandestine », n'était peut être pas moins pénible (les nombreux rapports détaillés de la police française dans la surveillance des mouvements contestataires ou révolutionnaires et sur ses protagonistes en attestent à chaque sorti d'un livre d'histoire sur le sujet) et demandait beaucoup moins de « rationalisation » que celui qui consiste à surveiller internet et ses nombreux rouages. A condition de savoir l'utiliser, le « réseau des réseau » reste, en même temps qu'un autre « piège à loup », un assemblage d'outils créatifs et vivants. Mais bien évidemment, aucun angélisme n'est de mise sur la question. La France possède après la Chine, la politique la plus répressive et liberticide en matière d'internet. Le contrôle tend forcement à s'immiscer sur la toile. Là encore, la « LOPPSI 2 » viendra compléter un tableau déjà bien garni : en plus de l'obligation pour les fournisseurs d'accès de conserver et archiver les « logs » de leurs clients (informations d'entrées et sorties sur tel ou tel site ou connexion) viennent s'ajouter au décors, en vrac : l'identification des téléchargements « illégaux », de l'I.P du « pirate » et possibilité de suspendre la connexion temporairement ou même définitivement en cas de récidive. Mais également : la possibilité d'identifier l'auteur d'un message, ou même d'un article anonyme sur un site d'information ou de presse à partir de sa connexion. Et la liste est encore longue. A l'origine de ces mesures « contre le piratage » (et dont l'usage s'étend évidemment pour la police) : tout un lobby de propriétaires et de producteurs désireux d'empêcher les internautes de voir ou écouter les «oeuvres» qu'ils possèdent sans payer.

Le principe de "gratuité" (ou plus simplement le refus de payer pour "consommer de la culture") est leur cauchemard : les lois les plus sécuritaires et liberticides valent mieux à leurs yeux que quelques invendus. Contrairement à ce qu'on a pu dire ce sujet, la "gratuité" n'est pas un argument de vente en soi. Elle peut être utilisée, elle aussi, comme dispositif dans une stratégie marketing. Mais elle n'est plus un argument de vente lorsqu'elle "casse le marché". C'est de l'initiative de quelques propriétaires d'oeuvres, et maisons de productions (qui ont entraînés avec eux d'autres capitalistes soucieux de défendre leurs intérêts) et du poids qu'ils ont eu sur quelques députés bien "avisés" (la plupart n'y connaissent strictement rien en matière d'informatique et d'internet) que les premières de ces lois ont vu le jour. Mais le bilan des nombreux autres dispositifs dont nous ignorons complètement le développement et sans doutes même jusqu'à l'existence à de quoi réveiller quelques inquiétudes. Ce qu'il faut saisir, c'est que l'enjeu du contrôle et aussi et d'abord de défendre les intérêts d'une classe, ou au moins la bonne marche de l'économie, qui par définition, produit des intérêts contradictoires.

On pourra objecter à ce sujet que le mode d'administration de l'Etat est par essence de « surveiller et punir » et de maintenir un certain secret autour de sa mécanique afin de protéger la fragilité de certaines infrastructures. Mais il faut en conséquence se demander à quel moment il est question pour nous de « démocratie », de « droit » ou même de « choix ». Le champs libre semble déjà s'amenuiser sous le poids de ces constats. Non content de soulever quelques lieux communs, nous faudrait il encore questionner l'influence des dispositifs de toutes sortes sur le comportement humain en général. Son rapport à la soumission, aux choix déterminés dans l'acceptation et l'idée « consentie » d'être sous surveillance au quotidien. Même et surtout inconsciemment. En bref, le remplacement de la discipline obtenue sous la menace de la loi par l'auto-discipline mécaniquement observée sous l'effet du contrôle permanent. La promesse du bâton et la peur de son application systématique et immédiate sont deux choses très différentes. Et pour détourner une vieille expression anarchiste : le peuple ne ne sera pas plus heureux lorsque la matraque avec lequel on le frappe sera appelée « matraque démocratique », « matraque de proximité » ou « matraque préventive ». Mais si l'essence de ce rapport social reste le pouvoir et l'autorité, il existe un saut qualitatif entre le comportement humain dans une société gouvernée par un Etat régalien « de base » tel qu'on a pu l'observer par le passé et celle qui tend à la panoptique et au contrôle techno-social total. Pas sur le plan de la « valeur », mais plutôt du « mode opératoire » dans le contrôle : plus implacable parce que voulu « plus efficace ». Dans une société dominée par la sacro-sainte rationalité technologique, l'inefficacité est pêché mortel. L'expérience de Milgram à l'échelle mondiale a déjà révélé son lot de flétrissures dans la logique des comportements humains. Ou de ce qu'on entend encore par « humanité ». C'est à dire un lien, au demeurant. Et lorsqu'il est rompu, tordu ou plié c'est que quelque chose le remplace ou le coince. Quelque chose d'autre qui n'est pas ce lien et qui pourtant nous tient lieu de « Société » . On pourrait encore parler des satellites espions, des ondes et de leurs effets sur le comportement ou la santé, des micro-puces (RFID), des micro-canons, des micro-caméras et bien d'autres choses encore si leur énumération nauséeuse ne confinait pas à la paranoïa. Car il ne s'agit pas d'écrire un mauvais roman de science-fiction, mais d'établir une sorte de « diagnostique » du comportement humain en présence de tout ces dispositifs dans la vie quotidienne et les rapport sociaux au diapason de la surveillance généralisée, dont l'enjeu est bien le contrôle social. Puisqu'il ne s'agit pas d'être résigné au mythe de l'invulnérabilité du système et de se laisser envahir par la peur, mais de comprendre ce phénomène de prolifération et ses fins pour mieux combattre l'idéologie du pouvoir et son obsession mystique pour le contrôle.

Contrôle qui n'est plus seulement assuré par l'image de « l'agent de police à chaque coin de rue » et de ses injonctions, mais d'un certain nombre d'expressions du langage dominant (comme « le droit chemin », « les bons citoyens »), de suggestions (« la misère ou le salariat ? »), et enfin d'outils qui si ils ne sont pas présentés comme « étant conçus à cet usage », servent essentiellement à tracer et suivre les individus, les encadrer, les séparer, les tenir à une « distance raisonnable », et délimiter leur champs d'action, voir même de pensée.

Ce qui fait l'histoire des dispositifs, c'est leur accumulation. Leur multiplication.

