samedi 30 juin 2012

Il y a 40 ans : le F.H.A.R


 


 Il y a 40 ans déjà : 

Le Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire ! 


Adresse à ceux qui se croient “normaux“




Vous ne vous sentez pas oppresseurs. Vous baisez
comme tout le monde, ça n’est pas votre faute s’il y a des
malades ou des criminels. Vous n’y pouvez rien, dites-vous,
si vous êtes tolérants. Votre société -car si vous
baisez comme tout le monde, c’est bien la vôtre- nous a
traité comme un fléau social pour l’Etat, l’objet de mépris
pour les hommes véritables, sujet d’effroi pour les mères
de famille. Les mêmes mots qui servent à nous désigner
sont vos pires insultes.

Avez-vous jamais pensé à ce que nous ressentons, quand
vous mettez à la suite ces mots « salaud, ordure, tapette,
pédé » ? Quand vous dites à une fille : « sale gouine » ?
Vous protégez vos filles et vos fils de notre présence
comme si nous étions des pestiférés.

Vous êtes individuellement responsable de l’ignoble
mutilation que vous nous avez fait subir en nous
reprochant notre désir.

Vous qui voulez la révolution, vous avez voulu nous
imposer votre répression. Vous combattiez pour les noirs
et vous traitiez les flics d’enculés, comme s’il n’existait
pas de pire injure.

Vous, adorateurs du prolétariat, avez encouragé de toutes
vos forces le maintien de l’image virile de l’ouvrier, vous
avez dit que la révolution serait le fait d’un prolétariat
mâle et bourru, à grosse voix, baraqué et roulant des
épaules.

Savez-vous ce que c’est, pour un jeune ouvrier, que d’être
homosexuel en cachette? Savez-vous, vous qui croyez à
la vertu formatrice de l’usine, ce que subit celui que ses
copains d’atelier traitent de pédale ?

Nous le savons, nous, parce que nous nous connaissons
entre nous, parce que nous seuls, nous pouvons le savoir.
Nous sommes avec les femmes le tapis moral sur lequel
vous essuyez votre conscience.

Nous disons ici que nous en avons assez, que vous
ne nous casserez plus la gueule, parce que nous nous
défendrons, que nous pourchasserons votre racisme
contre nous jusque dans le langage.
Nous disons plus: nous ne nous contenterons pas de nous
défendre nous allons attaquer.

Nous ne sommes pas contre les « normaux », mais contre
la société « normale ». Vous demandez : « Que pouvonsnous
faire pour vous? » Vous ne pouvez rien faire pour
nous tant que vous resterez chacun le représentant de la
société normale, tant que vous vous refuserez à voir tous
les désirs secrets que vous avez refoulés.
Vous ne pouvez rien pour nous tant que vous ne faites
rien pour vous-mêmes.

Avril 1971

« 1er étudiant : Et si je veux être amoureux de toi ?
5ème étudiant : A ta guise. Je te le permets et je te porte
sur mes épaules au milieu des rochers.
1er étudiant : Et nous détruirons tout.
5ème étudiant : Les foyers et les familles. »

Federico Garcia Lorca.

jeudi 28 juin 2012

Sans Papiers Ni Frontières ! [blog]

[Depuis plusieurs années déjà, Sans Papiers Ni Frontières est un collectif qui produit à la fois une émission de radio diffusée sur radio FPP, des textes, des affiches, des tracts, des brochure et un journal mural (traduit en plusieurs langues) qui diffuse plusieurs informations et brèves sur l'actualité des luttes et des révoltes de sans-papiers, à l'extérieur et dans les centres de rétention et plus généralement contre les frontières et leurs prisons. Le collectif s'est doté d'un site qui rassemble ses productions et permet d'élargir leur diffusion. On en profite pour saluer cette initiative, et vous inviter à le visiter : longue vie à eux et elles !]

Source : Indymedia Paris


Un blog contre les frontières et leurs prisons



Sans Papiers Ni Frontières est un blog où l’on peut trouver du matériel (affiches, tracts, brochures, émissions de radio...) contre les centres de rétention et les frontières, ceux qui les gèrent et les construisent, sur la société qui les génèrent. Sont mis à jour régulièrement des rendez-vous de manifestations, discussions et autres initiatives ainsi que des infos sur les frontières, les luttes et les révoltes dans les prisons pour étrangers.

https://sanspapiersnifrontieres.noblogs.org
À mettre dans vos favoris !

mercredi 27 juin 2012

Rendu du procès de la "M.A.A.F"


http://infokiosques.net/IMG/arton592.jpg 

Source : Indymedia Paris

Voici le rendu du procès contre 6 camarades qui s’est tenu en mai 2012, prononcé le lundi 25 juin à 13h30.

Pour un rappel plus détaillé de l’affaire voir ici

Frank : non-coupable, relaxé de tous les chefs d’inculpation, il peut demander réparation pour les 6 mois de détention préventive déjà effectués

Ivan : relaxé pour le refus ADN, coupable des autres faits reprochés, condamné à 1 an de prison dont 6 mois avec sursis, rejet de la demande de non inscription au casier judiciaire

Bruno : relaxé pour le refus ADN, coupable des autres faits reprochés, condamné à 1 an de prison dont 6 mois avec sursis

Damien : relaxé pour le refus ADN, coupable des autres faits reprochés, condamné à 2 ans de prison dont 1 an avec sursis

Inès : coupable de l’ensemble des faits reprochés, condamné à 30 mois d’emprisonnement dont 18 mois avec sursis, rejet de la demande de non inscription au casier judiciaire

Javier : coupable de l’ensemble des faits reprochés, condamné à 3 ans d’emprisonnement dont 2 ans avec sursis, rejet de la demande de non inscription au casier judiciaire

De plus, l’ensemble des scellés est confisqué.

A noter que la détention préventive déjà effectuée couvre la quasi totalité des peines de prison fermes, il y a donc peu de probabilités que l’un des inculpés retourne en prison. Ceux pour qui il reste quelques semaines ou mois à faire seront convoqués ultérieurement devant un juge d’application des peines.

A noter aussi que le caractère terroriste de l’affaire a donc été maintenu.

Les condamnations sont soit identiques aux réquisitions du procureur, soit légèrement allégées (Inès, Javier), sauf bien sûr pour Frank qui est relaxé.

Le parquet comme les inculpé.e.s ont maintenant 10 jours pour faire appel.

mardi 26 juin 2012

"Assemblée pour une grève offensive" (2010) [Dossier Assemblées]

[Pour mémoire, texte qui appelait à l'asemblée autonome "turbin", aussi dite "assemblée interpro" à Paris pendant le mouvement des retraites]


Source : Indymedia Nantes.


Pour se rencontrer et discuter, entre autres, de la suite de la grève rendez vous samedi 25 septembre à 14h à la c.i.p. 14 quai de Charente – Paris 19ème – M° Corentin Cariou contact : turbin@riseup.net

Tract d’appel à l’assemblée diffusé largement 
lors de la manif parisienne du jeudi 23 septembre (2010) :

 Voilà qu’on veut nous faire travailler deux ans de plus !

Le travail, le turbin auquel on consacre la majeure partie de nos journées, est essentiellement une violence qui nous est faite, et la plupart d’entre nous le ressentent comme tel. Mais il a réussi à s’imposer comme quelque chose allant de soi, quelque chose de naturel (« il faut bien travailler pour vivre ! » et oui !), alors qu’il est le produit d’un rapport de force qui nous contraint à nous activer pour permettre au capital, ce drôle de machin invisible qui détermine nos vies, de se reproduire et de s’accroître. On travaille pour gagner de l’argent, certes ; mais on travaille surtout pour faire gagner de l’argent – pour créer du capital. Quand on y réfléchit, rien de bien naturel là-dedans.

Mais c’est ainsi qu’on nous gouverne : par l’acceptation de fausses évidences. Ainsi de cette réforme des retraites : travailler plus, ben oui, ça ne fait pas plaisir, mais il n’y a pas le choix, c’est l’économie qui veut ça – l’allongement de la durée de vie, le vieillissement de la population, tout ça.

La gauche et les syndicats refusent cette réforme en l’état, tout en reconnaissant qu’il y a un problème, voire pour certains qu’il va falloir se serrer la ceinture. Refuser cette réforme supposerait d’avoir une réforme alternative en tête. Est-il si fou de se dire que ce n’est pas à nous de gérer cette affaire ? Lorsqu’une boîte se restructure, comme ils disent, elle a toujours recours au même chantage : c’est soit les licenciements, une intensification du travail sans contrepartie, etc., soit la boîte va couler car elle ne dégage plus assez de profits, et les salariés couleront avec elle. Il faudrait accepter d’en chier toujours davantage sous prétexte de sauve-garder un système basé sur notre exploitation.

On n’a pas à adhérer à des raisonnements qui visent à nous solidariser avec les logiques de cette exploitation. Sur la question des retraites, il est possible d’affirmer simplement : « bordel, je ne veux pas travailler deux ans de plus car je suis déjà assez exploité comme ça. Point barre. » Mais évidemment, le dire ne suffit pas : il faudra l’imposer. C’est un rapport de force. L’économie, on ne fait pas que la subir : on la fait tourner. Qu’on s’arrête un peu de le faire, ça ne fera pas du bien au capital, mais ce n’est pas sûr qu’on s’en portera plus mal.

Être isolé contribue beaucoup à la résignation. Peut-être sommes nous quelques-uns ici à attendre d’un mouvement social davantage qu’un recul du gouvernement sur la question des retraites… Peut-être sommes nous même plus que quelques-uns à voir aussi la chose comme une occasion : un mouvement social un tant soit peu énervé, en ces temps où la combativité sociale n’est pas à son plus haut, c’est la possibilité de se rappeler qu’une force collective, venant briser le traintrain de l’exploitation, de l’isolement et de la déprime généralisée, permet d’entrevoir des horizons où la réappropriation du monde n’est plus hors de portée. Sans doute sommes nous un certain nombre à d’ores et déjà envisager qu’au cours de la lutte puissent s’élaborer des pratiques qui posent des questions allant au-delà du nombre d’années de cotisations. A espérer qu’un mouvement à venir remette en cause ce qui est quotidiennement accepté et se foute des solutions alternatives proposées par ceux qui gèrent nos vies…

Nous n’en sommes pas là : encore faut-il que ce mouvement ait lieu. Il est évident qu’une journée d’action isolée par-ci par-là, appelée par les syndicats en vue de négociations où l’essentiel est déjà négocié, n’aboutira à rien, sinon à accroître le sentiment d’impuissance. Ces syndicats, qui ces dernières années ont déjà fait avorter des mouvements avant même qu’ils puissent avoir lieu (déjà sur les retraites, en 2003 puis en 2007), se préparent à faire de même ce coup-ci, de manière encore plus assumée. A croire qu’ils préfèrent encore subir une « défaite » plutôt que de voir un mouvement leur échapper…

Dès lors voilà : pour que cette lutte puisse avoir réellement lieu, il faudra nécessairement que cela se passe par dessus les têtes des directions syndicales. Il faudra notamment leur imposer la grève, sans quoi rien ne sera possible. Ce n’est pas tâche aisée : pour cela il faut d’ores et déjà commencer à s’organiser ; à transformer la colère latente en action collective.

Mais, « les syndicats perdent brusquement le contrôle de leurs bases » : voilà qui ne serait pas forcément moche.

grève générale ! grève illimitée ! grève offensive ! 

lundi 25 juin 2012

Solidarité internationale avec les anarchistes turcs!

Manifestation de soutien aux anarchistes turcs emprisonné.e.s 

(A l'appel de plusieurs organisations et individu.e.s anarchistes)

Source : Indymedia Paris

 [ Le tract ci-dessous est avant tout relayé à titre d'information, tant nous ne souscrivons pas  à certaines analyses, ni au concept de "prisonnier politique" ]

Halte à la répression en Turquie ! 

Turkiye'de ki Baskiya SON !


Libération des prisonnier-e-s anarchistes en grève de la faim 
depuis le 11/06/2012 et de tou-te-s les prisonnier-e-s politiques !

