Affichage des articles dont le libellé est [Anti-]fascisme et contre-révolution préventive. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est [Anti-]fascisme et contre-révolution préventive. Afficher tous les articles

dimanche 29 avril 2012

"Le vrai travail rend libre" ? Une autre histoire du 1er mai.

Sur fond de cirque électoral, le 1er mai redevient soudain un enjeu pour tout les opportunistes.
Les syndicats et partis de gauche revendiquent une fête qui serait "d'abord la leur" alors qu'ils n'ont finalement hérité que de sa version officielle, les fascistes veulent la transformer en "fête de la pucelle d'Orléans" pendant qu'un président miné dans les sondages appelle à un rassemblement pour "le vrai travail" aux accents pétainistes pour tenter de redorer sa cote.

La "fête du Travail" ? un hold-up historique . 
« Le 1er mai a été, jusqu’ici, un symbole de division et de haine. Il sera désormais un symbole d’union et d’amitié, parce qu’il sera la fête du travail et des travailleurs. Le travail est le moyen le plus noble et le plus digne que nous ayons de devenir maître de notre sort. »
                                                                                   Le Maréchal Pétain, 24 avril 1941.

En France, c'est en effet seulement depuis le régime de Vichy que le 1er mai a été consacré fête du "Travail et de la concorde sociale". Depuis, cette "fête du travail" a été relayée servilement par la majorité du "peuple de gauche" sans plus de protestation chaque année en france. Même les "communistes" du PCF et autres socio-démocrates y distribuent depuis des décennies leur muguet.

Et pourtant, c'est encore sous Pétain que le muguet (blanc comme le lys, selon une tradition initiée par Charlemagne) vient remplacer les églantines rouges (symbole révolutionnaire depuis la première commune de 1793 et repris comme symbole des luttes ouvrières) qui étaient alors portées et distribuées le jour du 1er Mai avant le régime de Vichy. C'est  bien de la responsabilité des syndicats qui n'ont cessé de revendiquer cette "fête du Travail" si cette journée est aujourd'hui célébrée selon des rites travaillistes et autoritaires hérités du pétainisme. On voit bien l'idée.

En glorifiant le travail et la "concorde", autant dire la paix sociale, on masque les antagonismes de classes. C'est le vieux fantasme fasciste qui consiste à prétendre qu'on peut "réconcilier les classes", et tout ça dans le travail et la joie, évidemment. La suite est connue, c'est le S.T.O (service du travail obligatoire), les camps de travail forcé et pour beaucoup aussi, les camps de la mort, avec à l'entrée de la plupart une inscription sans équivoque : "Arbeit Macht Frei", "le travail rend libre", évidemment ?


Fête des exploité-e-s, fête révolutionnaire !

Depuis au moins les années 70, une partie des révolutionnaires ont cherché à tourner non sans raison en ridicule cette "fête du Travail". Le 1er Mai 1977, des autonomes déploient une immense banderole célébrant la "FETE DE L'ALIENATION" en lettres de 1 mettre de haut au dessus du cortège de la CGT et des autres syndicats (soit une foule de 100 000 personnes) comme pour leur rappeler l'absurdité de cette tradition galvaudée, et surtout de ce que cette fête est devenue. Beaucoup l'ont depuis ironiquement rebaptisé "fête de la paresse". Aujourd'hui encore, partout dans le monde, depuis le quartier de Kreuzberg à Berlin jusqu'à Madrid et Barcelone, de San Francisco à Athènes et de Istanbul à Oakland (qui lance cette année depuis sa Commune un appel international à la grève générale), le 1er Mai est chaque année synonyme de révolution, de révolte, de grève et même un peu partout d'affrontements avec la police et d'émeutes géantes.
C'est la fête des exploité-e-s, pas de l'exploitation. 

Le 1er Mai pacifié et policé main dans la main par police et S.O syndicaux reste une exception bien française. L'appel à la grève générale est aussi relayé en Espagne pour le 1er mai 2012 avec des appels à l'action contre la Banque Centrale Européenne le 3 mai. A tel point que le gouvernement espagnol a fait fermer les frontières et que le pays est officiellement sorti de l'espace Schengen depuis le 25 avril jusqu'au 3 mai 2012 pour éviter la venue de protestataires d'autres pays contre la B.C.E. Ce même 25 avril aussi, se tenait à la Haye une conférence d'Europol (agence de police européenne) contre la menace des "euro-anarchistes" et la manière dont les polices européennes doivent s'organiser pour s'y opposer. Tout un programme de contre-révolution préventive en somme...Ou quand l'illusion démocratique s'efface devant la nécessité de protéger l'économie.

Ce qui nous ramène à l'origine du 1er Mai.

Haymarket Square : mémoire d'un massacre. 
"Le jour viendra où notre silence sera plus fort que les voix qui nous étranglent aujourd’hui"
 August Spies, anarchiste condamné à mort
 suite au évènement d'Haymarket Square
Le 1er mai 1886, les syndicats américains IWPA et AFL, ainsi que le journal anarchiste The Alarm lancent une grève pour la journée de 8 heures sans perte de salaire. Le jour même a lieu un rassemblement à l'usine McCormick à Chicago. La grève générale mobilise 340 000 travailleurs. August Spies est le dernier à prendre la parole devant la foule des manifestants. Des affrontements se produisent lorsque des grévistes, désirant chasser les jaunes (the scabs, en argot anglais) embauchés par McCormick pour briser la grève, sont accueillis par les détectives privés et la police armés de fusils à répétition. Deux ouvriers trouvent la mort et cinquante sont blessés. Le journal Arbeiter Zeitung publie alors un appel à un rassemblement de protestation contre la violence policière, qui se tiendra le 4 mai 1886 (voir l'appel ci-dessous). Un appel dans le journal The Alarm encourageait aussi les travailleurs à venir armés par soucis d'autodéfense, pour empêcher des carnages comme il s’en était produit lors d’autres grèves, mais finalement, le rassemblement se veut pacifiste.

Le jour venu, quinze mille personnes environ sont au rendez-vous,
et l'immense majorité n'est pas armée ni hostile.

Du haut d'un char, Spies, Albert Parsons, Fielden prennent successivement la parole.
Tout se passe dans le calme. La foule commence se retirer quand des policiers font irruption sur la place et commencèrent à charger violemment les manifestants. Le commandant n'avait pas fini de prononcer la phrase réglementaire en pareil cas qu'une bombe tombe dans les rangs de la police, en couchant par terre une soixantaine. Deux sont tués sur le coup et six devaient mourir des suites de leurs blessures.
C'est le signal d'une panique totale et d'une bataille plus terrible que celle de la veille. Les policiers survivants, aidés par d'autres arrivés en renfort, ouvrent le feu nourri la foule encore présente.
Le massacre est épouvantable, mais il est impossible d'en établir le bilan. Une dépêche de l'agence de Chicago parle de plus de cinquante "d'émeutiers" blessés, dont plusieurs mortellement, et le chiffre sera plusieurs fois revu à la hausse.

le 20 août 1886,  Spies, Fielden, Neebe, Fischer, Schwab, Lingg, Engel et Albert Parsons, tous anarchistes, sont condamnés à la pendaison. Toutefois, une mesure de grâce intervient pour Schwab et Fielden, dont la peine est commuée en prison perpétuelle, et pour Neebe qui s'en tire avec quinze ans de prison. Entre-temps, l'affaire était revenue en appel le 18 mars 1887 et, par arrêt du 20 septembre, le jugement est confirmé. La Cour Suprême des Etats-Unis ne consent pas à casser le jugement pour vice de forme.

 L'avant-veille de l'exécution, Louis Lingg, soupçonné d'être le chimiste de la bombe, en fumant un cigare de fulminate, se suicide dans sa cellule dans l'espoir de sauver ses camarades.  Un des jurés, hors du tribunal, avoue cyniquement l'objectif poursuivi sous le couvert du jugement rendu : "On les pendra quand même. Ce sont des hommes trop dévoués, trop intelligents, trop dangereux pour nos privilèges".

Les condamnés sont pendus le 11 novembre 1887, avant midi, dans la cour de la prison, cependant qu'aux abords et dans les rues environnantes, des cordons de troupe contiennent la foule.

C'est en souvenir des morts de McCormick et d'Haymarket Square, et des 8 anarchistes condamnés à la pendaison que le 1er Mai est depuis rappelé internationalement comme une fête révolutionnaire,

là où on en a pas encore oublié les origines.

ci-dessous, pour mémoire, l'appel du journal Die Arbeiter Zeitung en date du 2 Mai 1886 :

La guerre des classes a commencé.
Hier, on a fusillé les travailleurs, en face de l'usine Mc Cormick. 
Leur sang crie vengeance!
Qui pourrait douter que les tigres qui nous
 gouvernent sont avides du sang des travailleurs !
Mais les travailleurs ne sont pas des moutons.
A la Terreur-Blanche, ils répondront par la Terreur-Rouge.
Mieux vaut la mort que la misère !
Si l'on fusille les travailleurs, répondons de telle façon 
que nos maîtres s'en souviennent longtemps.
C'est la nécessité qui nous fait crier : Aux armes !
Hier les femmes, les enfants de pauvres pleuraient leurs maris et leurs pères fusillés.
 Tandis que, dans les palais, les riches remplissaient leurs verres de vins coûteux 
et buvaient à la santé des bandits de l'ordre...
Séchez vos pleurs, vous qui souffrez. Ayez du cœur, esclaves !
Insurgez-vous
!

