lundi 26 mars 2012
" Espace et capital " par Alfredo Bonanno
ESPACE ET CAPITALAucune partie de l'espace physique ne peut être isolé de l'interférence du capital, que ce soit dans l'univers ou dans les profondeurs de l'océan, les montagnes ou les rivières, les mers ou les déserts, la grande métropole ou le plus petit, le plus reculé des villages. Toute une série de relations se croisent et se chevauchent : les éléments sans liens apparents sont liés par la matrice commune de l'exploitation. On se fourvoierai encore en tentant d'aller quelque part au loin, en dehors du monde comme on dit, pour y découvrir que les mécanismes du capital continuent de nous atteindre et fonctionnent parfaitement. Cela explique pourquoi nous sommes contre l'écologisme, de même que nous sommes contre toute autre «alternative» et toute proposition qui prétend faire quelque chose contre l'exploitation en isolant une partie de la réalité du reste. Bien sûr, nous partons aussi depuis des points de replis dans nos interventions, mais nous ne nous leurrons pas en croyant que l'on pourrait vraiment attaquer l'ennemi en restant au sein de cette «partie».Afin de passer à l'attaque, nous devons remédier à la fragmentation (des luttes) qui, à un certain point devient un choix nécessaire, mais est essentiellement une stratégie qui a été imposée à nous par le capital.Maintenant, le plus grave pillage opéré par l'exploitation, la charge qui a le plus de conséquences, est le vol du temps et de l'espace. Ces deux privations sont substantiellement liées. Le Capital vole notre temps en nous obligeant à travailler et en conditionnant nos vies, en les infestant d'horloges, d'engagements, de délais et ainsi de suite, jusque dans les moindres détails. En volant notre temps, il nous empêche de nous comprendre. Il nous aliène. Sans le temps, nous n'aurions même pas remarqué le vol de l'espace. Nous avons besoin de temps afin de prendre conscience de la présence même de l'espace. Pour penser, pour écouter, pour rêver, pour désirer. En vivant l'espace en termes de distance, de kilomètres à parcourir, de déplacement d'un endroit à l'autre, nous perdons de vue notre relation avec les choses, la nature, le monde entier.
Le Capital nous a volé du temps (car il en avait besoin pour la production) - puis est venu le système du contrôle et de la répression, et, enfin, la généralisation du consensus. Maintenant, nous sommes confrontés à la nécessité de passer à la réappropriation de notre temps et de l'espace. Notre attaque ne peut manquer de causer des dommages et de la ruine. C'est dans la logique des choses, la logique de la guerre de classes. Le projet du pouvoir est global. Il ne peut pas permettre l'existence "d'espaces vides". Notre projet de libération est aussi mondial, pour la raison opposée. Il ne peut pas permettre que des espaces libres n'existent pas. Si nous devions laisser le capital atteindre la domination mondiale à ce niveau, nous serions morts pour de bon.Heureusement, la route que devra parcourir le pouvoir afin d'achever sa mondialisation est encore longue. Ainsi comme l'espace (et les heures) détournées à un niveau global, le capital est en train de diviser la réalité en deux parties distinctes. Il ne s'agit plus seulement de l'ancienne fragmentation, mais d'une nette séparation, d'un véritable mur, entre inclus et exclus. La première partie sera la garantie d'un état de privilège, de domination, de niveaux élevés de culture, de projectualité et de créativité, et la seconde, une condition de survie, de consensus, de sous-cultures, de résignation ventre à terre, de manque de stimulation et peut-être même de manque de besoins. Dans cette perspective, le Capital et l'Etat exigent une disponibilité totale de l'espace social. Rien ne doit échapper à leurs contrôle.
