mardi 21 décembre 2010

"Qui sont les black blocs ? Où sont les black blocs ?" par Cuatorino



[Après quelques semaines d'absence, Le Cri Du Dodo revient cet hiver avec de mauvaises intentions. Pour commencer, la traduction française d'un texte italien à propos de la vague émeutière et des autres évènements en Italie suite à la reconduction du gouvernement Silvio Berlusconi, le 14 Décembre dernier, de la hausse des frais d'études et de la précarité du travail, entre autres choses : rédigé par le Collectif Universitaire Autonome de Turin -C.U.A.T-, en réponse aux allégations journalistiques et policières sur la présence de "Black Blocs".]
[Sur la banderole : "Aucune confiance : La Révolte. Blocage, Sabotage, Occupation"]

"Cette ques­tion réap­pa­rais­sant dans la plu­part des jour­naux après chaque émeute, comme celle à Rome le 14 décem­bre, elle mérite une réponse. Voulez-vous voir à quoi res­sem­blent nos visa­ges quand ils ne sont pas mas­qués par des fou­lards, des cas­ques ou des cagou­les ?

Ce sont les mêmes visa­ges qui paient un loyer pour vos appar­te­ments pour­ris, les visa­ges de ceux à qui vous offrez des stages non rému­né­rés ou des jobs à plein temps pour 1000 euros. Ce sont les visa­ges qui paient des mil­liers d’euros pour assis­ter à vos cours. Ce sont les visa­ges des gamins que vous frap­pez quand vous les chopez avec un peu d’herbe dans leurs poches. Ce sont les visa­ges de celles et ceux qui doi­vent s’enfuir du bus quand les contrô­leurs appa­rais­sent, ne pou­vant pas se payer le voyage.



Ce sont les gens qui cui­si­nent vos faux-filets à point dans les res­tau­rants chics, et reçoi­vent pour ça 60 euros la soirée, au black. Ce sont celles et ceux qui vous pré­pa­rent vos cafés serrés à Starbucks. Ce sont ceux qui répon­dent à vos appels en disant « 118 118, puis-je vous aider ? », ceux qui achè­tent de la nour­ri­ture à Lidl parce que celle des autres super­mar­chés est trop chère. Ceux qui ani­ment vos camps de vacan­ces pour 600 euros par mois, ceux qui ran­gent les étalages des maga­sins où vous ache­tez vos légu­mes bios. Ce sont ceux à qui la pré­ca­rité bouffe toute l’énergie vitale, ceux qui ont une vie de merde, mais ont décidé qu’ils en avaient assez d’accep­ter tout ça.


Nous fai­sons partie d’une géné­ra­tion, qui, pour un jour, a arrêté de s’empoi­son­ner le sang avec la névrose d’une vie passée dans la pré­ca­rité, et qui a sou­tenu les émeutes. Nous sommes le futur que vous devez écouter, et la seule partie saine d’une société cou­verte de métas­ta­ses. Ce qu’il est en train de se passer à Londres, Athènes et Rome est d’une impor­tance his­to­ri­que. Des places rem­plies à cra­quer de gens explo­sent de joie quand les cars de police pren­nent feu. Notre exis­tence même est dans ces cris : l’exis­tence de celles et ceux qui ne peu­vent pas croire que des gou­ver­ne­ments élus se retour­ne­raient contre leurs citoyens et leur feraient payer des dizai­nes d’années d’erreurs com­mi­ses par le sec­teur finan­cier et les mul­ti­na­tio­na­les ; l’exis­tence de ceux qui main­te­nant com­men­cent à penser que tous ensem­ble nous pou­vons com­men­cer à leur faire peur. Ces excla­ma­tions étaient furieu­ses et joyeu­ses, explo­sant depuis la partie saine de la société, pen­dant que celle empoi­son­née se cachait dans la Chambre des Députés.

Les Black Bloc ont encore frappé. Vous feriez mieux de regar­der autour de vous main­te­nant. Des rumeurs disent que vous pour­riez en ren­contrer cer­tains pen­dant vos cours, à la biblio­thè­que, à la machine à café, au pub, sur la plage, voire même dans le bus."

Collettivo Universitario Autonomo de Torino

-Traduit de l’anglais depuis : http://th-rough.eu/writers/campagna-eng/who-black-bloc-where-black-bloc
-Texte ori­gi­nal sur : http://cuatorino.blogspot.com/2010/12/chi-sono-i-black-block-dove-sono-i.html

dimanche 31 octobre 2010

"Toute grève est synonyme de violence"

[Ce texte, extrait du discours "De l'action directe", a été écrit par l'anarchiste américaine Voltairine de Cleyre et publié intégralement en 1912 dans la revue "Mother Earth".
Si ses références politiques ont vieillies, le fond de ce discours, lui, raisonne dans les récents évènements -grèves, blocages économiques, occupations, manifs sauvages, affrontements, etc- en France (et notamment dans les raffineries en grève où, comme ailleurs, la répression administrative, policière et judiciaire a frappé fort et où la résistance à été la hauteur de ces attaques) qui démontrent qu'une grève est toujours synonyme de violences, à moins d'être inoffensive. Les réflexions portées dans ce trésor de la subversion viennent aussi à point nommé faire contre-poids à toutes les accusations stériles contre les camarades et compagnons accusé-e-s de "faire le jeu de la police" voir même d'être "manipulés par elle", ainsi que des débats sans fin et sans fond sur la "légitimité". C'est un vibrant plaidoyer contre ceux ou celles qui utilisent "la violence" comme argument pour discréditer tout mouvement ou toute action, en nous confinant à l'apathie.]
"Pourquoi les patrons ont peur des grèves ?

Les syndicats ont atteint une taille bien plus imposante que celle des Knights of Labor et leur pouvoir a continué à croître, lentement mais sûrement. Certes cette croissance a connu des fluctuations, des reculs ; de grandes organisations ont surgi puis disparu. Mais dans l’ensemble, les syndicats constituent un pouvoir en plein développement. Malgré leurs faibles ressources, ils ont offert, à une certaine fraction des travailleurs, un moyen d’unir leurs forces, de faire pression directement sur leurs maîtres et d’obtenir ainsi une petite partie de ce qu’ils voulaient — de ce qu’ils devaient essayer d’obtenir, vu leur situation. La grève est leur arme naturelle, celle qu’ils se sont forgée eux-mêmes. Neuf fois sur dix, les patrons redoutent la grève — même si, bien sûr, il peut arriver que certains s’en réjouissent, mais c’est plutôt rare. Les patrons savent qu’ils peuvent gagner contre les grévistes, mais ils ont terriblement peur que leur production s’interrompe. Par contre, ils ne craignent nullement un vote qui exprimerait «la conscience de classe» des électeurs; à l’atelier, vous pouvez discuter du socialisme, ou de n’importe quel autre programme ; mais le jour où vous commencez à parler de syndicalisme, attendez-vous à perdre votre travail ou au moins à ce que l’on vous menace et que l’on vous ordonne de vous taire. Pourquoi? Le patron se moque de savoir que l’action politique n’est qu’une impasse où s’égare l’ouvrier, et que le socialisme politique est en train de devenir un mouvement petit-bourgeois. Il est persuadé que le socialisme est une très mauvaise chose — mais il sait aussi que celui-ci ne s’instaurera pas demain. Par contre, si tous ses ouvriers se syndiquent, il sera immédiatement menacé. Son personnel aura l’esprit rebelle, il devra dépenser de l’argent pour améliorer les conditions de travail, il sera obligé de garder des gens qu’il n’aime pas et, en cas de grève, ses machines ou ses locaux seront peut-être endommagés.

On dit souvent, et on le répète parfois jusqu’à la nausée, que les patrons ont une «conscience de classe», qu’ils sont solidement soudés pour défendre leurs intérêts collectifs, et sont prêts individuellement à subir toutes sortes de pertes plutôt que de trahir leurs prétendus intérêts communs. Ce n’est absolument pas vrai. La majorité des capitalistes sont exactement comme la plupart des ouvriers : ils se préoccupent beaucoup plus de leurs pertes personnelles (ou de leurs gains) que des pertes (ou des victoires) de leur classe. Et lorsqu’un syndicat menace un patron, c’est à son portefeuille qu’il s’en prend.

Toute grève est synonyme de violence

Aujourd’hui chacun sait qu’une grève, quelle que soit sa taille, est synonyme de violence. Même si les grévistes ont une préférence morale pour les méthodes pacifiques, ils savent parfaitement que leur action causera des dégâts. Lorsque les employés du télégraphe font grève, ils sectionnent des câbles et scient des pylônes, tandis que les jaunes bousillent leurs instruments de travail parce qu’ils ne savent pas les utiliser. Les sidérurgistes s’affrontent physiquement aux briseurs de grève, cassent des carreaux, détraquent certains appareils de mesure, endommagent des laminoirs qui coûtent très cher et détruisent des tonnes de matières premières. Les mineurs endommagent des pistes et des ponts et font sauter des installations. S’il s’agit d’ouvriers, ou d’ouvrières, du textile, un incendie d’origine inconnue éclate, des pierres volent à travers une fenêtre apparemment inaccessible ou une brique est lancée sur la tête d’un patron. Quand les employés des tramways font grève, ils arrachent les rails ou élèvent des barricades sur les voies avec des charrettes ou des wagons retournés, des clôtures volées, des voitures incendiées. Lorsque les cheminots se mettent en colère, des moteurs « expirent», des locomotives folles démarrent sans conducteur, des chargements déraillent et des trains sont bloqués. S’il s’agit d’une grève du bâtiment, les travailleurs dynamitent des constructions. Et à chaque fois, des combats éclatent entre d’un côté les briseurs de grève et les jaunes et, de l’autre, les grévistes et leurs sympathisants, entre le Peuple et la Police.

Pour les patrons, une grève sera synonyme de projecteurs, de fil de fer barbelé, de palissades, de locaux de détention, de policiers et d’agents provocateurs, de kidnappings violents et d’expulsions. Ils inventeront tous les moyens possibles pour se protéger directement, sans compter l’ultime recours à la police, aux milices, aux brigades spéciales et aux troupes fédérales.