Plaque commémorative à Chicago, posée par le ministère de l'intérieur des Etats-unis. 
Le graffiti au dessus et en dessous dit :
"D'abord ils prennent ta vie, plus ils exploitent ta mémoire".  
 
Sources :
- Anarchopedia, les articles "1er Mai" et "Emeute de Haymarket".
- Increvables anarchistes, l'article "1886, 1e-4 Mai, grèves, émeutes et attentats à Chicago".

mardi 20 septembre 2011

"L'indignation qui vient"

[Le PDF du tract] trouvé sur Indymedia Paris

Depuis déjà plusieurs mois, on a vu pointer dans plusieurs pays d’Europe le mouvement dit des « indignés » ou « démocratie réelle ».

Ici comme ailleurs, celui-ci à donné lieu à plusieurs réflexes conditionnés, pièges et écueils qui touchent en général les « mouvements sociaux » : le fétichisme des pratiques d’abord (comme l’occupation de places, le sitting, les happening ou la manifestation plan-plan et maintenant la marche...) et la limitation stricte du mouvement à ces pratiques, le démocratisme ensuite (le respect religieux et le privilège donné aux décisions collectives prises en assemblées « représentatives du mouvement »), le « nihilisme citoyen » (respect borné de la loi, du vote, des « droits » donnés et des devoirs exigés par l’Etat) et la « non-violence » dogmatique (qui va jusqu’à prôner la violence policière contre ceux ou celles qui refusent ce dogme) et donc l’hégémonisme (la prise de contrôle du mouvement par une de ses franges), et surtout : l’absence de perspective révolutionnaire et l’enfermement dans des revendications abstraites et réformistes. Loin de représenter un sursaut révolutionnaire, ou une authentique révolte spontanée, ce mouvement des indignés s’inscrit bien plutôt dans la pacification de toute contestation réelle (de par le rejet de l’action directe), la militarisation de l’Etat (les guerres menées à l’étranger et le renforcement de la répression intérieure sur lesquels le silence des « indignés » est plus que suspect) et la montée du fascisme dans la société, au travers de ce mouvement notamment.

La crise comme pacification

Depuis plusieurs années déjà, les gouvernements européens, toutes tendances confondues, de gauche social-démocrate à la droite la plus réactionnaire, utilisent l’argument de la crise pour endormir tout velléité de contestation. D’un coté, il y a l’explication des gouvernements, qui est celle du FMI et de la banque mondiale : La crise serait une sorte de phénomène métaphysique que même les économistes n’arriveraient pas à s’expliquer, une sorte de catastrophe naturelle qu’il faudrait juguler et gérer à grands coups de politiques de réformes et de plans d’austérité. Comme si cette crise n’avait rien à voir avec ces mêmes politiques, comme si elle était le fait de la divine providence. Cet argumentaire vise en fait à tenter de se servir de la crise engendrée par le système capitaliste et ses Etats pour dédouaner les politiques de rigueur que cette même crise implique dans le seul but de replâtrer encore une fois le capitalisme. Les « indignés » quant à eux, dépourvus dans leur immense majorité de toute analyse de classe, et de toute critique du capitalisme, voient en général dans la crise et l’austérité le fait d’une caste de « banquiers parasites » et d’un « empire financier tentaculaire », ou « nouvel ordre mondial » qui auraient vidé les caisses quand personne ne regardait. En gros : pas besoin de se prendre la tête avec des « concepts politiques » trop compliqués : « à bas NWO » c’est tellement plus branché, tellement plus smart et ça résume tout sans avoir besoin de réfléchir...

Dans les deux cas, et du mouvement des indignés à la nouvelle extrême droite en passant par Sarkozy, tous dénoncent au final « la faillite des banques » dont le petit peuple devrait être sauvé, un « capitalisme financier » devenu fou qu’il faudrait réguler ou « purger » et une classe moyenne comme « victime de la crise ». La raison de cette analyse bancale est bien simple : la composition sociale de ce mouvement est justement celle de la sacro-sainte classe moyenne (que flatte autant Sarkozy, les socio-démocrates que les nouveaux fascistes à la Soral). Celle d’une classe qui commence à peine à percevoir les effets de « la crise », quand la majorité des exploités subissent la logique et les conditions de vie du capitalisme depuis toujours, et que la crise n’a fait qu’aggraver. D’où aussi, le décalage entre le discours « pro-révolution » des indignés concernant le monde arabe – où comme en Tunisie la pratique effective qui a dominé a été l’attaque des symboles du pouvoir, les affrontements avec la police, les pillages de supermarchés, les mutineries et incendies de prisons, et tout un ensemble de faits qui attestent une véritable logique de guerre de classes et de guérilla révolutionnaire, et toute une agitation qui, même si elle ne suffit pas à l’expliquer, a joué un rôle absolument indéniable dans la chute de plusieurs régimes et les volte-faces de l’armée ou de la police qui ont sentis le sol trembler sous leurs pieds – et le comportement de ces même « indignés » ici qui considèrent un tag ou une petite vitrine de commerce ou de banque pétée comme une « violence ».

Derrière la critique du capitalisme financier : le populisme gauchiste et l’antisémtisme.

Cette critique partielle des banques justement, non comme un rouage du système capitaliste, mais comme un « foyer de parasites » qui auraient détruit une fantasmatique « économie réelle », et qui voit les banques comme un problème central laisse la place au vieux fantasme antisémite d’un complot qui tenterait de contrôler le monde. Car en cherchant à critiquer le système des banques et le pouvoir des grandes entreprises multinationales, mais de manière partielle, le mouvement des indignés s’engouffre dans un discours typiquement réactionnaire et populiste et passe ainsi complètement à coté de la critique du capitalisme, le confortant même en jouant le rôle qu’on lui demande de jouer : celui d’une contestation strictement non-violente, vidé de toute substance critique, empêchant de par sa forme même un véritable mouvement (de type grève générale ou insurrection), et déplaçant le débat vers la droite dans le grand piège du « débat citoyen ». Rendu donc parfaitement in-offensif de par son caractère « a-politique » et « a-partisan » auto-proclamé, le mouvement des indignés participe en réalité au maintiens de l’ordre à travers un spectacle de contestation dans un front « anti-système » flou qui laisse le champs libre à des récupérations libérales, populistes et même fascistes. La dénonciation obsessionnelle du « nouvel ordre mondial » faisant finalement écho au nouveau discours d’extrême-droite sur le complot « apatride » contre « les peuples et les nations ». Et ce discours là, en plus de puer la défaite, est simplement fasciste parce que nationaliste et antisémite. Ne soyons pas dupes : là où la contestation réelle s’efface, les réactionnaires progressent.

S’INDIGNER NE SUFFIT PAS !

Ce n’est donc pas un hasard si en France, on retrouve dans les organisateurs du « mouvement des indignés » nombre d’individus conspirationnistes, reliés à des mouvements d’extrême-droite qui théorisent l’antisémitisme à travers leur pseudo-critique de la finance. Le concept même de « capitalisme financier » fut un des thèmes centraux dans la propagande du parti nazi en Allemagne et des fascismes en Europe pour construire l’ennemi intérieur et flatter le sentiment national. Le thème de la « citoyenneté » mis en avant par les indignés, renouvelle lui aussi ce constant rappel à l’ordre que constitue l’injonction à ne pas se révolter en faisant poliment démonstration de son indignation. Il repose sur ce présupposé généreux que les oppresseurs finiront par abdiquer devant la raison exprimée publiquement et pacifiquement par « le peuple ». Mais cette fable saint-simonienne exclue de fait ceux ou celles qui ne sont pas considérés, précisément, comme des citoyens : les sans-papiers, les « criminels », et quiconque agit en dehors de la légalité ou de la légitimité citoyenne. Tout les indésirables, exploités par définition. En prétendant vouloir créer une « démocratie réelle », le mouvement n’a fait que centraliser le pouvoir de décision à travers les assemblées des occupations de places et leurs émanations (comme en Espagne, les commissions dans les « accampadas »), dans l’espoir de singer les révolutions du Machrek et du Maghreb (en réutilisant, sans nécessité réelle, et de manière fétichiste les réseaux sociaux type facebook), les indignés n’ont fait que créer un état dans l’Etat, ersatz de démocratie représentative et de parlementarisme bourgeois où toute volonté de s’organiser à la base et d’agir localement ont été rendus simplement impossibles, notamment lorsqu’à Barcelone la volonté de scission dans l’occupation, pourtant majoritairement votée a été censurée par la tribune de l’assemblée, ou que tout débat sortant du cadre a été simplement saboté. Encore comme à Athènes où les indignés ont appeler à dénoncer les auteurs « d’actes violents » et à les jeter à la police : soutenant ainsi la répression d’Etat au nom de la non-violence ! En restant prisonniers d’une rhétorique a-politique creuse, de mode de prise de décisions autoritaires et bureaucratiques, d’un pacifisme abstrait et dogmatiquement non-violent, les indignés ne font que participer au maintient du statu quo, brimant toute participation de révoltés ou de révolutionnaires et ouvrant au contraire la voie à des forces réactionnaires qui n’avaient pas eu jusqu’ici voie au chapitre sur la place publique. Abandonner la perspective révolutionnaire au profit de « l’indignation en mouvement », c’est tresser la corde avec laquelle on voudrait nous pendre .