Et ce n'est pas tout. Le Capital dispose désormais de technologies à sa disposition qui ne lui permettent pas tant la possession de l'espace que sa production réelle. Pensez à sa capacité à communiquer en «temps réel» entre deux points distincts séparés par des milliers de kilomètres de distance. Cela ne veut pas seulement dire changer l'ordre productif (variété, la créativité, les stocks, etc) mais aussi, et surtout, l'ordre humain des relations sociales (qui sont aussi économiques). Donc, le capital est effectivement la production de l'espace sur la base de son projet d'exploitation et de domination. Il transforme et détruit la nature, modifient les villes et les terres, détruit les mers, les rivières et les lacs, en soumettant les distances stellaires à sa logique militariste. L'espace produit de cette manière sert alors à canaliser les individus. Nous nous trouvons donc dans des embouteillages énormes, dans les accélérations le long des autoroutes, debout dans les files d'attente au supermarché. Nous sommes affligés par le chaos de la circulation, les rendez-vous qu'il ne faut pas manquer, les intérêts fictifs qui nous font nous sentir mal, nous obligent à être de manière insensée et perpétuellement en mouvement. Nous nous déplaçons dans des espaces qui ont été programmés pour nous, mais que nous imaginons que nous avons «choisi» nous-mêmes. Nos maisons sont pleines d'objets inutiles et dangereux. L'espace est devenu restreint ou a plutôt changé selon les besoins de la production capitaliste qui a besoin de vendre des télévisions, des réfrigérateurs, des machines à laver, des meubles intégrés dans les cuisines. Alors, presque sans s'en apercevoir, notre temps disparait et notre espace est lui-même la réduction des relations avec des objets qui témoignent de la puissance du capital à nous convaincre. De cette façon, nous sommes éduqués à la répétition. Nous effectuons les mêmes gestes, comme chacun-e sait (mais oublie systématiquement), dans l'antichambre du consensus.Pour sa part, le capital est obligé de nous prendre l'espace, car il ne peut en laisser aucun disponible pour notre créativité, notre capacité à bricoler toute sorte de choses, notre désir d'innovation (qui est le premier stimulus pour trouver des solutions qui se révèlent être des dotations incroyables de la spontanéité et de la richesse). Si le capital devait laisser un espace à de telles forces individuelles, il ne serait pas en mesure d'atteindre le rythme de répétition qui est indispensable à sa production. Laquelle, nous ne devons pas oublier, ne repose que sur la condition de sa reproduction. Pensez aux efforts (aidés par la technique électronique) que le capital fournit pour réaliser les désirs de chacun-e avec le maximum (centralisée et codifiée) de diversification. Les grands noms de la mode, les chaînes de restauration rapide, la publicité qui met en valeur le goût individuel au sein de la production de masse, ne sont plus que des tentatives pour bloquer les divers chemins qui pourraient encore être parcourues aujourd'hui.Bien que l'espace qui est produit et reproduit est basé sur le consensus, il contient une quantité considérable d'aspects purement répressifs, dans le sens policier du terme. Réglementer les mouvements dans tous les sens. Les matières premières et les hommes, les idées et les machines, l'argent et les désirs. Tout est coordonné, car tout a été préventivement homogénéisé. Les différences ne sont pas plus que cela, elles ne sont pas les diversités radicales. Elles ont été réduites au rang des apparences et à ce titre sont louées au plus hauts des cieux comme le règne de la liberté. Ainsi, la stratégie du pouvoir est donc celle de la maîtrise de «tout» l'espace de la même manière qu'il contrôle «tout» le temps. Ce n'est pas seulement une question de contrôle policier, mais surtout de contrôle basé sur le consensus et l'acceptation de modèles de comportement et d'échelles de valeurs qui sont celles des technocrates capitalistes. Que faire ? Aller à la recherche du temps perdu ? Des espaces perdus ? Pas dans le sens d'un voyage nostalgique, de remonter dans le temps. Rien dans la vie ne va vers l'arrière, tout comme rien ne se présente à nouveau d'une manière identique (ou même de manière tout à fait différente).La vieille relation avec l'espace a laissé le signe d'un lieu physique. Le signe de l'humain et ses choses. Une route, une place, un carrefour, un pays, un fleuve, la mer et le ciel, les bois et les montagnes, étaient dans une relation ouverte avec les individus qui ont su (et voulaient) en être à l'écoute. Et les affinités entre les individus les ont conduit aux mêmes endroits, ont animé leurs sentiments, les ont poussé à l'action et la réflexion. On se retrouvait comme individus, alors que l'on se cache désormais dans le cadre d'un ensemble, d'une foule.Autrefois nous étions ouverts, mais aussi souvent mal préparés et plus vulnérables. Désormais, nous sommes tous protégés par l'uniformité, la répétitivité. Nous nous sentons plus en sécurité parce que nous appartenons à la masse. Tout est produit et reproduit. Tout semble prêt à devenir une marchandise.
Dans cette perspective, la lutte pour les espaces autonomes* devient une lutte pour la réappropriation de tous les «territoires» au-delà et contre les règles du contrôle et du consensus.