Quelques jours après la manifestation du 1er mai à laquelle les anarchistes ont pris part, la police a perquisitionné et cassé plusieurs lieux alternatifs et arrêté 60 militant-e-s anarchistes. 51 ont été libéré-e-s quatre jours après mais 15 doivent encore passer en procès pour association terroriste. Ils et elles sont accusé-e-s d'appartenance à une organisation terroriste pour avoir été en possession d'un ouvrage de Kropotkine, retrouvé chez ces dernier-e-s. 9 d'entre elles et eux sont encore en prison à l'heure actuelle et six autres, dans d'autres villes (Izmir, Ankara etc.), ont depuis été arrêté-e-s, ce qui porte à 15 le nombre d'anarchistes emprisonné-e-s depuis le début du mois de mai. Depuis le 11/06/2012, 14 d'entre elles et eux ont entamé une grève de la faim, malgré des conditions d'encadrement sanitaire déplorables...

Cette opération s'inscrit dans un cadre plus large de durcissement de la répression, ces dernières années, contre les opposant-e-s au parti au pouvoir, l'AKP. Ce gouvernement, à la fois conservateur islamiste et néolibéral sur le plan économique, détruit l'environnement et les droits des travailleuses et des travailleurs, des femmes, des kurdes et des minorités ethniques et religieuses (halevis notamment) ou des minorités sexuelles (LGBTT). La situation des femmes, en particulier, devient de plus en plus problématique avec les menaces d'interdiction de l'avortement et l'augmentation des violences masculines (violence physique et harcèlement sexuel).

L'État turc mène une politique de terrorisme d'État, comme en témoigne le massacre perpétré à Roboski le 28 décembre 2011, au cours duquel 34 personnes dont 19 enfants ont été tuées lors d'un bombardement. Les militant-e-s sont emprisonné-e-s, torturé-e-s, agressé-e-s physiquement par des nervis fascistes manipulés par l'État turc ou par les forces de répression. Désormais, les lois antiterroristes de 1991 peuvent servir à enfermer toutes les opposant-e-s, sans procès, pendant plusieurs années. Plusieurs milliers de prisonnier-e-s politiques croupissent dans les prisons turques, dans l'isolement, pour leurs opinions politiques.

C'est ce qui se passe pour les 15 anarchistes actuellement en prison depuis plus d'un mois. Les conditions de détention déplorables génèrent des conflits, les prisons sont surpeuplées (manque de lits notamment) et les militant-e-s vegan ou végétarien-ne-s ne peuvent respecter leur régime alimentaire. Afin de casser les solidarités à l'intérieur de la prison, l'Etat sépare les militants et militantes emprisonnées.

A l'extérieur, la solidarité s'organise à Istanbul. Solidarité politique avec des manifestations devant les prisons et une campagne de sensibilisation vers la population. Solidarité financière aussi pour soutenir le mouvement et aider les compagnes et compagnons en détention. Des actions de solidarité ont également eu lieu partout dans le monde, notamment en Allemagne, en Suisse et à Lyon.

Pour la libération immédiate et pour l'arrêt des poursuites contre les anarchistes et contre tou-te-s les prisonnier-e-s politiques en turquie ! manifestons le mardi 26 juin a 18h30 au Trocadero à Paris !
 
EYLEM 26 Haziran Sali, Saat: 18.30, Trocadero, Paris 

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  Lettre ouverte de neuf prisonniers anarchistes en Turquie 

Source et traduction : la base de données anarchistes

Comme on le sait, des anarchistes ont attaqué des banques et des entreprises du quartier Mecidiyeköy-Şişli (Istanbul) lors du Bloc Anarchiste du 1er mai. Nous, neuf des 60 personnes qui ont été mises en prison par la police, neuf prisonniers anarchistes enfermés sur la décision de la neuvième cour criminelle dans la prison de type T de Metris, écrivons cette lettre. La plupart d’entre nous ont été mis en détention par des unités anti-terroristes à 5 heures du matin le 5 mai, et quelques un-e-s le jour suivant. Nos ordinateurs, téléphones, disques durs, livres ainsi que beaucoup d’autres objets personnels ont été saisis par les policiers, qui étaient entre 10 et 20 à venir dans notre maison. Nous sommes accusé-e-s par la police de "destruction de propriété publique au nom d’une organisation terroriste". Des prisonniers dont les conceptions de l’anarchisme sont variées, se sont vus pour la première fois au dépôt des flics, accusés de la formation d’une organisation terroriste dont certains ont été contraints, pendant l’interrogatoire des flics, d’avouer en être les chefs. Le principe même de chef étant totalement contraire aux idées anarchistes, cela est donc impossible ; cette accusation, ainsi que celle d’"appartenance à un même groupe terroriste" sont donc des inepties tragi-comiques... Les individus accusés par la police de faire partie d’une même organisation terroriste n’avaient ni armes ni munitions chez eux. Pendant l’interrogatoire, les policiers ont considéré des livres d’auteurs comme Kropotkine, que l’on peut trouver dans n’importe quelle librairie, comme la documentation de l’organisation. Les articles qu’ils avaient lu et les vidéos qu’ils avaient partagé via des réseaux sociaux ont été présentés à la cour comme des preuves par les policiers.

 L’appartenance des individus à des organisations légales, travaillant sur des questions comme la libération animale, les droits de l’homme et l’écologie, a aussi été utilisée comme preuve par la police. Une grosse pression psychologique a été exercée sur les personnes détenues : elles étaient en détention depuis quatre jours, n’avaient pu ni voir les membres de leur famille, ni téléphoner une seule fois à quelqu’un, pas même à leurs avocats. Un-e de nos ami-e-s LGBT a été victime de "violences verbales". Tous ont été contraints d’avouer l’existence d’une organisation terroriste et de faire de fausses déclarations à propos des autres compagnon-ne-s arrêté-e-s. Deux personnes, menacées de 15 à 20 ans de prison pour appartenance à un même groupe terroriste, ont effectué de fausses déclarations à propos de gens dont ils ne savaient strictement rien.

Sous la pression des policiers, ils ont accusé certaines personnes, contre lesquelles les policiers n’avaient pas trouvé de preuves, que ce soit dans leurs conversations téléphoniques, internet ou toute autre communication avec les autres, d’être les chefs de l’organisation, et les ont "identifiés" comme auteurs des attaques. La plupart de nos amis ont été arrêtés juste parce qu’ils avaient les mêmes types de sacs, chaussures, ceintures, etc. (comme peuvent en avoir des millions de gens) que ceux qui ont été filmés pendant les attaques. L’existence d’une organisation terroriste anarchiste ne peut bien sûr pas être prouvée avec ces arguments insuffisants et irrationnels. Pour cette raison, nous sommes aussi accusés de dégradation de propriété publique. Nous voulons qu’il soit clair que cela nous est égal à nous, en tant qu’anarchistes qui refusons toute loi et toute autorité et qui considérons tous les Etats comme des assassins, que l’Etat nous décrive comme des terroristes ou non. Il nous est égal que l’Etat tue des dizaines de personnes à Roboski, tue de 13 balles Uğur Kaymaz âgé de 11 ans et soit impuni. L’Etat qui, en 1977, a tué 34 personnes et n’a mis personne en prison pour cela, mais n’a vu aucun problème à arrêter 60 personnes et à en mettre 9 en prison pour 3-5 vitrines de banques brisées.

Deux des ami-e-s incarcéré-e-s n’ont pas pu aller à leurs examens terminaux dans leur université. Cela rend possible que ces universités mènent une enquête et décident de suspendre ou d’exclure ces deux personnes. L’un-e de nos ami-e-s préparait l’examen d’entrée à l’université, mais il est clair qu’il ne lui est pas possible d’étudier suffisamment en prison. Un-e ami-e-s qui étudie M.A/M.S à l’université ne peut plus continuer à rédiger son mémoire. Nous avons reçu la nouvelle que 3 ami-e-s ont été licencié-e-s après leur arrestation.

Depuis notre incarcération, nous avons pu expérimenter le système judiciaire que l’Etat prétend excellent : en réalité, ce n’est rien d’autre qu’un instrument d’oppression et de normalisation. Des idées comme celles de justice ou de droit restent seulement dans la théorie. Nous voulons en sortir maintenant. Mais laissez-nous affirmer que nous ne le demandons ni ne le mendions à personne. Nous savons que nous sommes en prison uniquement à cause de nos idées politiques. Pour cette raison, nous ne regrettons pas ce que nous avons ou n’avons pas fait. Notre raison d’écrire cette lettre est simplement de raconter la vérité au public, pour l’aider à cerner ce qui se passe.

 Nous savons que ceux qui nous ont enfermé n’ont pas seulement pour but de nous punir pour avoir participé à une action. Ils veulent nous inculquer la peur de résister. Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que les prisons de leur civilisation dégueulasse ne peuvent pas étouffer nos idées, et nous nous sentons même plus forts qu’avant.

 Nous considérons tous les anarchistes du monde comme nos compagnon-ne-s et envoyons nos salutations, notre amour et notre appel à solidarité à tou-te-s les insurgé-e-s du monde qui portent dans leur cœur le feu de la liberté, et qui viennent d’Athènes, Amed, Chiapas, Gaza, Toronto ou Seattle... Vous devez savoir que vous n’êtes pas seul-e-s et que dans ces lieux des gens se battent aussi. Nous les remercions tou-te-s pour la solidarité et les actions de soutien. Il est impossible de décrire nos sentiments aux anarchistes locaux, qui nous soutiennent et font des actions pour nous, comme le reste du monde. Ces pages sont trop courtes pour nos remerciements. Nous les embrassons avec nos sincères salutations. Faites leur savoir que nous savons qu’ils sont avec nous, et que nous ne nous sentons jamais seuls un instant. Avec nos souhaits pour de longs jours d’insurrection et de solidarité.

Prisonniers anarchistes : 

Beyhan Çağrı Tuzcuoğlu 
Burak Ercan 
Deniz 
Emirhan Yavuz 
Murat Gümüşkaya 
Oğuz Topal 
Sinan Gümüş 
Ünal Can Tüzüner 
Yenal Yağcı 

dimanche 24 juin 2012

Discussion "Mouvement piquetero et assemblées populaires en Argentine" [Rémouleur]

Au rémouleur
106 rue Victor Hugo
93170 Bagnolet
(M° Robespierre ou M° Gallieni)


mardi 26 juin - 19h30


Mouvement piquetero et assemblées populaires en Argentine

Le 26 juin est une date importante pour les mouvements autonomes argentins. Le 26 Juin 2002, deux militants piqueteros ont été assassinés lors du blocage d’un pont sur l’autoroute d’accès à Buenos Aires. Cette date est commémorée tous les ans en Argentine. A cette occasion, nous proposons la projection d’un film sur le mouvement piquetero et le tournant politique provoquée par le 26 juin 2002 et ses suites. Le film servira de base pour une discussion sur la situation politique actuelle (en particulier, l’ambivalence du gouvernement de Kirchner), les suites du mouvement piquetero, et l’organisation dans les quartiers de la banlieue de Buenos Aires (assemblées, cantines populaires, coopératives...) à partir de l’expérience concrète que présentera un membre du FOL "Frente de Organisaciones en Lucha", venu de Buenos Aires pour présenter l’expérience des mouvements de ces quartiers.

jeudi 21 juin 2012

[Défaite de la musique] Concert contre les violences policières et la prison

Concert pour dénoncer les violences d'état

Rejoignez-nous le 21 juin 2012 pour un concert rap* de 19h à 00h qui a pour but de donner de la visibilité aux victimes de violences d'état et de passer un message de solidarité aux personnes incarcérées à la prison de la santé.

Parce que nous voulons dédicacer la musique à tous ceux qui ne peuvent pas être avec nous... qu'on nous a enlevé(e)s trop tôt, tué(e)s ou enfermé(e)s...

Nous rendrons hommage aux familles, nous rendrons hommages aux victimes
Nous dénoncerons la police, nous dénoncerons les matons et la prison en tant que violence d'état.

Jeudi 21 juin rdv 19h vers la prison de la santé ( M° St jacques )

Retransmission radio sur FPP -106.3 fm- le : 29 juin de 20h à 00h

Écrivez nous pour participer à ce projet ou à d'autres initiatives en solidarité avec les détenus, leurs proches et les victimes de la police :

contrelenfermement@riseup.net
http://contrelenfermement.noblogs.org/

mercredi 20 juin 2012

"Nous"

[Ce texte est issu de la nouvelle revue anarchiste Salto n.1. Il questionne le rapport au "nous" dans les discours du pouvoir et le verbiage militant, entre autres, et ce qu'il implique au delà de son usage littéraire ou d'un simple "Nous" définissant des positions ou des idées et des pratiques (et ceux et celles qui s'y reconnaissent), ou du "Nous" de l'anonymat. Une critique salutaire et nécessaire...]

