vendredi 25 février 2011

"Qu'est-ce qu'un dispositif ?" (suite 1)

Florilège de quelques dispositifs
rudimentaires dans la vie quotidienne...


Numero 1 - "Petit frère te regarde" : La caméra de surveillance.

Il s'agit à première vue d'un « dispositif de base ». Pour ce cas là, on en présence d'une configuration binaire, où le dispositif est apriori mis en place pour la fonction à travers laquelle il se présente : la surveillance. A titre d'exemple, le seul métro parisien et ses 12 500 caméras répertoriées donnent le ton. En 2007, le nombre de caméras "autorisées" (donc dans "l'espace public" en France) était estimé à 340 000 mais pourrait atteindre un million d'ici peu. L'ancien ministre de l'intérieur, Michelle Alliot Marie (MAM), début 2009, déclare que des caméras seront à terme placées dans tout les lycées et gares ferroviaires du pays. Effet d'annonce ou simple discours du façonnement des consciences ?

Toujours est il que nous sommes passé d'une situation, celle du début des années 80, où la caméras de surveillance se limitait -en raison du coût élevé de son exploitation- quasi-exclusivement aux sièges des banques, des grandes entreprises à une prolifération épidémique et exponentielle du dispositif, dont la vente constitue un marché juteux.
Désormais appelée de "vidéo-protection", elles pullulent aujourd'hui un peu partout.

Un marché donc, dont le but final se couple parfaitement avec un projet de société de panoptique. Ce qui signifie par exemple : l'utilisation policière quasi-systématique des enregistrements vidéos pour ficher les groupes dans des déplacements convergents vers une manifestation, un événement sportif ou « culturel ». N'importe quel prétexte à enregistrer, analyser, identifier, ficher, et classer massivement chaque individu ou groupe dans une situation donnée (« réseau d'individus »). Mais aussi le « partage des données » : à des fins publicitaires par exemple. La soit-disant « vidéo-protection » n'a pas pour unique vocation la « surveillance » dans un but délimité, mais bien le fichage et le contrôle des populations de toutes les manières possibles. A titre d'exemple, en moyenne, seul 60% des demandes policières de bandes vidéos provenant des caméras de la RATP sont destinées à des affaires liés au métro ou RER.
Ce qui signifie que tout le reste est utilisé pour des affaires qui n'ont aucun lien avec le réseau de transports. La caméra s'est tellement bien intégrée dans le décors urbain que sa généralisation géographique (au m²), ainsi que l'extension de son usage (à des finalités qui restent souvent méconnues) tendent à passer complètement inaperçues. Dernier exemple en date : la « caméra dans la pub ». Science-fiction ? Pas vraiment. Les toutes nouvelles « publicités animées » (écrans géants publicitaires dans le métro parisien, apparu début 2010) sont également équipées d'une micro-caméra invisible au premier coup d'oeil, située juste au dessus de l'écran. L'objectif est muni d'un dispositif permettant de « détecter les regards » et même les cibler (pour comptabiliser le nombre de fois que la publicité a été vue et ce qui a attiré le regard), ainsi bientôt que les téléphones portables pour envoyer des publicités par "sms" ou "mms" aux
« regards intéressés ». Autre nouvelle dotation des caméras qui devrait se généraliser : les «capteurs vidéos» autour de l'objectif, dispositif qui, associé aux caméras de surveillance doivent détecter automatiquement les « mouvements suspects » dans les lieux publics. La question n'est même pas de savoir si le dispositif sera assez "performant" pour faire la différence entre les mouvements d'un groupe d'enfants qui jouent et une véritable rixe (il n'y a pas à douter qu'ils le seront), mais plutôt : « à qui profite la surenchère sécuritaire ?» et encore, en ces circonstances : sommes nous libres de nos mouvements ?

"Vidéo-protection" ou surveillance généralisée ?

A mesure que l'obsession irrationnelle du contrôle s'étend dans toute sa rationalité, et que les caméras de surveillance ainsi que les motifs consubstantiels leur usage se multiplient proportionnellement, les conseillers en communication du gouvernement mettent du coeur à l'ouvrage pour "rassurer le citoyen" sur ses généreuses intentions et nous pondent de jolis termes de novlang orwellienne. Nouvelle constriction linguistique : "la vidéo-protection". L'article 17 du projet de loi "L.O.P.P.SI 2" indique que :

"Dans tous les textes législatifs et réglementaires, le mot : « vidéosurveillance » est remplacé par le mot : « vidéoprotection »."
mais encore que :
"Le mot de « vidéosurveillance » est (…) inapproprié car le terme de « surveillance » peut laisser penser à nos concitoyens, à tort, que ces systèmes pourraient porter atteinte à certains aspects de la vie privée."

Tentant ainsi maladroitement de masquer le caractère grossier des desseins d'une telle loi.
Offrant en outre les pleins-pouvoirs au Préfet sur cette question comme sur d'autres, aucune possibilité de contester (même pour les élus municipaux) une décision d'installation de caméras de surveillance dans la rue par un quelconque recours légal : c'est donc la police qui fixe l'ordre du jour. L'esprit de la loi défendant l'idée de la délégation du pouvoir policier (à des "annexes", comme les "citoyens réservistes" que cette même loi prévoit de recruter), il n'y a pas à douter que ce sont les entreprises privées (dont les effectifs en caméra de surveillance dépasseront bientôt ceux de la gendarmerie) qui en bénéficient le plus. En effet, la loi permet aux entreprises d'installer des caméras filmant la "voie publique". Sorte de nouveau droit de l'entreprise, comme parachevant ainsi le vieux processus de transformation de ce qu'il est encore convenu d'appeler l'espace publique en Pré Carré capitaliste.

En effet, quoi de plus logique lorsqu'on transforme les rues en galeries marchandes que de vouloir y installer des caméras, révélant ainsi la fonction de l'agent de police ou du gendarme pour ce qu'elle est essentiellement : celle d'un vigile assermenté, d'un gardien de la marchandise et de la propriété.

1 commentaire:

  1. Et les avancées techniques multiplient les possibilités de contrôle, puisqu'on pourrait même craindre bientôt une vidéosurveillance par drones : https://yannickrumpala.wordpress.com/2011/12/01/le-futur-est-vite-arrive-et-ses-machines-aussi/

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