Derrière chaque dispositif mis en place par telle ou telle « réforme », ou « projet de loi », changement dans les méthodes de police ou innovation économique ou technologique, se cache un lot d'autres dispositifs parfois ancestraux. A ce qui fut jadis une préoccupation essentiellement militaire, policière et religieuse, qui permettait de faire tenir les formes passés du salariat, ou celles plus anciennes de l'exploitation, se sont ajoutées les catégories de l'entreprise non plus seulement comme lieu d'exploitation, et de l'école, de la faculté, non plus seulement comme lieux d'apprentissages mais comme sphères totalisantes de « l'intégration sociale ». Comme des lieux de pouvoir structurés. Où le savoir lui non plus n'est pas neutre, mais donc orienté : le simple fait que certains cours disparaissent à la fac, ou que leurs contenus ou certains thèmes soit radicalement changés d'une année à l'autre devrait pourtant nous mettre sur la piste. Pas étonnant dès lors, qu'outre l'armée ou la prison, c'est aux sein de ces nouvelles sphères totalisantes que se multiplient les dispositifs. La rue elle aussi, vieille place du désordre, de rencontres et de fêtes, lieu de la res publica (chose publique) par définition est, de plus en plus, un chemin de l'Etat jonché par ses dispositifs où rien n'est plus censé exister en dehors de son champs de vision, de captation, de détection.

La disparition progressive et programmée des fêtes populaires « sauvages » dans certaines grandes villes et métropoles européennes (Comme les « botellones » en Espagne ou « fêtes de quartier» en Allemagne, ou la « rue de la soif » à Rennes et ses fêtes de rue) ont autant avoir avec la gentrification (sorte de processus moderne de ségrégation spatiale, qui n'est finalement qu'une autre facette de la lutte des classes et de la domination) qu'avec les dispositifs mis en place pour chasser les pauvres et le «bruit» de la cité (nouvel ennemi suprême du « monde civilisé »). A grands coups de caméras de surveillances, de « bruit anti-jeunes» ou de «sprays odorant anti-SDF», d'urbanisme, mais aussi de camions de police, de gaz lacrymogènes et de charges de policiers anti-émeutes lors de certaines de ces grandes fêtes. La plupart de ces fins de fêtes populaires sauvages ont été émaillées partout en Europe ces dernières années d'affrontements et même d'émeutes géantes (En Espagne à Valence, et à Barcelone, en Allemagne à Hambourg lors de l'été 2009, etc) où à chaque fois la presse s'emploie à pointer du doigt en vrac "la violence, l'alcoolisme, la drogue, l'absence de mesures de sécurité, la présence d'éléments perturbateurs, etc..." (dans la droite lignée de la "phénoménologie" policière) tout en s'abstenant bien d'analyser la situation à la lumière de ses causes et de ses enjeux. Partout, on chasse les pauvres non seulement des centres villes, mais même des rues, en les acculant à la stricte « sphère privée » par dégager partout un terrain de jeu capitaliste potentiel pour entrepreneurs, spéculateurs immobiliers, petits commerçants (« bars branchés », restaurants), ou grandes filiales de la distribution vestimentaire ou alimentaire (magasins de vêtements, fast-foods, snacks-bars), et encore de marchandises culturelles (galerie d'art, « squat d'artistes subventionnés par la mairie », ou cinémas d'une grande chaîne), etc.

Au lycée, à l'université comme en l'entreprise : parmi d'autres, une sorte d'impératif catégorique s'est hissé sur ces dispositifs dans l'histoire contemporaine. Il s'agit de l'exigence d'adhésion aux « choses comme elles vont ». C'est une fabrique permanente du statu quo, qui comme idéologie, emploie ces dispositifs. En plus d'y apprendre comme à l'école, la soumission, la fameuse «éthique du travail», la ponctualité et l'assiduité, en effet, on ne demande plus seulement à l'employé d'accomplir les tâches indispensables qu'on exige de lui dans le processus de production, mais on lui demande de comprendre en quoi ce qu'il fait est important pour l'entreprise, on s'assure qu'il ai bien compris « sa mission personnelle», et en clair de la place de son entreprise dans l'économie et de l'économie dans la société. L'entreprise est une cellule de socialisation totalitaire. Pour exemple de dispositif, une habitude qui s'est généralisée dans les grandes entreprises du service et de la vente est d'afficher à proximité du réfectoire, des vestiaires ou des casiers, à un endroit bien visible : les comptes de l'entreprise et sa côte en bourse sous forme de diagrammes et de courbes. Si l'employé de base ne comprend évidemment pas le sens profond de tout ces chiffres, il comprend que si il ne travaille pas à plein rendement, il risque sa place. Et chaque matin, le petit dispositif, avec d'autres, joue son rôle dans la domestication salariale. Là encore, l'exemple est révélateur : la fonction essentielle du dispositif «diagramme » (appelons le ainsi par commodité), n'est pas la « transparence des comptes », ou « l'information» -fonction parfois affichée- mais d'exercer une pression sur le salarié en lui faisant comprendre que sa place, son salaire et donc sa survie à court ou moyen terme, dépend intimement de la rigueur avec laquelle on utilise sa force de travail, et à laquelle il doit impérativement se soumettre, sous peine d'être humilié, réprimandé, de voir son salaire retranché de retenues, ou d'être purement et simplement licencié.

A chacun de ces dispositifs, d'autres se sur-ajoutent, comme les disques d'une chaîne de vélo.

Chaque « dispositif » pouvant contenir son lot de «dispositifs », comme les réseaux d'alvéoles dans une ruche d'abeille. Un dispositif de vidéo-surveillance contiendra le dispositif « agent de sécurité – écran – caméra », etc. Chaque dispositif déployé par l'Etat ayant, d'une manière ou d'une autre, pour vocation d'assurer la bonne marche de l'économie. Comme autant de rouages de l'architecture globale du capitalisme.

samedi 19 février 2011

Semaine de solidarité et de luttes !

[19.02.2011 : mise à jour du Programme et des lieux de RDV]

[ 16.02.2011 :Avec un peu de retard, nous relayons les tracts, affiche et programme de la semaine de solidarité et de lutte contre la répression, l'antiterrorisme et bien plus encore actuellement en cours en région parisienne. Plusieurs rendez-vous encore à venir avec soirées, débats, discussions, concerts, bouffes et plus encore...]