Nous

Selon le célèbre mot de Mark Twain, " les rédacteurs et les gens ayant les vers " sont les seules personnes pouvant utiliser le terme " Nous ", mais à ce que nous en savons, personne n'a jamais fait d'analyse approfondie des rapports de pouvoir cachés dans cette monosyllabe.

"Nous" sonne égalitaire, commun et coopératif, même s'il désigne en fait plus souvent des  rapports sociaux hiérarchiques et coercitifs. Le fascisme, ne l'oublions pas, est aussi une forme de collectivité. Dans la première phase de notre enquête, nous avons découvert plusieurs variantes du terme " Nous ". La-voici, même s'il s'agit d'une liste qui est loin d'être exhaustive :

Le Nous du leader : "... et nous donnerons nos vies, s'il le faut, pour protéger notre patrie ! "
Le Nous du manager : " Nous avons réussi à augmenter la productivité de 25% cette année, et cela se verra ensuite dans les profits. "
Le Nous du chef : " Nous devons urgemment nettoyer cette cuisine en moins d'une demi-heure. "
Le Nous du baby-sitter : " Nous sommes un peu vexé ce soir ?
Peut-être est-il temps pour nous d'aller au lit ?"
Le Nous du supporter : " Nous allons à la coupe du monde cette année ! " Bien sûr que tu y vas!
Le Nous de l'activiste :  " Whose streets ? Our streets !" ( "à qui est la rue ? elle est à Nous !")
De qui précisément ?
Le Nous du parti : " Maintenant que les usines sont entre les mains des ouvriers, nous pouvons initier la création du paradis sur terre pour l'Humanité ! " (Un instant avant l'aller simple vers la Sibérie.)
Le Nous de Zamyatin: un roman sous-estimé dont Orwell s'est beaucoup inspiré pour écrire 1984.

Certaines formes de Nous font référence à des corps sociaux totalement mythiques: le Nous du citoyen par exemple, lequel désigne toutes les personnes regroupées au sein de la citoyenneté, elle-même  donnée par l'Etat-nation, même si certains citoyens ont une position critique vis-à-vis de cet Etat. D'autres formes, comme le Nous de l'identité, veulent créer des corps sociaux conscients en mettant en avant une communauté mythique sur la base d'une argumentation indirecte.

Nombreuses sont les formes de processus collectifs qui se cachent dans le " Nous ". Dans le monde de la politique, il s'agit du Nous démocratique - " Nous avons voté pour l'expulsion de 40% de nos membres " - et le Nous du consensus - " Nous avons eu besoin de quatre semaines pour écrire un paragraphe que j'aurai pu  écrire seul en trois minutes. "

Un exposé anarchiste du mot " Nous " ne pourrait être complet sans une enquête concernant le " Nous " du propagandiste. Celui-ci est un proche parant du Nous " royal "*, car c'en est tout sauf un.
Le Nous du propagandiste est populaire surtout parmi les radicaux voulant se faire passer pour des personnes comprenant en elles seules tout un mouvement social cohérent. Dans le meilleur des cas, il s'agit d'une imagination pleine d'espoir; mais dans le pire, il s'agit par contre de celle d'un futur despote fantasmant la formation d'une armée de mécanisations, car il ne peut pas s'imaginer d'autres formes de rapports.

Ayant ces ambiguïtés en tête, quelle utilisation possible du mot " Nous " est-elle encore possible ?
Nous (le voilà, le " nous " !) voudrions appeler l'attention du lecteur sur la blague bien connue dans laquelle Tonto et Lone Ranger sont poursuivis par une horde sanguinaire de soi-disant Indiens :
" Il semble que nous soyons dans la merde, mon pote " , constate Lone Ranger.
Auquel Tonto répond :  " Que veux-tu dire par 'nous', homme blanc ? "

*L'idée derrière le Nous royal - pluralis majestatis -, c'est que le monarque parle toujours pour son peuple. De la même manière, on réfère à des décisions du conseil municipal comme celles de " la " ville, plutôt que le gouvernement de la ville. Par exemple, " Pendant des années, la commune de Anderlecht a tenté infructueusement d'empêcher ses habitants à se réunir au bord du canal lors du week-end. "

samedi 16 juin 2012

"Occupation et défense des espaces autogérés" Alfredo Bonanno

Par espace social autogéré, nous entendons un espace urbain pris
par un certain nombre d'individu-e-s dans le but de l'utiliser
directement, pour leurs propres objectifs, au-delà de la logique du
pouvoir capitaliste et de l'exploitation.

Par rapport à des espaces sociaux (écoles, casernes, usines, etc...), où une fonction spécifique est imposée, visant à garantir les
intérêts du capital, la lutte pour la conquête d'un espace social autogéré constitue une tentative importante et continue de
pratiquer une liberté d'action et d'expression qui serait impossible partout ailleurs.

Depuis le début, donc, cette lutte s'est constituée d'un certain nombre d'actions anti-autoritaires qui sont parties d'une analyse critique de la société de classes et de ses principales fonctions. 

Ce sont donc des luttes qui adoptent la méthode auto-organisationnelle, elles essaient de réaliser la liberté et l'égalité sociale et individuelle, indispensables tout au long de la route qui procède de l'abolition du pouvoir et de l'exploitation capitaliste.

La méthode auto-organisationnelle est la seule qui empêche une
instrumentalisation de la lutte par les partis politiques, syndicats,
représentants du Conseil, etc. Mais pour que cela se produise,
il est nécessaire que cette méthode soit employée correctement,
garantissant la liberté de décision dans tout ce ce qui se fait au
cours de la lutte.

De cette auto-organisation, 
deux phases peuvent être distinguées :

A) L'auto-organisation de la lutte pour la conquête de l'espace
social par le biais du squat (de l'occupation)
B) L'auto-organisation de la lutte pour la défense de l'espace social
à travers une ouverture vers l'extérieur.

En ce qui concerne la première phase, il faut dire que l'occupation
ne peut être réalisée que si elle a réussi à constituer une structure
collective basée sur une affinité précise entre les individu-e-s qui lui
appartiennent. Cette affinité n'est pas tant idéologique que
substantielle. L'existence de désirs et de problèmes en communs
permettent, à un moment donné, pour un groupe de personnes de
se réunir pour lutter contre l'exploitation en commun. C'est une
chose sur laquelle nous devons être très clairs.

La domination de classe du capital est la cause de l'absence
actuelle d'espace sociaux autogérés, et la cause de la présence
d'espaces sociaux fictifs : Précisément parce que l'exploitation
économique et sociale qui sert les intérêts du pouvoir et du capital
est réalisée au sein de ces derniers. La lutte pour la conquête de
« véritables » espaces sociaux passe donc nécessairement par une
rupture violente avec la logique de domination du capital. Celle-ci
ne peut pas et ne restera pas passive devant nos initiatives
concrètes de libération des espaces sociaux, parce que ces
initiatives constituent un danger considérable pour elle.

L'État et le capital nous imposent des limites précises qui,
lorsqu'elles sont dépassées, nous mettent immédiatement dans la
condition de « hors la loi ». Squatter signifie aller au delà de ces
limites, squatter signifie devenir «hors la loi». C'est pourquoi une
rupture violente avec les règles qui nous ont été imposées est
nécessaire. C'est pourquoi il est nécessaire de squatter.
Concernant la deuxième phase, il est plus qu'évident que nous
devons savoir comment prendre notre liberté nous-mêmes, par le
biais de nos luttes. Il n'est écrit dans aucune constitution que
quelqu'un nous la donnera. Et ceci est valable pour l'espace social:
personne ne nous le donnera. Quiconque en est propriétaire le 
gère et l'utilise en fonction de ses propres intérêts (qui sont parfois de
ne pas les utiliser du tout et simplement les laisser vides).

Lorsque ces espaces nous sont donnés, c'est afin de mieux nous
contrôler et nous ghettoïser, au lieu de nous jeter les flics au cul 
(ce qui coûte de l'argent), ils peuvent savoir où nous sommes et le
genre de choses dont nous parlons. C'est pourquoi, parfois, ils sont
bien contents de nous donner des espaces, surtout après que nous
entreprenions des actions d'intervention dans la réalité sociale.
Il est évident que nous n'avons pas besoin d'espaces de ce genre,
qui ne peuvent pas être appelées auto-gérés, parce que l'autogestion
n'est pas seulement une question de gestion de l'intérieur
du lieu.

Nous devons donc prendre nos espaces nous-mêmes, c'est à dire
les squatter. Mais la question n'est pas seulement de les prendre, il
s'agit aussi les défendre. Cette défense ne doit pas se résumer à
nous barricader nous-mêmes derrière un mur et mettre des
barbelés à l'extérieur. Nous ne pouvons pas nous limiter à
simplement nous assurer que les flics ne rentrent pas.

Pour défendre un espace social, il est nécessaire de développer,
qualitativement et quantitativement, une intervention extérieure et une capacité à développer un discours ayant une certaine signification et ne pas simplement nous réduire à la satisfaction de nos propres intérêts ou l'exercice de nos capacités personnelles. 



Musique, poésie, etc, sont des activités très intéressants, mais si
elles restent enfermées dans l'espace, même squatté, elles 
tendent tout simplement à devenir une autre caractéristique du ghetto.

La meilleure façon de défendre l'espace conquis est donc
l'ouverture vers l'extérieur. Pour conclure nous pouvons dire: la
conquête de l'espace ne peut se faire qu'avec l'occupation par la
force, en celà que les autres chemins (tel que la négociation) ne
fonctionnent pas (ne sont pas valides).

Après l'auto-gestion de l'espace, vient la question de la défense en
général qui ne consiste pas seulement en des aspects minimes que
nous pourrions définir comme «militaristes», mais aussi, et surtout,
à l'ouverture vers l'extérieur, au fait de parler aux gens, de se
rencontrer et de lier sa propre situation à la situation du quartier
où on se trouve.

Alfredo M. Bonanno


[traduit et publié en anglais pour la première fois en 2007 dans la revue insurrectionnaliste londonienne "Deranged Issue 0" (numéro zéro), dans un texte appelé "Struggle for self-managed social spaces" (La lutte pour les espaces sociaux autogérés), qui rassemblait ce texte et "Espace et Capital" (aussi traduit par nos soins) de Bonanno. Nous en livrons une première traduction en français. Afin de faciliter la compréhension et d'éviter la redondance, le terme "self-management" a été traduit alternativement par "auto-gestion" et "auto-organisation" en fonction du contexte, même si le terme réfère plus précisément au concept d'auto-gestion.] 

mercredi 13 juin 2012

Camp No Border 2012 ! [Cologne/Düsseldorf]

Cologne, Germany, du 13 au 22 Juillet 2012

Se rassembler, échanger, faire du lien et se préparer à l’action

De quoi s’agit-il?

Pour s’engager ensemble sous différentes formes contre les expulsions de masse, Frontex, l’antiziganisme, le racisme ordinaire et les discours d’extrême droite;

Pour s’informer et se former sur le racisme institutionnel, sur les conditions de vie catastrophiques des réfugiés et des migrants et le combat pour le droit à une vie digne pour tous.

Pour s’informer sur les causes de l’émigration, sur le (post-) colonialisme et la situation meurtrière aux frontières extérieures ainsi que sur beaucoup d’autres sujets. Blanchitude et Empowerment vont jouer un rôle important.

Le camp se veut un lieu où l’on traite ensemble la critique du racisme et les perspectives antifascistes, féministes et anticapitalistes.

Un lieu qui peut renforcer l’échange mutuel et faire naître des nouvelles alliances, où les combats des réfugiés et des personnes de couleur rencontrent ceux des personnes de peau blanche qui critiquent le racisme.

Venez au camp, venez avec des idées pour des ateliers, des actions ou sans raison particulière.

No Borders ! No Nations! 
Pas de frontières ! Pas de nations!

Flyers et affiches en version imprimable :




dimanche 10 juin 2012

Comptes-rendus du procès antiterroriste de la "MAAF" [Paris]

Petit compte-rendu des trois 

premiers jours du procès antiterroriste

[depuis Indymedia Paris]

Le procès a lieu à la 10ème chambre du Palais de Justice de Paris, Métro Cité. Il reprendra les lundi et mardi 21 et 22 mai à 13h30. Un rendez-vous est prévu pour faire un point d’information à la fin du procès, le mercredi 23 mai à 19h30 au CICP (21ter rue Voltaire, Métro Rue des Boulets, Paris 11ème).