[Titre original: Spazio e capitale, publié dans le n.56 de "Anarchismo", 1987. Traduction en anglais par Jean Weir et publié dans "Let's destroy work, let's destroy economy" Elephant Editions, Londres. Traduit en français par Le Cri Du Dodo]
*Note de traduction : Le terme anglais employé est "social spaces". L'expression "espaces autonomes" a été préférée à "espaces sociaux", parce que le terme est trop vague par rapport à ce à quoi il fait référence, et aussi à "centres sociaux", parce qu'il ne recouvre qu'une partie de la réalité de ces espaces, parmi lesquels le squat, la zone d'autonomie, et autres espaces occupés.
lundi 12 mars 2012
[Paris] Manifestation contre toutes les expulsions et la restructuration urbaine
samedi 17 mars 13 heures métro alexandre dumas
À tous ceux qui vivent à 5 dans un 20m², À tous ceux qui se sont déjà fait couper l’électricité, À tous ceux qui doivent choisir entre bouffer et payer leur loyer, À tous ceux qui ont déjà fait des faux dossiers pour avoir un appartement, À tous ceux qui se sont déjà ou vont se faire expulser, À tous ceux qui en ont marre de claquer leurs salaires pour un petit appart’ humide, À tous ceux qui ont de plus en plus de mal à payer leur loyer, À tous ceux qui trouvent que tout ça c’est pas normal, À tous ceux qui trouvent que le chacun pour soi c’est tout le monde dans la merde !
La fin de la trêve d’hiver arrive. Cette année, commme chaque année, la fin de l’hiver est le grand moment des expulsions. Presque plus de risque de mourir de froid dehors, alors la propriété reprend tous ses droits. C’est le grand ménage pour les propriétaires et l’État qui se débarassent enfin des locataires mauvais payeurs, des squatteurs, ceux dont on ne renouvelle pas le bail, tous ceux qui sont jugés peu rentables. Entre 2010 et 2011, le nombre d’expulsions est passé de 50 000 à 100 000. Cette année, il faut s’attendre à la même chose, alors que des milliers de logements sont vides. Cette question s’ajoute à un durcissement général des conditions de vie pour une grande partie des gens, entre baisse des allocations, précarisation, chômage. Le pire reste sans doute à venir, les loyers ne cessant d’augmenter alors que c’est déjà la galère.
Mais il faut bien que les affaires continuent et cette année est aussi celle du lancement du Grand Paris. Misère ou pas, crise ou pas, de grands projets de restructuration urbaine sont mis en oeuvre par l’Etat avec les régions et les municipalités, principalement dans les villes populaires de la petite couronne : Ivry, Saint-Denis, Montreuil, Bagnolet, Aubervilliers...
Restructuration ça veut dire quoi ?
Concrètement les habitants de ces quartiers vont être expulsés pour permettre la construction d’immeubles de bureaux, de zones commerciales, et de logements au loyer très élevé. Le but étant de remplacer les classes populaires par une population plus riche. Les pauvres doivent devenir invisibles pour laisser la place à des zones attractives où dominent les boutiques branchées, l’industrie culturelle et les entreprises ou écoles de pointe. Il n’y a qu’à voir le nettoyage encore récent des derniers quartiers populaires de Paris pour imaginer le résultat : même quand les mairies prétendent construire quelques HLM, la plupart ne seront accessibles qu’à partir de 2000 euros de revenu. Face à cette politique de riches pour les riches, de nombreuses personnes s’organisent. Certains refusent de quitter le logement qu’ils n’ont plus les moyens de payer, d’autres s’opposent à la destruction de leurs lieux d’habitation et des liens de voisinage et de solidarité qui allaient avec. On ne se laisse pas déplacer en grande banlieue sous prétexte qu’on est vieux ou pas très rentable.
Dans plusieurs quartiers, des collectifs d’habitants se montent pour résister aux politiques urbaines et aux décisionnaires qui les pilotent. À Bagnolet, le collectif de la Noue perturbe régulièrement le conseil municipal ; à St-Denis, le comité de soutien de familles expulsées de leur squat cet hiver et qui occupent le parvis de la mairie organise des manifestations toutes les semaines. Ailleurs, ceux qui n’en peuvent plus d’attendre un HLM ou de vivre dans des conditions pourries occupent des logements vides. Que se multiplient les formes concrètes de résistance : collectif de quartier indépendants de ceux qui gèrent la ville, occupations de logements vides, pression sur les conseils municipaux, les réunions de concertation et les bailleurs sociaux, qu’on soit 6, 50, 200, rassemblements et résistances concrètes contre les expulsions.
Un logement pour tous et toutes, été comme hiver !
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[Suite à une requête postée en commentaire, et parce qu'il concerne directement la lutte contre les expulsions et se déroule le même jour, nous relayons pour son intérêt cet appel de femmes en lutte du quartier des francs-moisins à Saint-Denis].Nous, femmes du quartier Franc-Moisin /
Bel-Air et de Saint-Denis, nous déclarons :
Stop aux souffrances des femmes et à ce qu'elles subissent au quotidien : loyers trop chers et charges qui augmentent, revenus à la baisse, travail précaire et à temps partiel... Nous devons des fois choisir entre payer le loyer et manger ou se soigner. Quand nous nous tournons vers des structures d'aide alimentaire, souvent avec de la honte, nous entendons que nous gagnons trop et nous repartons avec la tête un peu plus basse. Notre dignité est blessée ; pourtant nous restons debout !