Se cantonner à cette indignation pacifiée, et focaliser sur « les banquiers » (même si ces derniers ont, comme d’autre leur responsabilité dans l’exploitation et les conditions de vie misérable de la majorité de l’humanité) c’est ne pas voir que partout dans le monde depuis le début de la « crise économique », des révoltes, des insurrections et des situations révolutionnaires éclatent partout non seulement contre les banques, mais surtout contre le capitalisme, l’Etat, les gouvernements, leurs classes dominantes et leurs flics, leurs lois, leurs tribunaux, leurs prisons, et leurs armées. C’est ne pas voir que les plans d’austérité et les « réformes de la fiscalité et du système bancaire » ne sont que les politiques des mêmes gouvernements et de la même bourgeoisie qui se prétend victime de la « crise » et en est la principale bénéficiaire, pour sauver leur économie et protéger leurs privilèges.

Il faut traduire la colère en actes ! Contre le capitalisme, contre l’Etat :

VIVE LA REVOLUTION SOCIALE !

L’économie est malade ? QU’ELLE CREVE !

Quelques anarchistes


source : Indymedia Paris, le samedi 17 Septembre 2011.

vendredi 1 juillet 2011

[Grèce - Athènes - Squat] "Depuis la tranchée sociale de la Villa Amalias"




[Même si ce texte date du mois dernier, il nous est apparu qu'il était important de le traduire car il permet de comprendre le climat qui a régné en Grèce les jours précédant et suivant la grève générale du 15 mai 2011, et les évènements de l'actualité qu'ont exploité les fascistes pour attaquer pelle mêle immigrants, révolutionnaires, anarchistes, passants, squats, centres sociaux, foyers, ainsi que les progroms et la multiplication de sorties fascistes ces dernières semaines dans les rues de d'Athènes et d'autres villes où certains squats se sont retrouvés quasiment vides ou abandonnés.]

-un communiqué du squat de la Villa Amalias à Athènes concernant les événements de ces derniers jours-

Vendredi 13 mai 2011

Ces trois derniers jours, dans une large zone comprenant tout le quartier autour de la Villa Amalias, ont vu se produire des événements qu'aucune forme de vie intelligente dans l'année 2011 n'aurait pu anticiper à partir du meilleur scénario de science-fiction. Mais ce n'est pas de celà qu'il s'agit. Il s'agit d'une réalité qui concerne plus généralement approximativement les trois dernières années : certains n'en n'ont pas fait l'expérience, certains ne voulaient pas voir, certains sont stupéfaits et refusent encore de voir, d'autres deviennent complaisants - et semblent pourtant le chercher.

Sous le prétexte d'un acte -condamnable par nous tous- de l'assassinat d'un homme de 44 ans, Kantaris Manolis, à la jonction de la rue de Tritis Septemvriou et de la rue Ipirou, certaines personnes ont décidé que le moment était venu pour eux de "nettoyer la rue" de ces créatures étranges et sinistres que sont (selon eux) les immigré-e-s, en lançant aveuglement un pogrom.

Les chaînes de télévision, dès les touts premiers instants, initièrent une danse macabre autour du cadavre, montant en épingle les méfaits de cette affaire, et nos notoires «voisins» en ont donc profiter une fois de plus pour faire une apparition avec pour vocation d'aider les habitants du quartier désormais effrayés à l'idée de passer le seuil de leur porte. Se pourrait il que "L'Aube Dorée" [nom du groupe fasciste à l'origine du pogrom] soit le nouveau nom de toute un quartier d'Athènes, pas encore mis en cause dans certains problèmes bureaucratiques [les expulsions] du fait de sa nouvelle dénomination? Tout d'un coup, la mort d'un homme par des personnes inconnues pour une hidtoire de vol à la tire se transforme en assassinat de toute une «nation» par «immigré-e-s clandestins qui agissent de manière incontrôlable". L'histoire idéale pour tout écrivain fasciste de scénario TV de reconquête d'une pureté grecque perdue il y a environ un demi-millénaire (si elle a jamais existé) afin d'organiser des fêtes macabres, avec pour trophée tout immigré-e qui aurait le malheur de croiser leur chemin.

En un clin d'oeil, les règles du jeu sont renversées : d'une situation où tous les grecs enragé-e-s et révoltés seraient condamnés comme criminels et accusés de violence incontrôlable dans leurs quartiers, nous avons maintenant atteint un point où tout acte est permis du moment qu'il est commis par des Grecs. Le lynchage public devient toléré, avec coups de masse, de poignards, dans toute une série de tentatives de meurtre - dont une au moins ayant abouti, pour un jeune homme de 21 ans immigré bangladais [dans le quartier de Kato Patisia]. Une situation où tout devient permis au nom de la peur, de la survie, de la "protection" et de la vengeance.
Même le cannibalisme devient légalisé.

Le cannibalisme social. C'est le résultat d'une société qui se dissout et qui refuse, volontairement ou non, de reconnaître la source de tout cela : qui refusent de comprendre que, dans ce monde, la pauvreté et la misère n'a jamais eu pour origine, et ne sera jamais de la responsabilité, de ceux et celles d'en bas. Ceux et celles qui vivent en dessous de tout sont les bénéficiaires d'une situation qui est éternellement nourrie par les élites, qui détiennent le capital et le pouvoir, parce que c'est de cette façon qu'ils se maintiennent là où ils sont. La manipulation et l'asservissement du monde, à partir de critères sociaux, économiques et de classe, permet pour eux l'équilibre de la base de la pyramide capitaliste.

Vous pouvez battre, poignarder ou en imposer tout ce que vous voulez à qui que ce soit que vous considérez comme étant inférieur-e à vous, sans aucune logique spécifique, en prenant pour base la couleur de la peau ou le pays d'origine, aucun de vos problèmes d'argent ne sera pour autant résolu. Ceci, à moins que nous rêvions tous de travailler jours et nuits aux feux de circulation, dans des bordels, comme marchands ambulants, comme ouvrier-e-s du bâtiment, ou salarié-e-s du nettoyages pour gagner des miettes. Ni vos problèmes sociaux ne seront résolus, car vous aurez toujours un complexe d'infériorité, puisque vous vous sentez désormais trop inférieurs et que vous méprisez trop votre vie par rapport à celles de gens que vous considérez comme étant vos supérieurs.

La solution viendra toujours de la conscience sociale et collective des noyaux de résistance contre ceux qui nous ont véritablement volé nos vies. Ceux qui condamnent par contumace ceux d'en bas en termes de classe, nous condamnent à l'extermination réciproque sous le voile de l'ordre, la sécurité, la croissance et la prospérité. Le même ordre et la même sécurité qui ont envoyé le jeune manifestant Yannis K. à l'unité de soins intensifs dans un état grave (et 70 autres manifestants à l'hôpital), après les coups meurtriers consécutifs qu'il a reçu par ces porcs en uniforme, force d'exécution de la "Junte démocratique".



Pour la petite histoire:

09884764 # 593 | "Depuis la tranchée sociale de la Villa Amalias" -une déclaration par le squat de la Villa Amalias à Athènes concernant les événements de ces derniers jours-

Pour les 3 derniers jours et dans la continuité de la tourmente qui a suivi l'assassiner de M.K, les squats de la région Plateia Victorias vu s'abattre sur eux plusieurs attaques organisées par les membres de l'Aube Dorée, soi-disant «résidents indignés» [le terme souvent utilisé dans les médias de masse comme un euphémisme pour les fascistes, les racistes, etc. Ndt] parce qu'ils n'osent jamais des racistes et des flics. Chronologiquement, la première tentative d'attaque s'est produite le 10 mai au squats de Patision et Skaramanga, où les fascistes ont essayé d'attaquer le squat aidés par les flics qui ont jeté des gaz lacrymogènes contre les squatters pour les forcer à se replier à l'intérieur du bâtiment.