Il s’agit d’un procès sous juridiction antiterroriste devant une chambre correctionnelle. Six personnes comparaissent : Ivan, Bruno, Inès, Frank, Damien et Javier. La chambre est composée de la juge Simon et de ses deux assesseurs, ainsi que d’un procureur, d’un huissier et d’un greffier.
On constatera au fil des jours que la juge Simon connaît bien le dossier, se montre en apparence compréhensive et à l’écoute des prévenus, pour mieux les coincer.

Premier jour, lundi 14 mai :

Beaucoup de monde s’est retrouvé dans et devant la salle, afin de manifester bruyamment leur solidarité. Un compte-rendu relate ce qui s’est passé à l’extérieur.

La journée s’est déroulée en deux parties : d’abord les présentations d’usage, puis deux premiers interrogatoires, à savoir ceux de Bruno et Ivan.

La juge a commencé par l’appel des prévenus, puis chacun a dû décliner brièvement son état civil : date et lieu de naissance, adresse, (sans) profession, revenus (type et montant, Rsa pour tous). Ensuite la juge a rappelé les accusations pour chacun, c’était assez long. En résumé, les six camarades sont accusés de :

* Participation à un groupement formé en vue de la préparation d’actes de terrorisme (pour les six)

* Fabrication d’engins explosif ou incendiaire (pour Damien, Inès et Javier)

* Tentative (ou complicité de tentative) de dégradation ou de destruction d’un bien appartenant à autrui
(pour Damien, Inès et Javier)

* Détention et transport de produits incendiaires ou explosifs (pour Inès, Frank, Ivan et Bruno)

* Refus de se soumettre au prélèvement ADN (pour Ivan, Bruno, Damien)

* Refus de soumettre aux prises d’empreintes digitales (pour Ivan, Bruno et Damien)
A noter que les cinq derniers délits sont tous « en lien avec une entreprise terroriste ».
Puis chacun des prévenus a dû répondre à cette question : « Reconnaissez-vous les faits qui vous sont reprochés ? » Ils ont globalement nié l’ensemble des faits ; certains ont reconnu des refus Adn et empreintes digitales.

Ensuite la juge a fait un long résumé des informations quant aux faits.

Elle a listé pour chacun le nombre précis de jours passés en prison, en précisant « chaque jour compte » (sic). Puis elle a décrit le casier judiciaire de chacun. Elle a alors donné des précisions pour chacune des affaires, détaillant précisément certaines parties du dossier. On remarque d’emblée qu’elle le connaît bien.


- CPE : tentative de destruction d’une armoire électrique sur une voie ferrée à Paris le 12 avril 2006. « Cette période-là était marquée par les manifestations anti-CPE »

- dépanneuse : tentative d’incendie d’une dépanneuse de police devant le commissariat du 18ème le 2 mai 2007, lors des élections présidentielles. « Ces faits s’inscrivent dans toute une série d’attaques, d’incendies et d’actions violentes durant la période des élections présidentielles »
A noter que, dès le début, l’enquête s’est dirigée vers la « MAAF » ; voilà comment la juge elle-même l’évoque : « ce que les policiers appellent "la Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne". Tout cela n’est pas très défini ; mais ces individus se retrouvent sur une critique de l’Etat, du capital et de ses appareils, sur une haine de l’institution policière... » : « ce "milieu" étant constitué de personnes susceptibles de se livrer à des actes violents  ».

- fumigènes : transport de fumigènes et de clous tordus sur le chemin d’une manifestation pour aller au Centre de Rétention de Vincennes le 19 janvier 2008. La juge détaille l’expertise chimique des fumigènes ainsi que les objets trouvés lors des perquisitions, notamment une lettre qui, selon elle, met en avant des liens entre différents prévenus.

- Vierzon : transport de chlorate de soude, de médicaments (chlorate de potassium), de plans d’un EPM (Établissement Pénitentiaire pour Mineurs) et de deux manuels de sabotage en italien et en anglais. Inès a toujours précisé que c’était elle qui avait rassemblé tous ces éléments et que Frank n’était au courant de rien. La juge détaille la perquisition de la maison de campagne non loin de Guéret où se rendaient Inès et Frank : notamment des empreintes digitales et génétiques, un exemplaire du journal anticarcéral L’Envolée, et des pétards. Puis viendront des détails sur la perquisition menée au domicile de Frank : de nombreux tracts et des autocollants retrouvés collés sur son frigo, exigeant notamment la libération des prisonniers de longue peine (Action Directe, Georges Ibrahim Abdallah...) ; ainsi que l’analyse méthodique de son téléphone : tant son répertoire que sa géolocalisation (prenant aussi en compte les moments où le téléphone était éteint). Plusieurs personnes proches ont été convoquées pour être auditionnées et pour donner leur Adn ; ce que certaines ont refusé (sans poursuite).

Le procureur demande ensuite la lecture de deux documents spécifiques, dont l’un est un article de journal de l’époque du mouvement anti-CPE, suite à une journée où des voies de chemin de fer ont été bloquées, qui met en avant les conséquences : 200 000 personnes bloquées, plusieurs heures de retard, des dégâts s’élevant à 10 à 20 000 euros pour chaque armoire électrique brûlée.

Interrogatoire de Bruno

Elle commence par l’interroger sur son parcours de manière très détaillée, comme elle le fera pour tous les autres par la suite : études, déplacements, activités, centres d’intérêt, liens avec la famille, convictions politiques... Puis elle en vient aux faits : elle pose alors d’abord des questions sur la détention, le contrôle judiciaire, la cavale... puis sur les faits dont les personnes sont accusées. Comme pour chaque prévenu, elle lui demande à quelles actions militantes il a participé. A d’autres, elle posera aussi des questions plus précises sur leur participation à différentes luttes.

Juge (J) : Pourquoi avoir refusé de donner votre identité aux policiers lors de votre première arrestation ?

Bruno (B) : C’était par solidarité, l’identité est une logique qui inclut et qui exclut selon le statut de chacun, qui exclut par exemple les sans papiers.

(J) Pourquoi, lorsque vous vous refaites arrêter deux ans après, vous donnez une fausse identité ?

(B) Je savais alors que je faisais l’objet d’un mandat d’arrêt.

(J) Pourquoi n’avoir pas respecté votre contrôlé judiciaire ? Qu’en pensez-vous avec le recul ?

(B) Je me suis retrouvé en contrôle judiciaire non seulement uniquement pour des fumigènes, et en plus, à
Belfort. C’était trop violent pour moi [...]. C’était important pour moi de pouvoir signifier que j’étais contre ces mesures qui m’étaient imposées.

Elle pose par la suite plusieurs questions sur indymedia : Qu’est-ce c’est ? Comment ça fonctionne ? Quels sujets sont abordés ? Ces questions seront récurrentes pour toutes les personnes interrogées. En gros, elle veut faire d’indymedia l’outil d’organisation de la présumée « MAAF ».

Elle lit en entier la lettre que Bruno a écrite lorqu'il est parti en cavale. Elle fera de même pour d’autres lettres publiques écrites par les autres prévenus.

(J) Pourquoi aviez-vous un fumigène sur vous ?

(B) Comme je vous l’ai déjà expliqué, on voulait aller à la manifestation devant le centre de rétention de Vincennes en solidarité avec les sans-papiers. On a fabriqué un fumigène et rien d’autre qu’un fumigène. Mais à chaque fois, on nous a dit qu’on mentait, que c’était pas un fumigène. Ce fumigène, c’était pour que les personnes enfermées nous voient.

(J) Pourquoi fabriquer des fumigènes soi-même quand on peut en acheter pas cher ?

(B) Pourquoi se faire à manger soi-même quand on peut acheter des plats tout préparés ?
A chaque personne, elle demandera d’expliquer ses liens avec les autres prévenus : s’ils se connaissent ou pas, à quel point, sur quel plan (amical ou politique), depuis combien de temps, comment et où ils se sont rencontrés...

Au sujet de l’occupation de la préfecture de Bobigny en soutien à un sans-papier, la juge demande :

(J) Comment ce type d’action est organisé ? Par téléphone ? Par bouche-à-oreille ? Faites-vous des réunions ? Qui participe à ces réunions ?

(B) Ça s’organise. Je vais pas vous répondre, c’est pas le cœur de l’affaire.

(J) Si, ça en fait parti.

(J) Le juge d’instruction évoque vos différents refus (empreintes digitales et photo, Adn...) Il fait remarquer que vous n’êtes pas le seul à avoir refusé et qu’il semble qu’il existe des consignes. Le juge d’instruction vous a demandé si vous appliquiez des consignes, des directives, des recommandations. Je vous repose la même question.

(B) J’appartiens au mouvement contestataire, je ne le nie pas.

(J) Vous confirmez comme vous l’avez déclaré « appartenir à la jeunesse contestataire » ?

(B) Oui.

(J) Contestataire de quoi, j’ai pas compris ?

(B) Anticapitaliste.

Interrogatoire d’Ivan

Les questions sont quasiment identiques à celles de Bruno, la juge suit presque le même ordre.
Quelques répliques du genre :

(J) Vous avez perçu le RSA alors que vous étiez en prison ?

(I) Oui, je pense qu’on ne peut pas vivre sans argent, je n’ai donc pas refusé cet argent. (…)

2ème jour, mardi 15 mai :

Beaucoup de monde est encore présent pour assister au procès. Malgré plusieurs demandes à la juge, tout le monde n’a pas pu entrer à l’intérieur de la salle. Il en sera de même le lendemain, le mercredi. Même si la juge demande à plusieurs reprises le silence, il a été possible, quelques fois de réagir quand la situation était particulière : de rire lorsque la juge et le procureur disaient n’importe quoi, ou aux bonnes répliques des prévenus, de s’exclamer lorsque la juge était trop intrusive.

Ce jour-là, trois interrogatoires ont eu lieu : Damien, Frank puis Inès.

Interrogatoire de Damien

(J) Avez-vous déjà adhéré à des associations connues comme Amnesty ? (La juge posera cette question à tous les prévenus, changeant parfois d’association, comme le Samu social.)

(J) Et la perquisition à votre domicile, vous en souvenez-vous ?

(D) Je me souviens surtout de l’état dans lequel les policiers ont laissé mon appartement.

(J) Et la notion de « mouvance anarcho-autonome », vous la contestez ?

(D) Je ne la reconnais pas. C’est un terme apparu dans les journaux. Personne ne s’en réclame. Elle a été créée par les policiers. Ensuite, différents actes ont été rattachés à cette mouvance. Les membres de la mouvance deviennent presque responsables de ces actes.
La juge reconnaît alors que cette notion est très floue, et qu’elle y reviendra.

(J) Lors de votre garde-à-vue, vous avez refusé le prélèvement Adn. On l’a pris sur vos effets personnels. Un rapprochement a alors été fait avec un bouchon de bouteille retrouvé sous la dépanneuse. Vous avez contesté formellement toute implication. Comment est-ce possible ?

(D) Je n’ai aucune explication à donner. J’ai déjà été en contact avec des bouteilles. Je n’ai jamais participé à la fabrication d’un engin incendiaire. [...] Un poil peut être à un endroit et pourtant la personne à laquelle le poil appartient n’est jamais allée à cet endroit. Et quand bien même ce serait mon Adn, ça ne prouve pas que j’ai confectionné ou posé un engin incendiaire. Lors de ma mise en examen supplétive, dans le bureau du Juge des Libertés et de la Détention, le procureur m’a dit : « Si je demande votre incarcération, c’est du fait de votre ADN retrouvé ajouté à votre profil, l’ADN n’est pas un élément suffisant en soi pour vous condamner. Si c’était sur un braquage qu’on avait retrouvé votre Adn, je ne demanderai pas votre mise en détention. » Or trois ans plus tard, il n’y a toujours aucun élément en plus. Et pourtant, on me poursuit encore.

(J) A plusieurs reprises, puisque vous avez contesté la manière dont votre Adn avait été prélevé lors de votre garde-à-vue, le juge vous l’a redemandé et vous avez refusé. Pourquoi ?

(D) C’est un refus de principe. Je refuse le fichage, je ne veux donc pas m’y prêter volontairement.

(J) Au départ, vous avez pourtant dit que vous aviez refusé car vous aviez été arrêté sans raison.

(D) C’est vrai que j’ai été arrêté puis mis en garde-à-vue alors que je ne faisais que passer par là, que les policiers ont ensuite tout simplement ravagé mon appartement. Tout cela ne met pas forcément dans un état d’esprit très coopératif.

Interrogatoire de Frank

(J) Pourquoi êtes vous devenu chauffeur livreur ?