"Pour que crève le vieux monde,
Semaine de solidarité et de luttes"



[Affiche]

Nous appelons donc à une semaine de luttes et de solidarité qui, au lieu de partir de la répression et de ses spécificités, continue à diffuser les luttes et à défendre les idées que l'Etat cherche à briser : par exemple celles contre les centres de rétention et la machine à expulser, mais également la solidarité avec les révoltés des deux côtés de la Méditerranée. Si nous proposons un cadre collectif au cours de cette semaine-là, il ne s'agit pas pour autant d'aplanir les différences des uns et des autres derrière un énième « front commun contre ». Nous souhaiterions plutôt que chacun s'en saisisse pour échanger et se confronter, et lance différentes initiatives qui se répondront les unes aux autres dans une perspective anti-autoritaire : pour un monde sans frontières ni enfermements, sans Etats ni exploitation, refusant toute médiation, afin de se débarrasser de toute domination, qu'elle soit
« démocratique » ou pas.
"

PROGRAMME

Samedi 12 février
- 19h, au 5-7-9 rue du Capitaine Marchal, M° Porte de Bagnolet. Concert en solidarité avec les prisonniers de la guerre sociale.

Dimanche 13 février
- 16h, au 7 boulevard Bourdon, M° Bastille. Assemblée Générale d’ouverture de la semaine de solidarité et de luttes

Dimanche 20 février
- 21h, au 7 boulevard Bourdon, M° Bastille. Concert en solidarité avec les prisonniers de la guerre sociale.

Lundi 21 février
- 19h, au CICP 21 ter rue Voltaire M° Rue des Boulets.. Discussion autour des révoltes en Afrique du Nord : démocratie ou révolution ?

Mardi 22 février
- 19h, au CICP 21 ter rue Voltaire M° Rue des Boulets. Discussion autour de la répression.

Mercredi 23 février
- 15h, au métro Belleville Table de diffusion de textes
- 19h, rue Sainte Marthe, M° Belleville. Rôtisserie en soutien au journal ’’Luciole’’ et aux prisonniers de la lutte contre la machine à expulser.

Jeudi 24 février Pause

Vendredi 25 février
- 18h, au 7 boulevard Bourdon, M° Bastille. Soirée sur migration-exploitation. Projection du film ’’Rosarno : Le temps des oranges’’ suivi d’une discussion. Cantine en soutien aux prisonniers.

Samedi 26 février
- 16h, au 7 boulevard Bourdon, M° Bastille. Discussion. Des rafles aux expulsions : comment lutter contre la machine à expulser ?

Dimanche 27 février
- 16h, au 5-7-9 rue du Capitaine Marchal, M° Porte de Bagnolet. Assemblée Générale de clôture de la semaine de solidarité et de luttes.

contact : semainedesolidarite@gmail.com



[Un tract]

Contre la répression. Semaine de solidarité et de luttes 12,13 et du 20 au 27 février 2011 à Paris

La gestion des mouvements de population est l’une des priorités des États. Il s’agit, notamment, de sélectionner au plus près la main-d’œuvre nécessaire à l’économie, ceci dans un contexte général de dégradation des conditions de vie. Cette sélection impose le renforcement de l’enfermement des personnes dites indésirables, des contrôles aux frontières et des rafles, des visas au compte-goutte et l’intensification de la lutte contre celles et ceux qui d’une manière ou d’une autre vont à l’encontre de la mise sous contrôle des mouvements de population. Depuis quelques années, les services de police font un gros travail de fichage des gens qui luttent contre les centres de rétention et les rafles et contre la machine à expulser en général. Les ministres de l’Intérieur de l’Union Européenne multiplient les rencontres pour intensifier la lutte contre ce qui serait selon eux une même menace : « l’immigration clandestine et le terrorisme ». Dans le même temps, les luttes de solidarité avec les sans-papiers sont transformées en « associations de malfaiteurs » ou « bandes organisées » ou autre catégorie policière telle que « mouvance anarcho-autonome » qui feraient planer des menaces terroristes. Ces catégories dessinent une figure de l’ennemi, agitée à tout bout de champ, qu’il soit « l’étranger » ou « l’ennemi intérieur ». À Paris, en juin 2008, le centre de rétention de Vincennes crame après plusieurs mois de luttes (grèves de la faim, mutineries.. ). Un procès contre les 10 sans-papiers inculpés de l’incendie a lieu en janvier 2010. En solidarité, des initiatives se multiplient contre les entreprises qui participent aux expulsions : tags, débats, banderoles, manifestations, sabotages, occupations, dans plusieurs villes de décembre 2009 à juin 2010. L’État tente de briser la solidarité en procédant l’an dernier à une quinzaine de perquisitions et une dizaine de mises en examen. Un peu avant, en janvier 2008, trois personnes sont arrêtées en se rendant à une manifestation devant le centre de Vincennes. Deux sont incarcérées pour possession de fumigènes et de clous tordus. Après plus de quatre mois de détention préventive, elles se soustraient à leur contrôle judiciaire, cette arme juridique qui isole, coupe des liens et maintient les gens dans le giron de la justice. En décembre dernier, l’une d’entre elles est reprise dans le métro et emprisonnée à nouveau, avec l’accusation d’"association de malfaiteurs à finalité terroriste". Ces dernières semaines, plusieurs personnes ont été arrêtées pour des tags de solidarité avec les insurrections au Maghreb : « Algérie / Tunisie : insurrection, Vive l’anarchie ! ». Deux d’entre elles, accusées d’avoir participé aux actions de solidarité avec les inculpés de Vincennes, se trouvent encore en détention préventive.

Cette répression spécifique s’inclue dans un contexte général de contrôle social renforcé : occupation policière des quartiers, vidéo-surveillance, fichage, réquisition préfectorale de grévistes, multiplication de lois sécuritaires, incarcération et psychiatrisation croissante de franges entière de la population. Elle s’inscrit également dans une dégradation des conditions de vie. En Espagne, en Grèce et en France, par exemple, des larges couches de la population ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts, c’est même l’espoir de maintenir sa tête hors de l’eau qui se fissure. À deux pas d’ici, la révolte explose contre des conditions de vie insupportables : en Algérie, des émeutes ne cessent d’éclater ; en Tunisie, et plus récemment en Égypte, des soulèvements massifs ont eu lieu, dont on ne connaît pas encore la fin. Les flammes d’une telle révolte sont contagieuses ! A ceci on nous répond : la seule issue de ces révoltes est l’instauration d’une démocratie. Mais ces promesses n’incluent pas la fin de l’exploitation à vil prix dans l’industrie minière, portuaire ou touristique. On change de système de gouvernement et tout continue comme avant. Car sans État, comment l’exploitation et la domination perdureraient-elles ?