Tout le monde sait cela et sourit lorsque les responsables syndicaux protestent, affirmant que leurs organisations sont pacifiques et respectent les lois. Tout le monde est conscient qu’ils mentent. Les travailleurs savent que les grévistes utilisent la violence, à la fois ouvertement et clandestinement, et qu’ils n’ont pas d’autres moyens, s’ils ne veulent pas capituler immédiatement. Et la population ne confond pas les grévistes qui sont obligés de recourir à la violence avec les crapules destructrices qui les provoquent délibérément. Généralement, les gens comprennent que les grévistes agissent ainsi parce qu’ils sont poussés par la dure logique d’une situation qu’ils n’ont pas créée, mais qui les force à attaquer pour survivre, sinon ils seront obligés de tomber tout droit dans la misère jusqu’à ce que la mort les frappe, à l’hospice, dans les rues des grandes villes ou sur les berges boueuses d’une rivière. Telle est l’horrible situation devant laquelle se trouvent les ouvriers; ce sont les êtres les plus humains — ils font un détour pour soigner un chien blessé, ou ramener chez eux un chiot et le nourrir, ou s’écartent d’un pas pour ne pas écraser un ver de terre — et ils recourent à la violence contre leurs congénères. Ils savent, parce que la réalité le leur a appris, que c’est l’unique façon de gagner, si tant est qu’ils puissent gagner quelque chose. «Vous n’avez qu’à mieux voter aux prochaines élections!» affirment certains. Il m’a toujours semblé qu’il s’agit de l’une des réponses les plus ridicules qu’une personne puisse faire, lorsqu’un gréviste lui demande de l’aide face à une situation matérielle délicate, et alors que les élections auront lieu dans six mois, un an voire deux ans.

Malheureusement, ceux qui savent comment la violence est utilisée dans la guerre des syndicats contre les patrons ne prennent pas publiquement la parole pour dire: «Tel jour, à tel endroit, telle action spécifique a été entreprise; telles et telles concessions ont été accordées à la suite de cette action ; tel patron a capitulé.» Agir ainsi mettrait en péril leur liberté et leur pouvoir de continuer le combat. C’est pourquoi ceux qui sont les mieux informés doivent se taire et ricaner discrètement en écoutant les ignorants pérorer. [...]"

Voltairine De Cleyre
La suite du texte : ici.

mercredi 20 octobre 2010

"Avis d'Insoumission à la population"


[Trouvé sur Indymedia Paris]

"Tout les uniformes ne sont pas bleus" 2e épisode...

Merci qui ? Merci la CGT !


[Témoignage. Si vous avez d’autres détails, n’hésitez pas à compléter]



Aujourd’hui Mardi 19 Octobre 2010, Nous sommes dans le cortège étudiant unitaire, avec le PS juste devant nous. Quelques slogans dérisoires fusent "Socialos, on vous voit pas souvent, mais bon là, on est contants", et autres trucs du même style. L’ambiance est bon enfant malgré les socialos qui tirent la tronche. De petits attroupements de lycéens circulent dans les cortèges étudiants et lycéens, et juste à coté de nous.

Il est environ 15H00, et nous sommes à hauteur de la société générale, en face du métro Gobelins, ligne 7.

Nous voyons alors une petite bousculade et comprenons qu’il y a eu une sorte de chahut entre quelques lycéens. Certains parlent d’une baston pourrie, d’autre d’une tentative minable de dépouille. Rien de bien méchant, mais en curieux quand même, nous nous rapprochons. C’est là que nous voyons le SO de la CGT, qui était à proximité, débouler et s’improviser justiciers comme ils savent le faire : en chargeant tout ce bouge et en cognant.

Soyons clairs, quelques minutes plus tard, les jeunes des lycées nous diront " ils nous ont tous chargé comme ça, d’un coup, sans distinction : ils ont foncé sur nous et nous ont éclaté !". S’en suit une bousculade, le SO CGT matraque à tout va, panique, mouvement de foule, les gens se piétinent et plusieurs personnes tombent à terre, dont une lycéenne en pleurs, qui n’arrive plus à se relever. On fait de la place pour la laisser réspirer, et là : viens la colère.

Le SO CGT, environ une 20ene (peut être plus), tous grands avec leur brassards rouges et leur autocollants cgt, armés de barre en bois et de téléscopiques, ainsi que de lacrymogènes dites "familiales" (grand modèle), est désormais regroupé en bloc compact devant la société générale. Les insultes fusent, des étudiants, lycéens, et même des syndiqués leurs demandent pourquoi ils ont fait ça, l’air ébahi et en leur montrant les gens tombés par terre et les lycéens qui pour certains cherchent encore à comprendre ce qui s’est passé. Aucune réponse. Seulement des insultes de leur part, des doigts d’honneur. La foule commence à s’énerver, plusieurs personnes leur crachent dessus et un groupe commence à gueuler "SOCIAL-TRAITRES ! SOCIAL-TRAITRES" en les pointant du doigt. Quelques canettes de bière leur volent dessus. Plusieurs personnes leur hurlent dessus. Certains lycéens remontés s’énèrvent "il faut les défoncer ! Ils nous ont tappé sans raison, c’est des oufs !".

Sentant la pression monter, le SO sort les gazeuses et allume encore la foule en se frayant un chemin à coups de barre de bois et de matraque et disparait dans la panique pour rejoindre leur cortège... Une vieille dâme dira " ça fait 40 ans que ça dure. Les flics devraient leur filer un salaire, au moins ce serait plus clair".

Quelques minutes plus tard, des lycéennes d’un lycée en banlieue (je ne sais plus où) iront expliquer à une journaliste et sa caméra "On s’est fait tappées et gazées pour rien par leur SO. C’est déjà les mêmes qui avaient expulsés les sans-papiers de la bourse du travail. Merci le PS, merci la CGT, merci la bourgeoisie." un autre s’esclaffe " ils nous ont tappé parce qu’on ressemble pas à des petits blancs parisiens : c’est des racistes madame !". " Vous allez les diffuser ces images là ?".

Les yeux qui piquent nous regagnons notre cortège en pestant. Pour la première fois de ma vie, je me suis fait gazé par autre chose que des flics : quelle différence ?



En effet, tout les uniformes ne sont pas bleus. Et le SO de la CGT devra finir par rendre des comptes...

Une phrase qui m’a choqué : alors que ces gros bouffons venaient de matraquer des lycéens (vous savez, les futurs prol qu’on déstine à crever au boulot), un gars en colère s’adresse à eux "vous frappez des gens qui sont de la même classe que vous. Vous êtes des ennemis. Vous agissez contre le prolétariat". Un vieux du SO, hargneux, lui rétorque "Ta gueule ! tu sais même pas ce que c’est que le prolétariat !". On dirait une réplique de film. Malheureusement, c’était cette après-midi en pleine manif parisienne.

Signé : Un ex-étudiant, "demandeur d’emploi" comme on dit, et gréviste, accessoirement.



voir aussi :

-"En France, comme en Belgique : Tout les uniformes ne sont pas bleus"
sur Indymedia Paris.
- "SO CGT, Condés : Même Combat !"

mardi 12 octobre 2010

Aujourd'hui : c'est la grève... mais demain ?

[photo : Strasbourg, Manifestation du 12 Octobre 2010]

En France comme au Portugal, comme en Italie, comme en Grèce, comme dans le reste de l'Europe et ailleurs dans le monde : la crise du capitalisme s'intensifie, et les conflits de classe éclatent au grand jour. Grève Générale en Espagne avec affrontements entre grévistes et flics sur les piquets de grève, à Madrid et à Barcelone, manifestations géantes qui dégénèrent à l'émeute. Ici, partout,
et pas seulement contre "la réforme des retraites" (comme la Gauche s'y plait à enfermer le débat) des grèves contre la baisse des salaires et prestations sociales, l'augmentation du temps de travail et du prix de la vie, et la dégradation générale des conditions d'existence... mais aussi contre la présence policière et son inévitable violence : dans tout les secteurs, public ou privé, dans toutes les catégories professionnelles, voilà qui pointe son nez : la grève.

La vraie : la cessation de travail et le blocage de l'économie, avec des piquets de grève, des occupations, des explosions de colère, la révolte qui tend à se généraliser. Et même chez les lycéens et les étudiants, ça chauffe.
Marre d'être fliqués, surveillés, suspectés, contrôlés et condamnés pour simple délit d'existence. Dans ces bahuts qui ressemblent de plus en plus à des prisons, et où bientôt comme à la fac, on y voit se croiser surveillants, vigiles, et autres annexes policières. Tout est fait pour y canaliser la révolte. La prévenir. L'étouffer : l'empêcher.

Dans les universités aussi, où ce ne sont plus les quelques "étudiant-e-s gauchistes" qui mènent l'agitation, mais des salarié-e-s du personnel, et autres supports du mépris de classe de la direction de l'administration partout triomphante dans son application zélée des réformes gouvernementales et de la logique même de l'université comme usine à trier les "gagnant-e-s" des futur-e-s prolétaires.

Mais de la simple révolte, qui va encore s'étendre, doit venir la critique de l'économie, du capitalisme, et de l'Etat. Tant que nous serons gouverné-e-s, nous serons soumis-e-s et donc insatisfait-e-s. Nous devons oser penser le monde autrement que comme il nous a été montré depuis toujours. Nous devons imaginer
que si cette vie n'est pas souhaitable, il faut la changer.

Il faut détruire ce qui nous détruit.

Il faut renverser les rapports de pouvoir partout où nous les trouvons.
Ce sont les assemblées générales de grève qui doivent mener les mouvements (comme structure de base ouverte à tous et toutes) sur des principes de démocratie directe, sans médiation (syndicale, organisationnelle ou de parti) et se coordonner en vue de poursuivre et intensifier la grève de manière auto-organisée,
pour l'étendre jusqu'à son point de rupture :

Celui où l'Etat voudra sonner "la fin de la récrée".

Organisons nous pour lui opposer la force collective,
LA GREVE GENERALE, AUTOGESTIONNAIRE ET EXPROPRIATRICE !

Tout est à tous, rien n'est à l'exploiteur.
Reprenons le contrôle de nos vies :
SABOTONS L'ECONOMIE !

mercredi 6 octobre 2010

En Belgique aussi, la police torture dans les commissariats

[Nous relayerons ici plusieurs témoignages et brèves décrivant la violence particulière qui s'est exercée à l'encontre des camarades, compagnon-e-s et autres personnes arrêtés dans le cadre des actions et manifestations de la semaine du No Border et autres initiatives connexes contre les politiques d'immigration belges, européenne et l'enfermement en général. Nous souscrivons parfaitement à l'idée que la torture est la seule récompense que les polices ont désormais à offrir à quiconque oserait se révolte en dehors du cadre imposé. En particulier lors de révoltes collectives et ne faisant pas mystère de leurs motivations politiques. En clair : qu'il n'y a pas de révoltes avec l'assentiment ou la tolérance des oppresseurs et de ceux qui les servent. Comme en Grèce, comme en Russie, comme en France, comme dans le reste du monde, et dans des mesures et des proportions évidemment différentes, mais dont des buts restent similaires : oui, en Belgique la police torture dans les commissariats. Nous ne voyons pas comme ridicule le fait de parler de nos traumatismes, de nos souffrances, de nos illusions perdues, de nos peurs refoulées et de nos inquiétudes sur l'avenir. Au moins, nous n'avons pas peur d'en parler, et saluons chaleureusement ceux et celles qui ont eu le courage de le faire jusqu'ici. Car à mesure que la violence de l'Etat se montre de manière plus apparente comme ce qu'elle est depuis toujours essentiellement : nous voyons comme urgente la nécessité de non seulement rendre visible le scandale qu'elle constitue, mais de la combattre sur le même terrain que tout le reste : celui des luttes !]