(D) J’ai toujours aimé conduire et la géographie, c’est pour ça que je suis devenu chauffeur livreur en région parisienne.

Après être longuement revenue sur son parcours personnel, la juge l’interroge sur son contrôle judiciaire et ses soi-disant manquements. Elle énumère ensuite plusieurs manifestations où Frank aurait été vu.
Puis elle en vient aux faits concernant l’arrestation à Vierzon. Elle revient sur les motifs du déplacement, sur la perquisition de la maison de campagne, sur ses liens avec Inès...
Frank aborde les conditions de leur garde-à-vue à Levallois-Perret :

(J) Pourquoi avez-vous dit n’être jamais allé dans cette maison de campagne ?

(F) Je ne peux pas répondre à cette question sans parler de la garde-à-vue antiterroriste. La pression policière, le choc de passer de passer de Vierzon à Levallois-Perret, être accueilli avec un «  Bienvenue à Guantanamo », l’isolement sensoriel, les néons allumés en permanence, les multiples auditions, les flics qui attendent que tu sois endormi pour venir te chercher pour l’audition, les interrogatoires où tu es menotté au mur...

Le procureur remettra en cause la pression que Frank a subi lors de sa garde-à-vue : «  Si vous n’avez rien dit concernant les conditions soi-disant difficiles de votre garde-à-vue ni au médecin, ni au Juge des Libertés et de la Détention ni au Juge d’instruction, n’est-ce pas seulement parce qu’il ne s’est rien passé pendant cette garde-à-vue et qu’elle ne correspondait pas à vos fantasmes ? Expliquez-vous sur cette garde-à-vue "très difficile" »

Forte réaction dans la salle...

La juge s’acharne particulièrement sur lui en le bombardant de questions ultra détaillées, notamment sur les différents tracts retrouvés chez lui, avec une attention toute particulière sur chacun des autocollants collés sur son frigo...

Interrogatoire d’Inès

Long retour sur son parcours, et multiples questions sur la maison de campagne en Creuse. _Puis elle en vient aux faits et passe un long moment à revenir sur le contenu du sac.

Elle demande à Inès de s’expliquer sur l’origine de chacun des objets retrouvés dans le sac et d’expliquer les raisons de leur déplacement.

Après l’avoir bien cuisiné sur les différents composants chimiques, elle en vient à l’affaire de la dépanneuse.

(J) Il existe une correspondance entre votre Adn et une des traces retrouvées sous la dépanneuse. Comment expliquez-vous cela ?

(I) Je n’ai rien à voir avec ces faits. Je ne peux pas expliquer la présence du cheveu. Un cheveu peut tomber partout, se déplacer. L’Adn, en tant que preuve, a beau apparaître dans des rapports scientifiques ce n’est pas pour autant la vérité absolue. Comment l’Adn pourrait-il faire le récit d’une scène d’infraction ?

(J) Il ne s’agit pas de cela.

(I) C’est la seule preuve contre moi.

(J) Non. C’est associé au sac à dos que vous aviez avec vous ainsi qu’aux autres Adn identifiés.

(I) C’est ce que disent les rapports.

(J) Pourquoi dites-vous « c’est ce que disent les rapports » ?

(I) Car je conteste l’utilisation de l’Adn en justice. Tout d’abord, comme je l’ai déjà dit, comment l’Adn pourrait-il faire le récit d’une scène d’infraction ? Ensuite, je peux laisser tomber mon Adn à plein d’endroits différents ; en plus, des personnes peuvent déplacer de l’Adn. Enfin, dans ces expertises, il y a différentes choses qui sont contestables : plusieurs erreurs sont possibles, que ce soit dans les fichiers, dans les manipulations. Je ne sais pas comment sont faites ces expertises, les bases de données ne sont pas détaillées. Je remets en cause l’Adn.

(J) Avez-vous déjà rencontré des victimes de viol, Mademoiselle, dont on ne connaîtra les auteurs que par ce procédé ? Je dis ça vu que vous êtes sensibles aux personnes en difficulté...

Huées dans la salle.

Puis la juge repart sur l’engagement politique d’Inès.

Elle en vient à parler de la première semaine de solidarité (question qu’elle abordera ensuite à maintes reprises).

(J) Que saviez-vous de cette mobilisation extérieure ? Etiez-vous au courant ? Qu’en pensez-vous ? Que pensez-vous du fait que certaines de ces manifestations soient accompagnées de dégradations ? N’y a-t-il pas une certaine récupération lors de ces débordements ?

(I) Je n’ai pas à porter de jugement là-dessus ; cela ne m’appartient pas.

Et rebelotte sur indymedia.

3ème jour, mercredi 16 mai :

Interrogatoire de Javier
Après les questions d’usage sur sa vie, la juge entame directement l’interrogatoire sur l’Adn.

(J) Comment expliquez-vous que l’on retrouve votre Adn et sur la dépanneuse et à proximité de l’armoire électrique ?

(Ja) J’ai des difficultés à l’expliquer. Pour un stylo, j’aurais pu vous dire si c’était le mien ou pas. Je ne sais même pas quelle est la nature du prélèvement : si c’est un cheveu, ou une dent...

(J) c’est ni l’un ni l’autre.

(Ja) Dans tous les cas, j’ai du mal à l’expliquer. Vous faites confiance en une expertise scientifique. Pour moi, c’est un peu de la magie. Cela peut permettre de faciliter une accusation. J’ai peu confiance en la justice et en ses expertises scientifiques. L’Adn n’est en effet jamais décrypté dans sa totalité, cela prendrait bien trop de temps. En outre, tout homme partage 90% de son Adn avec le chimpanzé, 99,9% avec un autre homme. Et sur ces 0,1% restants, les experts n’observent que quelques bouts, ou loci. 16 en France. C’est seulement ces quelques points que l’on regarde.[...]

(J) Il y aurait alors donc deux erreurs vous concernant ?

(Ja) Une seule pourrait suffire. Les scellés sont transmis par des hommes. Il peut y avoir plein d’erreurs à plein de moments de la procédure. [...]

(J) Il y en aurait donc deux ?

(Ja) Pas forcément. L’erreur peut provenir lors de la retranscription de l’Adn. Et en plus, quand on demande aux experts d’analyser une trace Adn, c’est biaisé d’avance : on leur dit déjà ce qu’ils doivent trouver ; on leur envoie un scellé, et en même temps, on leur dit de vérifier que c’est bien mon Adn qui est dans le scellé.

(J) Ce n’est pas comme ça que cela s’est passé. Votre Adn a été envoyé à un fichier central.

 (Ja) Dans ce cas, je ne comprends pas pourquoi mon Adn aurait été recoupé si tardivement. Le fichier central n’a fait le recoupement que des mois et des mois après avoir reçu mon Adn.

(J) C’est une observation pertinente que vous faites. Par contre, ce n’est pas vrai que nous ciblons. Pour la dépanneuse, on a encore deux Adn non identifiés ; pourquoi alors, si on suit votre raisonnement, on ne les a pas attribués à d’autres gens ?

(Ja) Ce n’est pas ça que j’ai dit. J’ai dit que c’est facile pour vous d’avoir cette preuve. Je dis que vous jugez selon votre intime conviction. C’est bien arrangeant d’avoir des preuves infaillibles. A d’autres époques, le criminel était jugé en fonction de la forme de son visage. Et je ne parle pas de manipulation ou de complot. Les scientifiques le disent : on peut exclure avec certitude, mais on ne peut jamais affirmer à 100% qu’une trace Adn retrouvée provient d’une personne précise. Du coup, on fait appel à des statistiques. Or il y a toujours des chiffres incroyables : un sur 20 milliards par exemple. D’où viennent ces chiffres ? De sondages ? Auraient-ils constitué des échantillons de plusieurs milliards de personnes ? Ou est-ce comme pour les présidentielles, on demande seulement à quelques personnes et on fait des déductions ?

(J) Arrêtez... Comment expliquez-vous qu’il y ait deux erreurs ?

(Ja) Par exemple, c’est déjà arrivé qu’on recherche pendant des années et des années une femme responsable de multiples crimes et cambriolages. Après une longue enquête, il s’est avéré que c’était en fait... une femme qui travaillait dans la confection des bâtonnets de prélèvement Adn. (…) De plus, les laboratoires d’analyse sont des laboratoires privés et leur objectif est de faire de l’argent. La justice délègue. Les labos veulent tellement vendre leurs bâtonnets, c’est pour ça qu’ils montrent des résultats si infaillibles.
Après ce long échange sur l’Adn, la juge en vient aux convictions politiques et aux liens avec les autres prévenus.

 Quand on l’interroge sur ses convictions politiques, Javier répond :

« Je ne crois pas que ce soit le bon endroit pour débattre de cela. Nous ne sommes pas à égalité. Ce que je vais dire va influencer ma condamnation. Vu que je n’ai pas participé aux sabotages dont vous m’accusez, il n’y a que mon opinion que vous avez, en plus de mon Adn ».

Puis elle repart sur Indymedia et la semaine de solidarité.

Les interrogatoires personnels se terminent.
La juge prend des thèmes et interroge ensuite les prévenus un à un.
Pendant plus d’une heure et demie, elle lit différents procès verbaux.

L’un décrit la "Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne" : nombre de membres, idées, type d’action... C’est une sorte de définition de ce que serait la "MAAF".

Un autre présente une longue liste d’actions attribuées par la police à la MAAF. Elle décrit précisément la date, la nature des faits, et les personnes accusées quand c’est le cas.

Elle revient pendant des plombes sur la manifestation du 5 avril 2008. Il s’agit d’un procès verbal des flics qui suivent un groupe d’ « anarcho-autonomes ».

Les avocats disent qu’on tente de charger leurs clients alors qu’ils ne sont pas accusés de ces faits.
Puis la juge lit un document descriptif concernant Indymedia et fait une liste d’autres médias.
Elle revient ensuite extrêmement longuement sur la semaine de solidarité sans frontière ayant eu lieu entre le 9 et le 16 juin 2008. Elle lit l’appel à cette semaine ainsi qu’une très longue chronologie détaillée trouvée sur Indymedia, ainsi que des commentaires des flics sur les différentes actions (par exemple, si elles ont été recensées ou pas).

Elle évoque aussi différents guides trouvés eux aussi sur Indymedia : guide sur la garde-à-vue (qu’elle juge « très pédagogique »), sur l’Adn, sur des lois sécuritaires... Elle évoque aussi « 10 jours d’agitation contre les lois antiterroristes » en janvier 2009.

Après ces longues lectures, la juge ré-interroge les différents prévenus.

Juge : Dans beaucoup de ces manifestations il est fait, dans les compte-rendus, référence à la notion d’ "anarchistes" et aussi à vous personnellement. Qu’en pensez-vous ?

Frank : ça n’a pas grand chose à voir avec le terrorisme.

Juge : Le site utilise le mot "anarchistes". Qu’en pensez-vous ?

Frank : Chacun peut mettre les catégories qu’il veut.

Inès : Je n’ai pas grand chose à en dire non plus. Je ne vois pas en quoi cela me concerne. Je ne suis pas responsable d’actes commis à des milliers de km et qui se sont déroulés lors de ma détention.

Juge : Oui, mais qu’en pensez-vous ?

Inès : Je ne veux pas m’exprimer là-dessus.

Damien : Je suis étonné que l’on passe 1h30 là-dessus. Vous tentez de faire un lien, comme si vous cherchiez à nous rendre responsables de tout cela.

Juge : Je ne fais pas ce lien. Qu’en pensez-vous ?

Damien : Chacun est libre d’exprimer sa solidarité de la manière qu’il le souhaite. Je n’ai pas à me prononcer là-dessus. C’est en constituant cette liste que les policiers construisent la MAAF.

Juge : Qui fait ce regroupement ? Ce n’est pas la police ni le tribunal ; c’est Indymedia.

Damien : Il y a des centaines de milliers d’articles sur Indymedia.

Son avocate dénonce l’utilisation d’Indymedia à charge contre les prévenus.

Ivan : Il explique comment dans le réquisitoire de fin d’instruction, le procureur établit comme un lien avec l’ETA le fait qu’il y a eu des actions de solidarité aux Pays Basques et combien c’est faux.
Puis il estime que c’est pour leur participation à des luttes qu’ils comparaissent au tribunal et que donc il trouve normal que des gens fassent preuve de solidarité.
Puis il réfute le lien entre tout les faits qui ont été listé auparavant, comme il n’y a pas de raison de les regrouper ainsi. Et qu’il n’est pas justifié par la police où s’arrêtent et où commencent les actions la MAAF.
Juge : Au PV.