[Un autre tract]

12,13 et du 20 au 27 février 2011 à Paris... comme partout


On a souvent l'impression de vivre dans un monde où rien ne change. D'un côté les riches continuent de s'engraisser effrontément sur notre peau, et d'un autre l'Etat renforce toujours plus son contrôle sur nos vies : occupation policière des quartiers, vidéosurveillance, fichage, réquisition préfectorale de grévistes, multiplication de lois sécuritaires, déportation des sans-papiers et des Rroms, chasse aux vendeurs à la sauvette, incarcération et psychiatrisation croissante de franges entières de la population...

Cependant, dans cette vaste prison sociale où l'on tente de survivre ente boulots de merde, allocations grattées aux pompiers sociaux et illégalismes de la misère, il arrive que le couvercle saute. Ce fut par exemple le cas lors des émeutes enflammées parties des banlieues en novembre 2005, ou lors des manifestations sauvages au printemps 2006 contre le CPE. Et cela a pu se produire parfois à partir des blocages sur tout le territoire pendant le dernier mouvement contre les retraites.

Le pouvoir a beau tenter de serrer toujours plus les vis et les ceintures, la révolte est toujours prête à exploser, inattendue et souvent hors contrôle.

En juin 2008, la prison pour étrangers de Vincennes crame après plusieurs mois d'affrontements. En se rendant justement à une manifestation de solidarité, Bruno et Ivan sont arrêtés en janvier 2008, puis incarcérés pour des fumigènes et des clous tordus. Ils font plus de quatre mois de prison avant de se soustraire au contrôle judiciaire, et de se faire la malle. En décembre dernier, Bruno est repris par les chiens en uniforme. En février, c'est au tour d'Ivan. Ces deux camarades sont désormais incarcérés, avec en plus une accusation d' "association de malfaiteurs à finalité terroriste" !

Le procès des 10 sans-papiers inculpés de l'incendie du centre de Vincennes se profilant pour janvier 2010, de nombreuses initiatives de solidarité se multiplient contre la machine à expulser dans plusieurs villes (tags, débats, banderoles, manifestations, sabotages, occupations...). L'Etat souhaite maintenant présenter une nouvelle fois l'addition à une partie de ceux qui ont participé à cette lutte : après une quinzaine de perquisitions l'an dernier et une dizaine de mises en examen, Olivier et Dan sont en taule depuis janvier.Pourtant, on sait bien qu'aucune répression ne saurait arrêter la lutte. S'il en était encore besoin, les mutineries dans les centres de rétention de Bobigny et de Vincennes à l'automne 2010, ou encore l'opposition d'une trentaine de passagers d'un vol Air France à l'expulsion de sans-papiers mi-janvier 2011 en témoignent.

Nous continuerons à nous solidariser avec les révoltes des indésirables chassés du paradis marchand occidental, tout comme nous continuerons à nous battre pour un monde sans patrie ni frontières.

A deux pas d'ici aussi, la révolte explose contre des conditions de vie insupportables : qu'il s'agisse des émeutes incessantes en Algérie, ou du soulèvement en cours en Egypte, après bien sûr celui en Tunisie. Certains en parlent même déjà comme d'une révolution, alors que rien, ou si peu n'a vraiment encore changé. Les patrons continuent d'exploiter à vil prix dans leurs bagnes industriels, touristiques ou portuaires, l'Etat reste en place en présentant une façade un peu moins autoritaire, l'opposition tente de récupérer la mise pour se partager le gâteau. « Alors, tout changer pour que rien ne change » ? Même soumis à un « régime démocratique », on constate chaque jour ici que l'Etat n'en reste pas moins assassin, l'exploitation féroce et la misère la règle.

Pour peu qu'on sache s'en saisir collectivement, une possibilité reste néanmoins toujours ouverte : s'organiser sans chefs ni médiations (sans partis ni syndicats, sans religieux ni militaires), pour enfin tout bouleverser... pour une liberté démesurée.

Car au fond, c'est toujours et partout le même chantage. Il faudrait se tuer au travail ou crever au chômage pour des miettes. Dans le vaste flux de marchandises en circulation, dont nous faisons tous partie, rares sont alors ceux qui parviennent à s'en sortir. Face à la CAF ou à Pôle Emploi, à un patron ou une agence d'intérim, on est pris dans un même mouvement qui combine massification de la galère et atomisation de chacun, nous condamnant à une survie dont on ne voit jamais la fin. Si on sent bien que notre situation ne€ peut que s'aggraver, beaucoup se débrouillent déjà au quotidien pour saboter ou bloquer les cadences, détourner ou perruquer le sacro-saint outil de production, multiplier l'absentéisme ou les malfaçons.

Alors, comme il n'y a vraiment plus beaucoup à perdre, reprenons enfin nos vies en main, loin de l'esclavage salarié et de la mendicité servile !

jeudi 17 février 2011

Bruno a été libéré !

"Bruno a été liberé vendredi 11 février après un mois et demi de détention et il a été placé sous contrôle judiciaire (interdiction de quitter le territoire national, d’entrer en contact avec les autres mis en examen, obligation de pointer une fois par mois et de se rendre au spip). Il avait été arrêté le 20 décembre 2010 à Paris, après s’être soustrait à son contrôle judiciaire en juillet 2008. Il avait été arrêté une première fois en janvier 2008 alors qu’il était en possession d’un fumigène artisanal et de clous tordus et qu’il se rendait à une manifestation devant le centre de rétention de Vincennes. Il avait alors fait 4 mois et demi de détention préventive.


Ivan, accusé des mêmes faits, est, quant à lui, toujours détenu à la prison de Fresnes.


Pour plus d’info sur cette affaire :
https://infokiosques.net/mauvaises_...

De plus, une semaine de solidarité et de lutte autour de différents thèmes ( immigration, maghreb, rèpression etc..) est organisée :
http://paris.indymedia.org/spip.php...


Liberté pour tous ! La solidarité est une arme !
"

Un témoignage anarchiste depuis l'Egypte

La nuit dernière, un anarchiste du Liban est venu présenter un témoignage sur la situation en Egypte à notre centre social, et je voulais transmettre cette information aux camarades anglophones. Il s'agit d'une série de notes extraites du discours, soulignant les questions que des anarchistes qui ont suivit les évènements à travers la couverture des grands médias sont susceptibles de se poser sur la situation.

La personne qui a pris la parole a été impliquée dans l'organisation de la solidarité avec le peuple égyptien, et une partie de l'entretien a été réalisée en contact avec une amie depuis la place Tahrir afin que nous puissions lui poser quelques questions directement.