Retour sur l’arrestation du 1er octobre et le choc qui en est resté
[No Border Bruxelles : Dans la nuit du 1er octobre]

http://img831.imageshack.us/img831/2367/52339804.jpg

«Je ne sais pas si celui qui est roué de coups par la police perd sa “dignité humaine”. Mais ce dont je suis certain c’est qu’avec le premier coup qui s’abat sur lui, il est dépossédé de ce que nous appellerons provisoirement la confiance dans le monde. Confiance dans le monde. Beaucoup de choses la constituent : par exemple la foi en une causalité à toute épreuve, foi irrationnelle, impossible à justifier logiquement, ou encore la conviction également aveugle de la validité de la conclusion inductive. Un autre élément plus important dans cette confiance — et seul pertinent ici — est la certitude que l’autre va me ménager en fonction de contrats sociaux écrits ou non-écrits, plus exactement qu’il va respecter mon existence physique et dès lors métaphysique. Les frontières de mon corps sont les frontières de mon Moi. La surface de ma peau m’isole du monde étranger : au niveau de cette surface j’ai le droit, si l’on veut que j’aie confiance, de n’avoir à sentir que ce que je veux sentir.»

Jean Améry, résistant et juif, analysait ainsi la violence qu’il avait subi de la part de la Gestapo belge en 1943 dans son livre Par-delà le crime et le châtiment.

Dans la semaine du 27 septembre au 3 octobre 2010, plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées tout à fait arbitrairement dans les rues de Bruxelles à l’occasion d’un campement de protestation contre les politiques migratoires et le régime de contrôle et de répression qui les accompagne.

Toléré par les autorités, ce type de rassemblement ne peut se faire qu’en faisant un certain nombre de compromis avec les forces de police (obtention d’un terrain, parcours de manifestation, contacts quotidiens avec la préfecture…). C’est un fait que nous déplorons, mais que nous acceptons pour avoir la possibilité de sensibiliser un minimum la population à nos inquiétudes et nos analyses du monde existant. Mais par ces compromis, nous savons qu’il nous est impossible de combattre effectivement le régime en place, étant donné qu’aucune action directe ne saurait souffrir d’une négociation avec l’ennemi : on ne combat pas un pouvoir avec son autorisation. La manifestation «familiale» et festive du samedi est donc la seule forme de «contestation» réellement autorisée — et non réprimée — par le pouvoir, bien que cela s’apparente davantage à un carnaval qu’à un acte de révolte. Il est difficile de croire à la portée révolutionnaire de ces représentations médiatiques et spectaculaires.

Devant la violence quotidienne et le racisme décomplexé du système actuel, face au saccage des structures sociales, l’exploitation et la destruction des vies qu’il implique, nous sommes pourtant nombreux à vouloir nous opposer sans attendre que le pouvoir nous y autorise. Ces campements sont donc l’occasion de mener des actions, symboliques ou non, contre les acteurs de notre oppression, en ciblant des institutions, entreprises et organisations non gouvernementales qui participent à la gestion du contrôle que nous subissons continuellement et de façon chaque jour plus inquiétante. Il s’agit pour nous d’exprimer notre opposition de façon radicale. Et on ne saurait parler de violence, puisqu’aucune personne physique n’est jamais prise pour cible dans nos actions, sauf si elle s’oppose elle-même avec violence à ce que nous entreprenons (policiers). Qu’on se le dise une fois pour toute : nous croyons au sabotage, mais rejetons comme tout-un-chacun la violence physique. Contrairement aux communistes autoritaires, nous désaprouvons toute forme de justice populaire visant à punir collectivement nos détracteurs et opposants. Nous n’avons et ne voulons exercer aucun pouvoir ni aucune autorité, car nous sommes contre toute forme de hiérarchie.


Ceci étant dit, en dehors de toute considération idéologique, je souhaiterais aborder de façon plus personnelle ce qui s’est produit à Bruxelles durant la semaine passée et qui, je n’en doute pas, me laissera des marques profondes et pour longtemps. Pour dire la vérité, j’ai eu du mal à ne pas pleurer une fois rentré chez moi, tant j’ai été secoué par ce que j’ai vu et subi là-bas.

Bien que ces violences aient eu lieu toute la semaine à l’encontre des personnes investies dans le campement, je voudrais focaliser mon récit sur les douze heures durant lesquelles j’ai moi-même été arrêté et placé en prison au cours de la nuit du vendredi 1er au samedi 2 octobre. Ces quelques heures ont eu sur moi comme un effet de marteau, tant ce que j’ai vu n’avait pas de commune mesure avec les violences policières dont j’ai eu l’occasion d’être souvent témoin auparavant. Et à ce propos, je veux dénoncer le relativisme des copains et copines de lutte qui estiment qu’il n’y avait là rien de plus ordinaire. Pour moi, il n’y a pas de banalité du mal à laquelle il faudrait s’habituer ou devant laquelle il faudrait rester de marbre. Il ne suffit pas de dire «Ce ne sont pas des abus, ces flics ont agi en tant que flics, avec une violence qui leur est propre et qui appartient au rôle social et à la fonction répressive du flic» pour expliquer le comportement barbare des policiers. Il existe des paliers dans l’utilisation de la violence. Le coup de matraque en manif n’est pas comparable aux traitements humiliants dans l’enceinte d’un commissariat. Le déchaînement isolé des policiers pris individuellement dans la mêlée au cours d’une charge et la torture appliquée collectivement et dans une atmosphère «détendue» à l’abri des regards sont deux choses complètement différentes. Et ce que nous avons subi au cours de notre arrestation et de notre mise en détention tient pour moi davantage de la torture.

A contrario de la manif-parade du samedi, la manifestation radicale du vendredi prévue au départ de la gare du Midi faisait l’objet d’une interdiction de la part des autorités. Si les révolutionnaires avaient attendu l’autorisation des seigneurs pour prendre la Bastille, la République n’aurait jamais existé (et on n’aurait pas eu à s’en plaindre au vu de ce qu’elle nous fait subir). Bien qu’on ne se considère pas comme des révolutionnaires (nous n’avons ni programme, ni solution «prêt-à-adopter» pour changer le système, mais seulement des pistes expérimentales et des idées à faire évoluer), il est pour nous hors de question de négocier avec la police le droit d’occuper la rue (qui soit appartient à tous, soit à personne). C’est pourquoi les autorités avaient à craindre notre présence et ont publié un arrêté interdisant tout rassemblement de plus de cinq personnes aux abords de la gare du Midi et permettant l’arrestation administrative de tous les contrevenants à cet arrêté dictatorial.


Tous les alentours de la gare, à partir de quinze heures, étaient sous blocus policier. Les véhicules de polices étaient stationnés partout, girophares allumés, pour traquer les manifestants. Des centaines de personnes ont été arrêtées, même lorsqu’elles marchaient en groupes de moins de cinq. Si l’on veut être fidèle à l’Encyclopédie, le terme «rafle» convient tout à fait à ce type d’opération de police, quoi qu’en disent les plus frileux. L’arbitraire s’est abattu, bannissant de l’espace public l’expression de certaines idées trop gênantes pour le pouvoir. On peut manifester si cela n’ébranle pas le système. Seul faire semblant est autorisé. Une grande majorité des interpellations a fait l’objet de violences gratuites et d’humiliations, non seulement près de la gare, mais aussi à proximité de la porte de Hal où certains se sont repliés pour échapper à l’étau policier et tenter de manifester quand même. Tout s’est fait dans un calme assourdissant, sans courses poursuites ni opposition physique de la part des personnes interpellées. Échappant aux arrestations de la porte de Hal, quelques personnes dont je faisais partie se sont faites arrêter après avoir rencontré des copains et copines tout juste arrivé.e.s sur Bruxelles.

À partir de là, et dès l’arrêt des véhicules à nos côtés le long du trottoir, les agents de la police fédérale belge, pour certains originaires de Anvers, se sont comportés avec nous de façon arbitraire et humiliante, nous menaçant verbalement et physiquement, plaquant nos visages contre le mur et exerçant des pressions physiques sur certains d’entre nous. Refuser pour une fille d’être palpée par un homme ou protester contre la rudesse du traitement infligé nous a exposé à des coups et des pinces au niveau de la gorge. Les menottes en plastique ont été serrées dans le dos jusqu’au sang de façon à ce que la plupart d’entre nous ait les membres ankylosés. Ils nous ont ensuite assis les uns derrière les autres dans les flaques d’eau, puis ont proféré des insultes et vexations à notre égard pendant près de quarante-cinq minutes, tenant des propos injurieux : «Ferme ta gueule !», «On va faire du sexe avec lui… avec ma matraque» (à propos de moi, en flamand), «Ça fait longtemps qu’elles n’ont pas vu une bite» (aux filles), «Dis au bougnoule de contourner le camion» (à propos d’un passant), «Ici, c’est pas la République, c’est la monarchie. Si ça vous plait pas, retournez dans votre pays !», «Tu ressembles à un clochard» (à propos d’un copain), «Je hais les gens qui ne travaillent pas»…

http://www.artmag.com/rencontre/resistan/tracts/katraki2.gif

Pour la première fois de ma vie, je me suis mis dans la peau des personnes soumises à l’arbitraire des nazis durant la Seconde Guerre mondiale, le droit de mort constituant la seule différence notable. Ils nous entouraient tous, en nous insultant et en se moquant de nous. Nous étions assis à leurs pieds, dans l’eau, les mains entravées et douloureuses, sans que quoi que ce soit ne puisse nous être reproché. Au moment de nous transporter dans le panier à salade, ils m’ont penché en avant et m’ont suspendu avec les mains vers le haut. L’un d’eux m’a mis des coups de genoux dans le thorax, pendant qu’un autre me mettait un coup de pied dans la cuisse. Lorsque j’étais assis dans le bus, le premier m’a mis encore une claque. Un copain belge qui nous a rejoint dans le bus a reçu un coup de poing au visage au moment de son arrestation. Une copine qui refusait de se faire palper par un homme a été jetée au sol, la tête écrasée contre le trottoir, tandis qu’un policier lui palpait ostensiblement les fesses. Ces violences faisaient écho à celles déjà subies par d’autres les jours d’avant : un copain anglais recevant un coup de tête dans le visage pour avoir refusé de se laisser prendre en photo, un copain français frappé contre une table pour n’avoir pas voulu signer un papier reconnaissant des faits inventés de «troubles à l’ordre public», des camarades frappés au visage et à la nuque durant la manifestation du mercredi, etc. Il ne s’agissait pas ici d’abus isolés, étant donné que les faits étaient commis en réunion, au vu et au su des officiers, voire avec leur assentiment.