Ivan : S’il n’y a pas de définition de la MAAF, d’où provient alors ce regroupement ? Personne ne s’en revendique. La justice n’est pas indépendante du pouvoir. Grâce au dossier, j’ai compris comment le fichier MAAF fonctionnait. Sur ce fichage anarcho-autonome (…), si des personnes sont arrêtées lors d’une manifestation en présence d’une personne fichée anarcho-autonome, alors ces personnes le deviennent aussi.

Bruno : Je n’ai pas grand chose à en dire. Chacun est libre de se solidariser à sa manière. La MAAF est une construction a priori. Je suis contre ce genre de liste.

Javier : Sur la semaine de solidarité, je ne suis pas poursuivi pour ces faits, je ne veux pas donner d’opinion politique.

Juge : Et concernant l’autre liste (celle des actions de la MAAF) ?

Javier : J’ai l’impression que vous défendez ce fichage des RG. Il devrait y avoir dans le dossier le descriptif de comment on se retrouve dans ce fichier.

Le procès a lieu à la 10ème chambre du Palais de Justice de Paris, Métro Cité. Il reprendra les lundi et mardi 21 et 22 mai à 13h30. Un rendez-vous est prévu pour faire un point d’information à la fin du procès, le mercredi 23 mai à 19h30 au CICP (21ter rue Voltaire, Métro Rue des Boulets, Paris 11ème).

Solidarité avec les 6 camarades inculpés !









 

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Compte rendu des derniers jours

du procès antiterroriste




[repêché sur "La base de données anarchistes".]

Petit rappel des faits : Ivan, Bruno et Damien sont arrêtés en janvier 2008 alors qu’ils se rendent à une manif devant le centre de rétention de Vincennes avec des fumigènes artisanaux et des crève pneus, qui deviennent pour la justice et les médias une “bombe à clous”. Ivan et Bruno sont alors placés en détention préventive et Damien sous contrôle judiciaire. Quelques jours plus tard, Inès (*Isa) et Franck (*Farid) sont arrêtés lors d’un contrôle des douanes à Vierzon en possession de manuels expliquant des techniques de sabotage, du plan d’une prison pour mineurs et de chlorate. L’antiterrorisme se saisit de l’affaire. Les flics prétendent que l’ADN d’Isa correspondrait à une des 5 traces ADN présentes dans un sac contenant des bouteilles d’essence, retrouvé sous une dépanneuse de flics pendant l’entre-deux tours des présidentielles de 2007. Rapidement, ces deux enquêtes sont jointes en un seul dossier, instruit par les mêmes juges antiterroristes.

La police ratisse alors dans l’entourage des personnes arrêtées et des personnes fichées “Anarcho-Autonomes” pour tenter de trouver qui se cacherait derrière les ADN manquants. Javier (*Juan), le frère d’Inès (*Isa), puis Damien (qui avait été arrêté avec Ivan et Bruno) sont mis en prison pendant plusieurs mois car leurs profils ADN correspondraient aussi aux traces retrouvées sous la dépanneuse. Par ailleurs, en juin 2010, Javier (*Juan) a, en plus, été mis en examen pour une série de sabotages par incendie sur des armoires électriques de signalisation SNCF qui ont paralysé une partie du trafic ferroviaire en 2006 pendant le mouvement « CPE ». Son ADN aurait été retrouvé sur le lieu d’une tentative de sabotage. Inès (*Isa), Javier (*Juan), Damien, Ivan, Franck (*Farid) et Bruno ont chacun fait entre 5 et 13 mois de détention préventive dans le cadre de cette procédure. Et ils restent sous contrôle judiciaire.

• 4eme jour de procès, le lundi 21 mai 2012 à la 10ème chambre du TGI de paris

L’audience correctionnelle s’ouvre par une question de la juge Simon. Six personnes comparaissent : Ivan, Bruno, Inès, Frank, Damien et Javier. La chambre est composée d’une juge et de ses deux assesseurs, ainsi que d’un procureur, d’un huissier et d’un greffier.

Est ce que les prévenus veulent ajouter quelque chose ?

Frank donne à la juge et au procureur différentes pièces :

- La lettre qu’il a écrit en prison à Meaux- Chauconin « VUES DU DELIRE ANTI-TERRORISTE » que la juge lit en entier. Cette lettre, qui n’était pas dans le dossier de l’instruction, décrit sa garde à vue antiterroriste, la perquisition et sa détention.

- Un communiqué du NPA pour la libération de Jean-Marc Rouillan du 20 avril 2012 et un communiqué pour une « journée internationale d’action pour Georges Ibrahim Abdallah » de la Fédération des jeunes communistes du Pas de Calais. C’était pour faire un retour sur les autocollants retrouvés par la police sur son frigo dont un demandait la libération de Rouillan et l’autre la libération de Georges Ibrahim Abdallah. Le tout pour montrer que ces deux hommes ont le soutien de plusieurs organisations et qu’être solidaire d’eux ne signifie pas appartenir à cette Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne (MAAF) créée par la police. Il dit que l’instruction essaye de créer un imaginaire violent à la MAAF, et qu’elle va jusqu’à mettre en avant des autocollants trouvés sur mon frigo.

Damien dit à la juge que lorsqu’elle pose des questions sur les manifestations ou les gardes à vue qu’il a pu faire avant l’instruction, elle essaye de créer la mouvance, alors que ces actions et les sites qui les diffusent sont publics. Elles peuvent donc être réappropriées par tout un chacun. Les arrestations des 6 prévenus sont à remettre dans un contexte plus large : lutte Anti-CPE, lutte contre les centres de rétention, les manifestations contre l’élection de Sarkozy en 2007, où des milliers de gens ont participé. Il ajoute des éléments par rapport à l’ADN et rappelle l’extrême sensibilité à la pollution de la technique utilisée pour analyser l’ADN. En effet, un fonctionnaire de police a laissé le sien sur un des scellés de l’engin incendiaire retrouvé sous la dépanneuse alors même qu’il est formé à manipuler les scellés pour éviter cela.
Ivan donne à la juge et au procureur un article du Canard Enchainé daté du 4 avril 2012 et concernant l’affaire Mérah. Celui-ci montre les relations qu’entretiennent la Section Antiterroriste, le Parquet et les pouvoirs politiques. Il dit que le pouvoir politique donne des instructions à la Section Antiterroriste, qu’il incite le parquet à lancer des procédures antiterroristes. Cet article montre que l’arrestation des supposés membres de la MAAF est politique. Il donne un autre exemple : la note de la chancellerie de Dati qui montre comment les services de justice servent des intérêts politiques pour la répression des luttes. Cette note recommande aux services de police de prévenir la Section Antiterroriste dès qu’une affaire concernerait la MAAF. Enfin Ivan donne à la juge une interview de Michelle Alliot-Marie publiée par le Figaro le 1er février 2008. La ministre de l’intérieur disait déjà à l’époque qu’il y avait une résurgence du terrorisme d’extrême gauche (article publié dans Mauvaises intentions 1). Elle parle à propos des fumigènes de « véritables engins explosifs ». C’est dire à quel point l’instruction a été menée à charge et cela dès le début de l’affaire.
Javier donne deux exemples qui rendent compte que l’instruction a été conduite à charge et montrent que les flics ont voulu faire coller des indices à une hypothèse de départ. Javier ajoute que la juge passe une heure trente à parler des actions de solidarité (actions pour lesquelles aucun des accusés n’est inculpé), alors qu’elle passe vite sur le fait que ni les caméras de vidéosurveillance, ni les témoignages des voisins, ni le bornage des portables n’ont mis en évidence la présence des inculpés sur le lieu où l’engin a été retrouvé. Il revient ensuite sur la manière dont ont été conduits les interrogatoires faits à ses proches, les policiers orientant les questions, manipulant les propos tenus et exerçant diverses pressions.

Inès dit que lors du mouvement Anti-CPE, Anti-centre de rétention, Anti-élections de Sarkozy, il y a eu beaucoup de sabotages et d’incendies de voitures répertoriés par la police, pourtant aucun, à part ceux en cause dans ce procès, n’a été qualifié d’acte terroriste.

Le procureur donne des pièces à la défense et aux juges : une série d’articles qu’il a trouvé sur Indymédia Paris parlant du procès en cours. Il répond ainsi à des pièces données par Ivan aux juges et au proc : tous les articles publiés lors d’une seule journée lambda sur Indymédia en l’occurrence celle du 11 mai 2012. Ivan voulait montrer la diversité politique du site. Le proc a voulu prouver à son tour que le ton général d’Indymédia était attribué à la MAAF.


Réquisition du procureur de Paris chargé de la lutte anti-terroriste, 

Olivier Christen :

Les citations ne sont pas exactes, mais nous avons essayé d’être le plus fidèle possible…
« Depuis lundi, 6 jeunes personnes passent en procès anti-terroriste.

Dès qu’on en venait à un point qui abordait l’idéologie, les prévenus parlaient de procès politique. Essayer de comprendre ce qu’était la MAAF faisait de ce procès un procès politique.

Mais ce n’est pas un procès politique. S’ils le disent c’est pour ne pas répondre aux questions, c’est pour avoir du panache. On n’est pas à Berlin en 33, à Moscou en 36 ou à Pékin. Madame la présidente,
Messieurs du tribunal, peu importe les courants politiques dont les prévenus se sentent proches, peu importe qu’ils soient fascistes, anarchistes ou maoïstes, ce n’est pas ça qui nous intéresse.

S’ils comparaissent aujourd’hui devant vous, c’est parce qu’ils ont commis des actes dont le seul objectif était de troubler gravement l’ordre public, par l’intimidation et la terreur, et de créer un climat d’intimidation et de terreur. Aucune bombe n’a explosé et je sais que nous ne sommes pas face à Jean-Marc Rouillan ou Nathalie Ménigon, même s’il semble que certains aient eu de la sympathie pour leur cause. Pourtant vouloir créer la terreur et ne pas y parvenir ne change pas grand chose aux objectifs des prévenus. Ce qui est réprimé c’est les intentions qui existaient derrière les actions qui sont commises.

Je vais donc retenir la qualification de terroriste car leur unique objectif était de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation et la terreur. »

Retour sur Vierzon.

« L’expertise des produits chimiques retrouvés dans la voiture montre qu’ils peuvent entrer dans la composition d’une bombe. Et même si Inès assume seule l’appartenance de ces produits, la police a retrouvé chez Frank des pétards et des documents sur la prison pour mineurs de Porcheville : des pétards pour la mise à feu et des tracts sur la prison de Porcheville (or, dans la voiture, la police a retrouvé des plans de cette même prison). Tout coïncide. Inès et Frank voulaient cacher le matériel loin de Paris et en avaient connaissance tous les deux. Ils sont manipulateurs, menteurs et adeptes de la violence. »

« Trois séries de faits commis entre 2007 et 2008 sont jugés aujourd’hui :


- Une tentative d’attentat contre un véhicule de police le 2 mai 2007. Si les six bouteilles remplies d’essences avaient brûlé les conséquences auraient été dévastatrices, car la rue est en pente, et cela aurait incendié tous les véhicules en contre bas. Ils n’ont pas d’alibis, aucune explication. Ils nient tous et insistent sur le fait qu’il n’y a que l’ADN comme élément à charge. Mais cette théorie ne tient pas la route. Il n’y a pas que l’ADN retrouvé sur l’engin comme élément à charge, il y a trois ADN de personnes qui se connaissent et qui sont connus pour des actions violentes. Les inculpés ont tenté de faire une contestation de la preuve ADN, ce n’est que du verbiage.

- Manifestation contre le centre de rétention de Vincennes qui se conclut par des échauffourées avec les forces de l’ordre. Les produits retrouvés sur Ivan et Bruno peuvent être utilisés comme des fumigènes, ils peuvent aussi initier des incendies. L’expert est clair sur le fait que le matériel découvert pouvait être utilisé pour faire des fumigènes mais également des explosifs ou initier des incendies. Si la première expertise parlait d’un engin explosif, la seconde nous fait relativiser mais ne les innocente pas pour autant. De plus, les prévenus se sont entendus en garde-à-vue pour dire que c’était un fumigène. C’est bien que cette position commune affirmant qu’il s’agit de fumigènes est une version mensongère. Leur but était d’en découdre avec les forces de l’ordre et de déclencher un incendie aux alentours du centre. Si au départ l’enquête n’était pas suivie par l’anti-terrorisme, elle le devient lorsque d’autres prévenus connus par ces derniers se font arrêter avec les mêmes produits. Ce n’est donc pas une évolution opportuniste du parquet de Paris mais simplement des éléments nouveaux qui sont entrés dans la procédure.