Tous les jours nous nous battons pour rester debout, pour construire l'avenir de nos enfants !
Mais certaines ont tellement subi qu'elles n'arrivent plus à faire face !
Le mois dernier 2 femmes de notre quartier se sont suicidées. Elles ont laissé des enfants derrière elles. Nous sommes enragées ! Nous ne voulons plus jamais ça !
Plus jamais d'expulsion !
Plus jamais d'isolement !
Plus jamais d'endettement !
Plus jamais à devoir faire des choix impossibles entre manger, se soigner, se loger !
Nous devons toutes et tous ensemble unir nos forces pour obtenir :
- Des logements pour tous,
- L'accès à un revenu décent,
- L'accès aux soins,
- L'accès à l'éducation et à la culture.
Nous vous appelons à une marche de la dignité samedi 17 mars à 13h30 qui partira de la Place Rouge, quartier du Franc-Moisin jusqu'à la sous-préfecture.
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"Marche de la Dignité"
Appel des Femmes de Franc-Moisin / Bel Air et de Saint-Denis
[Source : Demosphère]
Suite aux suicides de deux femmes du quartier Franc Moisin (l'une immolée dans le hall de la mairie car en attente de logement depuis 14 ans, et l'autre qui s'est jetée sous un train car en surendetttement) des femmes du quartier Franc Moisin ont lancé l'appel pour une "Marche de la Dignité".
Départ de Franc Moisin, direction Sous Préfecture de Saint-Denis.
Source : Demosphere
dimanche 11 mars 2012
Programme du Remouleur - Mars 2012
Les nouveaux horaires d’ouverture du local : le lundi de 16h30 à 19h30, le mercredi de 16h30 à 19h30 et le samedi de 14h à 18h.
Le Rémouleur
106 rue Victor Hugo
93170 Bagnolet
(M° Robespierre ou M° Gallieni)
leremouleur ((A)) riseup . net
S’inscrire à la lettre d’info du local : https://lists.riseup.net/www/subscribe/leremouleur/
Lundi 5 mars à partir de 16h30
Rendez-vous du collectif « Prenons la ville »
Dimanche 11 mars à partir de 16h
Ciné-club : Les éclopés du rêve américain
Première séance à 16h :
Winter’s bone, film américain de Debra Granik (2010, 1h40, version originale sous-titrée)
Ree Dolly a 17 ans. Elle vit seule dans la forêt des Ozarks (Missouri) avec son frère et sa sœur dont elle s’occupe. Quand son père sort de prison et disparaît sans laisser de traces, elle n’a pas d’autre choix que de se lancer à sa recherche sous peine de perdre la maison familiale, utilisée comme caution.
Deuxième séance à 18h30 :
Half Nelson, film américain de Ryan Fleck (2006, 1h45,version originale sous-titrée)
Brillant professeur dans un lycée de Brooklyn, Dan Dunne enseigne l’histoire et la dialectique à des adolescents d’un quartier pauvre. Mais en privé, c’est un être tenaillé par le doute, en proie au désenchantement du monde, incapable de garder une quelconque attache sentimentale et dépendant de la drogue. Un jour après les cours, Drey l’une de ses jeunes élèves surprend son professeur en train de fumer du crack.
Contrairement à lui, elle est une jeune fille issue de la communauté noire, solide et pragmatique, sans doute par manque de choix : une mère accaparée par son travail, un père absent, un grand frère en prison pour trafic de drogue, et qui l’a confiée aux bons soins du caïd du quartier.
Samedi 17 mars à 13h
Manifestation contre les expulsions de logement et la restructuration urbaine M° Alexandre Dumas.
Le local sera exceptionnellement fermé
Lundi 19 mars à partir de 16h30
Rendez vous du collectif « Prenons la ville »
Mardi 20 mars à 19h
Projection de La stratégie de l’escargot, fiction colombienne de Sergio Cabrera, 1h56, 1993, version originale sous-titrée.
Les habitants d’un immeuble de la banlieue de Bogotá sont menacés d’expulsion. Ils décident de s’y opposer, d’abord de manière juridique puis par d’autres moyens.
Mercredi 28 mars à 19h30
Discussion avec le collectif des CAFards précédée de l’écoute du document sonore « n’avoue jamais » (20mn) qui accompagne le guide d’autodéfense sur les contrôles domiciliaires de la CAF.