Une fois parvenues au dépôt de police, les centaines de personnes arrêtées ont été rassemblées dans des cellules de vingt personnes (parmi lesquelles des mineurs d’un mouvement de jeunes juifs antisionistes de gauche), tout d’abord avec leurs affaires, puis amenées une par une à la fouille. De notre cellule, on pouvait voir distinctement les conditions de ces fouilles. Un certain nombre de personnes, dès lors qu’elles refusaient d’être palpées par un agent de l’autre sexe, ont reçu des coups. Une fille a ainsi été plaquée avec force sur la table et a reçu des coups de poings. Nous étions invités à signer un papier en flamand sur lequel nous reconnaissions avoir donné nos affaires et du même coup admettions être les auteurs de «troubles à l’ordre public». J’ai exigé d’avoir la traduction du document avant de signer, mais on m’a enlevé la feuille des mains et signifié de «dégager». Nous étions 26 dans ma cellule. Il y avait plus de 25 cellules de cette capacité (dont une qualifiée de V.I.P.). L’arrêté affiché sur les murs des cellules nous informait qu’il «ne saurait nous être donné un avocat». Nous n’avons eu ni repas, ni eau, malgré nos demandes répétées. Injustice à laquelle beaucoup ont répondu en saccageant l’intérieur de leur cellule (lampes, urinoirs, murs et porte). Légitime révolte face à l’arbitraire.

Ce n’est qu’à 5 heures du matin que nous avons été relâchés, ramenés au camp en bus escortés par des fourgons de police.

Nous vivons des heures inquiétantes. L’extrême-droite reprend du poil de la bête. Le fascisme non seulement n’est jamais mort, mais il revient au galop. Les arrestations administratives signalent que le pouvoir n’a plus à s’embarrasser de formalités, il peut réprimer en silence, embarquer tout-un-chacun sans avoir à s’en justifier. Des passants sont traités comme les opposants politiques. Ils reçoivent du gaz et des coups, juste parce qu’ils sont dans la rue. Dommages collatéraux, ils n’avaient qu’à pas être là : on est mieux chez soi, seul devant sa télé. La rue, c’est juste pour aller travailler et consommer. Les policiers y règnent en maîtres. Les photographes qui veulent montrer l’inmontrable se font agresser par des policiers en civil qui les menacent de détruire leurs appareils. Les médias font l’impasse sur la répression, servent le pouvoir en place, déversent des statistiques insipides et se réjouissent des laspsus des puissants. Aucune info ne perce, tandis qu’à l’ombre on frappe les indociles et on expulse les indésirables. De toute façon, ce sont des parasites. On leur a construit des prisons spéciales et des cellules à part. À force de coups, ils finiront bien par comprendre qu’il faut fermer sa gueule et marcher droit, consommer et produire, être rentables.

Pour la première fois j’ai eu peur. Pour la première fois, j’ai baissé la tête par peur de me faire casser le nez. Pour la première fois, ma colère s’est transformée en haine. Pourtant, j’étais venu par amour. Par amour pour ces gens que l’Europe veut foutre dehors sans raison, juste parce qu’ils sont nés ailleurs ou vivent différemment. Ce que le pouvoir y gagnera, c’est d’avoir face à lui des personnes qui agissent dans l’ombre et qui seront prêtes à tout, parce qu’elles ont tout perdu. Qu’il en soit ainsi, nous ne sommes pas contre. Tant qu’il n’y aura pas de justice, il n’y aura pas de paix.

Dans la nuit du 1er octobre 2010, j’ai perdu ma confiance dans le monde…

Indymedia Bruxelles, 3 octobre 2010.

No Border - suites et fin...



La semaine du No Border à Bruxelles est clôturée. Plusieurs discussions et débats intéressants ont eu lieu. Des liens se sont tissés. Une manifestation bruyante et opaque de milliers de personnes dans les rues de Bruxelles a eu lieu avec plusieurs slogans pour la liberté totale de circulation, contre les prisons et les centres fermés. Pendant toutes la semaine, diverses actions ont été menées en faveur de la liberté de circulation, et contre la machine à expulser. Mais aussi, malheureusement, une importante répression policière en amont et en aval de ces luttes. Pour ce que nous en savons : 2 personnes ont été arrêtées et sont suspectés dans une action contre Sodexo (entreprise qui participe à la machine à expulser - voir tract ci-dessous).
5 autres, arrêtées Vendredi 1 Octobre, sont soupçonnées dans une attaque contre un commissariat suite à de nombreuses arrestations préventives contre la tenue de la manifestation du même jour et risquent jusqu'à 10 ans de prison sur seule présomption policière. Et enfin, un nombre de violences policières importantes, de coups, d'insultes, de passages à tabac, d'humiliations et de traitements dégradants et à caractère sexistes ont été infligés durant leur détention à des militant-e-s arrêté-e-s dans leur ultime majorité préventivement : comme de nombreux témoignages recueillis par la Legal Team en attestent. Nous relayerons ici quelques contributions qui nous semblent illustrer plusieurs de ces faits. Qu'ils soient récits anonymes, contributions du site du -No Border Bxl- ou de tracts. Nous réaffirmons par la même notre solidarité avec les personnes inculpées durant la semaine du No Border et toutes les luttes qui y ont été portées, dehors comme dedans. Liberté pour toutes et tous ! La lutte continue !

Tout les uniformes ne sont pas bleus

[vidéo publiée sur le site du No Border Bruxelles à propos de la répression policière -et du comportement complice ou au moins compatissant de certains syndicats- contre le bloc anti-capitaliste lors de la manifestation contre l'austérité et contre Ecofin le Mercredi 29 Septembre 2010 dans la capitale belge]


"Rapport minoritaire" récit d'arrestations

Récit «d’arrestations administratives» massive et indistincte pour «trouble à la tranquilité» et retour critique.

Bruxelles, le 2 octobre 2010, dans la nuit.

1.

Tout d’abord, aucun détail ne sera donné sur ces évènements, de nature à compromettre la sécurité de camarades ou compagnon-e-s sur le récit des faits (de par leur nature, et leur caractère fantasmé ou réel), et dont la présentation reste dans ce texte purement pratique dans le but de mener un retour critique sur ce qui s’est passé ce soir. Aucune manifestation n’a réellement eu lieu. Il n’y a donc pas matière à débat sur ce sujet, mais sur ce qui s’est finalement passé, et ce qui aurait pu se passer.

2.

Tout d’abord, ici comme ailleurs, les arrestations préventives, comme à Copenhague, comme ailleurs, redeviennent, partout en Europe, la norme. Le délit d ’ intention, et les arrestations «en amont de toute violation de la loi» ne sont plus du ressort de la science-fiction mais du présent. Notre présent. Et si les condamnations juridiques tarderont peut-être à se généraliser, les détentions interminables existent déjà, et annoncent ce qui peut être à venir.

Avant la manifestation, plusieurs discussions ont eu lieu, de différentes façons, en se questionnant de savoir si la manifestation serait déclarée, si nous irions, pourquoi et comment ? Pointant d’un moment à l’autre, d’une discussion à une autre, la dangerosité d’une telle manifestation, et le risque de finir toutes et tous arrêtéEs, car non-déclarée et non-autorisée dans Bruxelles (certainEs ignorant même jusqu’au fait qu’elle ait été interdite) dans les circonstances particulières qui sont celles de cette semaine et dans un contexte particulier. Plusieurs d’entre nous, loin de dénier l’évidente nécesité que représente le besoin essentiel et même vital de nous affirmer politiquement sans aucune espèce d’autorisation, ont rappeléEs que tout n’est pas question que de «bonne volonté», mais aussi de circonstances. La situation belge n’est pas la situation grecque, qui n’est pas la situation italienne, qui n’est pas la situation française ou espagnole. Et décembre 2008 ici n’est pas le printemps 2006 là-bas, etc.

Nous devons, tout en préservant intacte notre éthique et nos désirs, savoir faire germer l’anarchie dans des contextes et des configurations différentes. En clair : nous préoccuper au moins autant de nous-mêmes que le bassin dans lequel nous sommes plongéEs à tel ou tel moment, en tel ou tel lieu. Dépasser la simple révolte existentielle.

3.

En définitive, si il ne peut y avoir une mesure, et une prise en compte des paramètres environementaux, sociaux, physiques, matériels, culturels, ponctuels ou permanents, numériques, idéologiques, stratégiques, politiques et policiers qui définissent notre situation, à tel endroit, à tel instant : nous devons accepter l’idée que nous [allons] aller droit dans le mur.

Si rien ne permet de faire en sorte qu’il doive pouvoir exister, dans les limites du bon sens, une position souhaitable entre opportunisme et rigidité abstraite, entre bonne volonté et rationalisme plat. En bref, si nous devons bannir tout pragmatisme en le sacrifiant sur l’autel de l’attachement entêté : alors nous devons nous résigner à penser que nous nous battons contre des moulins, que nous restons sagement là où on nous attend, que nous demeurons en fin de compte sinistrement prévisibles, et que tôt ou tard, nous le payerons cher. Avec une «monnaie» qui est la seule qui représente réellement quelque chose pour nous : notre liberté, celle de toutEs les autres, et notre capacité à l’étendre à l’infini.

4.

Pour nombre de camarades et compagnon-e-s, il était évident qu’organiser une manifestation en plein Bruxelles, dans un tel contexte, avec un tel dispositif policier était voué à connaître la fin malheureuse qui a été celle d’aujourd’hui. Et nous osons affirmer que cela aurait pu être bien pire, et que nous avons de la chance, si le mot n’est pas ridicule.

Mais que cela aurait pu être bien mieux. Ce pourquoi nous nous y sommes malgré tout rendu. Parce que nous étions déterminéEs, avec des intentions et des motivations variées, mais aussi et d’abord parce que les mots d’ordre de cette manifestation étaient aussi les nôtres. Malgré tout. Mais nous avions imaginé aussi que d’autres pourraient être capables de ne pas rester accrochéEs à une idée de départ avec trop d’aveuglement : comme à qui on dit «Il y a de l’orage dehors, la sortie est compromise» qui réponde «Non, nous allons sortir». Malheureusement, ici ou ailleurs, aujourd’hui ou demain : les tôles, les commissariats, les hôpitaux psychiatriques, les centres fermés pour mineurs, les centres de rétention et tout le reste seront toujours là demain, et peut-être même après-demain. Et peut-être qu’il sera toujours temps de faire quelque chose sans aller là où il y a le plus «d’orage» : «au mauvais endroit, au mauvais moment».

