mardi 20 décembre 2011

Contre le chomâge... et contre le travail !

Après avoir récemment perdu mon travail, je suis rentré dans le rang de ce qu’on appelle communément les chomeurs et précaires. Je n’ai pas envie d’écrire un texte théorique contre le travail ou des textes intellos conceptuels. Je me limiterai à ce long billet d’humeur et de quelques réflexions.

Ce titre d’article résume à peu près tout ce que je pense concernant la problématique du chômage et du travail.

En gros : ni l’un, ni l’autre, non merci.

Pour l’expliquer, je commencerai par une anecdote : pas plus tard qu’il y a quelques jours, j’allais à une manifestation "contre le chomage". Et là, le mégaphone de la CGT retentit. Plusieurs trucs assez insupportables et un notamment deux phrases qui me frappent comme un courrier de "trop perçu de la C.A.F en votre faveur". Le mec se lance dans une diatribe sur les patrons et les capitalistes (jusqu’ici, tout va bien) en expliquant que "ces gens là, qui ne travaillent pas sont des parasites, et que le travail, c’est ça la dignité dans la vie" puis nous explique que "les chomeurs doivent lutter pour un travail et un salaire décents" (il a l’air de savoir de quoi il parle).

La première escroquerie consiste à prétendre que la division de classe ne repose que sur le travail. Ce qui est faux, et les chomeurs et chomeuses en sont la preuve vivante. Non seulement il y a des pauvres qui ne travaillent pas (et survivent tant bien que mal, la fameuse "armée de réserve du capital") mais il y a des patrons, des propriétaires et des capitalistes qui travaillent. Même si du point de vue strictement "ouvriériste" ou travailliste, ils ne produisent rien ou pas grand chose, la plupart des cadres de la société d’exploitation dans laquelle nous vivons travaillent effectivement. Dans des bureaux, dans des bourses, en supervisant des chantiers, en faisant des réunions, en se déplaçant, en faisant leurs calculs, en faisant de la politique, etc, bref à des postes de gestionnaires la plupart du temps et généralement moins manuels, mais du travail quand même. En fait, c’est une minorité de rentiers qui ne travaillent pas du tout. La plupart des capitalistes d’aujourd’hui travaillent. Certains sont même salariés (il y a des patrons salariés par les actionnaires ou grands patrons, et qui ne sont donc pas complètement propriétaires, ou seulement d’une partie) même si ils ont des salaires gras et ne foutent pas grand chose, etc. Bref, si la plupart des pauvres travaillent dur pour gagner juste de quoi survivre ou un tout petit peu plus, ça ne veut pas dire que tout repose sur la seule problématique "salarié-e-s/patrons" (même si ça reste une problématique importante).

C’est bien sur le pouvoir décisionnel, la propriété privée (qu’elle soit "libéralisée" ou d’Etat) et les moyens de la défendre qui sanctionnent aussi la constitution d’une classe dominante. Si il y a bien un secteur dans la société où il n’est jamais question de "démocratie" ou de liberté (même "pour de faux"), c’est bien celui du travail. De l’entreprise. Du salariat, bref de l’économie. L’économie est privation par définition. Elle partage celà avec la prison. Tourner un film documentaire dans le monde de l’entreprise est au moins aussi improbable que de filmer le quotidien d’une prison. L’économie est l’antithèse de la décision raisonnée et prise collectivement. Pour celui ou celle qui n’a que sa force de travail à vendre, à aucun moment il n’est question de choix sur l’organisation du travail.

Ensuite, je suis peut être pas très vieux, mais je sais pas ce que c’est qu’un "travail décent" ou un "salaire décent". Jusqu’ici même quand presque tout le monde était contant autour de moi dans son boulot (ou plutôt feignait d’y être contant, comme on fait tous ou presque en général hors période de grève, de gros ras le bol ou de pétage de plombs) je ne l’étais pas et n’ai jamais su "faire semblant" bien longtemps. Je n’ai jamais gardé un boulot plus de 6 mois (licenciement économique, "plan social" ou non-renouvelement de C.D.D) et ayant laissé tombé les études sans diplôme, j’ai du dire adieu à la bourse et j’ai depuis enchainé les boulots qui passaient. Je n’ai jamais aimé le travail. Même si j’ai ressenti (comme la plupart des gens j’imagine) très tôt la nécessité de bosser (au départ pour arrondir les fins de mois pendant les études, combler les découverts, ou mettre de l’argent de coté) à certains moments et ai tenté de trouver des tafs qui me "plaisaient" ou plus supportables, je n’ai jamais rien trouvé qui ne soit pas épuisant au final et mieux payé que le S.M.I.C. Les planques existent, j’y ai évidemment pensé, et je finirai sans doutes par le faire, mais je sais que je me lasserai vite. En fait, qu’il s’agisse de travail "salarié" ou de travail à l’école, je n’ai jamais aimé le travail. Ce n’est ni l’effort, ni le fait de faire des choses avec d’autres gens qui me dérange, bien au contraire, mais ce qui fait la base du travail dans nos sociétés : la contrainte, et le fait d’être instrumentalisé, utilisé. De me sentir étranger à moi même, en un mot : aliéné. La base de l’exploitation capitaliste, ce n’est pas une question de propriété privée libérale ou d’Etat, ni seulement une question de rapport salarié (employeur/employé-e), mais aussi et surtout un rapport coercitif, de contrainte. On ne travaille ni parce qu’on le désire, ni parce qu’on aime ce qu’on fait, ni parce qu’on en a envie, ni parce que ça nous est vraiment utile (ce qu’on produit, ce qu’on fabrique, qu’on fait, dit ou vend, etc...) mais parce qu’il le faut. Parce que "c’est comme ça".

Voilà la seule raison d’être du travail en tant qu’aliénation et contrainte : c’est comme ça. La raison d’être du travail dans nos société : c’est la prison. Si on pousse le raisonnement un tout petit peu plus loin, on comprend vite à quoi servent les flics et les tribunaux. Si ils n’étaient pas là : qui obligeraient les gens à travailler et fermer leur gueule au juste ? Certainement pas la C.G.T et son S.O. Pendant cette même manif, je dis à un copain à coté de moi que je trouve ridicule et insultant de rabacher à des chomeurs qu’il leur faut un "travail décent" et que c’est "ça le sens de leur lutte" et même de leur vie donc, et en fait. A près tout, quelle différence de fond ça fait avec le discours de Pôle Emploi ? "Ta lutte, gamin, c’est de trouver un boulot, et de le garder, le reste, c’est de la littérature". En somme : aucune différence, sinon sur les détails. Le copain me répond que "c’est ça que veulent la plupart des chomeurs". Genre, un boulot. Je ne lui en veux pas personnellement de me dire ça. Il ne fait que reproduire le discours dominant sur le sujet. En quoi le fait que la plupart des chomeurs "demandent" du travail constitue une preuve à quoi que ce soit ? Moi aussi je suis inscrit comme demandeur d’emploi, moi aussi je serai encore amené à écrire des C.Vs et faire des entretiens d’embauche. Est-ce que ça m’empêche de détester le travail ? Est-ce que c’est ça que je veux vraiment ? Bien sur que non. Mais la question se pose quand même : il est qui pour dire ça ? Moi je suis chômeur. Et je n’ai pas envie de travailler. Même si j’y serai encore contraint, ou que je m’y résoudrais et espère que ça ne sera pas trop dur et bien payé : ce n’est pas ça que je désire vraiment dans ma vie. Je ne rêve pas "d’un salaire décent" avant de m’endormir. Je veux être libre et ne produire que ce dont j’ai besoin. D’ici là, je veux avoir de quoi bouffer et vivre "dignement" comme on dit, et bien sur m’amuser et jouir de la vie. Pas bosser. Non. Certainement pas. Et si je le fais quand même, ce sera parce que j’y suis contraint. Parce que j’ai trop désespérément besoin de cet argent qui est nécessaire à ma survie. Même si je fais un boulot qui me plait. Pour autant : est-ce que j’ai envie d’en faire ma seule revendication politique ? Même à court terme ? C’est hors de question.