La révolution en Egypte a été spontanée et auto-organisée, elle s'est propagée du Caire à d'autres grandes villes en provinces, où, dans un certains nombre de zones, des Bédouins ont pris les armes contre la police et l'armée. La révolution n'a pas été pacifique, mais dans la plupart des cas, elle a été désarmé, en raison du simple fait que la plupart des gens n'ont pas recours aux armes en dehors des pierres, gourdins, bombes de peinture aérosol, et cocktails Molotov, qui ont tous été utilisés contre les forces de police en abondance. (Les bombes de peinture sont utilisées sur les visières des flics, ce qui les oblige à les relever pour voir, pour leurs yeux). Lorsque des nervis paramilitaires du gouvernement ont attaqué les manifestant-e-s sur la place Tahrir (l'incident a été décrit initialement par les médias occidentaux comme un affrontement entre partisans et adversaires de Moubarak), ils ont été repoussés avec force.


Parce que les égyptiens ont vécu sous la dictature depuis longtemps maintenant, seules les personnes les plus âgées ont l'expérience des combats de rue, donc une forme importante de solidarité par des camarades dans d'autres pays a consisté en la création de dépliants/brochures d'information en arabe expliquant ce que sont essentiellement les tactiques de combats de rue type Black Blocs. Compte tenu de la participation d'anarchistes et de militants anti-mondialisation dans cette aide directe, la référence au Black Bloc ne doit pas être vue comme une métaphore ou de l'exagération.

Une autre forme importante de solidarité a été de reconnecter l'Egypte à Internet. Soit par le biais de liens personnels ou même dans de nombreux cas de photocopies, de feuilles d'information, envoyées à des numéros de fax au hasard en Egypte, des centaines de personnes en dehors de l'Égypte ont montré aux manifestant-e-s en Egypte comment contourner la censure et se reconnectez à Internet. Jusqu'à présent, les camarades en Egypte ont généralement refusé des offres de collecte de fonds, ce qui fait que le régime ne peut pas prétendre que la rébellion a été financée par les anarchistes européens.

La participation à l'insurrection a été générale et inter-générationnelle. Dans un pays de 80 millions d'habitant-e-s, 3 millions sont régulièrement sorti dans la rue au Caire et plusieurs millions d'autres dans d'autres dans les grandes villes. La population rurale est moins susceptible de se mobiliser dans des lieux centraux, mais ils ont participé à l'insurrection par d'autres moyens.

De nombreux médias occidentaux ont eu tendance à mettre l'accent sur la participation des hommes dans leurs images flimées, mais dès le premier jour de nombreuses femmes ont participé aux manifestations et aux combats de rue. La camarade avec qui nous étions en contact sur la pace Tahrir Square est une trans [queer] anti-autoritaire, alors quand [she] elle nous dit "tout le monde -là-bas- est uni", nous sommes enclins à interpréter les choses différemment que si un représentant syndical nous disait la même chose.

Les masses se sont réunis sur le place Tahrir de manière auto-organisée à travers une assemblée qui a permis la communicationa et organisé le rationnement alimentaire des gens là-bas, ainsi que le nettoyage des rues, et l'auto-défense contre les nervis du gouvernement. Plusieurs fois, les médias étrangers ont cité comme porte-parole des jeunes des organisations qui prétendent représenter les manifestant-e-s. Chaque fois que cela s'est produit, le rassemblement spontané de la place a publié une déclaration sans équivoque sur le fait qu'ils n'avaient pas de représentant-e-s. Absolument aucune organisation n'est derrière les manifestations ou a été particulièrement impliquée dans la contestation. De nombreuses usines et lieux de travail sont aussi occupés par les comités d'organisation.

Les Frères musulmans ont été dans la rue avec tout le monde. Leur représentation est peut être estimée à plus d'un quart des participants, et ils ne sont pas dans une position particulièrement forte. Soit cyniquement, soit parce qu'ils sont trop occupés à prendre part à l'insurrection, ils n'ont fait aucun effort pour augmenter leur pouvoir ou prendre la tête du soulèvement, et ne sont pas en mesure de le faire. La camarade sur la place a affirmé avec force que la crainte d'une prise de pouvoir islamique en Egypte est surtout le fait de la paranoïa des médias occidentaux et rien de plus. Le discours des assemblées et des manifestant-e-s, qui est la seule puissance dans le pays à côté de l'armée -qui a choisi de ne pas intervenir en général- n'a cessé de souligner la bonne volonté et la solidarité entre musulmans, chrétiens et athées (dans un contexte culturel où habituellement l'existence d'athées n'est même jamais mentionnée).

Concernant la possibilité que Baradei [égyptien prix nobel de la paix, mis en avant en occident dans les médias] soit le prochain président du pays, la camarade nous dit qud cela est improbable car il n'a aucune légitimité parmi les manifestant-e-s, comme il n'a pas participé à l'insurrection (bien qu'il pourrait facilement être nommé ministre). Les revendications des manifestant-e-s sont, en grande majorité, en faveur des droits humains et de la démocratie. Une revendication commune est la tenue d'élections libres dans les neuf mois, sans pouvoir titulaire autorisé à exercer dans la période de transition. L'attitude des manifestant-e-s et leur expérience intense avec l'auto-organisation suggère au moins la possibilité que la société égyptienne ne se rendorme pas après les élections, mais qu'il existe un potentiel d'accroître et intensifier la lutte.

La camarade Place Tahrir a déclaré que dans l'ensemble, les gens manquent de savoir-faire en termes d'auto-organisation et de visions politiques, que la société égyptienne a été endormie sous la dictature pendant des décennies. Elle invite les camarades à venir visiter le site et établir des liens et une solidarité internationales. Actuellement, tout le monde se promène dans un état d'euphorie, de détente après 18 jours de combat, ils et elles font la fête, mangent, dorment. Les gens pensent que les soulèvements dans le monde arabe vont continuer, avec l'Iran comme pays de prédilection pour un soulèvement après l'Algérie.

Bientôt, il y aura un appel de propositions pour une journée internationale d'action contre Orange et Vodafone ou des sociétés liées à la répression (celles-ci ont participé à la grande coupure d'internet en Egypte). La diversité des tactiques est encouragée.


Points théoriques et stratégiques que je tiens à souligner:

A propos de la nature de l'insurrection comme une force de désubjectivation.

Les gens qui ont participé à l'insurrection ont été mélangés à travers un ensemble à multiples facettes et solidaire. Cela inclus même des gens que le rapport de classe aurait du dresser à voir le soulèvement avec une position d'extériorité.