5.

Certes, à plusieurs instants, dans plusieurs initiatives différentes, qu’elles proviennent de gens du No Border ou d’ailleurs, ont su répondre et se montrer courageux/ses et déterminéEs devant la police. Ne jamais plier. Mais celle-ci s’est montrée, pour sa part, comme le précisait l’affichette dans nos cellules, comme un personnel «spécialisé dans la gestion des personnes privées de liberté». Impassible, imperturbable, sadique, et froidement violente.

Entre autres spectacles navrants d’autorité de pacotille, les prisonniers d’une cellule ont pu par exemple assister à la pitoyable et pathétique démonstration de virilisme en uniforme du gradé Monsieur Van Der Smissen, qui, suivi de ses sous-flics, s’est alors pris au jeu de provoquer chaque prisonnier avec sa matraque sous l’épaule pour voir qui aurait l’audace de lui tenir tête. Le spectacle aurait pu être risible si l’individu n’était pas connu de plusieurs d’entre nous, notamment des manifestations contre les centres de rétention et pour la liberté de circulation totale en faveur des migrant-e-s, comme un harangueur de troupes, galvanisant la haine de sa meute, et notoirement connu pour ses petites phrases racistes et autres crachats de misérable chiens de garde.

Entre autres situations insupportables : plusieurs individuEs, et en particulier des femmes qui ont résisté à la manière dont on les traitait (si l’on considère que des insultes sexistes et un traitement «de faveur», humiliant et même agressif constituent — sans tomber dans le paternalisme observé chez quelques-uns des hommes — des violences supplémentaires à celle que constitue, de par le fait même qu’elles existent, une arrestation et une garde à vue) ont reçu des coups, ont été plaquées au sol, baffées avec gants plombés lorsqu’elles l’ouvraient trop, devant les regards médusés et enragés, et sous les huées et les cris de plusieurs d’entre nous, alors en cellules. S’ajoutent également les camarades et compagnonEs éclatéEs à coups de genoux, de poings, de clés-de-bras et de gel (sorte de pâte urticante et brûlante) dans le visage, et dans les bus nous menant à nos geôles, dans lesquels nous avons été sommairement jetéEs. Bien sûr, mélangéEs entre passantEs arrêtéEs, camarades criant quand d’autres choisissaient de garder un silence de défiance devant toute cette mascarade.

6.

Nous vient alors une question : Tout ça pour quoi ?

L’ultime majorité des arrestations n’a pas été si rondement menée pour seulement nous effrayer ou nous décourager de toute espèce d’action (Monsieur le bourgmestre et toute sa flicaille ne sont pas bêtes au point de croire que cela suffira — sans non plus nier le fait que certaines personnes ont nécessairement vécu, à travers ces violences, une expérience traumatisante. Les sensibilités et ressentis variants d’unE individuE à l’autre. Si ce qui ne nous tue pas nous rend plus fortEs, ce qui nous tue à petit feu ne nous rend pas plus fortEs.) mais dans un but, lui, tout pragmatique justement ; celui de nous photographier et de nous ficher, suivi d’un hypocrite et «courtois» au-revoir pour l’essentiel d’entre nous qui ont ensuite été relâchéEs (même si nous craignons toujours que certaines personnes — en plus d’autres «suspectéEs» — n’aient toujours pas été relâchéEs).



Nous ne portons strictement aucun jugement de valeur, ni moral, ni même éthique sur le fait d’avoir voulu tenir cette manifestation. Nous disons seulement : camarades, amiEs, compagnonEs, n’oublions pas qu’outre la solidarité et l’attaque, il y a aussi la préservation (comme on dit «prévenir plutôt que guérir»), et le sens, si recherché pour nous de la ruse et de la finesse dans un monde aussi brutal et violent, et qui tend à se perfectionner dans son administration de la misère. N’oublions pas que nos énergies ne sont pas infinies. Que nous ne sommes et ne seront jamais un État (et cela, d’abord parce que nous ne le voulons pas). Que nos ressources, comme nos forces et nos vies sont toujours limitées. Nos relations et notre capacité à construire une propagande efficace aussi. Mais brisons le mythe selon lequel toute stratégie d’adaptation est mauvaise, et reconnaissons que le rejet inamovible de réactivité et de souplesse dans nos initiatives (multiples, variées, créatives) est une stratégie qui, en plus de ne porter aucune puissance, nous conduira encore dans le mur, et peut-être plus rudement encore.



N’oublions pas que, comme pour la religion, il ne suffit pas de détruire le clocher, parce que les murs sont surtout faits par des gens et pas seulement avec des briques.



Apprenons de nos erreurs, aguerrissons-nous des mauvaises expériences,



Et par-dessus tout, en préambule de toute lutte, et en particulier de celles contre tous les enfermements :



Élargissons-nous, multiplions-nous, ne nous laissons pas isoler, surtout ne nous laissons pas enfermer !



Les actions et manifestations contre la machine à expulser continueront !



DÉTRUISONS TOUS LES ENFERMEMENTS !

ABOLISSONS LES FRONTIÈRES !

LIBERTÉ DE CIRCULATION TOTALE !

ABANDON DE TOUTES LES POURSUITES !


Des Anarchistes d’ici et là

source : Indymedia Bruxelles, 2 octobre 2010.

No Border Bruxelles - Lettre à Sodexo.

Lettre à Sodexo : On en a marre de vos salades


[Ce vendredi 1er octobre, peu avant 9 heures du matin, une poignée d’activistes s’en est pris au siège social de Sodexo Bruxelles en déversant dans le hall 40 litres d’huile de friture rance pour s’opposer à la collaboration active de cette entreprise pourrie avec la machine à expulser et le système d’exploitation capitaliste (restauration, entretien, «insertion professionnelle» des détenus…).]

Surpris et quelque peu ébahis, la sécurite et les «gardiens de la paix» qui se trouvaient là par hasard, n’ont pas su empêcher ce cirage cagoulé. Voici la lettre qui leur a été adressée par la livreuse qui les accompagnait :

Voilà, cette fois c’est moi qui crache dans ta soupe.

Mais oui, tu me connais, tu m’as déjà vu !

Tu viens dans mon école, à la cantine, tous les midis, me forcer à manger tes purées infâmes, et ton choux-fleurs trop cuit.

Tu viens aussi à l’université, me faire croire que j’ai le choix entre des légumes insipides et du poulet transgénique.

Je te retrouve encore, sur la plateforme pétrolière, ou dans la caserne militaire. Tu trônes là, à la cafet’ derrière tes vitres réfrigérées et tes emballages lyophilisés.

Je t’ai même vu en Afghanistan, au moment de la guerre, tu y faisais recette avec tes haricots gluants et tes frites ramollies.

Je te vois à travers les barreaux de la prison pour étrangers dans laquelle on m’a enfermé. Tu arrives avec ton bouillon stagnant aux effluves de dollars que tu accumules sur l’autel de ma liberté.

Ton beurre, tu le fais encore dans toutes sortes de geôles pour indésirables de la planète.

Et parce que tu as les dents longues, y déverser ta merde ne s’arrête pas au plateau-repas toxique que tu me sers. Tu t’engraisses aussi en m’exploitant sous couvert de ton alibi amer :
«la réinsertion par le travail». En me pro/imposant des contrats précaires comme seule alternative au cachot, tu m’ingères malgré moi dans ta matrice immonde productrice de capital. Il paraît que l’on est ce que l’on mange, et bien moi, le petit enfant, l’indésirable, le migrant, le syndiqué, l’anarchiste, je ne t’ai pas digéré !


Alors, aujourd’hui Sodexo, c’est à mon tour de déverser mon huile rance sur ton parquet ciré. Parce que ta raison d’être est conditionnée par mon enfermement, Parce que tu te remplis la panse sur l’exploitation de la misère, l’existence des frontières, et le fantasme d’une société totalitaire, Parce que tu collabores impunément avec la machine à expulser,
Parce que je ne te laisserai pas faire, Prends cette huile, Sodexo, et va te faire cuire un œuf !

source : Indymedia Bruxelles, 1er octobre 2010.

mardi 28 septembre 2010

"Je me réveille..." [illustration]



"Celui qui rêve mais n’agit pas, cultive le cauchemar."

William Blake

lundi 27 septembre 2010

[No Border - Bruxelles] Programme !


Programme du No Border Camp 2O1O - Bruxelles.

[Ce programme est susceptible de changer - pour actualisation, consultez le sur
le site du No Border - Bxl]

Ce camp offre la possibilité d’exécuter une grande variété d’ actions. Il s’agit également de renforcer la lutte internationale. Toute la semaine il y aura des films (Consulter le programme du Nova ), des débats, événements et expositions. Chaque jour, les événements tournent autour d’un thème différent.


- Samedi 25 / 9 : Construction du Camp
- Dimanche 26 / 9 : Manifestation en mémoire de Sémira Adamu
- Le lundi 27/09 : Politiques migratoire européenne et militarisation des frontières
- Mardi 28/09 : Centres de rétention et déportations
- Mercredi 29/09 : Capitalisme et migrations
- Jeudi 30/09 : Clandestinité et les luttes des migrants
- Vendredi 1/10 : Extension des politiques frontalières européennes
- Samedi 02/10 : grande manif No Border
- Dimanche 03/10 : Evaluation et démontage du Camp

Version imprimable :

Programme 1 (cliquez ici)



Programme 2 (cliquez ici)


[No Border - Bruxelles] Legal Team : conseils pratiques...


Legal Team No Border : Update #1



[Le Cri Du Dodo : On sait maintenant qu'au moins 11 arrestations dites "administratives" de camarades ont eu lieu avant, et pendant la première manifestation. Certaines ont donné lieu à une petite fouille en règle, et même à intérrogatoire. Ces conseils de la Legal Team viennent donc à point nommé. Pour de plus amples informations, Le Jura Libertaire publie hier un long article -ici- avec des récits des premières manifestations, arrestations et péripéties autour du camp No Border à Bruxelles. Depuis hier également, une "Radio No Border" en ligne a été crée. On peut la consulter et l'écouter -ici-. Contre tout les enfermements, contre les frontières, liberté de circulation pour toutes et tous : La lutte continue !]

Mardi soir, au moins une personne a été arrêtée près du Monastère occupé Gesu (Botanique) par des flics en civil appartenant à la police de Schaerbeek, alors qu’il marchait simplement en rue. Il a été arrêté administrativement, mais il na reçu aucun document qui le prouve. Il a été relâché après une heure, après avoir été interrogé à propos des activités du camp NB au sein du squat Gesu ainsi quà propos des plans prévus pour les manifs contre lECOFIN. Le téléphone de cette personne a été fouillé de manière complète et les papiers/cahiers quil portait dans son sac ont été photocopiés.