Ce discours sur "les chômeurs qui ne demandent qu’à travailler" est un discours esclavagiste, qui ne conçoit pas les chômeurs ou chômeuses comme des êtres humains avec des désires propres, des problèmes, des intérêts de classe et même des contradictions et des antagonismes, mais comme des robots prêts à l’emploi. Des humains-machines. C’est cet individu qui n’est plus autre chose qu’un travailleur, qui dans une société qui repose sur le travail, n’a plus de sens à sa vie sans son emploi, cet humain désespérément moderne que décrit Hannah Arendt dans "La condition de l’homme moderne". Ce discours relayé jusque dans les syndicats et les organisations de gauche n’est que le pendant du discours libéral : c’est toujours le discours du pouvoir. D’un coté la droite dit "le chomage est un problème individuel, une question de choix et de volonté", et de l’autre la gauche dit "c’est un problème strictement collectif, avec des raisons économiques déterminées. Les gens ne demandent qu’à travailler". Pourtant, les deux contiennent une part de vérité, mais les deux sont absolument faux énoncés tels quels. Dans les deux cas, le travail comme valeur sociale fondamentale n’est pas remis en cause, et reste présenté comme le sens même de la vie ou plutôt de l’existence. Mais dans quel but ?

En même temps, si "les gens ne demandent qu’à travailler" pourquoi il y a tant de fraude aux allocs ? Pourquoi les gens ratent leurs RDV du pôle emploi délibérément ? Pourquoi les gens font grève ? Pourquoi il y a temps d’absentéisme au travail ? Etc, etc.

"Le caractère étranger du travail apparaît nettement dans le fait que, dès qu’il n’existe pas de contrainte physique ou autre, le travail est fui comme la peste. [Pourquoi ?] Parce que le travail dans lequel l’individu s’aliène, est un travail de sacrifice de soi, de mortification" Et ce n’est pas moi qui le dit. C’est le jeune Marx dans ses manuscrits de 1844.

De tout temps des résistances au travail et contre le travail ont existé. Et le travail a toujours été fuit comme la peste. Parce que le travail n’est pas la base de la vie. Ce n’est pas vrai. C’est encore plus faux dans la société dans laquelle nous vivons et selon ce qu’on met derrière ce mot. Il ne peut pas être utilisé aujourd’hui comme ne représentant que "l’ensemble de l’activité productive humaine". Parce qu’utiliser le terme "travail" de manière strictement positive c’est assimiler le fait de créer, de réaliser et de produire entre producteurs librement associés à n’importe quelle forme d’esclavage salarié, de tortures, d’abrutissements, de mutilations et d’aliénations. C’est mélanger les deux dans un terme flou qui masque l’oppression dans un signifié implicite qui voudrait seulement dire "faire un truc". C’est faire comme si depuis plus de 200 ans, ce terme n’était pas utilisé pour décrire l’humiliation et la contrainte quotidienne que représente l’obligation de se vendre pour gagner le droit de survivre. D’autant plus que 131 ans après l’écriture du "Droit à la paresse", où Paul Lafargue (en 1880) expliquait déjà que 3h par jour de travail seraient amplement suffisant à satisfaire les besoins vitaux de la société pour chaque individu (si on supprimait la plus-value et donc la propriété privée et le capitalisme), il est d’autant plus vrai aujourd’hui que le niveau atteint par la technique rend quasiment le travail humain virtuellement obsolète. Ce n’est pas un hasard si la classe dominante partout dans le monde vente les louanges du travail en tant que "valeur sociale". La nécessité historique du travail forcé en tant qu’activité humaine touche à sa fin. Ou plutôt n’en finit plus de toucher à sa fin. Même la gauche et l’extrême gauche ont abandonné depuis longtemps leur identité "progressiste" dans cette stratégie qui voulait qu’à travers la réduction du temps de travail on en arrive à supprimer l’exploitation salariée. Elle en est même, au contraire, aujourd’hui à vanter la "création d’emploi". Et on justifie la nécessité du travail en inventant des emplois au nom de l’écologie, de la construction d’autoroute, dans une usine de pneu ou pour faire du street marketing au moment même où pour la première fois dans l’histoire de l’humanité se profile la possibilité d’abolir le travail en tant que corvée et activité séparée de la vie.

Vous ne savez pas quoi faire de votre vie ? Ne vous inquiétez pas, le gouvernement va vous créer un emploi ! Des milliers d’années de philosophie retournées comme un gant de bain sale. La question n’est plus "qui suis-je ? Où vais-je ?" mais "à quoi vais-je servir ?" ou plutôt "qui vais-je servir ?". L’utilitarisme capitaliste touche ici à ce qu’il a de plus absurde.

La condition de chômeur est ce bug dans la "matrice" de l’idéologie dominante : il veut forcement travailler, ou alors c’est un feignant et un parasite. Dans tout les cas, c’est un être triste et servile. Sans désir et forcément malheureux (au moins jusqu’à l’entretiens d’embauche concluant).

Et peut être qu’elle commence là, la lutte "contre le chômage" des chômeurs et précaires : par rejeter cette classification biaisée, rejeter la culpabilisation qui va avec, oser s’imaginer heureux sans travail (même temporairement), et s’organiser en conséquence.

Non pas juste "pour demander du travail et un salaire décents" ou un "salaire social garanti" (par qui ? par l'Etat ? dirigé par qui ?), mais, avec les salarié-e-s, avec tout-e-s les autres exploité-e-s, pour lutter contre l’aliénation du travail et le système du salariat. Lutter contre la propriété privée en l’attaquant en son coeur : en refusant de payer partout où c’est possible. En organisant l’entraide localement, sabotant ainsi l’intégration forcée au travail et à tout le système d’exploitation capitaliste. Faire en sorte que "ne pas avoir de travail" ou "perdre son boulot" ne soit plus une fatalité qui conduit immédiatement à courir après le suivant ou à se culpabiliser. Multiplier les bouffes de quartier, les cantines collectives et les espaces communautaires et activités gratuites, les lieux d’échanges gratuits, les permanences d’informations pratiques, collectiviser les allocations et autres prestations sociales, organiser des auto-réductions, s’organiser pour empêcher les expulsions locatives, ouvrir des lieux d’habitations, des squats, des centres sociaux autogérés, créer des co-opératives agricoles ou autres pour permettre à ceux et celles qui le désirent de produire pour survivre (mais sans hiérarchie, sans patrons), même si ce ne sont que des solutions temporaires, tout en continuant de lutter pour précipiter la chute de ce monde.

Tout ce qui peut renforcer l’autonomie individuelle et collective, sans aller dans le sens d’un projet "alternativiste", mais dans une perspective clairement révolutionnaire ou insurrectionnelle, ne peut que nous rendre plus forts et plus fortes et accélérer l’histoire. Moins nous sommes affairé-e-s à survivre dans nos petites bulles individuelles ou notre petit milieux, et plus nous avons de temps pour faire autre chose. Pour vivre, pour lutter, etc. Toutes ces propositions sembleront cruellement routinières à certaines personnes qui crieront au déjà-vu, et pourtant si peu appliquées. Elles ne suffisent évidement pas, mais sont des pistes lancées. Une chose est sure : à moi, ça me parle plus qu’une manif balisée par les syndicats-poubelles et pacifiée par les flics pour demander un boulot de merde payé des miettes.

Contre le chômage, et contre le travail, ses profiteurs et ses idéologues :

Détruire le salariat, depuis l’intérieur... ou l’extérieur.

Un ennemi débonnaire du travail et de l’Etat.

vendredi 9 décembre 2011

"Une question de classe" - Alfredo Bonanno

Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, la classe n'est pas un concept marxiste.

Bien que nous rejetions les allégations marxistes sur le rôle historique de la classe ouvrière industrielle comme supérieure à tous les autres exploités, il est évident que la société est encore divisée en classes antagonistes.


Les termes de cette division se transforment avec la restructuration du capital.
Il est important de reconnaître celà afin d'adresser nos attaques vers les bonnes cibles dans la lutte.

Beaucoup d'anarchistes croient que l'idée de «classe» est un concept marxiste, et par conséquent ne s'y intéressent pas, et essaient de travailler sur d'autres manières de comptabiliser les divisions sociales.

Mais ces divisions existent clairement. Les conflits et la souffrance dominent la réalité moderne. Les masses qui soutiennent les profiteurs, et même leurs laquais survivent avec peine.