Pour l'anecdote, un journaliste d'Al-Jazirah au beau milieu de la place Tahrir, sur une émission en direct, déclare avec exubérance :
"-Nous allons gagner! Nous allons gagner! ". Les studios ont répondu :
- Qui ça nous? Vous n'êtes pas le seul journaliste sur la place?
- Les gens! Le peuple! Nous allons gagner!
- Vous êtes envoyé là-bas en mission ! Vous travaillez pour Al-Jazirah.
- Oh. Oh, d'accord. "

A propos de l'argument entre «double pouvoir»* et insurrection.

Encore une fois, l'occasion de rompre avec le passé et de créer quelque chose de nouveau ne provient pas du seul fait de construire des infrastructures alternatives, mais d'une insurrection violente et spontanée. En outre, une fois de plus, le manque de visions fait que l'émergence de quoi que ce soit de vraiment nouveau risque d'être rendu impossible. La camarade sur la place nous a dit, le jour où Moubarak a démissionné, "Nous avons encore énormément à faire." Lorsqu'on lui a demandé en outre ce qu'elle voulait dire, elle a expliqué que la question que chaque personne se posait, mais aussi que les gens qui étaient les moins investis dans la participation poseraient à ceux et celles qui l'étaient plus serait sans doutes bientôt : « Et maintenant, que faire ? ». Et la conclusion écrasante aient que la plupart des gens n'en ont aucune idée. La démocratie a été la plus forte revendication, parce que c'est la seule chose que les gens connaissent et qui n'est pas la dictature.

Pour avoir parler avec des gens en Grèce, je suis également conscient que cette question s'est aussi posée là-bas, autour de Noël 2009. Fait intéressant : cela ne semble pas être le cas à Oaxaca, où survivent les cultures autochtones, et où on fait régulièrement la promotion de visions d'un autre monde possible. Peut-être la plus grande carrence dans la pratique insurrectionnelle est-il le mépris de visions, et l'incapacité de distinguer entre des visions enragées et des projets concrets (si vous ne comprenez pas, prenez des champignons hallucinogènes [psilocybine], puis lisez Parecon [théorie sur l'économie participative], et notez les différences dans votre journal.

Qu'est-ce qui a rendu ce témoignage possible, et qu'est-ce qui a permis la solidarité internationale au peuple d'Egypte?

Dans ce cas, comme dans presque tous les autres, la langue [les traductions], et les contacts personnels. Les camarades de notre ville ont seulement accès à l'information directe, au lieu des conneries diffusées dans les médias, parce que l'un de nos camarades parle arabe aussi bien que la langue que nous parlons, et il a des amis en Egypte, car il a voyagé là-bas.

Actuellement, l'anarchisme est une force uniquement en Europe et en Amérique. Tout anarchiste qui croit en la solidarité internationale se condamne à l'impuissance s'il ou elle n'apprend pas d'autres langues et ne voyage pas dans d'autres parties du monde pour se faire des ami-e-s. L'argument selon lequel le voyage est un privilège économique -même si il y a une part de vérité- conduit à une interaction ironique avec la situation actuelle: la grande majorité des relations internationales anarchistes existent grâce aux camarades des pays pauvres qui immigrent dans les pays riches en emportant leurs contacts avec eux et elles.

*Double pouvoir : concept développé par Lénine dans un article du même nom à propos des conseils ouvriers (soviets) face au gouvernement.

Traduction de l'anglais et annotations par « Le Cri Du Dodo ».
Source : News.infoshop.org

mercredi 16 février 2011

Entrevue avec un anarcho-communiste d'Egypte

مقابلة مع الأناركية من مصر

Le 04 Février 2011 - De la place Tahrir, "Place de la liberté", au Caire.


[Cette entrevue a été réalisée par des camarades de la NEFAC - North-Eastern Federation of Anarchist Communist]

«L'obstacle le plus difficile pour les révolutionnaires égyptiens est la coupure des moyens de communication. Les révolutionnaires occidentaux doivent mettre la pression sur leur gouvernement pour empêcher le régime égyptien de le faire. Pour le moment, personne ne peut dire ce qu'il va arriver dans le long terme. Si la révolution est un succès, les révolutionnaires occidentaux devront faire preuve de solidarité avec leurs camarades égyptiens contre le risque d'agression des États-Unis et d'Israël. Si la révolution est vaincue, ce sera le massacre de tous les révolutionnaires égyptiens.»

[sur la photo : "Révolution - Egypte - Le Caire"]

Peux-tu s'il te plaît nous dire qui tu es et à quel mouvement tu appartient ?

Je suis Nidal Tahrir de Black Flag [Drapeau Noir], un petit groupe d'anarcho-communistes en Égypte.

Le monde regarde l'Égypte et est solidaire des événements. Cependant, à cause de la coupure du réseau Internet, les informations sont très dures à trouver. Peux-tu nous dire quels événements ont eu lieu la semaine passée en Égypte. À quoi ça ressemblait de ton point de vue ?