Léquipe légale vous conseille dêtre conscient.e.s du possible risque de vivre la même chose et de vous préparer par conséquent :

— Essayez déviter de trimballer des documents qui mentionnent les noms dautres activistes, comme des documents qui ont trait à la préparation des actions ou des infrastructures logistiques.
— Ne précisez pas, à côté des numéros de téléphone de votre GSM, sil sagit de personnes reliées au NB. Évitez donc de mentionner NBC camp, par exemple.
— Si vous vous faites arrêter, refusez de répondre à nimporte quelle question. Si vous vous identifiez, il ny a aucune raison que la police vous arrête puisque vous ne présentez normalement aucune menace à lordre public quand vous marchez simplement en rue plusieurs jours avant le camp. La police peut simplement vous obliger à répondre si vous êtes considéré.e.s comme témoin.s dans le cadre dune investigation juridique, mais seulement silles sont en possession dun ordre délivré par un juge. Comme ça, au hasard, il nen est pas question.
— Essayez de choper les informations nécessaires à identifier lorgane de police (fédérale, locale…) qui vous a arrêté, le nom du commissariat, les noms des officiers de police… Cela pourrait permettre aux avocat.e.s de contacter la police ou le Ministère de la Justice a posteriori, tout comme cela pourrait permettre darrêter cette dynamique dintimidation.
— Demandez toujours un PV, qui prouve que vous avez été arrêté.e.s de manière officielle.

Vous pouvez contacter la Legal Team par mail ou par téléphone à partir de vendredi 24 septembre : [NL/EN] 0486/392.758 ; [FR] 0486/089.051.

Pendant le camp des permanences auront lieu entre 13h et 14h30.

Trouvé sur Indymedia Nantes, 25 septembre 2010.

[No Border - Bruxelles] Tract pour la manif du 01/09/2010

Pour un monde sans centres fermes ni prisons

[tract pour la manif du 1er octobre 2010 à Bruxelles]

Parce que les multiples révoltes ces dernières années dans les centres fermés ont mis à nu ce qu’ils sont réellement : des camps de déportation à partir desquels l’Etat expulse ceux qu’il juge indésirables ; ceux qui espérant fuir la guerre et la misère se sont retrouvés exploités au noir, traqués par la police, classés par des bureaucrates qui décident de leur "existence légale".

Parce que le sort auquel sont réduits les "sans-papiers" n’est qu’un reflet de ce qui guette tous qui galèrent pour joindre les deux bouts face à des conditions de vie de plus en plus dures, tenus en laisse par la sécurité sociale ou l’économie informelle.

Parce que nous sommes tous directement concernés lorsque nous acceptons de vivre dans un monde qui toujours plus catégorise, sélectionne, enferme, élimine selon ses besoins sociaux et économiques.

Parce que les évasions et les mutineries dans les centres fermés et les prisons, comme les attaques et sabotages contre la machine à expulser et à enfermer, sont autant de lueurs d’espoir pour ceux qui luttent, dedans comme dehors, contre tout ce qui nous opprime.

Pour un monde sans frontières ni Etat

Parce que si nous nous battons contre les lieux d’enfermement et d’exploitation (centre fermé, prison, école, travail...), ce n’est pas pour les améliorer mais pour les détruire.

Parce que les frontières ne peuvent exister sans le racisme qui nous monte les uns contre les autres ; parce que les frontières, c’est aussi l’enfermement dans des communautés basées sur la religion et le nationalisme.

Parce que les fameuses régularisations de sans-papiers ne font que créer des séparations et des hiérarchies entre ceux qui rentrent dans les normes d’intégration et répondent aux besoins de l’économie et ceux qui sont réduits à la clandestinité.

Parce que la machine à expulser ne peut fonctionner sans les entreprises qui s’en foutent pleins les poches (Besix, Valens, Sodexo, Dalkia, ISS Cleaning, Banque de la Poste, SN Brussels Airlines, Air Maroc,...), sans les institutions qui s’occupent du tri entre ceux à exploiter ici et ceux à renvoyer là-bas (l’Office des Étrangers, Fedasil, la Croix-Rouge, tous les partis politiques sans distinction...)

Parce que nous ne nous battons pour rien de moins que la liberté.

1er octobre 2010 à 19h Gare du Midi - Bruxelles

samedi 28 août 2010

Caen : communiqué du Pavillon Noir suite à son expulsion

Tract du Pavillon Noir suite à son expulsion

Plus de deux ans d’activités politiques et d’expérimentations sociales au squat Le Pavillon Noir, détruites par la Mairie socialiste !!!

Le Pavillon Noir a été expulsé mardi 24 août au matin, par la Police (compagnie de CRS à l’appui).

Nous avions décidé d’occuper ces maisons afin d’expérimenter collectivement des formes de rapports plus libres (non marchands et sans hiérarchie) et d’ouvrir des espaces de coordination, de réflexion et de lutte, ne plus payer de loyer (qui augmentent de plus en plus… comme la précarité).

La Mairie socialiste, sous couvert de «construction future de logements sociaux» a décidé de mettre fin par la force à ces expériences. Pour nous, cette expulsion est POLITIQUE, les maisons n’ayant pas été rasées dans la foulée, mais murées, et donc vouées à rester intactes encore quelques temps. Rien ne justifiait l’urgence de l’expulsion et les moyens employés (80 CRS, 50 nationaux, réactions violentes de leur part…) ! Les voisins ont ainsi pu voir l’utilisation concrète de leurs impôts !
Mais nous ne sommes pas les seul-es à être concerné-es par la machine à expulser. Partout en France, les personnes ne correspondant pas au «bon» schéma du «bon» Ordre social sont visées. Que ce soit à Bersac, lieu où étaient mises en place des activités favorisant l’autonomie de personnes handicapées qui s’est fait expulsé par les flics début août, ou les squats de sans-papiers, squats politiques, locations non payées faute de fric, yourtes posées sur des terrains etc. Partout en France les lieux récupérés et permettant d’expérimenter d’autres rapports sociaux plus libres sont expulsés par des politiciens de gauche comme de droite.

L’État, comme les municipalités, intensifie sa guerre contre les pauvres et les marges. Depuis quelques semaines ce sont les Roms et les gens du voyage qui sont plus particulièrement et officiellement visés. Des dizaines de campements sauvages sont virés (Montreuil, etc.). Et une politique ouvertement raciste continue de se mettre en place… Face à ces politiques qui n’ont pour but que de nous divertir des dégâts générés par le capitalisme et l’État, il n’est plus temps de s’indigner mais d’organiser la riposte !!

Samedi 28 : Rassemblement contre toutes les expulsions à 15h place Bouchard.


SOLIDARITÉ CONTRE TOUTES LES EXPULSIONS !
SOLIDARITÉ AVEC LES GENS DU VOYAGE

ET TOUTES LES CIBLES DE LA FASCISATION EN COURS !
RÉSISTANCES !!!


Le collectif Le Pavillon Noir (en exil).
À bientôt dans d’autres lieux et dans les luttes !
Résistances Caen, 24 août 2010.




jeudi 26 août 2010

"Anarchie et Communisme" par Carlo Cafiero

["Anarchie et communisme" est la reproduction du rapport lu par Carlo Cafiero en 1880 à l’occasion du congrès de la Fédération jurassienne de l’A.I.T. (Association Internationale des Travailleurs) à Chaux-de-Fonds. Ce texte de Cafiero fut publié pour la première fois la même année à Genève, dans le journal anarchiste Le Révolté.Cafiero explique ici que "nous devons être communistes, parce que nous sommes des anarchistes, parce que l’anarchie et le communisme sont les deux termes nécessaires de la révolution"...]

"Au congrès tenu à Paris par la région du Centre, un orateur, qui s’est distingué par son acharnement contre les anarchistes, disait :

Communisme et anarchie hurlent de se trouver ensemble.

Un autre orateur qui parlait aussi contre les anarchistes, mais avec moins de violence, s’est écrié, en parlant d’égalité économique :
Comment la liberté peut-elle être violée, lorsque l’égalité existe ?

Eh bien ! je pense que les deux orateurs avaient tort.

On peut parfaitement avoir l’égalité économique, sans avoir la moindre liberté. Certaines communautés religieuses en sont une preuve vivante, puisque la plus complète égalité y existe en même temps que le despotisme. La complète égalité, car le chef s’habille du même drap et mange à la même table que les autres ; il ne se distingue d’eux que par le droit de commander qu’il possède. Et les partisans de "l’Etat populaire" ? S’ils ne rencontraient pas d’obstacles de toute sorte, je suis sûr qu’ils finiraient par réaliser la parfaite égalité, mais, en même temps aussi le plus parfait despotisme, car, ne l’oublions pas, le despotisme de l’Etat actuel augmenterait du despotisme économique de tous les capitaux qui passeraient aux mains de l’Etat, et le tout serait multiplié par toute la centralisation nécessaire à ce nouvel Etat. Et c’est pour cela que nous, les anarchistes, amis de la liberté, nous nous proposons de les combattre à outrance.

Ainsi, contrairement à ce qui a été dit, on a parfaitement raison de craindre pour la liberté, lors même que l’égalité existe ; tandis qu’il ne peut y avoir aucune crainte pour l’égalité là où existe la vraie liberté, c’est-à-dire l’anarchie.

Enfin, anarchie et communisme, loin de hurler de se trouver ensemble, hurleraient de ne pas se trouver ensemble, car ces deux termes, synonymes de liberté et d’égalité, sont les deux termes nécessaires et indivisibles de la révolution.

Notre idéal révolutionnaire est très simple, on le voit : il se compose, comme celui de tous nos devanciers, de ces deux termes : liberté et égalité. Seulement il y a une petite différence.

Instruits par les escamotages que les réactionnaires de toute sorte et de tout temps ont faits de la liberté et de l’égalité, nous nous sommes avisés de mettre, à côté de ces deux termes, l’expression de leur valeur exacte. Ces deux monnaies précieuses ont été si souvent falsifiées, que nous tenons enfin à en connaître et à en mesurer la valeur exacte.

Nous plaçons donc, à côté de ces deux termes : liberté et égalité, deux équivalents dont la signification nette ne peut pas prêter à l’équivoque, et nous disons : "Nous voulons la liberté, c’est-à-dire l’anarchie, et l’égalité, c’est-à-dire le communisme."

L'anarchie, aujourd’hui, c’est l’attaque, c’est la guerre à toute autorité, à tout pouvoir, à tout Etat. Dans la société future, l’anarchie sera la défense, l’empêchement apporté au rétablissement de toute autorité, de tout pouvoir, de tout Etat : pleine et entière liberté de l’individu qui, librement et poussé seulement par ses besoins, par ses goûts et ses sympathies, se réunit à d’autres individus dans le groupe ou dans l’association ; libre développement de l’association qui se fédère avec d’autres dans la commune ou dans le quartier ; libre développement des communes qui se fédèrent dans la région – et ainsi de suite : les régions dans la nation ; les nations dans l’humanité.