Il est donc nécessaire de tracer les contours des groupes sociaux où des individus partagent la même situation économique, politique, culturelle et sociale; peu importe la difficulté que cela représente.

Il est vrai que le terme «classe» a été dominé par la mystification marxiste pendant les quarante dernières années. Et ce n'est pas tant dans l'identification que Marx fait des classes, que par son affirmation selon laquelle la classe ouvrière industrielle est historiquement destinée à entraîner non seulement sa propre libération, mais aussi celle de l'ensemble de l'humanité, à travers la direction du parti qui prétend la représenter.

Tout anarchiste peut voir ici combien cette notion de classe est absurde et erronée. Mais nous devons nous rappeler que celà n'a pas tant à voir avec le concept de classe, qu'avec le rôle déterministe et messianique qui a été imposé à la classe ouvrière industrielle.

Nous pensons que le concept de classe est non seulement valable, mais nécessaire. Il est un instrument pour nous guider à travers le flux des divers aspects de la réalité sociale. Mais que nous ne sommes pas intéressés par les revendications mythiques sur le destin de la classe ouvrière industrielle.

Une chose que nous pouvons dire avec certitude est que les structures productives qui définissaient les divisions de classe dans le passé récent sont aujourd'hui en profonde mutation. Ce qui est également certain, c'est que bien que différent à bien des égards, un conflit tout aussi amer se reproduit aujourd'hui. Le problème est de voir comment cela se passe. A quoi faisons-nous face aujourd'hui ? Qu'est-ce qui marque la frontière entre la partie dominante de l'humanité et le reste?

Cette question est si importante qu'elle met la nécessité d'étudier les strates intermédiaires en deuxième place à l'heure actuelle. De tout aussi peu d'importance - pour le moment - est la nécessité d'envisager une répartition en trois classes ou plus. Ce qui nous intéresse aujourd'hui est la disparition progressive des divisions de classe traditionnelles et l'émergence d'une nouvelle. Il est clair qu'un tel argument a besoin de plus d'espace que ne nous pouvons lui en consacrer ici, mais nous ferons de notre mieux.

La division de classe était jadis basée sur l'idée d'un «manque».
Il y avait quelque chose qui était considéré comme le «bien commun» qui a été divisée en deux parties inégales.
La classe au pouvoir a pris possession de la plus grande partie de ce bien (communément connu comme la richesse), et de ce profit injuste a tiré les moyens de poursuivre l'exploitation et la domination. Ce sont, en premier lieu, les moyens culturels et idéologiques sur lesquels une échelle de valeurs a été fondée et qui condamnait la masse expropriée à ce qui semblait une situation irréversible.

En fait, les profondes contradictions au sein du système lui-même produisent des effets aussi radicaux en son sein que la lutte contre ses propres de domination. De récurrents problèmes sociaux ont été résolus par l'amélioration des conditions de travail.

La situation est devenu si insupportable pour le capital qu'il a dû renforcer ses structures, en augmentant la collaboration entre les États : mais c'est la technologie de pointe qui a eu un impact décisif en rendant la restructuration de la production possible.

Nous nous dirigeons maintenant vers une situation radicalement différente. La question du «manque» est de plus en plus floue, tandis que la question de la «possession» se dessine. La différence de classe n'est plus seulement créée par le fait que quelqu'un ne possède pas "autant" que l'autre, mais par le fait - unique dans l'histoire de l'humanité - qu'une partie possède «quelque chose» que l'autre n'a pas.

Pour mieux comprendre cela, nous devons nous rappeler que dans le passé la classe des exploité-e-s a toujours "possédé" quelque chose, même si ce n'était seulement que leur «force de travail», c'est à dire leur capacité à produire. Ils et elles ont toujours été obligé-e-s de la vendre, c'est vrai, et souvent à un prix très bas, mais l'autre côté en avait toujours besoin.
La négociation pouvait même atteindre ce point où ces malheureux vendeurs de leur force de travail n'arrivaient plus à joindre les deux bouts, mais personne ne pouvait nier que la classe ouvrière avait une «possession» qui faisait partie de la même échelle de valeurs que celle de la classe dominante. Dans le passé, les exploiteurs et les exploité-e-s se faisaient face (également au sein de la gamme considérable de stratifications de classes) sur la base d'une «possession» qui a été commune aux deux, mais leur appartenait de manière inégale. Maintenant un côté possède quelque chose que l'autre n'a pas, et n'aura jamais.

Cette «chose», c'est la technologie : la gestion technologique de la domination, la construction d'une «langage» exclusif appartenant à une classe «d'inclus». La classe dominante s'entoure aujourd'hui d'une muraille qui est beaucoup plus élevée que celle d'autrefois, qui consistait en la richesse matérielle et était défendu par des gardes du corps et des coffres-forts. Ce mur sera toujours une séparation radicale, aussi nette qu'incompréhensible - à court terme - pour ceux et celles qui ne se trouvent pas dans le processus d'inclusion. Le reste, les «exclus», deviennent une classe de "bénéficiaires" externes, capables d'utiliser seulement la technologie de manière secondaire et parfaitement instrumentale au projet de domination.

La partie des "exclu-e-s" de l'humanité n'est pas encore en mesure, au moins pour un temps très long à venir, de réaliser ce qui lui a été volé, parce que c'est une production qui n'appartient plus à la même échelle de valeurs. En construisant cette nouvelle séparation, la dernière espère-t-elle, la classe dominante a également construit un nouveau code moral qui n'appartient plus à la même échelle de valeurs, une sorte de code moral qu'elle n'a plus l'intention de partager avec les autres, avec ceux et celles qui appartiennent au monde des exclu-e-s. Autrefois, le principe du talon d'Achille était précisément ce code moral. Il était utile de plusieurs façons en vue d'assurer un meilleur contrôle, mais il a souvent abouti à ce que les exploiteurs sentent le souffle chaud de leurs partisans sur leurs cous.

Ainsi, cette nouvelle situation qui est sur le point de s'achever est la construction de nouvelles structures de classes, et non l'abolition du concept de classe. Ce n'est pas une question de terminologie, mais une nécessité opérationnelle. A l'heure actuelle, les concepts de classe et ceux relatifs aux «conflits de classe» semblent tout à fait adéquates pour indiquer les processus de la structuration sociale et comment celle-ci fonctionne. De la même manière, il est toujours possible d'utiliser le concept de «conscience de classe
» face à la difficulté croissante que les «exclus» ont à considérer leur propre condition d'exclusion.

Chaque stratégie révolutionnaire que nous pouvons imaginer pour la résistance contre le processus de restructuration en cours devrait garder à l'esprit les modifications qui sont en cours et, dans certaines limites, la stratification au sein des classes elles-mêmes. Peut-être dans cette phase précoce les marges de la classe incluse (l'ennemi de classe) ne sont pas faciles à définir. Nous aurons donc à adresser nos attaques vers des objectifs qui sont les plus évidents. Mais ce n'est qu'une question de documentation et d'analyse.

Ce qui est plus important à ce stade est de montrer que les discussions sur la terminologie ne vont pas résoudre le problème qui consiste à trouver l'ennemi et à le démasquer. Un acharnement à ce sujet masque simplement une incapacité à agir.

Notes: D'abord publié en anglais dans le numéro 5 du journal "Insurrection", en 1988.
Source: Récupéré le 7 avril 2011 à partir de http://pantagruel-provocazione.blogspot.com/2010/07/question-of-class.html

Traduit de l'anglais par Le Cri Du Dodo.Lien

lundi 5 décembre 2011

Le Rémouleur [programme de Décembre 2011]

Les nouveaux horaires d’ouverture du local :
le lundi de 16h30 à 19h30, le mercredi de 16h30 à 19h30 et le samedi de 14h à 18h.
L’entrée reste libre et gratuite, comme d’hab !