- Le 12 avril 2006, lors du mouvement Anti-CPE, un engin incendiaire est retrouvé dans une armoire électrique de la SNCF. D’autres armoires électriques de la SNCF sont brûlées dans toute l’Ile de France durant cette période. C’était le même mode opératoire, ces infractions sont donc liées à une entreprise terroriste. (Le proc fait une description du dispositif incendiaire qui a fait long feu). Si l’engin avait brûlé, il y aurait eu un arrêt immédiat du trafic. Un article du Parisien en Essonne annonce qu’une action réussie de ce type entraînerait le blocage de 200 000 personnes se rendant au travail le matin. Son effet aurait été dévastateur. Le type de dispositif est le même que le dispositif retrouvé sous la dépanneuse, et il correspond exactement au modèle décrit dans l’ouvrage que la police retrouve dans la voiture d’Inès et Frank. »
« Je retiens la qualification de membres d’une association de malfaiteurs ayant pour objectif de préparer des actes de terrorisme car :

- La définition légale du terrorisme se trouve dans l’article 421-1 du code pénal et indique que pour que l’infraction soit terroriste, il faut qu’elle soit commise intentionnellement par une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation et la terreur.

- Ils participent tous à la même entreprise, avec un dessein formé et un plan concerté qui se traduit par des efforts coordonnés en vue d’objectifs à atteindre. S’ils ne se revendiquent d’aucun groupe, ils rejettent de la même façon, les mêmes choses (littérature commune).

- Ils ont le même objectif : saboter le monde et déstabiliser l’état, c’est l’objectif anarchiste. La cible identifiée, c’est bien ce que représente l’Etat : les services de police, l’administration pénitentiaire, les transports, tout ce qui aide à la bonne marche de la société…

- Ils sont tous de la Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne et cela malgré la défense des inculpés qui prétendent que c’est une construction policière. Les termes de MAAF sont clairs, même si la définition n’est pas parfaite. Tout le monde sait très bien ce qu’elle représente. C’est normal qu’ils ne se revendiquent d’aucun groupe, ni d’aucune organisation car les anarchistes ne reconnaissent aucun maître. Le recoupement des services de police n’est pas le fruit du hasard mais le fait que ces gens se retrouvent derrière l’objectif de déstabiliser l’Etat.

- L’entreprise est collective, parce que les gens que vous avez devant vous agissent en qualité de co-auteurs, mais elle est également collective parce qu’elle rentre dans un cadre plus global qui se développe grâce à des vecteurs de communication tels que le site Indymedia.

La cote D 397 du dossier fait état d’un message anonyme posté sur ce site le 20 avril 2006, qui appelle à commettre des dégradations sur le réseau ferroviaire. Cet appel à commettre des actions de sabotage est semblable à l’action commise par Javier en avril de la même année.

D’ailleurs, ce lien qu’ils peuvent avoir avec ce site, les prévenus ne s’y sont pas trompés. On a tous senti un certain embarras de leur part lorsqu’on abordait le problème de ce site. Un certain embarras parce qu’on a essayé de nous faire croire que c’est un site sur lequel se trouvent des messages d’une importance secondaire. Que c’est un média libre, sur lequel chacun est libre de s’exprimer comme il le souhaite.

Mais dans ce site, tout est extrêmement orienté, ce site est orienté vers les théories anarchistes. Le problème n’est pas que ce site soit terroriste ou non, le problème est qu’il fait le relais d’actes qui peuvent être violents et qui peuvent déstabiliser l’état. On rappellera aussi le lien qu’ont les mis en examen avec des personnes qui partagent le même point de vue, internationalement, on l’a vu avec les semaines de solidarité, lors desquelles on a pu assister à des comportements violents, depuis les quatre coins du globe.

- Les intentions concertées qui regroupent les six prévenus dans une association de malfaiteurs sont un incendie de véhicule au risque de blesser de gens, un incendie aux alentours du centre de rétention de Vincennes, un blocage de la circulation des trains dont les buts étaient de déstabiliser l’état. Ces actions sont coordonnées et concertées et cela créé un climat d’intimidation et de terreur.

- L’association de malfaiteur : tous avaient des liens personnels et ceux-ci étaient utilisés pour préparer des actes de terreur. Les petites amies de deux des prévenus « censées ne pas se connaître » avaient très régulièrement des conversations téléphoniques.

- Il n’y a pas de groupement formé, il y a une entente entre eux pour préparer des actes de terrorisme. En fait nous ne sommes pas devant six personnes dont le seul objectif dans la vie est de commettre des actes terroristes. Nous sommes face à six personnes qui, au gré des opportunités, s’alliaient et s’entendaient pour commettre des actes terroristes.

« Il n’y a donc aucun obstacle pour les juger pour terrorisme et association de malfaiteurs. Ils étaient coordonnés pour préparer des actes de terrorisme, ils devaient tous se retrouver au centre de rétention de Vincennes pour la manifestation mais ce fut un échec car trois d’entre eux se sont fait arrêter avant. Il y a eu entente sinon Inès et Frank n’auraient pas voulu déplacer le matériel explosif et incendiaire en Creuse. Et il y a eu concertation sur les moyens mis en œuvre pour incendier des voitures et des armoires électriques. Enfin il y a eu concertation sur le refus systématique du fichage. »

« Alors que tous contestent la société et son système élitiste, tous sont très heureux de vivre avec les impôts payés par les gens qui travaillent. »

« Je les déclare tous coupables des faits reprochés :

- Participation à un groupement formé en vue de la préparation d’actes de terrorisme (pour les six)


- Fabrication d’engins explosif ou incendiaire (pour trois)

- Tentative (ou complicité de tentative) de dégradation ou de destruction d’un bien appartenant à autrui (pour trois)

- Détention et transport de produits incendiaires ou explosifs (pour quatre)

- Refus de se soumettre au prélèvement ADN (pour Damien). Il abandonne cette charge pour Ivan et Bruno. La justification est dans l’absence de Procès Verbaux individuels, seul un PV collectif fait état du refus, il n’est donc pas suffisant.

- Refus de soumettre aux prises d’empreintes digitales et aux photos (pour trois)

- Inès a trois ans de prison dont un an ferme.

- Javier à trois ans dont un an ferme, plus deux ans de sursis avec mise à l’épreuve.

- Damien à deux ans dont un an ferme.

- Frank deux ans dont six mois ferme.

- Ivan un an dont six mois ferme.

- Bruno un an dont six mois ferme. »


Plaidoiries

La transcription des plaidoiries n’est pas du tout exhaustive. Il faut tenir compte du fait que le discours des avocats n’est pas forcément le même que celui des inculpés. Nous faisons le choix de ne produire dans les plaidoiries que les parties qui nous semblent intéressantes pour la défense.

Maître Louise TORT pour Bruno :

« Le refus de prélèvement Adn a été retiré par le procureur. Cela aurait pu être fait dès le début de l’affaire. Cet exemple est révélateur de la conduite de l’ensemble de l’instruction. Dans toutes les manifestations, des gens utilisent des fumigènes pour être visibles et exprimer leur solidarité (même dans les matchs de foot).

Il n’y a pas eu de concertation en garde à vue, Bruno a simplement crié depuis sa cellule qu’il transportait des fumigènes et non une bombe. Il n’y a d’ailleurs aucune preuve de cette concertation à part un simple PV.
Bruno n’avait aucun intérêt à mettre du curcuma dans un engin incendiaire ou explosif. Par contre, il en avait pour un fumigène : fumée jaune. En plus l’expertise dit que le mélange est difficilement inflammable, qu’il propage difficilement le feu. L’expertise + le contexte de la manifestation à proximité du lieu d’arrestation + la déclaration de Bruno lors de sa garde à vue et tout le long de l’instruction sont des éléments suffisants pour dire que Bruno allait à cette manifestation et qu’il allait utiliser les fumigènes pour se rendre visible des détenus du centre de rétention.

Le peu de contact avec les autres prévenus dont la police a fait état dans le dossier ne peuvent laisser penser à une entente ou à une association de malfaiteurs. Le fait de reconnaître des visages et de partager des opinions ne prouvent pas une entente. Le fait de participer à des actions publiques n’est pas du terrorisme.
Vous lui reprochez de toucher le RSA, pourtant son passage en prison a coûté beaucoup plus cher à l’Etat : un détenu coute en moyenne à l’Etat 100 euros par jour ! »

Elle demande la relaxe totale.

Maître Delphine BOESEL pour Ivan :

Avant de plaider, elle remet au tribunal des conclusions écrites. « Il n’y a pas eu de concertation en garde à vue pour dire que c’était des fumigènes. Le Procès verbal qui fait état de cette concertation est postérieur au procès verbal de l’interrogatoire d’Ivan qui dit que c’est des fumigènes.

Cette instruction a été menée à charge car dès le 20 janvier 2008, l’expertise atteste que ce mélange ne produit qu’une simple fumée. Pourtant ca a mis un an pour avoir l’expertise finale qui innocente Ivan et Bruno.

Je ne vois pas comment le tribunal pourra conclure que les prévenus ont préparé des actes terroristes. Où sont les actes violents ?

Si l’association de malfaiteur est prouvée par une simple lettre écrite par Ivan où il indique connaître Javier et Inès : alors les preuves ne sont pas sérieuses. Si au début il a nié les connaître c’est à cause de l’ampleur que cette histoire a pris, il a pris peur.

Indymedia n’est pas un organe de communication de la MAAF. C’est un site public et libre. Sa charte interdit les propos racistes, sexistes et homophobes.

C’est scandaleux qu’on puisse être poursuivi sous une accusation de terroriste pendant quatre ans pour une simple participation à une manifestation, c’est une dérive de notre société. Votre rôle, Madame la juge, est d’éviter de criminaliser les mouvements sociaux, la contestation. »

Elle demande la relaxe sauf pour le refus de signalisation (empreintes, photos). Elle demande aussi la non inscription de la condamnation (s’il y a !) au bulletin numéro 2 du casier judiciaire.

Maître Charlotte PLANTIN pour Inès :

« La MAAF est une construction policière artificielle. Aucun prévenu ne s’est revendiqué de cette mouvance. A tous les gens qui ont été interrogés dans l’entourage d’Inès, la police a posé la question « Saviez vous qu’Inès se revendiquait de la MAAF ? ». Si aucun n’a approuvé, reste que les questions sont orientées.

Une Garde à vue de 96 heures dans les locaux de la SDAT exerce une pression importante sur les prévenus, ce n’est pas un fantasme comme l’a signifié le procureur.

Inès est restée un an et quatorze jours en préventive en tant que Détenu Particulièrement Surveillée. Elle a été transférée beaucoup de fois, dont une fois pour un dessin de la cour de promenade qu’elle avait fait. On l’avait alors accusée de préparer une évasion…

Les doses de Chlorate de potassium retrouvées dans la voiture sont très petites (180 comprimés contre la grippe font 36 grammes…). Le chlorate de sodium devait servir à dessoucher un arbre ou à faire des fumigènes. Les livres trouvés sont trouvables (pour l’un) sur Internet. Pour aucun des produits, la possession n’est illégal.

Si ma cliente a eu peur de manière irrationnelle, c’est normal vu comment le dossier a été construit : les produits sont vus tout de suite comme des explosifs.

L’ADN n’explique pas tout. Il est volatile, il peut se retrouver à plusieurs endroits. Pour ma cliente, sa présence est fortuite. Et cette explication est tout aussi valable pour Damien et Javier. Des acquittements ont été prononcés quand il n’y avait que l’ADN comme élément de culpabilité. »

Elle demande la relaxe totale ainsi que la non inscription de la condamnation (s’il y a !) au bulletin numéro 2 du casier judiciaire.

• 5ème jour de procès, le mardi 22 mai 2012 à la 10ème chambre du TGI de paris

Maître Jean-Alain MICHEL pour Inès :

« Les produits retrouvés dans la voiture ne sont pas suffisants pour faire une bombe. Il peuvent servir à, mais ils ne suffisent pas. Comment peut-on dire alors qu’elle ait eu l’intention de ? La possession de ces produits n’est pas illégale.

Je ne rentrerai pas dans le débat sur l’ADN. Pour la discussion, j’accepte que le cheveu d’Inès ait été retrouvé sur l’engin incendiaire. Mais un cheveu ca bouge, ca vole, c’est volatile par définition. On perd entre 30 et 50 cheveux par jour.