Le communisme, la question qui nous occupe plus spécialement aujourd’hui, est le second point de notre idéal révolutionnaire.

Le communisme actuellement, c’est encore l’attaque ; ce n’est pas la destruction de l’autorité, mais c’est la prise de possession, au nom de toute l’humanité, de toute la richesse existant sur le globe. Dans la société future, le communisme sera la jouissance de toute la richesse existante, par tous les hommes et selon le principe : De chacun selon ses facultés, à chacun selon ses besoins, c’est-à-dire : De chacun et à chacun suivant sa volonté [...]"

Carlo Cafiero.

La suite du texte ici. Disponnible en format texte ou brochure (par Zanzara Athée).

dimanche 22 août 2010

Travailler : jusqu'à quand ?


Sur la réforme des retraites, et l'idéologie du travail...

Le débat qui occupe toutes les têtes en ce moment semble être la réforme des retraites.

Comme si d'ailleurs, c'était nouveau. Comme si on découvrait quelque chose. On ne peut pas mettre les pieds au travail, dans une faculté, à Pôle emploi, dans soirée, un métro, un diner de famille, un repas du soir, une salle d'attente, allumer la télé, sur internet, un blog ou un forum, n'importe où, sans en entendre parler à un moment ou un autre. Restez dans n'importe quel lieu public, et vous finirez pas en entendre parler. Même les plus muets sur le sujet y pensent si fort qu'on peut presque les entendre :

"A oui tiens, c'est vrai ça, et ma retraite ?".


Souviens toi de la grève, camarade usager...

Quand en 2008 les cheminots bloquaient les trains pour tirer à leur manière la "sonnette d'alarme", toutes les petites âmes égocentriques, les poujadistes improvisés, toujours au garde à vous dès potron-minet, les réacs d'opérette, et même les casseurs de grève à la petite semaine se sont réveillées. Ici encore, les médias dominants ont fait oeuvre de propagande. On se souvient de ces "usagers" qui exultaient, poussés au vif tout les soirs par le tribun Jean-pierre Pernaut à 20h00 au JT.
Et comme ça toute la journée, et pendant plusieurs jours d'affilée. Et des jeunes et moins jeunes cheminots, l'accueil et autres salarié-e-s des gares, insulté-e-s sur leur lieu de travail, alors que certain-e-s évidemment, ne pouvaient même pas faire grève (problème financiers, contrat précaire, apprentissage, etc).

Souvenez vous de ces lancinants "La France en a Marre, les-gens-en-ont RAS-LE-BOL".

En psychanalyse, c'est ce qu'on appelle de l'introjection : même lorsque ce n'est pas le cas à la base, vous finissez par devenir "anti-gréviste" à force d'entendre que vous en "avez marre", que "c'est inadmissible".

Et puis tout les jours, la même rengaine pendant plusieurs semaines : "Ah je vais être en retard à mon boulot, MOI qui ai choisi de bosser aujourd'hui, MOI qui ne suis pas un paresseux, MOI qui travaille plus pour gagner plus (la fable sarkozienne fait encore des émules). Tout ça à cause de ces privilégiés de la SNCF-RATP, en plus".

Privilégié-e-s ? Les cheminots appelé-e-s en pleine nuit pour aller assurer les voies pour que les citoyens sarko-stakhanovistes puissent aller joyeusement se fracasser la vie sur le marché du travail, le titre de transport validé entre les dents, et la fleur au fusil tout les matins.

Privilégié-e-s ? Les esclaves du rail qui crèvent écrasé-e-s entre deux wagons à l'aube, parce que les règles de sécurité n'ont pas été observées, parce que pas assez de moyens pour ne pas risquer sa vie tout les jours ?

"Privilégié-e-s" ceux et celles qui n'ont pas de vie sociale car toujours en déplacement, et qui ont signés pour en suer jusqu'à devenir trop vieux et trop vieilles pour être exploités ?

C'est étrange pourtant, aucun enfant à qui l'on demande "qu'est-ce que tu veux faire plus tard ?" ne répond "Cheminot". A part peut être ... leurs enfants ? Pas si sur.

Evidemment, leur sort n'a inquiété personne tant que les cheminots restaient les seul-e-s concerné-e-s par la fameuse "réforme des régimes spéciaux". Finalement, pas si spéciaux que ça.

"Souviens toi, souviens toi de la grève des cheminots, camarade usager".

Notre tour est venu. A tous et à toutes. La nouvelle réforme concerne désormais tout le monde. "Vous ne vivrez pas votre retraite". Voilà, en substance, le message que doit assimiler une large partie la société. Pour la majorité, c'est au moins "Vous ne la vivrez pas longtemps"...


Travailler sans vivre...


Pendant les premières manifestations contre le projet de loi des retraites, on a parfois entendu le dérisoire et folklorique slogan "la retraite à 20 ans, pour baiser il faut du temps !".

On a aussi pu entendre des choses telles que "Qu'est-ce que j'en ai à foutre moi de la retraite ? De toute façon je ne la toucherai jamais". Ou alors "Je serai sans doutes déjà grabataire. Et encore, si je crève pas à un mois de mon pot de départ". D'autres ont peut être été tenté-e-s de se dire "encore un débat foireux où la gauche caviar va tenter de se faire une jeunesse -relevez le paradoxe-, sur fond de raquette électoral." Et la première réaction qu'on peut avoir en entendant parler "l'opposition", c'est souvent d'éprouver un profond rejet. On se demande ce que ces gens peuvent bien savoir de la pénibilité du travail dans leurs tours d'ivoire ? Que savent ils des mutilé-e-s, et des mort-e-s du travail ?" Des TMS (troubles musculo-squeletiques) : premières maladies professionnelles, 40 000 nouveaux cas chaque année en France.

En fait, la faiblesse des oppositions parlementaire est si flagrante, et ses sorties si médiocres qu'elles semblent participer au sentiment de résignation de la population. La raison en est bien simple : elles n'ont pas beaucoup d'alternatives à offrir, sur ces questions comme sur les autres. Elles semblent au final s'ajouter au reste. Dans tout les cas, une majorité semble s'accorder à penser qu'elle n'aura pas de retraite, ou une bien maigre.

Et c'est là tout le problème, du point de vue idéologique. Car c'est d'abord une bataille idéologique que mène aujourd'hui le gouvernement, et depuis le début. Une large partie de la population semble avoir parfaitement intégrée l'idée résignée qu'elle n'aura pas de retraite. "Que c'est dans l'air du temps. Que c'est ainsi". Preuve que la "pédagogie gouvernementale" fonctionne.

Pour laquelle a d'ailleurs été investi beaucoup d'argent : "communication gouvernementale" à travers des "publicités" dans tout les grands journaux (à l'exception de quelques uns qui l'ont refusé), "opérations de com" sous des noms tels que "tout comprendre sur la réforme des retraites 2010" et tout un lot d'illustrations à message (dont l'essentiel se résume à de la vulgarisation et des questions de rhétorique). Enfin, un site internet "retraites2010.fr" pour gérer tout ça. Au total, pas moins de 7 Millions d'euros investis dans cette campagne de propagande.

Décidément, de l'argent, il y en a...

En autre chose, l'un des grands mensonges de le propagande libérale consiste à nous faire croire que les retraites sont "le produit du travail de chacun" afin de toujours pousser les gens à travailler plus. Or, il n'y aucun rapport entre le fruit du travail et le niveau des retraites. Ce serait vrai si nous mettions chaque mois de coté une somme d'argent que la banque garderait dans un "tiroir". En bref, le système de l'épargne. Or, ce n'est pas le cas. Le principe de la retraite par répartition, telle qu'elle a existé en france et dans d'autres pays jusqu'à aujourd'hui, consiste précisément à ce que les retraites soient financées par les taxes sur le capital et les cotisations sociales des salarié-e-s. Parce qu'un tel système est plus égalitaire. Il tend à recouvrir l'intérêt général.

Celà signifie donc que les "prestations" des actuels retraités sont financées par les salaires actuels. C'est aussi pour celà que la lutte pour l'augmentation des salaires est si "mal vécue" par le patronat et plus généralement la bourgeoisie, qui ne veulent pas payer ni pour les salarié-e-s, ni pour la majorité des retraité-e-s : qui sont pour eux une même classe antagoniste dont il faut extraire toujours plus de profits. Ce qui signifie aussi que là où il y a de l'argent pour les retraites, il y en a pour les salarié-e-s, les chômeurs et les chômeuses : en bref, pour tout le monde.

Ce qui signifie aussi en définitive que même si le système par répartition tel qu'il existe tend à être plus égalitaire que tout autre système de retraite en l'état actuel, il ne remet pas non plus en cause le système capitaliste qui fera que toujours la classe dominante tentera de se servir de ses forces, et notamment de l'Etat pour faire pencher la balance de son coté. Et c'est d'ailleurs le gouvernement socialiste Jospin, qui, il y a plus de 10 ans, lançait déjà une première offensive contre la retraite par répartition avec ses propositions de "fonds épargne-retraite" pour palier une répartition déjà amputée. "Mi-figue, Mi-raisin". Mais au prétexte de "trouver un compromis", ces mesures du précédent gouvernement socialiste ont en réalité ouvert la voix à l'actuelle réforme.

En temps de crise économique, on sait ce que ces fonds de pension et leurs "investissement à court terme" deviennent lorsque la bourse s'effondre. Comme les subprimes ( voir crise des subprimes) aux Etats-Unis : en laissant des milliers de personnes sur le carreau, ruinées et pour beaucoup contraintes de dilapider leurs seuls biens pour survivre (maison, voiture, meubles, etc).

Celà pose également question quant aux arguments avancés par les économistes, qui prétendent souvent que la retraite par capitalisation (Epargne individuelle, "tiroir à la banque") serait préférable car il n'y aura peut être "pas assez d'argent" pour financer les retraites à l'avenir.

Or, rien n'est moins faux. Selon cette hypothèse, la retraite par répartition n'est valable que si il y a "assez d'argent pour financer les retraites". Mais en cas de crise économique majeure, et si il n'y a donc "plus assez d'argent" : Que se passera t'il lorsque chacun viendra récupérer son "tiroir" dans les banques ? Elles seront contraintes de revendre les actions (puisque les "tiroirs", épargne-retraites, de chacun sont pour elles autant d'investissements, souvent prétendus "sans risques" -comme les subprimes-). Mais en cas de crise, plus d'acheteurs. Donc plus de retraites.

Conclusion : Si il y a"assez d'argent", il faut garder le système par répartition.
Et si il n'y a pas assez d'argent, il vaut mieux choisir ... le système par répartition.