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Le Rémouleur
106 rue Victor Hugo
93170 Bagnolet
(M° Robespierre ou M° Gallieni)

leremouleur ((A)) riseup . net
S’inscrire à la lettre d’info du local : https://lists.riseup.net/www/subscribe/leremouleur/

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Projection du film “L’Argent de la vieille” (Lo scopone scientifico)
de Luigi Comencini, Italie 1972.
dimanche 4 décembre à 18 heures
Chaque année, une vieille milliardaire américaine vient habiter une villa à proximité d’un bidonville à Rome. Fanatique du “Scopone Scientifico”, un jeu de cartes, elle entreprend de longues parties avec Peppino et Antonia, habitants du bidonville, qui espèrent la plumer. Les autres habitants ont fait de ces derniers leurs champions dans une lutte qu’ils considèrent comme une revanche sociale.
Les règles semblent être les mêmes pour tous. Mais en les acceptant, le prolétariat accepte son échec...

Soirée “guerre d’Espagne, 1936” samedi 10 décembre à 18 heures

Présentation du livre « Cipriano Mera Sanz, 1897- 1975, De la guerre à l’exil » de Clément Magnier suivi du film « Land and Freedom » de Ken Loach Présentation d’une biographie inédite de Cipriano Mera, figure emblématique, mais peu connue, du prolétariat révolutionnaire de Madrid : ce maçon devient pendant la guerre civile espagnole général de l’armée populaire.
A travers le personnage de Mera, antimilitariste convaincu qui en 36 prône la militarisation des milices, ce livre pose clairement la question de la prise des armes dans une révolution. Il met en lumière le rôle du Parti Communiste tout au long de cette guerre et contredit le schéma réducteur d’un combat opposant fascisme et démocratie.
Ces questions se retrouvent, avec un autre point de vue, dans le film « Land and Freedom », (1994, 1H49) qui, à sa sortie, a secoué l’Espagne contemporaine.

Discussion autour des émeutes et pillages
en Grande-Bretagne au mois d’aout dernier
lundi 12 décembre à 19 heures 30
Retour sur les émeutes qui ont secoué la Grande- Bretagne du 6 au 10 août 2011. Des dizaines de milliers d’habitants des quartiers pauvres se sont soulevés contre leurs conditions d’existence toujours plus difficiles, crise et austérité aidant... Ils sont allés se servir directement dans les magasins sans s’embarrasser de revendications...
Soirée débat pour la sortie de Sic n°1, une revue internationale consacrée à la communisation. dimanche 18 décembre à 18 heures

Sic est la rencontre de divers groupes français, anglais, grecs et suédois et d’individus qui se retrouvent dans la problématique de la communisation. Sic est la continuation de Meeting sur une base réellement internationale.
“ La révolution est communisation... On n’abolit pas le capital pour le communisme mais par le communisme, plus précisément par sa production. “

Projection de Land of the dead, 2005. samedi 31 décembre à 18 heures

Dans ce film entre science-fiction post apocalyptique et film de zombies, Romero nous montre dans un futur proche un monde divisé entre humains et morts-vivants, mais où les morts vivants sont la majorité. Les humains eux, séparés entre ploutocrates cyniques, milices surarmées et prolétariat toujours exploité, survivent dans une cité fortifiée. Mais pendant ce temps les morts-vivants s’organisent...

Permanence “Sans papiers : s’organiser contre l’expulsion”
Tous les 1er samedi du mois,

lors des permanences vous pourrez discuter et rencontrer des personnes ayant participé à la brochure Sans papiers : S’organiser contre l’expulsion. Que faire en cas d’arrestation ?, disponible sur http://sanspapiers.internetdown.org (broLienchure en cours de réactualisation du fait de nouvelles lois sur l’immigration). Il s’agit d’un guide pratique et juridique, écrit à partir d’expériences de luttes de ces dernières années, pour s’organiser contre les expulsions :
> De l’arrestation à l’aéroport, connaître et utiliser les procédures juridiques pour tenter d’obtenir la libération des personnes interpellées.
> S’organiser collectivement pour mettre la pression sur la préfecture, les tribunaux, les consuls...

Télécharger le programme de décembre 2011 (flyer)
Télécharger le programme de 2011 (affiche)

samedi 26 novembre 2011

"L'ascension des barbares" - Wilfull Disobediance

[Ce texte anonyme publié dans le journal anarchiste insurrectionnaliste anglais Wilful Disobediance il y a quelques années nous semble d'un intérêt tout particulier dans les débats qui agitent aujourd'hui les milieux anarchistes et anti-autoritaires au sujet du progrès technique et de la civilisation, en particulier vu la fascination néfaste que certaines théories primitivistes et autoritaires semblent produire ces derniers temps comme refuge au traditionnel gauchisme qui domine dans les luttes sociales. Néanmoins, et si nous ne souscrivons pas à l'idéalisation mystique de la nature humaine ni au rejet primaire de toute technologie qui semblent être les fondamentales du primitivisme, nous voyons comme nécessaire une critique anarchiste des notions de civilisation et de barbarie, aussi bien que du progrès technique dans une perspective révolutionnaire. En voici une première traduction en français.]

Une révolte non-primitiviste contre la civilisation

Si nous examinons l'essentiel du débat actuel dans les milieux anarchistes concernant la civilisation, la technologie, le progrès, l'anarchie verte contre l'anarchie rouge et ainsi de suite, l'impression qui nous est laissée est que la critique de la civilisation n'est apparue que récemment au sein de la pensée anarchiste et révolutionnaire. Mais cette impression est fausse, et dangereuse pour ceux et celles d'entre nous qui partagent une perspective révolutionnaire anticivilisationnelle.

En fait, une remise en cause révolutionnaire de la civilisation, de la technologie et du progrès peuvent être trouvées à travers l'histoire de la pensée révolutionnaire moderne. Charles Fourier et son utopie socialiste "Harmonie" contre la disharmonie de la «civilisation». Un certain nombre des plus radicaux des romantiques (William Blake, George Byron et Mary Shelley entre autres) étaient notablement sceptiques vis à vis de l'industrialisme et de sa raison utilitaire.

Mais nous pouvons ramener les choses à plus près en regardant chez les anarchistes du 19e siècle. Certes, Bakounine n'avait aucun problème avec la technologie industrielle. Bien qu'il ne partageait pas la foi quasi-mystique d'un Marx en la capacité du développement industriel à créer la base technique pour le communisme mondial, il n'a pas non plus vu quoi que ce soit d'intrinsèquement dominant dans la structure des systèmes industriels.

En fait, le destin de sa conception des travailleurs prenant en charge l'organisation de la société à travers leurs propres organisations économiques et industrielles était de devenir la base de l'anarcho-syndicalisme. Cette évolution, cependant, est basée sur un malentendu, puisque Bakounine a très clairement indiqué que cette organisation n'était pas quelque chose qui pourrait être développé sur une base idéologique en dehors de la lutte directe des ouvriers, mais plutôt que c'était quelque chose que les travailleurs pourraient développer pour eux-mêmes dans le cours de leurs luttes. Il n'a donc pas suggérer une quelconque forme organisationnelle spécifique pour cela. Néanmoins, les appels de Bakounine au «déchaînement des mauvaises passions» des opprimé-e-s et des exploité-e-s ont été vues par beaucoup de révolutionnaires plus raisonnable à cette époque comme un appel à la destruction barbare de la civilisation. Et Bakounine lui-même appela à «l'anéantissement de la civilisation bourgeoise
», «la destruction de tous les États» et «l'organisation libre et spontanée de bas en haut, par le biais d'associations libres».
Mais un contemporain français de Bakounine, Ernest Coeurderoy, était lui moins conditionnelle dans son rejet de la civilisation.
Il dit simplement: «Dans la civilisation, je végète, je ne suis ni heureux, ni libre, pourquoi alors devrais-je garder le désir que cet ordre d'homicide soit conservé ? Il n'y a plus rien à conserver de ce dont la terre souffre
». Et il fit, comme d'autres révolutionnaires anarchistes à cette époque, tel Déjacque, appel à l'esprit barbare de destruction pour mettre un terme à la civilisation de la domination.

Bien sûr, pour la majorité des anarchistes à cette époque, comme dans la nôtre, la civilisation n'est pas remise en question, ni la technologie ou le progrès. La vision de Kropotkine de communisation «des usines, des champs et des ateliers» ou de Josiah Warren de la "vraie civilisation" ont inévitablement plus d'éccho pour qui n'est pas prêt à affronter l'inconnu et les critiques anarchistes de l'industrialisme et de la civilisation qui, souvent, n'offrent pas une vision claire de ce qui se passera après la destruction révolutionnaire de la civilisation qu'ils détestent.