La situation à cet est instant vraiment cruciale en Égypte. Cela avait commencé par une invitation à une journée de contestation contre le régime de Moubarak le 25 janvier. Personne ne s'attendait à une invitation pour une journée de contestation, de la part d'un groupe Facebook, pas vraiment organisée et appelée «Nous sommes tous Khalid Said» (Khalid Said était un jeune égyptien qui a été tué par la police de Moubarak l'été passé à Alexandrie), c'était le mardi où tout a commencé, l'étincelle qui a mis le feu à tout le reste. Ce mardi, il y a eu des grandes manifestations dans la rue de toutes les villes égyptiennes, le mercredi le massacre a commencé. Il a commencé lorsque se terminait le sit-in sur la place Tahir, très tard dans la nuit de mardi et a continué lors des jours suivants, spécialement à Suez. Suez a une valeur toute particulière au cœur des égyptiens. C'était le centre de la résistance contre les sionistes en 1956 et 1967, dans le même district. Suez a combattu les troupes de Sharon dans la guerre israélo-palestienne. La police de Moubarak a perpétré un massacre - 4 personnes ont été tuées, 100 blessées, avec des gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc, des lances-flammes et une étrange substance jaune, peut-être du gaz moutarde, projeté des airs. Vendredi a été appelé le Jumu'ah de la rage - Jumu'ah est le nom arabe de vendredi. C'est la fin de semaine nationale en Égypte, dans beaucoup d'autres pays musulmans aussi. C'est un jour sacré de l'Islam parce les grandes prières ont lieu ce jour, appelées les prières de Jumu'ah. Il était planifié d'aller aux manifestations après les prières, à midi, mais la police a essayé d'arrêter ces marches avec toute sa puissance et sa violence. Il y a eu pas mal d'accrochages au Caire (dans le centre-ville, à Mattareyaf, dans l'Est du Caire), dans toute l'Égypte, spécialement à Suez, Alexandrie, Mahalla (dans le delta du Nil, un des centres des classes laborieuses). En plein soleil de midi, le peuple a marché au Caire en direction du centre-ville, pour se rendre à un sit-in sur la place Tahir, pour demander la fin du régime de Moubarak, en chantant le slogan «Le peuple demande la fin du régime». En fin d'après-midi, vers 17h, Moubarak a décrété un couvre-feu et a déployé l'armée dans les villes égyptiennes. Le couvre-feu a été suivi d'un plan orchestré par la police, pour laisser des criminels et voyous appelés Baltagayyah s'échapper. La police a orchestré l'évasion à grande échelle de criminels dans de nombreuses prisons égyptiennes afin d'effrayer le peuple en Égypte. Pas de police, plusieurs troupes armées incapable de contrôler les rues, les gens étaient effrayés. Cela a été suivie par une série de nouvelles sur la télévision égyptienne, les radio, les journaux à propos de pillages dans de nombreuses villes et de tirs sur des personnes. Les gens ont organisé des «comités populaires» pour sécurisé chaque rue. C'était bienvenu pour le régime qui voulait faire peur à la population avec l'instabilité du pays, mais c'est aussi grâce à ces troubles que nous avons pu commencer à construire les conseils ouvriers.

Depuis Mercredi, il y a eu des affrontements entre pro et anti-Moubarak. Est-ce que cela décrit correctement la réalité? Qui sont ces «supporters de Moubarak» ? Quel impact ont eu ces affrontements sur l'attitude de classe laborieuse égyptienne ?

C'est absolument faux de présenter ces affrontements comme des affrontements entre pro et anti-Moubarak. Les pro-Mubarak étaient constitués en majorité par des Baltagayyah et la police secrète, dans le but d'attaquer les contestataires sur la place Tahir. Cela a uniquement commencé après le discours de Moubarak hier, après celui d'Obama. Personnellement, je pense que Moubarak a sentit le ciel lui tomber sur la tête et son sang n'a fait qu'un tour. Il se sent comme Neron et veut brûler l'Égypte avant de la quitter, essayer de faire croire aux gens qu'il était un facteur de stabilité, de sûreté et de sécurité. Dans ce sens, il a réellement réussit à progresser - une sainte alliance nationale a été formée contre les Tahrites (les contestataires de la place Tahir) et la «commune de la place Tahir». Bon nombre de gens, spécialement ceux de la classe moyenne, ont affirmé qu'il fallait mettre fin aux manifestations à cause du risque de voir l'Égypte brûler, la famine commencer, mais évidemment tout cela n'est pas vrai - c'est largement exagéré. Chaque révolution a ses difficultés et Moubarak use de la peur et de la terreur pour rester plus longtemps au pouvoir. Personnellement, je dis que les contestataires prennent leurs responsabilités concernant la situation et que Moubarak doit partir, il le doit parce qu'il est dans l'incapacité de négocier dans la situation actuelle.
Que pense-tu qu'il va se passer la semaine prochaine ? À quel point la position prise par les États-Unis affecte-t-elle la situation actuelle ?

Personne ne peut prédire ce qu'il va se passer la semaine prochaine. Moubarak est un idiot têtu et les médias égyptiens font la plus grosse campagne médiatique de leur histoire pour discréditer les prochaines protestations prévue le vendredi 4 février. Nous appelons à une nouvelle marche d'un million de personne à Tahir, appelé le «Jumu'ah du salut». La position qu'a pris le gouvernement des États-Unis l'affecte plus que les manifestations. Moubarak est un traître, capable de tuer tout le peuple, mais il ne peut pas dire non à son maître.

Quelle est la participation des anarchistes de lutte-de-classes ?
Qui sont vos alliés ?


L'anarchisme en Égypte n'est pas un grand courant. On peut trouver quelques anarchistes mais pas encore de grand courant. Les anarchistes en Égypte ont joint les contestataires et les comités populaires pour défendre les rues des voyous. Les anarchistes égyptiens ont un certain espoir dans ces conseils. Les alliés des anarchistes en Égypte sont les marxistes, évidemment. Nous avons actuellement un débat idéologique - toute la gauche appelle à l'unité et ensuite argumente sur tout. Les anarchistes en Égypte sont une part de la gauche égyptienne.

Quelles formes de solidarité peut-on construire entre les révolutionnaires en Égypte et les révolutionnaire de "l'occident" ? Que peuvent-ils faire immédiatement et à long terme ?

L'obstacle le plus difficile pour les révolutionnaires égyptiens est la coupure des moyens de communication. Les révolutionnaires occidentaux doivent mettre la pression sur leur gouvernement pour empêcher le régime égyptien de le faire. Pour le moment, personne ne peut dire ce qu'il va arriver dans le long terme. Si la révolution est un succès, les révolutionnaires occidentaux devront faire preuve de solidarité avec leurs camarades égyptiens contre le risque d'agression des États-Unis et d'Israël. Si la révolution est vaincue, ce sera le massacre de tous les révolutionnaires égyptiens.

Quelles seront les principales tâches, une fois que Moubarak sera parti ?
Y a-t-il déjà des planifications au niveau de la rue?
Que proposent les révolutionnaires anti-capitalistes ?


Les principales tâches actuelles, si on parle des demandes de la rue, sont une nouvelle constitution, un gouvernement provisoire et des nouvelles élections. Il y a beaucoup de planification à ce sujet par de nombreux courants politiques, en particuliers les Frères Musulmans. Les révolutionnaires anti-capitalistes ne sont pas très nombreux au Caire - les communistes, la gauche démocratiques et les trotskystes ont revendiqués les mêmes choses concernant la constitution et de nouvelles élections, mais pour nous en tant qu'anarchistes -- anti-capitalistes et anti-étatique aussi -- nous allons essayer de faire en sorte que les comités qui ont été formés pour protéger et sécuriser les rues, deviennent plus fort et de les transformer par la suite en véritables conseils populaires.


Que veux-tu dire aux révolutionnaires à l'étranger?


Cher.ère.s camarades du monde entier, nous avons besoin de votre solidarité, d'une large campagne de solidarité et la révolution égyptienne gagnera!