Immédiatement après, c'était au tour de la Villa Amalias. Durant ces trois jours, toutes les tentatives susmentionnés (par les fascistes et les flics) d'attaques contre notre squat ont échouées, car la force collective et la solidarité de ceux et celles qui voient une partie d'eux-mêmes dans la Villa ont permit d'empêcher que celà arrive. Dans leur tentative, ils ont trouvé un grand secours, comme dans toutes leurs actions jusqu'à ce jour, auprès de la police. Parfois, ce fut main dans la main et alignés ensemble, parfois avec les flics à l'avant et leurs caniches fascistes suivants derrière, parfois dans l'autre sens. Dans tout les cas, cette relation incestueuse d'affection et de passion entre la police grecque et les fascistes est devenue légalisée il y a longtemps, et a été couverte de façon flagrante non seulement par l'Etat (qui est d'une manière différente l'employeur des deux), mais aussi par les médias (un entrepreneur fidèle et associé de l'Etat dans le traitement des tâches de stupeur sociale et de distorsion de la réalité des événements). Ou encore, par la narration de l'histoire simplement réduite de moitié, ou déformée.

La vérité résumée en trois lignes : c'est qu'ils sont venus, qu'ils ont obtenu leur réponse, et pas seulement cela, ils ont fanfaronné, uniquement parce que leurs proxénètes nous ont jeté des gaz lacrymogènes. Fin de l'histoire.

Tous ces «messieurs» devraient se figurer clairement dans leur esprit que pour nous, les gens et les idées ne sont pas des produits jetables, interchangeables ou une inclinaison et des tendances que nous changerions ou lâcherions à la première secousse. Nos réponses, de quelque postes qu'elles soient données, seront toujours collectives, dynamiques et intégrales - elles ne seront pas soutenues ou manipulées par ceux qui veulent gagner du terrain, métaphoriquement ou littéralement. Pour nous, la vie n'a pas de «prix» et ne se négocie pas dans le marché des nationalités et de des fiertés nationales falsifiées.

Nous l'avons déjà écrit par le passé, mais nous ne nous lasserons pas de le répéter : c'est consciemment que nous nous retrouvons contre et face à tout marchand, vendeur d'héroïne, exploiteur, ou proxénète, indépendamment de leur nationalité. Pourtant, nous savons aussi que ce qui manque ce n'est pas "plus de police" (parce qu'il y en aura toujours trop), la demande d'ordre et la sécurité, ni bien sûr de propagande raciste et de violence fasciste. Ce qui manque c'est le courage du contact humain et de l'association avec ce qui est différent, le respect mutuel et la dignité de soi, les tentatives de contre-culture, de coexistence (substantielle, et pas para-étatique), d'auto-organisation, qui peuvent guérir de nombreuses blessures dans nos quartiers multiculturels de prolétaires.

Le SANG d'un être humain ne doit pas devenir une mer où viennent pêcher les FASCISTES !

Les résidents du Squat de la Villa Amalias

Traduit par Le Cri Du Dodo,
depuis l'anglais traduit du grec.

Source : Occupied London, From The Greek Streets.
Le blog du squat, toujours occupé : Villa Amalias

mercredi 29 juin 2011

[Grèce] Nouvelle grève générale "28/29J"

De l'insurrection à l'austérité...

Le 29 Juin 2011
A la lumière des faits de ces dernières semaines, de ces derniers mois, et même de ces dernières années, force est de reconnaitre que la situation en Grèce n'est pas "révolutionnaire".

En effet, après plusieurs grèves générales successives d'une ampleur qui dépasse tout ce que la France a connu depuis Mai 1968 et même au delà, sur fond d'occupations, d'affrontements dans les rues, d'émeutes géantes où le peuple insurgé dispute la rue aux flics : pas de "déclic" à l'horizon. Pas de renversement de l'Etat. Pas d'expropriation de la bourgeoisie, ni de destruction de la propriété privée. Malgré l'insurrection de décembre 2008 et les nombreux mouvements et grèves depuis, pas d'explosion. Malgré la "pression de la rue", pas de grand saut de la révolte à la révolution. Alors quoi ? Quel bilan pouvons nous tirer ?

La Grèce est un pays dont l'Etat est au bord de la faillite parce que les classes dominantes et les dirigeants du gouvernements ont trafiqué les comptes et dilapidé "les caisses" pour pouvoir tenir le rythme impossible de croissance et de "modernisation" imposé par l'Union Européenne dans un contexte de crise générale du capitalisme, dans un même élan de productivisme et d'industrialisation (même dans le secteur touristique, qui n'est pas déconnecté de la "crise du logement", parce que spéculation et gentrification vont de paire) lié à un même phénomène de concentration du capital. Même si -les économistes ayant tiré quelques maigres leçons de l'histoire-, les Etats et leurs instances économiques internationales (F.M.I, O.M.C, Banque mondiale...) et supra-étatiques (Ici l'Union Européenne) cherchent à tempérer et retarder les effets de la crise (qu'ils croient pouvoir juguler), cette crise générale est inéluctable parce que le capitalisme fonctionne en produisant lui-même ses crises. On ne se lasse pas de le répéter,
Le capitalisme : C'est la crise.

Mais la classe dominante en Grèce, comme ailleurs, n'a pas agit contre ses propres intérêts.
Il n'y a pas de "raison nationale" aliénée à un ennemi "étranger" qui serait "la grande méchante pieuvre européenne" (ou Américaine, ou Chinoise, ou autre...) tirant les ficelles du gentil "gouvernement socialiste grec" ou de la "gentille bourgeoisie nationale" corrompue par un méchant "capitalisme apatride" (concept néo-fasciste très en vogue). Encore et toujours, la bourgeoisie et son gouvernement ont agit conformément à leurs intérêts éternels, avec le plus grand cynisme : dans une situation d'appauvrissement généralisé, ils se sont sauvé eux-même en prétendant agir au nom de tous et toutes, et continuent de le faire en adoptant un plan d'austérité à 155 voies contre 138 dans leur parlement, facture qu'ils comptent bien faire payer au prolétariat grec.

Dans ce jeu de quilles, l'Union Européenne, la banque mondiale ou même le F.M.I font plus figure de joyeux prétextes que "d'ennemis" ou de "pères fouettards" pour une classe exploitante locale qui est bien heureuse de se dégager de toute responsabilité quant à son rôle historique : "Si on applique pas le plan d'austérité, on aura pas d'aides, et ce sera encore plus dur". Voilà, en substance, l'essentiel du message que le gouvernement grec "socialiste" du PASOK fait passer à la population pour un plan d'austérité qui va consister, en gros, à "sauver l'économie" en Grèce en endettant encore plus les pauvres et à gérer les problèmes engendrées par l'économie capitaliste en appliquant des méthodes néo-libérales encore plus drastiques.
Un peu comme si pour vider l'eau du bain, on le remplissait encore plus.

De l'autre coté, le Parti Communiste Grec du KKE se présente comme "l'alternative suprême" à base de propositions de "gouvernement populaire" ou d'autres carottes populistes du style "sortir de l'Union Européenne", alors même qu'il bride l'effort révolutionnaire porté depuis le début par les anarchistes, les autonomes et autres anti-autoritaires (parce que faire la révolution implique l'affrontement avec l'Etat, et l'expropriation de la propriété privée -une démarche assumée par le mouvement anarchiste grec depuis le début à travers les squats, les grèves des loyers, les grèves générales offensives, les actions de soutien et le développement de l'entraide, mais aussi à travers les occupations de champs en friche ou les offensives de tout type contre la propriété privée) et que les méthodes autoritaires et contre-révolutionnaires du KKE, en plus d'une démarche largement électoraliste et attentiste, sont connues. Le Parti Communiste Grec, en essayant de se refaire une jeunesse sur l'actuel mouvement de révolte populaire, tente de faire oublier d'une part ses attaques répétées contre ses "dissidents" ou opposants révolutionnaires, ayant été jusqu'à l'affrontement (comment devant l'école polytechnique d'Athènes où ses militants ont plusieurs fois tenté d'empêcher les anarchistes ou autres manifestants de se réfugier dans l'université après les affrontements avec la police), et d'autre part sa participation au gouvernement avec le parti socialiste -PASOK- par le passé.

D'un coté, les théoriciens marxistes "d'avant-garde" et la "vieille garde" du P.C grec théorisent et re-théorisent jusqu'à la nausée le communisme et l'expropriation -par les urnes ou en installant un "Etat socialiste" par un coup de force improbable : le fétichisme vulgaire des marxistes pour l'Etat trouve encore ici toute son expression-, de l'autre, une bonne partie des anarchistes la mettent en pratique.

D'une certaine manière, on peut dire que beaucoup de gens parmi ces exploité-e-s -qu'ils soient anarchistes ou pas, organisés ou non, ont accédé à un niveau de "conscience" supérieur, parce qu'au delà de la peur de l'avenir, beaucoup ont compris qu'il va falloir se battre, et que la révolte seule ne suffira pas, que tout se joue "aujourd'hui et maintenant" (et pas le jour des élections), que ses intérêts ne sont pas ceux de la classe dominante, de son Etat, et de ses lois.

En bref, on peut dire que la situation en Grèce est explosive, qu'elle est "pré-révolutionnaire",
mais celà ne suffit pas. Il faut s'organiser, il faut préparer la majorité des exploité-e-s à mettre en échec la contre-révolution (qu'elle vienne de l'Etat, de paramilitaires, de milices privées ou des fascistes, ou de tout ça en même temps). Il faut organiser l'auto-défense et pousser à l'auto-organisation des révolutionnaires anarchistes et anti-autoritaires, toutes tendances confondues.
Trouver des terrains "d'entente", de lutte en commun, dépasser les "affinités impossibles" et les différences stratégiques.