Le début du 20ème siècle, et plus particulièrement le grand massacre connu sous le nom première Guerre Mondiale, a apporté avec lui un important renversement des valeurs. La foi dans l'idéal bourgeois du progrès a été soigneusement érodé et la remise en cause de la civilisation elle-même est un aspect important d'un certain nombre de mouvements radicaux dont le dadaïsme, le futurisme anarchiste russe et les débuts du surréalisme. Si la plupart des anarchistes les mieux connus (comme Malatesta, Emma Goldman, Mahkno et ainsi de suite) ont continué à voir la possibilité d'une civilisation industrielle libérée, d'autres anarchistes moins notoires ont eu une vision différente des choses. Ainsi, vers 1919, Bruno Filippi écrit:

"J'envie les sauvages. Et je vais leur crier d'une voix forte
«Sauvez-vous, la civilisation est à venir.»
Bien entendu, notre chère civilisation, dont nous sommes si fiers. Nous avons abandonné la vie libre et heureuse de la forêt pour cet horrible esclavage moral et matériel. Et nous sommes des maniaques, des neurasthéniques, des suicidés.

Pourquoi devrais-je me soucier que cette civilisation ai donné des ailes pour voler à l'humanité si c'est pour qu'elle puisse bombarder des villes, pourquoi devrais-je m'y intéresser si je connais chaque étoile dans le ciel ou chaque rivière sur la Terre ?

[...]

Aujourd'hui, la voûte étoilée est un voile de plomb à travers lequel nous avons vainement essayer de passer, et aujourd'hui il n'est plus inconnue, il est indigne de confiance.

[...]

Je me fous de leur progrès, je veux vivre et jouir."
Maintenant, j'aimerai être clair. Je ne cherche pas par là à apporter sur la place publique la preuve que l'actuel mouvement anti-civilisationnel possède un héritage anarchiste légitime. Si sa critique de la réalité, que nous devons relever, est exacte, pourquoi devrions-nous préoccuper de savoir si elle s'inscrit dans un certain cadre de l'orthodoxie anarchiste ? Mais de Bakounine à Coeurderoy, Malatesta ou Filippi, tous les anarchistes du passé qui ont vécus dans la lutte contre la domination, ont bien compris qu'il ne s'agissait pas de chercher à bâtir quelque orthodoxie idéologique. Ils ont participé au processus de création d'une théorie anarchiste révolutionnaire et d'une pratique qui serait un processus continu. Ce processus a comporté des critiques de la civilisation, du progrès et de la critique des critiques de la technologie (et souvent dans le passé, ces critiques ne se sont pas connectées, de telle sorte que, par exemple, Bakounine a pu appeler de «l'anéantissement de la civilisation bourgeoise» et encore embrasser son prolongement technologique , l'industrialisme, et Marcus Graham pourrait appeler à la destruction de "la machine" en faveur d'une civilisation non mécanisée). Nous vivons dans des temps différents. Les paroles de Bakounine ou de Coeurderoy, de Malatesta ou Renzo Novatore, ou de l'un des écrivains anarchistes du passé ne peuvent pas être pris comme un programme ou une doctrine à suivre. Elles forment plutôt un arsenal à piller. Et parmi les armes de cet arsenal, il y a des béliers barbares qui peuvent être utilisés contre les murs de la civilisation, du mythe du progrès, du mythe depuis longtemps réfuté selon lequel la technologie peut nous sauver de nos malheurs.

Nous vivons dans un monde où la technologie a certainement perdu le contrôle. Comme la catastrophe suit la catastrophe, les paysages soit disant "humains" sont de plus en plus contrôlés et mécanisés, et les êtres humains sont de plus en plus conformes à leur rôle en tant que rouages ​​de la machine sociale. Historiquement, le fil conducteur qui a traversé tout ce qu'il y a de meilleur dans le mouvement anarchiste n'a pas consisté en une foi dans la civilisation, la technologie ou le progrès, mais plutôt en le désir de chaque individu d'être libre de créer sa vie comme il ou elle le juge opportun dans le cadre de la libre association, en d'autres termes, le désir de réappropriation individuelle et collective de la vie. Et ce désir est toujours ce qui motive la lutte anarchiste.
A ce stade, il est clair pour moi que le système technologique est partie intégrante du réseau de la domination. Il a été développé pour servir les intérêts des dirigeants de ce monde. Un des buts principaux du système technologique à grande échelle est le maintien et l'expansion du contrôle social, et cela nécessite un système technologique qui est très largement auto-entretenu, en ne nécessite seulement qu'un minimum d'intervention humaine. Ainsi, un mastodonte est né. Le constat du fait que de nombreux progrès techniques n'avaient aucun lien inhérent avec la libération humaine a été déjà fait par de nombreux révolutionnaires à la fin de la Première Guerre mondiale. Certes, l'histoire du 20e siècle devrait avoir renforcé cette analyse. Nous voyons maintenant un monde physiquement, socialement et psychiquement dévasté, comme le résultat de tout ce qui a été appelé progrès. Les exploité-e-s et dépossédé-e-s de ce monde ne peuvent plus sérieusement désirer obtenir une part de ce gâteau en putréfaction, ni de prendre la relève en l'«auto-gérant».

La réappropriation de la vie doit avoir un sens différent dans le monde actuel. À la lumière des transformations sociales de ces dernières décennies, il me semble que tout mouvement anarchiste révolutionnaire sérieux se doit d'appeler à la remise en cause de l'industrialisme et de la civilisation elle-même, précisément parce que ne pas le faire risquerait de ne pas nous fournir les outils nécessaires pour reprendre nos vies en main comme étant les nôtres.

Mais mon point de vue anti-civilisationnel n'est pas une perspective primitiviste. Alors que celle ci peut effectivement être source d'inspiration pour examiner les aspects apparemment anarchiques et communistes de certaines cultures «primitives», je ne base pas ma critique sur une comparaison entre ces cultures et la réalité actuelle, mais plutôt sur la manière dont l'ensemble des différentes institutions qui composent la civilisation agissent conjointement pour me voler ma vie et la transformer en un outil de reproduction sociale, et comment elles transforment la vie sociale dans un processus productif ne servant qu'à maintenir les gouvernants et leur ordre social.
Ainsi, il s'agit essentiellement d'une perspective révolutionnaire, et c'est pourquoi je vais toujours faire usage de quelque chose dans cet arsenal qui est l'histoire de la théorie révolutionnaire et toute pratique qui peuvent améliorer ma lutte.
Les peuples «primitifs» ont souvent vécu de façon anarchique et communiste, mais ils n'ont pas une histoire de la lutte révolutionnaire à partir de laquelle nous pouvons faire un état du butin des armes à notre disposition pour notre lutte actuelle. Cependant, celà étant dit, je considère les anarcho-primitivistes qui continuent à reconnaître la nécessité de la révolution et de lutte des classes comme mes camarades et complices potentiels.

La lutte révolutionnaire contre la civilisation du contrôle et du profit qui nous entoure ne sera pas une tentative raisonnable pour s'emparer des moyens de production. Les dépossédé-e-s de ce monde semblent commencer à comprendre que ce n'est plus une option pour la libération (si elle l'a jamais été). Si la plupart ne sont pas au clair sur qui ou quoi est précisément l'ennemi, la plupart comprennent qu'ils n'ont rien à dire à ceux du pouvoir, parce qu'ils ne partagent plus de langue commune. Nous qui avons été dépossédé-e-s par ce monde savons désormais que ne nous pouvons rien attendre de lui. Si nous rêvons d'un autre monde, nous ne pouvons pas exprimer ce rêve, car ce monde dans lequel nous vivons ne nous fournit pas les mots pour le dire. Et très probablement pas non plus pour la plupart des rêves en général. Ils ressentent juste la fureur de la dégradation continue de leur existence. Alors cette révolution, en effet, doit être la libération des «mauvaises passions» dont parlait Bakounine, les passions destructrices qui sont la seule porte d'une existence libre. Ce sera la venue des barbares annoncée par Déjacque et Coeurderoy.