Dans tout les cas, le système économique imposera toujours de nier l'évidence.
C'est pourquoi outre cette question des retraites, qui est liée, on le voit, à celle du salariat, c'est le capitalisme et l'Etat qu'il faut abattre.

... Et mourir avant de vieillir.

On entend souvent les partisans du "travail jusqu'à ce que mort s'en suive" nous raconter que les retraité-e-s sont de plus en plus nombreux/ses. En autre énormité, on doit en déduire qu'il faut "travailler plus longtemps". Mais si le passage de la population paysanne de 15 millions de personnes en 1945 en france à 1,5 million aujourd'hui pour une population totale ayant doublée (30 Millions en 45, plus de 60 Millions aujourd'hui) n'a pas aboutit à une famine totale en 2010 : c'est parce que les gains de productivité le permettent. Parce que le travail, et notamment en france, est plus productif qu'auparavant. Là aussi, l'argument économiste du gouvernement est donc bancal.

On entend aussi dire que l'espérance de vie s'allonge depuis 1945. Mais si elle s'est allongée, c'est notamment parce que les conditions de travail ont été changées, et que l'accès aux soins s'est un peu "démocratisé". Mais on oublie aussi de préciser que ces "aquis" ont surtout été obtenus au fil des luttes sociales : et qu'ils sont aujourd'hui remis en cause. Et notamment l'accès aux soins, avec les fermetures de certains centres hospitaliers, et de plusieurs centres IVG (Interruption Volontaire de Grossèsse), seuls véritables garants d'un droit à l'avortement libre et gratuit.

En effet, l'espérance de vie s'est sensiblement allongée.
Vous aviez cru pouvoir en profiter ? Grossière erreur, là aussi, la réforme vient vous "sauvez". Elle vient vous arracher aux bras de mère paresse. Oui mais : Pas pour trop longtemps non plus. Pourquoi ? "Parce que tu es poussière, tu retournera poussière".

Car en effet, et malgré "l'amélioration des conditions de travail" : tout les jours, le travail tue. Directement ou indirectement, le travail va tuer ou mutiler une bonne partie des lecteurs et lectrices de ces lignes. En 2003, rien qu'en France il y a eu 759 980 accidents du travail dont 48 874 avec incapacité permanente et 661 décès (chiffres de la CNAM). Ces statistiques ne prennent évidemment pas en compte les cancers, les accidents cardiaques et les ruptures d'anévrisme sur le lieu de travail, liés au stress du travail souvent précaire ou à la mauvaise "hygiène de vie" qui y correspond, mais aussi les empoisonnements à l'amiante (100 000 décès estimés d'ici 2025, à partir de 1996, selon l'Inserm), les empoisonnements au plomb et autres intoxications mortelles, mais aussi avant elles, autre maladie du travail : la silicose (100.000 à 150.000 morts en France depuis 1945 selon des estimations patronales qui, pour des raisons de définition juridique, ne peuvent être que très inférieures à la réalité www.silicose.fr). Sans compter non plus les accidenté-e-s de la route : 4262 morts en 2009, et 4000 autres mutilés à vie ("blessés avec séquelles graves"). Car combien se rendaient au travail ? Combien en revenaient ? Qui a vraiment besoin d'une voiture sinon pour chercher, trouver ou entretenir un travail ? Mais aussi les maladies psychiatriques liées au stress, à la dépression, l'isolement, l'anomie liées au travail. Plus généralement, le travail abime le corps, dégrade, fatigue, abrutit et réduit l'espérance de vie de ceux et celles qui y survivent.

Et comme d'autres l'ont déjà trop dit : on est pas "le pays champion des consommateurs d'antidépresseurs" et en même temps de "l'une des mains d'oeuvre les plus productives et qualifiées au monde" par hasard. Et donc évidemment, toutes ces statistiques ignorent enfin les suicidé-e-s pour des raisons liées directement au travail : estimés à 300 à 400 morts chaque année. Soit un par jour minimum. Et les "missions d'écoute", cellules psychologiques et autres "dispositifs préventifs" n'y pourront pas grand chose.

Tant que le travail restera ce qu'il est : du "travail mort", selon la vieille expression. Parce que tant qu'il y aura des patrons, il y aura des salarié-e-s payé-e-s toujours à un prix à peu près équivalent au coût de production, et la pénibilité du travail augmente toujours à mesure que le salaire baisse. Tout ça pour quoi ? Pour que la plus-value que les capitalistes extirpent du travail continue d'augmenter comme elle n'a cessé d'augmenter depuis 30 ans. Comme ça n'a en réalité jamais cessé depuis la naissance du capitalisme industriel. Les fameux "gains de productivité". Et c'est encore avec cette plus-value, fruit aussi du labeur de tout-e-s ces mort-e-s et ces mutilé-e-s, que la réforme des retraites va être financée.

Et d'abord parce que 1/4 des décès en france surviennent avant 65 ans (source : Insee). Les exemples dans l'entourage de la plupart des gens foisonnent. 1/4, ça fait quand même beaucoup. Alors autant dire tout de suite que même si la retraite était avancée à 55 ans pour tout le monde, nous serions loin du compte... A moins peut être d'indemniser les morts ?

Travailler ? Pourquoi faire ?
Autant dire que la question s'adressera de toute manière à des gens qui n'ont plus le choix des armes. Même lorsque l'envie nous ronge : refuser le travail équivaut très vite à un suicide social pour l'immense majorité. Ce pour quoi nous devrions nous battre, c'est d'abord ce qu'on nous vole partout : du temps.

Pas en complément du "temps travaillé", mais contre lui. Contre ce temps partout imposé du travail comme monnaie d'échange de la survie. Et pour celà, d'une manière ou d'une autre, il faut s'organiser. Il faut lutter.

Le syndicalisme, qui se fixait comme but à l'origine d'abolir le salariat (et la réduction drastique du temps de travail) en est aujourd'hui quasiment réduit (à quelque notables exceptions) à un syndicalisme de co-gestion, de propositions, de compromis et donc de défaite pour la classe ouvrière dans l'histoire.

Car la lutte sociale n'est pas une fin en soi, mais un moyen vers l'émancipation. Ou alors elle est vaine.

Lorsqu'on sait que l'organisation actuelle du travail repose sur le principe du parasitage, dont l'existence même des patrons, propriétaires, banquiers, actionnaires, héritiers et rentiers dépend :

Y a t'il une seule bonne raison, sans hypocrisie aucune, pour préférer le travail à n'importe quelle autre prestation sociale ou source de revenue ? Travailler, même 6 mois par an, n'est pas un choix, même lorsqu'on vit dans un squat ou une ferme autogérée : c'est une obligation de survie à court ou moyen terme pour l'immense majorité.

Alors pourquoi travailler plus que nécessaire ? Si on veut nous faire payer "nos retraites" en plus de payer celles des riches, la première réponse collective doit être l'arrêt de travail. La grève.
La grève générale même : c'est la seule riposte conséquente qui a été trouvée contre cette réforme en Europe, celle de la Grèce. Parce qu'elle est le seul moyen pour s'opposer massivement et directement au gouvernement. Et parce qu'elle permet de faire le lien avec tout le reste. Et notamment le travail et son idéologie.

"Travail, consomme, vote et crève".

Car il faut s'en convaincre : ce qui a rendu possible l'ascension de la clique Sarkozienne au pouvoir est une longue entreprise de sape idéologique jusque dans l'esprit même des "contestataires potentiels", et ne visant pas à autre chose que le "rétablissement de la valeur travail", et l'affirmation éhontée du mensonge selon lequel "le travail libère l'individu". Si ce gouvernement n'avait pas été élu, un autre se serait chargé du sale boulot à sa place. Si il a réussi à obtenir le soutien de la grande et moyenne bourgeoisie : c'est parce qu'il est le plus qualifié pour défendre ses intérêts. Le travail comme "valeur d'émancipation" et comme "éthique" des rapports humains : deux axiomes parmi d'autres de la propagande néo-libérale depuis le début des années 1980, que la plupart ont continuer d'ignorer jusqu'à ce qu'elle redevienne l'idéologie dominante. Le travail ne libère pas l'individu. Et il ne peut être libre qu'à la condition qu'il soit le fait de la libre association, sur des bases égalitaires, et que tout les fruits du labeur reviennent à l'individu directement ou lui profitent comme bien commun le cas échéant. Car il ne peut y avoir de réelle "réparation" ou de "justice sociale" dans un système où on est obligé de trimer pour survivre jusqu'à espérer toucher une retraite misérable, si on vit assez longtemps, et toujours inférieure au salaire correspondant.

Et le résultat de cette propagande, c'est donc le retour triomphal de l'éthique du travail, et la consécration qu'a finit par en faire la gauche d'aujourd'hui, en allant jusqu'à flatter cet "esprit de discipline de l'ouvrier", ou plus précisément sa soumission à l'ordre hiérarchique de l'actuelle division sociale du travail, produit de l'industrie. Tout ça pour nous ressortir encore les vieilles recettes keynesiennes recyclées sur l'Etat providence, la taxation du capital, comme si ça allait suffire. Lorsque celà n'avait pas suffit après le krach de 1929 à New York. Afin de limiter la casse : La retraite par répartition et la taxation du capital sont nécessaires dans l'immédiat, mais ne suffiront pas. Parce que tant que nous resterons administré-e-s, nous n'aurons jamais le mot de la fin sur les décisions. Tant qu'il ne sera pas question de tout mettre en commun et d'autogestion généralisée: il n'y aura pas de véritable répartition. Et la gauche politique et syndicale s'entête à ce sujet jusqu'à en oublier la vieille opposition travail-capital pour la réduire à un simple troque entre "entrepreneurs et partenaires sociaux" (entendez "capitalistes et socio-libéraux") : c'est à dire en oubliant que le capital, c'est du travail. Du travail mort, certes, mais du travail quand même. Car en effet, c'est bien cette propagande là qui achève les mémoires, à propos de cette vérité fort simple et pourtant trop souvent occultée :

Dans l'enfer capitaliste et étatique, chaque jour travaillé est un pas de plus vers notre propre mort.

Okapi,

pour le Cri Du Dodo


voir aussi :

- La série documentaire "la mise à mort du travail" :
http://programmes.france3.fr/mise-a-mort-du-travail/
- Le documentaire "Attention danger travail" de Pierre Carles.
- Le dossier d'analyse "Le Hold-up tranquille" du Site FAKIR, sur la réforme des retraites.
- "Un pas de plus vers la privatisation" article paru dans "Infos et analyses libertaires",
journal de la C.G.A.
- Entretien avec Bernard Friot à propos de son livre "L'enjeu des retraites" publié dans le journal de l'Alternative Libertaire.