Surtout, il faut abandonner toute naïveté et comprendre que si une révolution éclate, et si l'Etat grec est débordé, les Etats voisins n'hésiterons pas à se liguer pour écraser la révolution à coups de frappes militaires, comme l'armée française en Libye l'a fait au prétexte de "soutenir" la "révolution" avec l'OTAN dans le rôle de "l'armée de libération".

Car ce gouvernement grec, tout socialiste ou de gauche soit-il, et les capitalistes qu'il défend, ne sont pas à abattre parce qu'ils constitueraient une "ploutocratie" (le terme même étant inopérant et inapproprié puisque le pouvoir n'est jamais question abstraite "d'argent", en particulier en Grèce actuellement, mais bien plutôt de capital économique, social, politique et culturel, etc... Parce que le propre de l'autorité est de se consolider de tout, et partout), ou parce qu'ils sont "corrompus" ou "bureaucratiques" (même si ils le sont effectivement) mais parce que leurs intérêts ne sont pas les nôtres, parce que ce sont des exploiteurs lorsque nous voulons l'égalité, des dirigeants lorsque nous voulons la liberté, et parce qu'ils détruisent la nature et le peu de "société" qui existe contre l'Etat, parce que leur existence même implique la misère et l'exploitation pour l'immense majorité.

Nous ne devrions pas vouloir des "dirigeants moins corrompus" et "moins de bureaucratie", mais simplement la libération totale et l'égalité dans l'auto-organisation et le reprise en main de nos vies.

Comprendre la situation en Grèce est essentiel pour comprendre ce qui arrivera fatalement en France et ailleurs à plus ou moins courte échéance, et que le processus est déjà largement entamé (avec la désagrégation programmée de ce qui reste "d'Etat providence" ou de "services publics" : les hôpitaux, les maternités, les centres IVG, les centres d'hébergements, les foyers sociaux qui ferment les uns après les autres par manque de personnel ou de logistique, le système de retraites par répartition démantelé, etc...) . Essentiel aussi pour comprendre que les grèves générales à répétition, même offensives et ponctuées d'occupations et de confrontation avec les forces répressives de l'Etat, même si elles sont nécessaires, ne suffiront pas. Que la défense des "services publics" tels qu'ils existent n'est pas révolutionnaire (parce que même dans leur meilleur rendement, ils n'ont jamais été ce qu'il y a de plus souhaitable en matière de santé, de savoir, etc...). Que l'action directe ne s'arrête pas à l'action syndicale et que l'action politique traditionnelle -même anarchiste- seule est simplement inefficace, dans le meilleur des cas.

L'Etat grec, pour sa part, n'a même pas encore eu besoin de recourir à l'armée pour l'instant. Il se contente de s'appuyer sur la poussée fasciste (et les groupes comme l'Aube Dorée, qui s'en prennent directement aux squats anarchistes, aux centre-sociaux et foyers d'immigrés lorsque la police regarde faire complaisamment - et démontrent par la même ce qu'il y a de révolutionnaire dans ces occupations et leur défense) tout en perfectionnant sa police avec l'apparition systématisée dans les grandes manifestations des forces de police "Delta" (notamment à moto -photo 1- effectuant des percées dans les manifestations pour les "couper" à coups de matraques, remarquablement similaire dans leur mode opératoire aux Bassidjis iraniens -photo 2- montés à moto qu'on pu observer durant l'insurrection iranienne en 2009 ou aux "voltigeurs" français qui tuèrent Malik Oussékine durant les manifestations contre le projet de loi Devaquet en 1986).

Dès maintenant, il faut organiser la solidarité internationale, l'autodéfense, construire une culture révolutionnaire d'auto-organisation (et donc aussi anti-patriarcale, anti-fasciste et anti-raciste, d'écologie radicale, de libération animale, etc...), multiplier les expériences sociales autonomes, s'organiser -formellement ou pas- entre anarchistes et anti-autoritaires pour continuer à propager la révolte et construire l'offensive contre l'Etat et l'expropriation du Capital :

POUR CONSTRUIRE LA REVOLUTION SOCIALE !
Solidarité avec les camarades et compagnons de Grèce !



Le Cri Du Dodo

Photos et vidéos depuis Indymedia Athens.

Pour suivre l'actualité de la grève générale et des luttes sociales en Grèce :

- Fil d'informations heure par heure sur la grève générale
pour les Mardi 28 et Mercredi 29 Juin sur Contrainfo.espiv.net
- Le texte anarchiste grec "Réflexion sur une journée étrange" sur LeReveil.ch
- Texte relatant le procès du compagnon anarchiste grec Aris Seirindis, finalement libéré, sur Contrainfo.espiv.net
- Vidéos des émeutes des 28 et 29 Juin à Athènes sur Lereveil.ch

jeudi 16 juin 2011

[Affiche Anarchiste de Grèce - Juin 2011]

Des luttes communes, des locaux et des étrangers pour la vie,
l'égalité et la liberté, contre la peur, le terrorisme d'Etat,
l'appauvrissement et le cannibalisme social.


Pauvreté-misère-oppression-exploitation : Quatre mots qui caractérisent le présent et le futur que les dirigeants nous réservent et imposent avec tout moyen à la société. Devenant de plus en plus difficile de survivre, l’élite promeut comme seule solution d’attaquer les uns les autres, de se tourner contre celui qu’on considère un adversaire facile, de vivre dans la peur , d’accepter les ordres économiques et politiques pour le «bien du pays» et de ne pas regarder la réalité droit dans les yeux.

Afin de réussir leurs plans, les dirigeants économiques, politiques et religieux collaborent avec des gens ayant des intérêts différents tels que les nervis-fascistes, les médias de masse, les flics, les habitants et les commerçants racistes des quartiers défavorisés.

Tous ces gens, sentant la peur et le sang humain, sortent de leurs trous comme un troupeau et montrent du doigt les voisins, les plus misérables, les immigrés, les sans-abris et les plus faibles comme l’ennemi.

Cela s’est produit de nouveau, en réponse au meurtre de l’homme de 44 ans, Manolis Kantaris, pour voler sa camera. Les jours suivants une chasse sauvage commence dans la zone autour du lieu de l’assassinat et jusqu’à la place d’Omonoia. : des groupes d’extrême-droite avec des couteaux, des casques et des bâtons, poignardent et tabassent indistinctement des immigrés, attaquent leurs magasins et leurs maisons et causent des dégâts. Les flics étaient présents et aidaient à toutes les attaques alors que les patriotes et les racistes, à travers la télévision ou dans les endroits où les attaques se produisaient, les ont applaudi avec tous les moyens, présentant les immigrés comme les ennemis de la «patrie», de l’économie, de la culture et servant ainsi la politique d’immigration de l’Etat.

En même temps les fascistes, aidés par les flics, ont attaqué les squats de Skaramanga et de Villa Amalias qui se trouvent à proximité du lieu de l’assassinat de M.Kantaris. Ces squats ont été plusieurs fois solidaires aux luttes des immigrés. Alors maintenant, une fois de plus, les gens qui se sont trouvés dans ces squats ont essayé d’empêcher les attaques et ont chassé les ridicules de l’Aube Dorée (Chryssi Avyi, organisation fasciste).

Ceux qui ne se conforment pas, qui n’acceptent pas de vivre dans l’oppression et l’exploitation et choisissent de résister collectivement sans médiation par les partis et les leaders, font face aux groupes des fascistes ou aux gangs de flics, comme cela s’est passé lors de la grève générale du 11 mai.

A cause de l’attaque meurtrière des forces antiémeutes (MAT), un manifestant a perdu sa rate et le camarade Yannis K. a été blessé gravement à la tête. Ayant de l’hémorragie interne et en danger de perdre sa vie, il a été transféré dans l’hôpital général de Nikaia et s’est fait immédiatement opéré. Il a été hospitalisé pour plusieurs jours en clinique de soins intensifs. De plus, une des personnes arrêtées, Fotis D., est mis en garde à vue après des fausses accusations par les flics qui lui ont chargé un sac avec des cocktails Molotov.

Nous savons que dans les quartiers défavorisés d’Athènes, c’est difficile pour les pauvres, les misérables et les opprimés de vivre en paix. Les problèmes grandissent par l’action de la mafia qui constitue, avec l’aide de l’état, une des entreprises du capitalisme les plus inhumaines et les plus profitables. Les dirigeants ne veulent pas qu’on comprenne que les seuls responsables de nos problèmes sont l’état et les patrons locaux et étrangers et pas notre voisin ni le plus faible d’entre nous.