Mais c'est précisément quand les gens savent qu'ils n'ont plus rien à dire à leurs dirigeants, qu'ils peuvent enfin apprendre à parler les uns avec les autres. C'est précisément quand les gens savent que les possibilités de ce monde ne peuvent rien leur offrir qu'ils peuvent apprendre à rêver l'impossible. Ce réseau d'institutions qui dominent notre vie, cette civilisation, a transformé notre monde en une prison toxique. Il y a tellement à détruire pour que la création d'une existence libre soit rendue possible. Le temps des barbares est à portée de main.

[...] Que les barbares se déchainent. Puissent-ils aiguiser leurs épées, qu'ils brandissent leurs haches de guerre, qu'ils frappent leurs ennemis sans pitié.Que la haine prenne la place de la tolérance, et puisse fureur prendre la place de la résignation, puisse l'indignation prendre la place du respect. Puissent les hordes barbares monter à l'assaut, de manière autonome, et de la manière qu'ils déterminent. Et puisse aucun parlement, aucune institution de crédit, aucun supermarché, aucune caserne, aucune usine ne jamais pousser à nouveau après leur passage. En face du béton qui s'élève à l'assaut du ciel et la pollution qui le recouvre, on puis dire avec Déjacque que «Ce n'est pas l'obscurité que les Barbares apporteront au monde cette fois, c'est la lumière.» -

Crisso / Odoteo

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Texte anonyme paru dans le journal anarchiste anglais "Wilful Disobediance",
numero 1, volume4. Ré-édité sur insurgentdesire.org.uk le 20 Septembre 2009

jeudi 24 novembre 2011

Communiqué de la place Tahrir : Rejoignez notre lutte pour la survie de la révolution.

Une bataille décisive se déroule actuellement face à une offensive répressive potentiellement fatale. Ces trois derniers jours, l’armée a lancé une attaque sans relâche contre les révolutionnaires de la place Tahrir et des autres places égyptiennes. Plus de 2000 d’entre nous ont été blessé-e-s, plus de 30 d’entre nous assassiné-e-s; tout cela seulement au Caire, et uniquement dans les 48 dernières heures.

Mais les révolutionnaires continuent d’affluer. Des centaines de milliers se trouvent sur la place Tahrir et dans les autres places du pays entier. Nous affrontons leurs gaz, leurs matraques, leurs fusils et leurs mitrailleuses. L’armée et la police attaquent toujours et encore, mais nous continuons à tenir et à les repousser. Les mort-e-s et les blessé-e-s sont évacué-e-s à pied ou à moto, et d’autres prennent leur place.

La violence ne fait faire qu’augmenter, car NOUS NE BOUGERONS PAS. Les généraux ne veulent pas abandonner leur pouvoir. Nous voulons qu’ils partent.

C’est le futur de la révolution qui se joue: celles et ceux qui sont sur les places sont prêt-e-s à mourir pour la liberté et la justice sociale. Les bouchers qui nous attaquent sont prêts à nous tuer pour rester au pouvoir.

Ce qui se passe n’a aucun rapport avec les élections ou une éventuelle constitution, puisque rien de tout ça ne ferait cesser la violence et autoritarisme qui nous entourent. Ce qui se passe n’a pas non plus à voir avec une soi-disant « transition » vers une démocratie qui a vu le renforcement d’une junte militaire et la trahison de la révolution par les forces politiques. Il s’agit ici d’une révolution, d’une révolution totale. Le peuple veut la chute du régime, et ne s’arrêtera pas avant d’avoir trouvé sa liberté.

Les gouvernements étrangers parlent de « droits humains » tandis qu’ils négocient avec les généraux, échangeant des poignées de mains et les légitimant avec des discours creux. Les États-Unis fournissent toujours 1,2 milliards de dollars d’aide militaire à l’armée égyptienne. L’armée et la police utilisent du gaz lacrymogène, des balles et des armes venant de l’extérieur. Leurs réserves ont probablement été reconstituées par les États-Unis et par d’autres gouvernements durant les neuf derniers mois. Elle vont s’épuiser à nouveau.

Nous vous demandons d’agir:

Occupez ou bloquez les ambassades égyptiennes du monde entier. Elles représentent actuellement les militaires: faisons-les représenter le peuple égyptien.
Bloquez les vendeurs d’armes. Ne les laissez pas en fabriquer et en vendre.
Bloquez votre institution gouvernementale traitant avec les généraux égyptiens.

La révolution continue parce qu’elle est notre seule possibilité.

Place Tahrir, le 22 novembre à 14h

dimanche 20 novembre 2011

Valogne - Camp Anti-CASTOR avancé ! (du 21 au 23 Novembre)

RASSEMBLEMENT AVANCÉ au 23 NOVEMBRE 2011 à 10h + INFOLINE

Le numéro de l’infoline à appeler pour avoir les indications sur l’emplacement précis du camp est le : 06 28 98 43 83. Elle sera activée lundi à midi. Notez-le bien avant de partir !

Rassemblement pour bloquer le train à son départ :
Mercredi 23 novembre 2011, 10h

Nous ne sommes pas surpris de la décision de Areva et de la SNCF optant pour un départ anticipé du train CASTOR en partance pour Gorleben. Nous signifions il y a quelques semaines : « Concrètement, ces trois jours de camp visent tout autant à nous permettre d’anticiper un départ avancé du train qu’à se donner le temps de penser collectivement la suite, de penser les différentes pratiques et de les mettre en musique. »

Nous sommes prêts !


http://pix.toile-libre.org/upload/original/1321886872.png

Le « programme » provisoire et évolutif du camp :

21 novembre :
Rendez-vous pour l’installation du camp (précisions via infoline)

22 novembre :
11h : Discussions autour des luttes ; projections et interventions
Après-midi : Préparation des actions
18h : Début des repas
20h : Assemblée : discussion autour des perspectives anti-nucléaires
Suivi de Musique/Bœuf : amenez vos instruments !

23 novembre :
10h : Rassemblement et actions de blocage…

Pour plus d’informations, voici la nouvelle adresse du site :

http://valognesstopcastor.noblogs.org/?p=621

(Il y a des problèmes avec l’ancienne adresse, que ce soit du fait d’une cyber-attaque ou d’une défaillance de l’hébergeur.)

Valognes Stop Castor (contact), 20 novembre 2011.

samedi 12 novembre 2011

Valognes : Stop Castor !

[Avec un peu de retard -encore-, nous relayons l'appel au camp anti-nucléaire de Valogne pour bloquer le train de déchets nucléaires "CASTOR". Il nous semble que son analyse et ses conclusions vont dans le sens de la critique écologiste radicale et anti-nucléaire que nous développons depuis plus d'un an dans notre journal et les moyens que nous préconisons pour y remédier. Et pour celà, avant tout : quelques infos pratiques...]

Ici : http://valognesstopcastor.noblogs.org/appel-au-camp-4pages-format-a3-recto-verso/

Un R.D.V : Mercredi 16 Novembre à Paris – Discussion publique

POUR DISCUTER DU RENDEZ VOUS DE VALOGNES, ET DE CETTE FORME DE LUTTE

Le 24 novembre prochain aura lieu à Valognes, dans le Cotentin, un rassemblement contre le train de déchets nucléaires castor. Un campement débutera deux jours plus tôt, en vue de partager des idées et des méthodes de lutte. Le but d’un tel évènement sera de faire écho aux luttes du même type ayant lieu depuis des années en Allemagne, et de relancer le combat contre le nucléaire en France.

Toutes les personnes intéressées par la perspective de lutter directement contre le nucléaire plutôt que d’en laisser le soin à des spécialistes sont conviées.

18h30 – MAISON OCCUPÉE du 194 rue des PYRÉNÉES, Paris


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APPEL AU CAMP DE VALOGNES EN NOVEMBRE 2011

La catastrophe de Fukushima se rajoute à la longue liste de l’horreur quotidienne du nucléaire, mais il n’est plus temps de s’étonner de cette réalité. Si pour certains elle est l’alibi d’un contrôle et d’une gestion de la vie plus poussée, elle attise pour d’autres un sentiment de colère qui ne se dissout pas dans le fatalisme ambiant ou l’attente désespérée d’une échéance électorale. C’est par un geste fort porté collectivement à l’intérieur même du pays le plus nucléarisé du monde que sortir de cette impuissance devient tangible.