Imaginons que l’engin ait été fabriqué dans une pièce où était Inès. Elle ne le fabrique pas, mais son cheveu vole, se pose et reste sur l’engin qui sera ensuite posé sous la dépanneuse. L’ADN ne suffit pas à condamner Inès pour la fabrication de cet engin, ni d’ailleurs pour la pose.

La MAAF a t-elle une hiérarchie, une structure, des liens avec l’étranger ? Rien n’a été démontré, l’instruction dit simplement qu’elle est une structure organisée. La MAAF est une construction intellectuelle.
Concernant ces soi-disant actes terroristes, on a le sentiment qu’il y a deux poids, deux mesures. J’ai fait une étude sur les incendies de voitures : il y en a eu plus de 1000 voitures brûlées en 2011 ; cela en fait-il pour autant plus de 1000 actes terroristes ? Non cela relève du fait divers.

Idem pour le saccage de la sous préfecture de Compiègne par les Contis, les syndicaliste de Continental : alors que les dégâts sont très importants, ils ne sont condamnés qu’à 2000 ou 4000 euros d’amendes.
La définition mondialement acceptée du terrorisme parle d’atteinte aux personnes. Seule la législation française a élargi la qualification.


La police a construit une entreprise, une entente : c’est nécessaire que ces affaires existent pour justifier leur existence. Ce n’est pas parce que certains se connaissent ou qu’ils sont d’accord politiquement qu’ils s’entendent pour déstabiliser l’Etat ! Une des traditions française est de vouloir des dangers intérieurs. Le parquet a-t-il pu montrer dans ce groupe terroriste un chef, un sous chef, un exécutant, des soutiens à l’étranger ? Non et aucun des inculpés n’a de rôle précis dans ce soi-disant groupe.

La solidarité devient une charge.

Les médias ont déclaré dès hier que les prévenus étaient condamnés. Vous allez devoir être plus indépendante que jamais Madame la juge. Vous allez tous les relaxer. Même si vous ne lui rendrez pas son année passée en prison. »

Il demande la relaxe totale.

Maître Christine MARTINEAU pour Damien :

« Quelle surprise de les avoir vus mis en examen en terrorisme. On n’a jamais vu ces faits là qualifiés de terrorisme ! Derrière cette inculpation, il y a un contexte politique qui a donné lieu à la création de la MAAF et qui explique pourquoi cette affaire est jugée en antiterrorisme. L’histoire donne raison à des luttes.
L’ADN n’est pas une preuve de la culpabilité mais un indice. Il n’est pas toujours fiable, il est volatile, il peut y avoir des transferts. Il y a une trace sur le bouchon d’une des six bouteilles et ca l’incrimine pour fabrication d’un engin incendiaire ? Beaucoup s’élèvent contre l’utilisation de l’ADN comme preuve, y compris dans les milieux scientifiques. Les bouteilles circulent dans les manifs, les réunions, les squats. L’instruction l’a finalement désigné comme complice (il aurait fabriqué l’engin mais ne l’aurait pas posé) cela montre une contradiction évidente : en quoi cela prouve tel ou tel rôle ? Qui voudrait il terroriser, intimider ? les policiers ? les passants ?

Le contexte politique c’est le mouvement Anti CPE, c’est les luttes contre les centres de rétention, ce sont les manifestations post électorales : ce sont des mouvements où participaient des milliers de gens. En fait on glisse vers la stigmatisation des opinions dissidentes, vers la criminalisation des mouvements sociaux pour aboutir à la création de la MAAF.

Sur le prélèvement ADN, aucun procès verbal n’indique s’il le refuse ou pas car on ne lui a pas demandé. Et puis une jurisprudence dit que si on n’a rien à faire avec les faits reprochés, on peut refuser.

C’est scandaleux de comparer la tentative d’incendie de l’armoire électrique de la SNCF aux attentats de 95. Sur les dégâts qu’auraient pu causer l’incendie de la dépanneuse, il faut être raisonnable : vu que la dépanneuse est costaud, les neuf litres d’essence auraient à peine brûlé le dessous du véhicule. Et puis vu que la rue est en pente, l’essence aurait coulé sans pour autant brûler d’autres voitures. Neuf litres ne sont pas assez ! »

Elle demande la relaxe totale.

Maître Noémie DI MAYO pour Javier :

« Il faut rappeler le contexte dans lequel se sont déroulées les arrestations : des consignes étaient données par Michèle Alliot Marie et Rachida Dati. C’était une chasse aux sorcières.

L’instruction a été conduite à charge.

Aucun élément ne justifie l’arrestation de Javier : il n’a pas été arrêté après l’évacuation d’un squat comme l’instruction le raconte, mais dans la rue car il ne s’est pas présenté à une convocation pour un permis de visite à sa sœur incarcérée. Dans le dossier, j’ai relevé plusieurs contre-vérités, voire des mensonges. Les interrogatoires des proches ont par exemple été retravaillés dans le sens des policiers.

Beaucoup de doutes persistent sur l’affaire. Concernant l’ « entente terroriste » :

- est-ce que partager des opinions avec sa sœur est un élément ?

- le procès donne à croire que tous participaient aux mêmes actions et manifestations, pourtant Javier n’était ni à l’occupation de la mairie du 19ème ni à la manif contre le centre de rétention de Vincennes.

- la lettre d’Ivan ne veut pas dire que c’est une amitié pérenne.

- Il n’y a aucun acte préparatif, aucune revendication.

- La téléphonie ne donne rien à part de manière indirecte.

L’ADN devient ici la reine des preuves. Des scientifiques eux mêmes expliquent pourquoi l’Adn ne peut pas être la reine des preuves. Ainsi un article du Monde démontre que l’ADN ne peut pas être pris comme seule preuve (Jean-Marc Manach du 10 décembre 2010). Il faut qu’il soit confirmé par d’autres éléments de preuve. Vous devez comprendre comment marche la preuve ADN, pour bien juger l’affaire.

Vous ne devez pas prendre les conclusions de ce dossier concernant l’Adn comme un matériau brut et une évidence. Dans ce dossier, des éléments posent question. En effet, dans le processus d’identification par l’Adn, il peut survenir des erreurs à différents moments : lors du prélèvement de l’Adn, mais aussi lors de la manipulation des scellés, où des échantillons peuvent être interchangés ou contaminés… Il peut aussi y avoir des erreurs dans le calcul des probabilités qui sont associées à la présentation des résultats Adn.

On dit « l’Adn » et pourtant, il ne s’agit pas de tout l’Adn d’une personne, il ne s’agit que d’un profil, de quelques points, ou loci, de toute la molécule Adn. Deux profils peuvent donc être semblables alors même que les deux Adn de deux personnes différentes sont bien différents (ce dont on se rendrait compte si on l’analysait en totalité).

Ce n’est jamais à une totale correspondance entre une trace et une personne que les experts concluent ; c’est toujours à une absence de discordance. Ils l’écrivent eux-mêmes ; et c’est pour cela que les conclusions des experts sont toujours accompagnées d’une probabilité. Par exemple, une probabilité qui dit à quel point il est probable que l’Adn analysé ne corresponde pas à celui de Javier.

Or ces probabilités sont établies à partir de bases de données qui ne sont même pas décrites dans le dossier. On peut donc interroger la pertinence de ces bases de données, et donc des chiffres de probabilité. Dans l’affaire SNCF, il existe un problème chronologique. Le premier rapprochement entre Javier et un des scellés date de septembre 2009, alors que l’Adn de Javier aurait été prélevé sur un de ces vêtements en mai 2008. De plus, dans l’ordonnance de non-lieu qui clôt l’enquête concernant les armoires électriques SNCF, il est bien stipulé que ce dossier ne présente aucune trace Adn exploitable.

Comment une trace inexploitable peut-elle tout à coup devenir exploitable ? En outre, il est surprenant que le premier rapport Adn concernant ces affaires SNCF soit tout simplement absent du dossier. Et ce d’autant plus qu’au départ, Javier n’est accusé que sur la base d’une seule trace sur un scellé, et il est bien précisé qu’il n’y a pas de trace de son Adn sur les autres scellés. Puis, en avril 2010, les experts indiquent un nouveau rapprochement sur un autre scellé.

Comment une nouvelle trace Adn a-t-elle pu soudain apparaître ? Cela est d’autant plus intrigant que la première trace retrouvée est issue d’un mélange et comporte peu de loci tandis que la seconde n’est pas issue d’un mélange et présente plus de loci. Il est tout de même étrange que les experts aient retrouvé la première trace et non la seconde, vu ses caractéristiques.

En outre, à l’époque, le premier rapport d’expertise conclut à des traces Adn présentes sur deux autres scellés (il ne s’agit pas d’Adn rattachés à Javier). Or, en 2010, ces deux traces ont tout à fait disparu. Si on constate que des Adn qui semblaient pourtant présents à l’époque ont tout simplement disparu, comment alors peut-on expliquer à l’inverse qu’une nouvelle trace puisse apparaître ?

En tout cas, en fonction des techniques utilisées, en fonction des experts mandatés, on voit bien que les résultats diffèrent. On ne peut donc qu’avoir une attitude de doute quant aux conclusions des expertises.
Les probabilités qui sont associées aux rapprochements Adn avec Javier sont de l’ordre de 1 sur la population mondiale. Ces chiffres donnent le vertige. Mais on peut se demander : comment calcule-t-on ces probabilités ? D’où viennent les bases de données qui servent à les calculer ? Dans le dossier, on ne trouve que deux éléments de réponse. Le premier est que les bases de données proviennent du « distributeur de réactifs Applera ». Le second est qu’elles émanent de « revues internationales » et d’ « études de la population française effectuées par le laboratoire ». Ces bases de données sont extrêmement floues.

Il n’est donc pas possible de comprendre comment sont calculées ces probabilités.

On se pose donc la question de la légitimité de cette preuve. Concernant l’affaire de la dépanneuse, Javier a toujours demandé quel était le matériel biologique en question, on ne lui a jamais répondu. Mais l’idée qui est sous-tendue dans le dossier est qu’il s’agirait de salive car c’est lui qui aurait allumé la cigarette qui servirait de retardateur à l’engin incendiaire. Mais comment aurait-il fait pour mettre sa salive dessus alors que la cigarette est collée ou attachée au fagot d’allumettes qui l’entoure ? Impossible de remettre la cigarette dans le fagot, cela prendrait trop de temps.

Il n’y a pas de définition des contours de la MAAF, c’est un fourre tout. La MAAF ainsi que le terrorisme sont des constructions idéologiques.

Les effets dévastateurs dont parle le procureur au sujet de l’arrêt du trafic concernent aussi les grèves ? Une grève est un acte terrorisant ?

Si vraiment le 18ème arrondissement de Paris avait échappé à un attentat terroriste, les journaux en auraient parlé. Sur un PV sur des incendies de voiture, la police parle de faits dont la gravité est relativement faible. En fait cela dépend des envies et nécessités politiques du moment, c’est de l’opportunisme de qualifier pour certains des actes de terroristes et pour d’autres d’actes peu graves.

Autre exemple : une action revendiquée par un groupe d’extrême droite, nomad 88 (hiérarchisé et structuré), où ils ont tiré sur des noirs et des arabes. Des armes ont été retrouvées chez eux : eux ne sont pas poursuivis pour terrorisme ! »

Elle demande la relaxe totale. S’il y a condamnation, l’avocate demande que Javier n’ait pas les deux ans de mise à l’épreuve. Et dans tous les cas, une non inscription de la condamnation (s’il y a !) au casier judiciaire.

Maître Laurence BEDOSSA pour Frank :

« Le procureur parle de Frank comme un « menteur, un manipulateur, un lâche » et il les associe finalement aux termes de terrorisme, d’intimidation, de terreur. Frank n’était pas au courant du contenu du sac d’Inès. S’il n’avait pas été fiché, cette histoire n’aurait jamais eu cette ampleur. Le dossier est vide. Le seul fait reproché à Frank est celui de participer à des manifestations et de posséder de la lecture subversive. »
Elle demande la relaxe totale et remet des conclusions écrites.

Dernières interventions de Frank et d’Ivan sur la construction de la MAAF et sur le fichage.

LE DÉLIBÉRÉ sera rendu LE 25 JUIN À 13H30 à la 10EME CHAMBRE DU TGI DE PARIS.
SOLIDARITÉ AVEC LES INCULPÉS !

[Lu sur Indymedia Paris le 2 juin 2012]