RSAstes socle ou chapeau, chômeurs de fraîche ou longue date, salariés en pause ou en arrêt maladie,intermittents, intérimaires, mères ou pères isolés, précaires, étudiants avec ou sans allocation logement, employés au quart de smic avec ou sans papiers... Nous sommes des centaines de milliers. Pour les institutions nous sommes tous des fraudeurs. Afin de ne pas nous laisser écraser définitivement, il est temps de parler collectivement de ces problèmes et de ne pas rester cantonnés dans la sphère individuelle ou privée. Je me débrouille, tu te débrouilles, embrouillons-les. Organisons-nous ? Mais comment ?
Jeudi 29 mars à 19h
Permanence « Contre la psychiatrie »
Projection de « Fous à délier » (extraits) de Marco Bellocchio, 1975, suivie d’une discussion
Ce documentaire évoque le mouvement antipsychiatrique italien, mené principalement par Basaglia, qui déboucha en 1978 sur la loi 180 décidant de la fermeture des hôpitaux psychiatriques et de l’organisation de réseaux soignants au cœur des villes.
Mardi 3 avril à 19h
Soirée sur le conflit en Irlande du Nord
Projection du documentaire « Irish Ways » d’Arthur Mac Caig (1988, 52mn) suivie d’une discussion.
Tourné dans les années 80, ce documentaire évoque le conflit d’Irlande du Nord et la militarisation de l’ensemble de la société. Des années 60 à sa fin officielle en 1998, ce conflit opposant communautés catholiques et protestantes et l’armée britannique a fait plus de 3500 morts, des dizaines de milliers de blessés. Il a profondément marqué cette région du nord de l’Irlande demeurée sous domination britannique après la partition en 1921 et l’indépendance du reste de l’île. Trop souvent réduite à une guerre de religions, la lutte menée par la communauté catholique et son armée clandestine (dont l’IRA est la branche la plus connue) est avant tout une lutte contre un mode de gestion colonial et une ségrégation sociale et spatiale. Les accords de 1998 ont officiellement mis fin au conflit et organisé le partage du pouvoir entre les principaux responsables politiques des deux camps mais la société nord-irlandaise n’est pas pour autant totalement pacifiée.
Les rendez-vous du collectif « Prenons la ville »
Des projets de transformation du Bas-Montreuil et du quartier des Coutures à Bagnolet sont en cours. Des centaines de personnes seront obligées de quitter leur logement. Le collectif « Prenons la ville » propose des moments de rencontres, d’échanges et d’organisation les 1er et 3ème lundis de chaque mois au Rémouleur.
L’après-midi, de 16h30 à 19h30 : c’est l’occasion de partager des informations sur le devenir de son logement et du quartier. De trouver des réponses collectives.
Le soir, à partir de 19h30 : une réunion permettra de faire ensemble le point sur l’avancée du projet et des problèmes qu’il entraîne ; de lutter contre la hausse du coût de la vie, des loyers, contre le départ forcé des quartiers où nous habitons...
Contact : degage-onamenage AAA riseup.net
Les permanences « Sans papiers : s’organiser contre l’expulsion »
Tous les 1er samedi du mois, lors des permanences vous pourrez discuter et rencontrer des personnes ayant participé à la brochure : « Sans papiers : S’organiser contre l’expulsion. Que faire en cas d’arrestation ? », disponible sur http://sanspapiers.internetdown.org (brochure en cours de réactualisation du fait de nouvelles lois sur l’immigration). Il s’agit d’un guide pratique et juridique, écrit à partir d’expériences de luttes de ces dernières années, pour s’organiser contre les expulsions.
Ouverture d’une permanence « contre la psychiatrie »
Tous les derniers jeudi du mois, à 19h, il s’agit, à l’initiative du collectif Sans Remède, de créer un moment, un espace ouvert régulièrement où toute personne intéressée par la question de la psychiatrie pourrait venir, soit pour en écouter d’autres, soit pour poser des questions, soit pour s’exprimer elle-même…
Ce serait un lieu de rencontre, le lieu où une parole collective sur la psychiatrie pourrait s’élaborer, où un début de réappropriation sociale, et donc politique, de cette question pourrait exister.
Dans la médicalisation du monde qui se propage, le pouvoir psychiatrique est en première ligne. Comment résister – aussi – à la psychiatrie ? A chaque permanence, un minimum de support au débat sera proposé : du son, de l’image ou un exposé relativement court (ou une autre forme d’animation). Même si nous essayerons d’apporter des réponses aux questions concrètes, ou d’adresser à des interlocuteurs capables de le faire, cette permanence ne sera pas un lieu alternatif d’aide sociale. Pas plus qu’elle ne sera un lieu alternatif d’accueil ou de soins.