En novembre prochain partira le dernier transport de déchets nucléaires CASTOR (Cask for Storage and Transport Of Radioactive Material) de La Hague à Gorleben en Allemagne. Voilà qui nous donne une occasion d’agir. La question des déchets constitue le maillon faible de l’industrie nucléaire, et l’illustration la plus frappante du scandale qu’elle est dans son ensemble : on ne sait pas plus s’en débarrasser aujourd’hui qu’il y a soixante ans – on les envoie finir leur demi-vie sous terre à Bure, en Lorraine, ou à l’air libre en Sibérie.

Le transport de novembre 2010 a été marqué par une très forte mobilisation en Allemagne. Depuis 15 ans, pas un train ne passe sans embûches. La diversité des pratiques de blocage permet un véritable harcèlement sur la quasi totalité de la ligne : par exemple, quand 50000 personnes manifestent à Dannenberg, 400 paysans du Wendland stationnent leurs tracteurs pour bloquer les convois policiers, tandis qu’à Hitzacker, 1400 personnes s’invitent sur les voies. L’an passé, l’arrêt du convoi durant quatre jours a rendu plus onéreux la sécurisation du transport que le transport lui-même.

Ce que nous proposons, c’est donc de nous approprier les méthodes les plus éprouvées du mouvement anti-nucléaire allemand et de doubler le traditionnel rassemblement de Valognes d’un camp de deux jours, d’où partent actions et réflexions. Il existe d’ors et déjà des collectifs locaux constitués ces derniers mois à la suite de Fukushima, ainsi que des personnes qui s’organisent contre le projet de ligne Très Haute Tension dans la Manche, en Mayenne et en Ille et Vilaine. Nous appelons au rassemblement le plus large possible afin de bloquer le train CASTOR à son point de départ et pourquoi pas sur tout le reste de son trajet. Après la grande manifestation de Rennes du 15 octobre, ce serait une façon d’insuffler un nouvel élan à la lutte, de relancer le mouvement anti-nucléaire en France et, qui sait ?, d’un jour vaincre.

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La fermeture de la centrale de Fessenheim repoussée de dix ans. Un président de la République qui ne voit pas en quoi la catastrophe de Fukushima pourrait remettre en cause l’industrie nucléaire française. La présidente d’Areva qui, à peine limogée, trouve refuge au conseil d’administration d’un quotidien national réputé « de gauche ». Comme le nuage de Tchernobyl en son temps, il semble que les effets dévastateurs de l’explosion de Fukushima sur le consensus nucléariste doivent une nouvelle fois s’arrêter aux frontières de la France. La folle arrogance des nucléocrates hexagonaux n’a pas de limites : l’Allemagne décide de sortir du nucléaire, c’est un « cas isolé ». La Suisse puis l’Italie lui emboîtent le pas : tant mieux, on leur vendra notre électricité. Un peu plus et on nous expliquait, diagrammes psychologiques à l’appui, que si le Japon, à son tour, veut en finir avec ses centrales, c’est en vertu d’un excès passager de radiophobie.

Partout dans le monde, le tissu de raisonnements spécieux, de promesses mirifiques et de mensonges éhontés avec lequel se soutenait le lobby nucléaire se déchire. Fukushima a exposé aux yeux de tous l’incroyable bricolage à quoi se réduit le fonctionnement quotidien d’une centrale dans le pays « le plus avancé technologiquement au monde ». On ne peut plus ignorer sans mauvaise foi la démission soudaine de tous les responsables dès que survient l’accident, l’impuissance du gouvernement japonais à faire face à la moindre des conséquences de celui-ci, les dosimètres distribués aux écoliers pour déguiser cette impuissance en constat scientifique, le réhaussement aléatoire et opportun des seuils de toxicité admissibles par l’organisme humain, bref : l’incompatibilité entre le nucléaire et le fait d’habiter quelque part sur la planète Terre. Tandis que s’effondrent tous les arguments économiques en faveur de l’atome, les Etats les plus lucides laissent derrière eux ce monstre incontrôlable. Avec ses projets d’EPR, d’ITER, avec son MOX et ses « dommages collatéraux » que des territoires entiers subissent à l’extérieur de l’Europe, la France fait de plus en plus l’effet d’un malade en plein délire qui divague dangereusement dans le concert des nations. A voir l’Etat français engloutir depuis des décennies des milliards en pure perte, on se dit que s’il s’agissait d’un individu, cela ferait bien longtemps qu’on l’aurait mis sous curatelle. Mais la passion nationale des grands équipements et des nouvelles technologies, le rêve d’exporter un jour quelque chose d’autre que du vin, des armes et des bagnoles rencontrent ici les intérêts bien compris d’une mafia économique, d’une secte de scientifiques et d’ingénieurs qui se croient une élite. Pour le lobby nucléariste français, la seule façon d’échapper à la sanction de tous ses crimes et mensonges passés est d’en commettre d’encore plus énormes. Si la population a été un jour prise en otage, c’est par ces gens et cette démence-là. Le nucléaire en France est un cauchemar dont Fukushima doit sonner le réveil.

Pour commencer, il faut reconnaître l’échec des hypothèses qui ont porté les réseaux anti-nucléaires de la phase précédente.

1- L’hypothèse qu’il suffirait de « faire de l’information » et de faire pression sur les élus, qui ne seraient pas assez au fait de la menace nucléaire, a été battue en brèche par Fukushima : tout le monde sait désormais. Des sondages veulent bien admettre que 60 % de la population française ne veut plus du nucléaire et pourtant rien ne change. C’est donc que le problème nucléaire en France n’est pas une question technique d’argumentation rationnelle et de transparence de l’information, mais une question politique de rapport de force. Si le gouvernement allemand, clairement nucléariste, a décidé de sortir du nucléaire sous dix ans, ce n’est pas en vertu d’une soudaine illumination de la raison, mais grâce à la puissance d’un mouvement capable d’agir et de mettre des centaines de milliers de gens dans la rue.

2- Les luttes anti-nucléaires historiques en France et ailleurs dans le monde n’ont jamais remporté de victoire qu’à condition d’avoir une forte emprise locale. C’est au fond la différence entre Plogoff et Malville. C’est aussi l’explication de la longevité et de la vigueur intacte de la mobilisation allemande dans le Wendland contre les transports de déchets Castor. C’est donc pour commencer localement qu’il faut s’organiser, et de là être capable d’en appeler au soutien de tous ceux qui viennent d’ailleurs.

3- Le problème nucléaire ne se pose pas en termes de risques qu’il faudrait gérer et idéalement faire tendre vers zéro. Il n’y a pas le fonctionnement normal du nucléaire et ses regrettables accidents. Lorsqu’il se rappelle à nous périodiquement, par une catastrophe tonitruante, on en oublierait presque que la catastrophe tient tant dans ses dysfonctionnements que dans ce qu’il empêche même en parfait état de marche. Le nucléaire irradie au moins autant nos imaginaires que nos thyroïdes. Tous nos possibles s’éclipsent derrière l’échelle démesurée qu’il impose. De telles infrastructures, quadrillant des milliers de km², induisent une gestion et une organisation à cette mesure. Quant à la dangerosité, elle sous-tend une parfaite maîtrise des “populations” vivant sur les territoires impliquées. Le nucléaire contraint à un monde globalisé et pacifié ; il réalise en cela l’idéal du crédit sur plusieurs générations. Et, tout comme l’économie, la nécessité de s’en défaire apparaît impérieusement à quiconque ne voit pas, dans la perpétuation de ce monde, un horizon désirable.

4 – La nécessité de nous opposer au nucléaire ne signifie pas qu’il faille lui opposer les « énergies alternatives », sous peine de nous retrouver aux côtés des nouvelles mafias industrielles qui exproprient les paysans des Pouilles et bientôt du Maghreb pour y construire leurs absurdes centrales solaires, et pour finir aux côtés du CEA devenu entre-temps Commissariat aux Energies Alternatives. La ligne de partage n’est pas entre le nucléaire et les énergies alternatives mais entre une production d’énergie centralisée, commerciale et gérée par en haut, et une production décentralisée, contrôlée localement et renouvelable ; une production en contact direct avec les besoins qu’elle doit satisfaire. C’est seulement à l’échelle locale que se dissout l’alternative entre le nucléaire et la bougie : car là les besoins existants peuvent se donner les moyens de la production qui leur est nécessaire, et en retour les possibilités de production peuvent redéfinir intelligemment les besoins. Il faut cesser de penser la question de l’énergie en terme national si l’on entend sortir de l’impuissance.