Nous ne trouverons pas de solution à nos problèmes en obéissant et servant les dirigeants. Les solutions sont trouvées lorsque nous prenons en main notre propre vie, tous ensemble, sans leaders, avec respect mutuel, tolérance et humanité. Lorsque nous exprimons et partageons nos problèmes et nous cherchons des solutions à travers des assemblées de quartier , des syndicats de base, des centres de résistance autogérés , des cuisines collectives, des mouvements d’entraide. Lorsque nous nous connaissons entre nous et que nous luttons en tant qu’égaux contre les intérêts de la haute classe. Lorsque, locaux et étrangers, nous construisons des luttes sociales et des luttes de classe communes, contre l’état et le capital, pour une société sans oppression et exploitation, pour la révolution sociale et la libération.

Assemblée des anarchistes pour l’autogestion sociale

Source : Contra-info.net

mercredi 15 juin 2011

[Grèce - Heraklion, Crète] Des antifascistes combattent des merdes néo-nazis dans la rue



Dans l’après-midi du mardi 31 mai, nous avons entendu un groupe de néo-nazis qui étaient dans le quartier d’Analipsis au centre ville d’Heraklion. Par réflexe d’action, nous nous sommes immédiatement réunis sur les lieux et avons contre-attaqué les néo-nazis. La conséquence naturelle de cette action, a été la fuite des nostalgiques de l’époque d’Hitler abandonnant l’un de leur groupe. Nous avons à peine frappé cette petite merde, du fait qu’il était trop jeune.

Cette contre-attaque est une part de notre action antifasciste plus large que ce simple incident. Comme des attaques isolées contre des immigrés ont eut lieu par le passé, nous affirmons clairement que nous n’allons pas permettre un autre rassemblement public de fascistes ou tout autre type de présence fasciste dans la ville dans lequel nous vivons.

Afin de nous protéger nous avons couvert nos visages, car nous savons que des caméras de vidéosurveillance sont dans le quartier, ainsi que pour éviter d’éventuelles rencontres désagréables avec des proxénètes [roufianoi] ou des flics en civils.

PS: La confidentialité ne caractérise pas les néos-nazis qui parlent beaucoup trop dans « leurs conversations amicales »…

Source: Indymedia Athènes

Traduction : Contra-info.net

[Affiche] "Pas de pogroms dans nos quartiers"

[Traduction d'une affiche grecque produite par des résidents du quartier des rues Kypseli-Patissia-Acharnon, à Athènes, suite aux diverses attaques fascistes de ces dernières semaines -dont le meurtre d'un migrant pendant la journée de la grève générale du 15 Mai dernier-.]


Ne permettons pas des progroms
fascistes et racistes dans nos quartiers !

ESPACES PUBLICS OUVERTS POUR TOUS

SANS DISCRIMINATIONS SOCIALES

Lutte commune des locaux et immigrés, travailleurs, sans emplois, jeunes
contre l’exploitation, la pauvreté, la peur et le racisme

SI NOUS NE RESISTONS PAS DANS TOUS LES QUARTIERS LES VILLES DANS LESQUELLES NOUS VIVONS DEVIENDRONS DES PRISONS MODERNES

Aucune tolérance envers les gangs fascistes

Tous à la Place Amerikis

RASSEMBLEMENT lundi 13 juin 2011 à 6H00

Collectifs et résidents de Kypseli-Patissia-Acharnon


Source : Contra-info.net

[Grèce] Anarchistes... Antifascistes !

Guerre par tout les moyens contre l'Etat et les fascistes !

Aujourd’hui la lutte antifasciste pour la résistance et l’autodéfense des locaux et des immigrés est plus que jamais nécessaire. Les derniers mois, la guerre de l’état, des patrons, des fachos et des patriotes «indignés» contre les couches sociales les plus pauvres, celles en minorité ou/et marginalisées, s’intensifie. Les incidents de violence raciste et fasciste suivants, sont seulement quelques exemples de tout ce qu’il se passe quotidiennement à travers la Grèce, mais n’est que rarement publié.

Igoumenitsa: Depuis le mercredi 8 juin, des centaines d’hommes des forces antiémeutes ont bloqué le campement d’immigrés et de réfugiés situé dans la montagne près du port d’Igoumenitsa. Dans le camp, des dizaines de familles de demandeurs d’asile politique et d’immigrés économiques, séjournent dans des conditions misérables ; parmi eux de nombreux enfants. Les immigrés et réfugiés démunis n’ont aucun accès à la nourriture, à l’eau et à tout l’essentiel pour survivre et en même temps ils se font arrêter et transférer dans des centres de détention dans toute la Grèce.

L’invasion du 8 juin, à partir de 5.30 du matin, semble être le point culminant de leur persécution par les «chiens» du pouvoir et une grande partie de la population à tendance fasciste d’Igoumenitsa, a décidé de coopérer avec la branche politique et les groupes de choc de l’organisation néo-nazie, «L’Aube Dorée» (Chrysi Avyi) et des autres néo-fascistes. Il est à noter qu’il eut lieu un rassemblement raciste de presque 500 xénophobes, le 3 mai, dans le port d’Igoumenitsa, ainsi qu’une attaque commune des flics et des néonazis contre les immigrés et les personnes solidaires lors du rassemblement. Le squat «Cellule de la Liberté» fut envahi le lendemain par des néonazis. Cette invasion fut accompagnée du tabassage des gens qui se trouvaient présentes. Le nombre d’immigrés et de réfugiés arrêtés ainsi que le nombre de blessés suite à cette récente opération répressive, restent indéterminés.

Patra: Des organisations d’habitants sympathisants du parti d’extrême droite LA.O.S. ont appelé à protester devant les bureaux de la confédération des associations culturelles de la préfecture d’Achaïe, le 8 juin, à 20.00. Dans un deuxième temps, un appel de l’organisation néonazie «L’Aube Dorée» fut diffusé à travers Facebook, pour un rassemblement près du point de la première protestation et une heure plus tôt. Au total, environ 100 personnes d’extrême droite ont fait une marche de 100 mètres.

Des antifascistes s’étaient rassemblés/ées à partir de 17.30 près du campement des immigrés pour protéger l’endroit des fascistes et y sont restés/ées jusque tard dans la nuit, jusqu’à ce que le rassemblement fasciste se termine. Plus tôt, des dizaines d’antifascistes ont attaqué un local où est déposé du matériel imprimé de propagande raciste et fasciste et l’ont détruit. Une fois de plus, les forces policières ont prêté main forte aux racistes et néonazis.

Deux incidents révélateurs de cette coopération :

La première, la présence de 15-20 personnes du para-état (ou très probablement des policiers en civil) hors du club «Navajo» des supporters de Panahaiki (N.d.t. une équipe de foot)-les supporters sont connus pour leurs actions antifascistes dans le stade et en dehors.

Le deuxième, deux antifascistes, un membre de l’EEK (Parti Ouvrier Révolutionnaire) et un autre compagnon, furent conduits au commissariat par les hommes de la force DIAS (policiers à moto).

En particulier dans le quartier Zarouchleika de Patra, des fascistes «protestent» pour le transfert du port au sud-ouest de la zone côtière et le déplacement par conséquent des immigrés dans la région.

Distribution de tracts dans Athènes

Centre d’Athènes: Action antifasciste a eu lieu, le 8 juin, par les collectifs «Kathodon», «Groupe de Communistes Libertaires» et les «Anarchistes Pour la Libération Sociale» dans les zones du centre historique d’Athènes. Anarchistes de ces 3 collectifs mais aussi de nombreux compagnons/es ont distribué des tracts aux passants et dans les maisons et les magasins, sur la route entre la rue Marnali et la Place de Metaxourgio en passant par la Place Vathis, ainsi qu’au marché ouvert d’Agiou Paulou. La distribution s’est terminé dans la rue Ipirou. Plusieurs milliers de textes furent distribués, particulièrement dans le marché ouvert, et des slogans fascistes furent effacés.

Egaleo, Attiki: Le squat Sinialo a appelé au blocage du café De Facto à Egaleo en réponse au tabassage sauvage d’un immigré qui travaillait dans le café. L’immigré fut tabassé par le proprio l’après-midi du lundi 30 mai, lorsqu’il a demandé son payement. Les flics arrivés sur le lieu de l’attaque, n’ont non seulement engagé aucune poursuite contre le proprio du café, mais ont conduit au commissariat un des compagnons qui sont venus en solidarité avec l’immigré. A minuit, un grand nombre de personnes solidaires se sont rassemblés devant le Commissariat A’ d’Egaleo, exigeant la libération du compagnon. Cependant, le compagnon a été mis en garde à vue, par vengeance, et transféré à GADA (Quartier Général de la Police d’Athènes).

Le lendemain matin, il fut libéré et les flics ont lancé un téméraire «Désolés, on avait tort..». De plus, selon le syndicat des serveurs et cuisiniers, ce proprio a refusé plusieurs fois de payer ce qu’il doit à ces employés et il dit partout que la «protection» de son magasin fut prise en charge par l’Aube Dorée (Chrysi Avyi, organisation fasciste).

A suivre !