Source : http://www.anarkismo.net
Traduit de l'anglais au français par L'Organisation socialiste libertaire

mardi 15 février 2011

"Le monde arabe est en feu"

Dialogue avec un anarchiste syrien.

1. Il semble que tout à coup des vagues massives de protestations ébranlent les fondements de régimes oppressifs de longue date dans le monde arabe ... Y avait-il des signes que ces manifestations pourraient se produire?

C'est une des choses intéressantes à propos de cette vague révolutionnaire qui se répand dans le monde arabe, elle a frappé exactement alors que presque personne ne s'y attendait. Quelques jours seulement avant les manifestations de masse en Égypte, le secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a déclaré que le gouvernement égyptien était stable, et maintenant rien n'est stable dans la région: les masses sont en révolte et partout les régimes répressifs s'attendent au pire. Il y a des choses en commun à ces grands incidents, qui sont passé inaperçus pour les régimes, les hommes d'État et même les intellectuels, comme la colère qui était là, cachée, réduite au silence par la répression des États, la pauvreté et le chômage qui étaient en hausse partout ... mais les gouvernements, locaux et occidentaux, pensaient que cette colère pourrait être maintenue sous contrôle ... Nous savons maintenant à quel point ils avaient tort.

2. Quelle est l'importance de la fuite de Ben Ali en Tunisie ?

Ce n'est que la première étape de la cascade à suivre. Cela signifiait que des gens, des gens qui se révoltent, peuvent défier la répression et gagner. Il est encore très tôt pour parler de la solution finale, c'est encore trop complexe maintenant, mais les gens ont appris à connaître leur réel pouvoir et sont encore dans les rues, de sorte que la lutte est encore ouverte à de nombreuses possibilités.


3. Où est la révolte s'étend-t-elle? Quels pays sont maintenant confrontés à des rébellions massives?

Maintenant, nous pouvons dire avec confiance que le prochain pourrait être n'importe lequel. Peut-être que l'Algérie, le Yémen et la Jordanie sont les points chauds de la révolte, mais nous devons garder à l'esprit que la révolution égyptienne aurait un grand impact partout, au-delà des pires attentes de tous les dictateurs et leurs partisans partout.

4. Quelle est l'implication réelle d'une révolution en Égypte, le deuxième plus important bénéficiaire de l'aide militaire américaine dans le monde?

L'Égypte est le plus grand pays du Moyen-Orient et son rôle stratégique est très important. C'est l'un des principaux piliers de la politique américaine au Moyen-Orient. Même si l'ancien régime pouvait survivre pendant un certain temps ou même si le nouveau régime était pro-américain, la pression des masses sera toujours là à partir de maintenant. En un mot, les États-Unis, le principal soutien du régime actuel, souffriront beaucoup en raison de la révolte des masses égyptiennes.

5. Quel a été le rôle des Frères musulmans dans ces manifestations? Quel a été le rôle de la vieille garde de la gauche?

Une chose qui est très importante au sujet de ces manifestations et des révoltes, c'est qu'elles sont tout à fait spontanée et initiées par les masses. Il est vrai que les différents partis politiques s'y sont joint plus tard, mais toute la lutte a été dans une large mesure une manifestation de l'action autonome des masses. C'est vrai aussi pour les groupes politiques islamistes. Peut-être que ces groupes pensent maintenant que toute élection pourrait les amener au pouvoir, mais avec des masses révoltées dans les rues c'est difficile, je pense que les masses refuseront activement de se soumettre à nouveau à tout pouvoir répressif, mais même si cela pouvait se produire, les gens ne vont pas accepter cette fois d'être de simples sujets, surtout avec de frais souvenirs euphoriques du sommet de liberté qu'ils ont gagné par leur propre lutte. Aucun pouvoir ne pourra aisément les forcer à se soumettre à nouveau à n'importe quel type de régime répressif.

Une autre chose que vous devez garder à l'esprit, c'est qu'avec les révolutions les gens seront plus ouverts aux idées libertaires et anarchistes, et que la liberté sera l'idée hégémonique du moment, pas l'autoritarisme. Certains des groupes staliniens ne représentent que le visage hideux du socialisme autoritaire ... par exemple, l'ex-Parti communiste tunisien a participé aux côtés du parti au pouvoir de Ben Ali dans le gouvernement qui a été formé après le renversement de Ben Ali lui-même! Un autre groupe autoritaire, le Parti communiste des ouvriers tunisiens, a participé activement aux manifestations, mais ne pouvait qu'exposer ses contradictions: au moment de la fuite de Ben Ali, il a appelé à constituer des conseils ou comités locaux pour défendre la révolte, pour se rétracter très rapidement et appeler à une nouvelle assemblée et un nouveau gouvernement. En Égypte, c'est presque la même chose, il ya des groupes réformistes de gauche, comme le Parti progressiste unioniste, et d'autres groupes de révolutionnaires gauchistes autoritaires.

Je ne peux pas dire exactement le rôle des anarchistes et des autres libertaires -- il y a un courant communiste de conseils grandissant à côté de notre propre courant anarchiste-- à cause d'un manque de communication avec nos camarades, mais je dois souligner ce que j'ai déjà dit: que ces révolutions ont été faites principalement par les masses elles-mêmes. En Tunisie, les syndicats locaux forts ont joué un grand rôle dans les derniers stades de la révolte.

Je veux parler plus en détail des comités locaux formés par les masses, qui sont une des manifestations les plus intéressantes de son action révolutionnaire. Face à des pillages commencé pour la plupart par l'ex police secrète, les gens ont formé ces comités comme institutions réellement démocratiques, une véritable concurrence à la puissance de l'élite dirigeante et de ses institutions autoritaires ... en Égypte il y a maintenant deux gouvernements, les comités locaux et le gouvernement de Moubarak qui est caché derrière les chars et les fusils de ses soldats. Ça se produit dans une région qui est habituée à des dictatures et à l'autoritarisme ... c'est ce qui est bien avec les révolutions, elles transforment très rapidement le monde. Cela ne signifie pas que la lutte a été gagnée, au contraire, cela signifie que le vrai combat vient de commencer.

6. Pour résumer, quelle est ton opinion sur les événements actuels? Que penses-tu qu'ils symbolisent?

C'est le début d'une ère nouvelle, les masses se soulèvent, et leur liberté est en jeu, les tyrannies sont ébranlées, c'est à coup sûr le début d'un nouveau monde.


Source et Traduction : U.C.L ,
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