5 – A quelque tendance du mouvement anti-nucléaire que l’on appartienne, il faut cesser de faire grief de notre échec collectif à telle ou telle autre tendance. Ce mécanisme de division atavique nous dédouane certes de toute responsabilité, mais nous condamne à perpétuer les causes de notre faiblesse. L’enseignement qui nous vient du mouvement allemand est précisément que les différentes tendances peuvent coexister sur une base pratique, en ayant chacune son mode d’action. A partir du moment où toutes poursuivent sincèrement le but commun d’en finir maintenant et par elles-mêmes avec le nucléaire, aucune n’a de titre à condamner la stratégie adoptée par les autres. La permanence des luttes de chapelles en France n’exprime que l’insuffisance pratique du mouvement. C’est justement par les différentes manières de se rapporter aux gestes de lutte sur un territoire que les luttes du Wendland ou du Val de Susa (la vallée italienne opposée à la construction d’une ligne de TGV) ont trouvé leur force.

Maintenant que des Etats s’engagent à renoncer au nucléaire, poussons avec force vers une sortie totale et immédiate. Ne soyons pas dupes des effets d’annonce gouvernementaux, comme celles d’une sortie « responsable » du nucléaire en 30 ans : il se peut bien que ce ne soit pour les dirigeants qu’une façon de gagner du temps, et qu’ils reviennent sur cette décision dès que l’occasion s’en présentera et que l’émotion sera retombée. Le nucléaire a la peau dure. Dans la mesure où l’on ne peut laisser nos vies entre les mains d’aucun dirigeant, la seule garantie de l’exécution effective des décisions prises est justement la permanence et la puissance du mouvement. On a assez joué avec nos vies. Nous ne nous laisserons pas gérer dans le cadre de la dénucléarisation comme on a pu gérer notre nucléarisation.

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4 précisions sur l’appel à bloquer le « train-train » nucléaire à Valognes

Rassemblement le Jeudi 24 Novembre à 11h
Campement les 22, 23 et 24 Novembre 2011

1. Un coup d’éclat ne suffira pas.

Après la catastrophe de Fukushima, l’acharnement du lobby nucléariste français l’amène à un déni total de la réalité. Ce lobby est persuadé qu’il est le plus beau et le meilleur, qu’il a une carte magistrale à jouer par rapport à tous les autres pays nucléarisés : il aurait un savoir-faire optimal sur tout ce qui concerne le nucléaire. Au moment où les autres puissances, par réalisme, se sentent contraintes de prendre en compte les risques majeurs et composent avec leurs opinions publiques face aux catastrophes, la France, elle, continue comme si de rien n’était. Malgré une situation qui ne devrait qu’affaiblir l’industrie nucléaire force est de constater que sa puissance et son arrogance ne sont pas sérieusement ébranlées; cette industrie s’étend même davantage. Les perspectives économiques et industrielles d’Areva se jouent pour partie dans la manche : l’EPR et sa ligne THT, le retraitement des déchets, etc. Face à ce gigantisme de l’industrie nucléaire on peut agir directement sur ses rouages. Les trains, qui depuis la Hague disséminent la radioactivité dans toute l’Europe, sont l’occasion de harceler cette industrie comme les allemands le font depuis de nombreuses années. Entendons nous bien, si cette action consiste dans les faits à tenter de bloquer des déchets retournant à l’envoyeur, il ne s’agit pas du tout de militer pour un maintien de ces déchets à La Hague. Chacun comprendra bien que c’est à la machinerie nucléaire dans son ensemble, et notamment à l’impossible gestion des déchets, que nous nous en prenons.
Un seul rassemblement avec l’ambition de bloquer le train castor ne suffira évidemment pas à bloquer pratiquement cette industrie, mais ce moment doit être celui de la construction d’un mouvement dans la durée, localement et internationalement, d’un harcèlement sans relâche de cette industrie.

2. Arrêter l’industrie nucléaire.

Ces trente dernières années, à quelques exceptions près, l’opposition au nucléaire s’en est tenue à une confrontation symbolique, faite de lobbying et d’appels à la démocratie parlementaire. Pour avoir prise, il nous faut rompre avec ses habitudes qui nous ont endormies dans le quotidien nucléarisé. Devenons artisan de l’arrêt du nucléaire. Perturber les chantier de construction de la ligne THT, perturber le train-train quotidien de déchets radioactifs, c’est contribuer à affaiblir concrètement le développement de l’industrie nucléaire. Les chantiers du Nord Cotentin sont un des fronts de cette bataille. Il ne tient qu’à nous, en nous organisant, de le rendre visible et effectif. L’affaiblissement et l’arrêt de l’industrie nucléaire ne se jouera pas seulement sur notre capacité à nuire matériellement à ses intérêts. Défaire son arrogance et l’évidence non questionnée de sa présence dans notre quotidien est sans aucun doute ce que nous pouvons atteindre dès maintenant.

3. Premiers pas.

Pratiquement l’objectif du rassemblement du 24 novembre à Valognes est de collectivement se diriger vers les voies et tenter de les occuper. Les lieux précis du rassemblement et du camp ne seront dévoilés que quelques jours avant fin novembre pour amoindrir les pressions policières. Cela ne pourra marcher que si nous sommes plusieurs centaines. Au delà de cette tentative de blocage, c’est la mobilisation déterminée contre le nucléaire qui sera une réussite. Notamment conscients de la difficulté pour beaucoup de se rendre disponible ces 3 jours de semaine, cette mobilisation ne doit pas s’en tenir à une présence à Valognes. Des réunions publiques doivent se tenir partout où c’est possible. Des actions autant de nuisances même symboliques que de soutien au rassemblement de Valognes peuvent s’organiser dès maintenant. Il est aussi possible pour des organisations constituées d’y prendre part en signant l’appel sur le blog du collectif (valognesstopcastor.noblogs.org).
A travers cet appel qui est aussi un processus qui ne fait que commencer, nous espérons y tisser des liens de confiance qui nous permettront de multiplier ces actions de harcèlement. Y faire naitre un mouvement d’opposition basé sur un fonctionnement horizontal.
Concrètement, ces trois jours de camp visent tout autant à nous permettre d’anticiper un départ avancé du train qu’à se donner le temps de penser collectivement la suite, de penser les différentes pratiques et de les mettre en musique.
Conscients des difficultés pratiques d’organiser un camp à l’orée de l’hiver dans ces douces contrées, nous pourvoirons à des abris, à la nourriture et à la chaleur (prévoir des tentes quand même). Pour que ce camp soit le plus confortable, nous nous en remettons à vous, matériel et propositions, et le blog comme le mail doivent nous permettre de nous organiser ensemble.

4. Avoir prise sur nos vies.

Par cette action concrète d’auto-organisation, nous souhaitons agir sans avoir à confier notre avenir à une délégation ni à nous en remettre aux illusions électorales qui ne manqueront pas d’habiter les esprits dans les mois qui viennent.
Il s’agit bien de créer ensemble un rapport de force, pour avoir prise sur nos vies. Une lutte contre l’industrie nucléaire ne peut pas s’en tenir à l’objectif de sa suppression. L’horreur du nucléaire est tout autant les désastres qu’elle engendre que la gestion quotidienne des populations qu’elle implique. C’est d’abord en cela que l’arrêt du nucléaire est un travail d’artisan. Parce que ce n’est que par ce biais que nous saurons tout à la fois en mesure d’éprouver les richesses d’une reprise en main de nos vies, et de se donner les moyens de saper les raisons d’être d’un monde qui a besoin du nucléaire.

Une stratégie possible pour remettre en discussion l’existence de l’industrie nucléaire passe par la remise en cause du rapport de domination qui prospère depuis des années, en même temps qu’elle met en évidence la réalité du déni.

En permettant à des individus de se mettre en situation de s’occuper des conditions qui leur sont faites, l’intérêt du camp pourrait être de rompre le ronron citoyen d’acceptation de ce rapport de domination, d’introduire le véritable enjeu pour les humains en cherchant à casser la spirale de la dépossession.

Le collectif Valognes Stop CASTOR