Contact : sans.remede AAA laposte.net
samedi 10 mars 2012
[Paris] Manifestation pour l'arrêt immédiat du nucléaire
«Un an après le début de la catastrophe»,
manifestation pour l'arrêt immédiat du nucléaire
Dimanche 11 Mars
Rendez-vous à 14h30 à la Gare du nord (Paris). Nous en avons fait l’affiche et voici un texte communiqué par l’Assemblée francilienne contre le nucléaire.
Nous étions jeunes quand la catastrophe de Tchernobyl a eu lieu. Nous avons grandi avec tous les cancers, toutes les malformations qu’ont encore à subir les populations de là-bas. Nous avons grandi avec cette idée que des pans entiers de territoires seraient sacrifiés, presque à jamais, pour les besoins de l’industrie atomique.
Nous aurions pu oublier cette catastrophe, oublier qu’un des 58 réacteurs français pouvait à son tour exploser, à Lyon, Toulouse, Paris ou Bordeaux.
Ce qui arrive aux japonais, nous arrive également. C’est notre bouffe qui est empoisonnée, ce sont nos frères et nos sœurs qui tentent d’atténuer les conséquences de la catastrophe en cours. Près de 400 000 personnes sont déjà intervenues sur les réacteurs de Fukushima-Daïchi — ce sont nos amis, nos proches, qui sont voués à mourir à petit feu. Les frontières, les milliers de kilomètres ne sont pas des obstacles à notre empathie. Il n’y a pas d’exotisme de la situation japonaise : car c’est une société nucléarisée, comme la nôtre.
Le fonctionnement ordinaire de l’industrie nucléaire exige déjà, ici, des sacrifices humains. Nous ne pouvons nous empêcher de penser aux travailleurs précaires du nucléaire, aux cheminots qui convoient les trains de matière radioactive, à leur exposition constante aux rayonnements ionisants. En France nous parlons au bas mot de 30 000 personnes. La catastrophe ne fait qu’élargir le nombre de personnes affectées.
Avec Fukushima, une brèche ne s’est pas seulement ouverte dans les réacteurs. Elle s’est ouverte aussi au fond de nous, résonnant avec l’horreur, nous poussant à agir, tenter de lutter. Nous ne parlons pas en experts, en spécialistes de la chose, ce que nous ressentons est des plus commun : peur et colère. L’urgence devient vitale. Souvent, l’impression qu’aucun changement n’est possible nous tétanise. L’industrie nucléaire a pourtant une infrastructure publique et privée. Elle porte le nom d’Areva, Vinci, Bouygues, GDF-Suez, EDF, du CEA, de l’école des Mines. Des noms familiers, des noms que l’on retrouve facilement ailleurs. Oui, le nucléaire est une affaire d’experts qui font sereinement des plans du haut de leurs tours. La tranquillité du débat français — qui porte essentiellement sur la manière dont l’économie française pourra supporter le passage à d’autres techniques de production d’électricité — a quelque chose de surréaliste. Les apprentis-sorciers de l’économie discutent gentiment avec les savants fous du nucléaire. Avec eux, tout est hors contrôle.
Nous, pas plus que nos parents, n’avons choisi ce délire. La lutte contre le nucléaire, son histoire, s’inscrit, en revanche, dans cette volonté de faire valoir notre capacité commune à discuter explicitement de nos besoins et à inventer nos manières d’habiter, de partager, de travailler, de vivre.
Aujourd’hui, l’avenir que projette toutes les élites est celui d’un capitalisme vert, austère, sécuritaire, aux frontières fermées. Une pression jamais égalée sur les individus est la seule réponse qu’autorise l’économie délirante. Nous refusons de peser nos poubelles, de contrôler nos voisins, de devenir les managers stressés de notre capital humain et écologique. Nous voulons que s’organise la rupture avec un système qui se nourrit de la concurrence de tous, de surconsommation et de toujours plus de destruction. C’est ce système qui est parasite : pas la solidarité, l’entraide et la construction consciente.
Malheureusement, face à la crise économique et écologique, nous réagissons massivement comme des bêtes qui voudraient traverser un autoroute : fascinés par les phares, nous attendons d’être écrasés. En ce moment, comme d’autres, nous nous demandons comment détourner le regard et bâtir une passerelle.
Ce qui se passe en Grèce ces jours-ci, le cynisme avec lequel, au Japon, la continuité de l’économie a été privilégiée sur l’évacuation des populations devrait tous nous inciter à essayer de reprendre prise sur la situation qui nous est faite. Il est grand temps de rompre avec une économie qui ne survit que par l’endettement. Endettement vis-à-vis du futur ; endettement vis-à-vis de la nature. Car nous payons sans cesse la note.