Source : Contra-info.net

lundi 23 mai 2011

"La crise comme pacification"

par Peter Gelderloos

[Texte anarchiste nord-américain publié sur les sites "Guerilla News" et "Anarchistnews.org" le 25 juillet 2010 dans un recueil de textes de critique sociale radicale sur la thématique de la crise intitulé "Cascades : conversations in crisis" également publié sur le site "anarchist-studies.org" par Friendly Fire Collective. Il revient sur une expérience des luttes en Europe, principalement en Espagne et en Grèce, et en tire quelques leçons en comparaison avec la situation du mouvement anarchiste aux Etats-unis. Nous avions déjà traduit et publié "La non-violence est patriarcale", du même auteur.]

Tiré de "Cascades: Conversations en crise".

De retour aux États-Unis après avoir vécu quatre ans à l'étranger, j'ai été surpris d'y découvrir une prolifération de campements sauvages, d'occupations de maisons vides, de squats, d'occupations d'universités, de jardins urbains sauvages, des rassemblements de solidarité avec les immigrés, et d'émeutes contre la police de la côte Est à la côte Ouest.

D'une part, il semble y avoir un certain niveau d'agitation à l'échelle national, un potentiel d'ébullition qu'on a plus vu dans ce pays depuis des décennies. D'autre part, le sentiment collectif d'être dans un moment révolutionnaire, la réalité émotionnelle de participer à une lutte forte et d'ordre mondial semble étrangement absent. Les gens ne semblent pas oser vouloir que leurs leurs espoirs s'accomplissent, quand précisément ce dont la lutte a besoin pour espérer voir ses espoirs s'accomplir, et de quoi qu'il s'agisse : c'est de faire preuve d'audace. Pour cause, la réalité de l'activisme façon ONG dans laquelle beaucoup de gens s'impliquent ici, et qui a dominé les mouvements sociaux dans ce pays depuis des années, n'est rien d'autre que démoralisante.

Beaucoup de gens ont déjà fait remarqué que «La crise, c'est la routine», ou que la crise est partie intégrante du fonctionnement normal, de flux et de reflux, du capitalisme. Une autre bonne façon de comprendre « la crise » est de la voir comme la pacification des mouvements sociaux. Le capitalisme nous exploite toujours, et le gouvernement cherche toujours à nous duper, tirer profit de nous et à accroître ses pouvoirs. Peut-être l'élément le plus tragique de la crise actuelle est de constater à quel point ils ont pu s'en tirer, précisément parce que nous avons été pacifié-e-s.

A Barcelone, où je vis actuellement, la pratique du squat de bâtiments abandonnés pour le logement et les centres sociaux a aboutit à un mouvement important, et possédant une forte capacité d'auto-défense. A proximité, en Grèce, une lutte anarchiste enracinée de longue date a permis de gagner du temps et du terrain qui a pu s'investir dans de nouvelles occupations urbaines des terres, dans les mouvements de travailleurs/euses, dans les luttes de solidarité aux immigré-e-s, dans une riposte à la brutalité policière, et bien plus encore.

En comparant la situation aux États-Unis avec celles dans ces deux pays, on peut tirer un certain nombre de leçons qui pourraient être utiles ici.

La démocratie n'est pas ton ami

En Espagne et en Grèce, la transition de la dictature fasciste ou militaire à la démocratie s'est opérée dans les années 1970, et les deux dictatures ont été mises en place avec la complicité active de la bourgeoisie à une époque où les mouvements révolutionnaires anarchistes et communistes allaient en grandissant. Parce qu'ils ont gardé cette mémoire vivante, plus de gens qu'ailleurs y sont conscients que la démocratie et la dictature ne sont que les deux faces d'une pièce, et que c'est une pièce de monnaie que la classe dominante saura encore faire tourner lorsqu'elle en aura besoin pour augmenter ses chances. Dans ces pays, il y a moins de confiance dans les gouvernements, donc l'illusion de la paix sociale et le piège de la participation, les deux outils que possède la démocratie et pas la dictature, sont moins efficaces. Les anarchistes dans ces deux pays ne se considèrent pas comme une partie de la gauche, parce qu'ils comprennent bien que la gauche n'y est rien de plus que la gauche du capital. Tout comme l'État a deux ailes, il dispose de deux stratégies de base de contre-insurrection : la répression - c'est à dire écraser violemment les luttes sociales, et la récupération - c'est à dire la corruption et le détournement des luttes sociales en alternatives citoyennistes qui se concentrent sur le rajeunissement du système plutôt que sur sa destruction-.

Utiliser « la démocratie » comme un bon terme, tenter de la comprendre autrement que comme le système esclavagiste qu'elle a toujours été depuis l'Athènes de la Grèce antique, nous empêche de comprendre le principal moyen par lequel les mouvements sociaux sont défaits de nos jours : en étant happées par la participation au système et la confiance aux autorités, qui sont à blâmer pour tous les problèmes que nous tentons de combattre.* [note en bas de page]

En Espagne et en Grèce, les anti-capitalistes comprennent que les ONGs sont tout autant des ennemis que la police. Les ONG obtiennent leurs financements de la Fondation Ford, du gouvernement, et même des entreprises d'Etat et du capitalisme en général, précisément parce qu'elles fournissent une belle soupape de sécurité bien pratique : en prévenant les tensions sociales et leur transformation en luttes sociales. Les ONGs transforment les révolutionnaires en carriéristes, l'implication politique radicale en engagement politique de bureau, les luttes en bureaucraties.

La gauche, à travers ses partis politiques, autant que par ses organisations non gouvernementales, est structurée de manière à contrôler et canaliser la résistance. Ceux et celles d'entre nous qui veulent vraiment un monde libre et égalitaire, dans laquelle tout le monde peut répondre à ses besoins et poursuivre ses désirs feraient mieux de comprendre notre relation avec le système démocratique comme un antagonisme.

Les gens dans les mouvements sociaux aux États-Unis ont besoin d'affirmer l'autonomie des luttes. Les partis politiques, les politiciens, et le financement d'entreprise ou d'État ne sont pas les bienvenus. Les projets qui doivent compter sur ce type de financements, qui leur permet de soulager leurs besoins à court terme, doivent avoir l'ouverture d'esprit et l'honnêteté de reconnaître qu'ils ont troqué leur autonomie, et que pendant qu'ils font leur important travail de charité et d'humanitaire, ils n'ont pas entrepris de luttes sur une base durable, à long terme, qui peuvent s'attaquer aux causes profondes des troubles sociaux qu'ils dénoncent.


l'Histoire se meurt sans notre amour

Les luttes sociales en Espagne et en Grèce bénéficient aussi de plus de souvenirs qui leurs offrent des leçons d'histoire collective, d'élan, et de continuité pour survivre d'une génération à l'autre. Leur analyse plus approfondie de la démocratie ne serait pas possible si l'histoire des luttes passées avait disparue. La société américaine, d'autre part, souffre d'une amnésie prononcée, et ceci parce que les mouvements révolutionnaires dans ce pays ont choisi, par omission, de laisser l'histoire des luttes mourir dans un coin. L'histoire n'a pas d'existence objective. Elle se dessèche si elle n'est pas nourrie et alimentée, et sortie pour être remise en marche. L'histoire ne peut pas vivre sur les pages d'un livre, elle ne peut vivre que dans les rues.

Quel meilleur exemple de la puissance et de la vulnérabilité de l'histoire que celle du 1er Mai ? Une lutte menée il y a 114 ans dans ce pays a donné naissance à une force que les mouvements anti-capitalistes du monde entier peuvent encore se ré-approprier aujourd'hui, et toujours dans ce pays, le 1er Mai avait presque disparu jusqu'à ce que des immigrants en lutte le ramènent à la vie en 2006 ( « May Day »). Perdre cette histoire signifie perdre la capacité à lutter contre le capitalisme armé de la connaissance du fait que la paix démocratique n'a jamais existé, que nous avons toujours lutté et contre-attaqué. La profondeur historique correspond à la profondeur politique. Sans elle, tout ce que nous pouvons faire, c'est prier pour nos déchets et nous opposer aux outrages sociaux les plus récents tout en laissant le système intacte. Cette stratégie témoigne d'une grande faiblesse du mouvement anti-mondialisation. Cette politique commune à la gauche, qui manque de profondeur historique, ne peut contester le néolibéralisme, tout en restant muette sur les structures profondes et mondiales qui ont produit le néolibéralisme, et pour laquelle le néolibéralisme n'a été rien d'autre qu'une stratégie alternative.

L'histoire de la lutte est généralement l'histoire de nos défaites, mais ces défaites nous sont chères, parce qu'elles nous rappellent que nous sommes courageux/euses, que nous sommes capables de riposter, et elles nous enseignent comment faire mieux la prochaine fois. Il y a tout juste quelques décennies encore, les États-Unis étaient le théâtre de puissantes luttes sociales qui sont toujours une source d'inspiration pour les radicaux et anti-capitalistes du monde entier. Les Black Panthers, par exemple, non seulement pour les Afro-Américains, mais pour le reste du monde.

A Barcelone, les squatters anarchistes parlent encore de l'expulsion du centre social « Cine Princesa », 14 ans après les faits. La résistance a échoué, le bâtiment a été expulsé, mais les gens se sont inspirés eux-mêmes en luttant de toutes leurs forces. Ils ont fait réfléchir à deux fois l'Etat avant la prochaine expulsion, et ils tiennent à la mémoire de cette bataille, parce qu'elle peut inspirer les générations futures.

Dans l'ensemble, nous avons permis que ces histoires nous soient volées dans ce pays. Beaucoup de gens deviennent politiquement actifs aujourd'hui et apprennent davantage sur les luttes du passé à travers les livres et les documentaires que dans les veillées commémoratives, les manifestations plans-plans et les défilés, les affiches, et les célébrations de jours fériés. Les luttes révolutionnaires des années 60 et 70 ont été anéanties par une efficace répression gouvernementale, une grande partie des mouvements se sont vendus ou retirés à des fins pacifiques, pour participer à la politique municipale ou trouver un endroit peinard, une planque au sein du système, et pour une autre partie l'adoption de formes de plus en plus autoritaires d'organisation, ce qui -on pouvait s'y attendre- a conduit à la constitution de factions, à des jeux de pouvoir, et à des luttes intestines. Malheureusement, les gens en sont aujourd'hui plus à réinventer la roue plutôt que de s'investir de manière honnête après la profondeur de ces défaites.

Les fantômes des luttes passées peuvent nous donner de la force, mais seulement si nous continuons à leur parler, à apprendre d'eux, pour les ramener dans les rues.

Aux États-Unis, nous devrions commencer par commémorer par exemple l'anniversaire des émeutes importantes, les meurtres commis par la police, les occupations de terres, et d'autres événements des luttes en organisant des manifestations et des festivals, en recréant cette histoire aux yeux de tout le monde, et en nous rappelant que nous avons toujours été mis en difficulté. Nous devrions publiquement faire mémoire de l'esclavage, de la ségrégation et du génocide contre les peuples autochtones. Non pas afficher avec arrogance le chemin que nous avons parcouru, comme le fait la gauche, mais montrer combien le système actuel a édifié sa puissance, et combien de fois il a changé de
masques.

« L'opinion publique » n'existe pas.

Une autre force des anarchistes en Espagne et en Grèce, c'est qu'en général, ils ne parlent pas aux médias. Ils comprennent que les médias ne sont pas des alliés, mais une partie du système de contrôle démocratique. Le problème n'est pas seulement «les grands médias», lorsque par exemple c'est la même société qui fabrique des bombes et qui produit également l'information du journal de 20H : qui explique comment et pourquoi les bombes ont été utilisées, et fait des reportages glorifiant les personnes qui ont utilisés ces bombes (l'armée). Même si cela ne fait qu'intensifier le problème, tout ça va beaucoup plus loin : jusqu'aux fondements mêmes d'une société dans laquelle les informations sont créées par des producteurs spécialisés, et distribuées dans des espaces spécifiques par le biais de flux qui sont réglementés et non-réciproques. En d'autres termes, la structure des médias crée des producteurs et des consommateurs de faits et de culture. Dans une société vraiment libre : tout le monde participerait à créer l'information et la construction de la culture, et les partageraient réciproquement.

Dans certains cas spécifiques, la couverture médiatique peut être influencée pour faire une différence concrète, mais les médias ne communiquent jamais les idées que nous avons besoin de communiquer afin de parvenir à un changement social radical. Au lieu de cela, les anarchistes en Grèce et en Espagne mettent l'accent sur la contre-information, sur la communication directe avec la société au moyen d'affiches, de tracts, de graffitis, de manifestations, des marches de protestation, de conversations en face à face afin de contrer les mensonges propagés par les médias.

Aux États-Unis, les médias ont des mouvements sociaux dont ils peuvent tirer les ficelles, et la plupart des militant-e-s se mettent dans cette position volontairement. Les radicaux américains sont si sensibles à « l'opinion publique », qu'ils et elles semblent ne pas saisir quel genre d'institution sont la presse et les médias. La chose la plus importante à comprendre est que « l'opinion publique » n'existe pas. C'est un produit imaginaire d'une démocratie spectaculaire, régie par les médias. L'opinion publique est créé par des flux à sens unique d'informations (par exemple la télévision et les journaux, ou la publicité) et le cadrage permanent du débat. On pourrait facilement obtenir par ce biais une société de contrôle, même si les gens étaient autorisés à voter sur toutes les décisions (par exemple sous la forme d'une «démocratie directe»), aussi longtemps que l'on pourrait cadrer quelles questions ont été posées et comment on les poses. « L'opinion publique » ne sera jamais pour l'abolition des prisons, car d'une part, cette question n'est jamais posée (à la place, le ou la journaliste demande: «pensez-vous que la police fait bien son travail? »), et d'autre part, le public est constamment bombardé d'histoires sur la hausse de la criminalité, l'insécurité, etc. Les causes profondes du crime, ou même de ce que tel ou tel crime signifie comme construction sociale, et qui arrive à le définir : tout ceci ne rentre jamais dans le débat public.

Etre sensible à l'opinion publique en ce qui concerne les tactiques que nous utilisons dans nos luttes, c'est un peu comme demander au FBI ce qu'il pense de nos projets politiques et de nos stratégies.

Les révolutionnaires aux Etats-Unis doivent reconnaître qu'en fait, changer radicalement notre société toute entière est une perspective effrayante, et que cela nécessite de faire considérablement tanguer la barque. Être « pragmatique » et jouer le jeu des relations publiques comporte des avantages à court terme tout en rendant les changements à long terme impossibles. Pour le moment, nous prenons le risque d'être impopulaires, jusqu'à ce que par la répétition, le travail acharné, l'audace et l'engagement constant des les conflits sociaux, nous faisions que les idées radicales apparaissent normales et sensées, et que les tactiques les plus radicales deviennent plus attractives que les autres.

Avant la popularité, vient l'action

Le public n'est pas la société, mais il est plus accessible. Dans le capitalisme, la société est en grande partie invisible, alors que le public est très visible, même si la première est réelle et que ce dernier est imaginaire. Il est absolument vital de communiquer avec la société, mais personne ne sait réellement ce que la société pense, et moins encore la société elle-même.

Ce que nous savons est que la société est pleine de gens qui applaudissent en silence à chaque fois que quelqu'un tire sur la police pour se défendre, chaque fois que des gens qui s'emparent d'un bulldozer et le détournent pour démolir un hôtel de ville, chaque fois que des gens sont si dégoûtés par l'aseptisation et le contrôle des façades de l'espace urbain qu'ils ou elles les recouvrent de graffitis : des applaudissements de gens qui se pensent seuls dans leur haine du système. Les signes de résistance sont partout.

Nous avons besoin d'avoir confiance en nos propres analyses, et d'agir contre le système même en l'absence d'un mandat populaire. Le capitalisme est basé sur la dissonance cognitive [ndt : processus psychologique qui consiste à accepter son insatisfaction en se trouvant des raisons], etsur l'apprentissage de l'auto-trahison : et pour l'attaquer, les gens doivent attaquer leurs propres chaînes, leurs propres modes de vie. En Grèce, pendant des années, seuls les anarchistes eurent recours aux pratiques « impopulaires et non-pragmatiques » telles que tenir des assemblées ouvertes, organiser des occupations à durée indéterminée, casser des banques, et attaquer des postes de police. Mais dans le soulèvement social de grande envergure qui eu lieu en Décembre 2008 et depuis lors, des centaines de milliers de personnes ont eu recours à ces pratiques, y compris les personnes qui les critiquaient.

La plupart des gens ne soutiendront jamais une lutte à grande échelle à moins que celle-ci existe déjà sous une forme moins développée, parce que seule une lutte qui a déjà commencé à créer de l'énergie peut pousser les gens sur la voie difficile de la riposte contre les structures de dominations qui les exploitent. En attendant, les luttes ne peuvent être initiées que par ceux et celles qui osent agir. Les attaques directes contre le capitalisme, l'Etat, les structures de la suprématie blanche et le patriarcat peuvent gagner en sympathie. Cette sympathie ne pourra jamais se mesurer dans les médias ou dans les conversations de militant-e-s professionnels, mais il sera audible dans les rues, sur les murs, dans les transports en commun, dans les universités. Au début, c'est nécessairement une position minoritaire, car dans un premier temps : seul-e-s ceux et celles dont le rejet de l'ordre actuel est le plus viscérale et sans concessions se joignent aux luttes, mais comme ces luttes deviennent moins apologétiques et s'affirment comme une force réelle dans tous les mouvements sociaux et au travers de toutes les lignes de faille des conflits sociaux, de plus en plus de gens sont amenés à reconnaître qu'en fin de compte, il est logique de se battre contre un système qui constitue une exploitation, une humiliation, et une guerre contre chacun-e d'entre-nous.

* [Note] Prenez le mouvement anti-guerre aux Etats-unis. Il n'a pas été vaincu par la répression : il s'est suicidé à petit feu. En étant pacifiques, en étant citoyenniste, en se faisant avec le crédit de l'autorité et donc en plaçant sa confiance en celle-ci, en participant aux élections : il a perdu sa capacité à inspirer et à créer de la puissance.
Peter Gelderloos

Traduction française par Le Cri Du Dodo.