Nous n’avons pas de solution miracle. En revanche nous savons que la première nécessité est celle de la solidarité. D’une solidarité qui permette de mieux articuler — au lieu de les opposer — les sabotages, les actions de masse et la réflexion sur d’autres modes de production. Se redonner du courage, à travers des actions et un soutien inconditionnel de tous, pourrait nous permettre de sortir de l’impasse présente. Ce qu’il s’ est passé à Valognes nous l’indique, ce qu’il se passe au Japon l’exige de nous.
Pour le 11 mars, nous appelons, à Paris, à une manifestation qui partira de la gare de Nord à 14h pour dénoncer les convois de trains de matières radioactives traversant fréquemment la région parisienne. Nous appelons ceux qui le veulent à s’habiller de tenues blanches et de masques blancs, à se parer de tenues qui évoquent celles des nettoyeurs anonymes employés dans les centrales nucléaires, de Fukushima à Paris.
A l’appel de l’assemblée francilienne contre le nucléaire
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dimanche 4 mars 2012
"Bourgeois, j'ai la dalle... J'en deviens cannibale"
Quelques réflexions sur les cantines populaires et collectifs de redistribution
Depuis plusieurs années, en france, avec des noms différents (food not bombs, food not cops, cuisines et cantines populaires de tel ou tel lieu, Quartier Libre) des collectifs autonomes de cuisine et de redistribution de nourriture, parfois vegans (mais aussi de vêtements et d'autres objets) se sont montés un peu partout de manière à peu près constante et presque toujours avec un discours critique sur le capitalisme, le gaspillage et la situation qui fait que sans nécessairement être à la rue ou vraiment dans la galère, on manque parfois de thunes pour se payer à bouffer au quotidien. Souvent, ces collectifs ont disparus, ou sont dormant avant de réapparaitre lorsque de nouveaux se créent.
On peut voir ces initiatives comme une simple forme quasi-instinctive d'entre-aide entre prolétaires, ou de tentative de s'organiser à partir d'une thématique de la vie quotidienne et d'une manière conviviale, qui sorte du traditionnel train train militant. Une façon aussi, peut être, de poser la question du pourquoi. Pourquoi manger serait-il payant ? Pourquoi est-ce que ça devrait se confiner au foyer, à acheter ses courses, à l'envisager seul, chez soi ou dans sa petite cuisine individuelle ou "co-locative" ? Pourquoi est-ce que ça ne pourrait pas être quelque chose qui soit régulièrement collectif et gratuit (ou pas conditionné par un prix) ?
Ces collectifs de redistribution ont été parfois l'occasion de poser cette question du repas comme une question centrale de la vie sociale à la fois parce que manger est un besoin vital, mais parce que le partage communautaire (on songe aux images de grande bouffe ou de "communion") de ce moment possède une dimension sociale universelle et aussi une "mystique". Non pas au sens religieux du terme, mais en ce sens que de manière presque invisible et sans qu'on le réalise toujours, un nombre incroyable d'habitudes et traditions séculaires et même ancestrales (de la façon de manger à table ou du phénomène des langues qui se délient) se transmettent de générations en générations, de parents à enfants, mais aussi entre ami-e-s, collègues, camarades, et même "ennemi-e-s". La figure bien connue du repas qui rassemble au sens d'une même famille ou d'une bande, des gens qui ne se supporte pas revient fréquemment dans la culture populaire (au cinéma, ou dans les livres).
La cantine de quartier ou le repas collectif gratuits sont en quelque sorte des moments de communisme qui perdurent ou surgissent parfois même lorsque toute la vie sociale est gangrénée par la mentalité capitaliste et le replis individuel, et qui se manifeste aussi dans des moments où la vie d'un quartier ou d'une petite ville (ou même en général) devient particulièrement difficile (hausse des prix, des loyers, expulsions, licenciements, coupes d'aides sociales, etc...). C'est un moment de communisme aussi en ce sens que c'est parfois l'occasion de partager tout les processus de la "bouffe" et où tout le monde peut participer à des degrés divers à toutes les étapes : ramener les aliments, les couper, les préparer, les cuisiner, les assaisonner, les servir, les manger puis laver et ranger le matériel et les couverts.
Souvent aussi, ces collectifs n'assurent pas ou plus (par manque de lieu et de temps, ou de volonté...) cette dimension "communisante" d'une participation totale à la bouffe et à ce qui l'entoure. Ils transforment alors souvent ce moment de redistribution en une sorte d'agora en modèle réduit ou de "marché gratuit" (bien que l'expression prête à l'oxymore) où tout le monde est invité à ramener des vêtements, des livres, des revus, des brochures, ou d'autres affaires pour les partager ou les "échanger".
La discussion joue aussi un rôle déterminant, car elle permet de briser cette séparation entre les "nouveaux", les passant-e-s et ceux et celles qui organisent. Ce peut être une réunion plus ou mois formelle, un petit rendez vous autour d'un verre ou simplement le moment où on se demande "qu'est-ce qu'on fait la prochaine fois ?" et "comment ?". Souvent aussi, ce aspect non-excluant est négligé au profit d'une spontanéité idéalisée et qui vient rarement. Peut être parce qu'il ne suffit pas d'écrire une bafouille dans un tract ou de se reposer sur la bonne volonté des gens qui débarquent. Peut être aussi parce qu'il faut se donner envie, et se retrouver pour discuter, mais aussi que certaines choses ne passent pas à l'écrit ou même avec des paroles.
Les "restos du coeur" et la tentation misérabiliste...
Une critique qui a souvent été avancé face a ces collectifs est l'accusation de tomber dans une démarche humanitaire qui n'a en gros plus grand chose à voir avec une sorte d'idéal de la cantine populaire où tout le monde participe, ramène, donne, échange, cuisine, festoie, et aide à ranger ou avec la lutte ou l'action directe, mais plus avec une sorte de soupe populaire du secours catholique ou des restos du coeur.
Mais si parfois cette accusation de démarche "humanitaire" à destination des "pauvres" a pu être gratuite ou une manière un peu simpliste de tout rejeter en bloc, elle se vérifie en effet lorsque ces initiatives se limitent à une dimension distributive. Parce que cette situation perverse confine à la passivité, fait que les "prestataires" et les "servis" s'auto- entretiennent dans un rapport de dépendance mutuelle et peut aussi participer à donner aux prolétaires l'apparence de dépossédés frappés d'une sorte de malédiction éternelle et sans causes, ou qui auraient fait veut de pauvreté et qu'on vient servir. C'est l'écueil le plus dramatiquement prévisible dans lequel tombe parfois des initiatives à la base beaucoup plus sensées parce qu'offensives dans leurs discours et leur démarche, et radicales dans leur manière de faire.
Afin de ne pas sombrer dans ce travers "humanitaire", on ne devrait jamais oublier que la lutte fait parti de l'entraide comme l'entraide fait parti de la lutte.
Mais aussi refuser le rôle de prestataire.
Au delà du seul discours accusant le capitalisme, le gaspillage ou la "pauvreté", c'est évidemment la démarche qui est au coeur du sens des cantines populaires, ou de la redistribution politique de vêtements, d'affaires et de nourriture.
Se réapproprier, pour quelques heures, ou pour quelques minutes une rue, une place ou un trottoir permet d'arracher la rue à la marchandise et aux flics, et offre une belle occasion de pointer du doigt et de lutter pelle-mêle contre la présence policière et ses petits harcèlements quotidiens, les rafles de sans-papiers, les coups de pression, les contrôles en tout genre, le pourquoi de cette "mixité sociale" qui se traduit à chaque fois par une chasse aux pauvres (la gentrification), et donc la politique de la ville, pas seulement "la spéculation", mais les investisseurs, l'embourgeoisement des quartiers populaires, l'urbanisme et la "rénovation" urbaine, et par conséquent l'augmentation constante et effrénée des prix des produits de première nécessité, des loyers et du reste... etc.
Bref, en y réfléchissant un peu, ce type d'initiative peut participer pleinement à monter une véritable ligne de front contre le capitalisme et l'Etat dans la vie d'un quartier, contre sa réalité dans le quotidien et qui peut faire sens dans la vie d'un peu tout le monde.
A condition donc de repenser la redistribution comme un moment inclusif et qui pousse à la participation (et non pas comme un "service excluant"), et qui permette de construire de l'autonomie : c'est à dire de s'organiser de manière horizontale ou d'apprendre à le faire, d'échanger des pratiques, du sens critique, des façons de faire et des savoirs en tout genres (de la recette de cuisine au rudiments du bricolage) au travers de brochures, ou simplement de discussions, et de moments de vie passés ensemble. A condition aussi de développer un discours offensif et en adéquation avec cette démarche, et ne pas rester dans le mutisme de "l'action se suffisant à elle même".
Pour tenter de créer avec peu de moyens des espaces et des instants non-marchands de manière chronique et même régulière comme autant de brèches dans le quotidien capitaliste, où on puisse recommencer à regarder ceux et celles qui nous entourent comme nos égaux ou nos égales, presque comme des complices, et d'élaborer la suite...