LA MUSIQUE INDUSTRIELLE : MUSIQUE VIOLENTE CONTRE UNE SOCIETE VIOLENTE
Le style de musique "indus" est contemporain du punk, mais beaucoup moins connu.
Il apparait à la fin des années 70. Et les groupes et leurs styles sont assez variés, voir radicalement différents parmi lesquels la noise qui comme son nom l'indique est une musique ultra-violente et utilisant une imagerie extrême avec des vocaux saturés et scandés.
De 1979 à 1981, des groupes tels que SPK, Throbbing Gristle, The Haters, Front 242 et Einsturzende Neubauten initient le genre.
D'autres styles suivront parmi lesquels le dark folk, l'ambiant, le metal industriel, ou encore la techno industriel (dont le style "digital hardcore" du collectif Atari Teenage Riot est incontestablement héritier, entres autres influences - voir leurs clips "Waves of disaster" ou encore "Revolution/Action!" ).
La plupart des pioniers du style ont pour inspiration, entre autre, les réflexions des futuristes italiens du début du siècle et leur "Art du Bruit", ou encore les expérimentations sonores de John Cage dans les années 50. Néanmoins et contrairement à un préjugé sur le genre : "l'Indus" (à l'opposé de la tradition artistique futuriste et son lien incestueux avec le fascisme) ne fait pas l'éloge de la ville moderne et de la société industrielle : elle en est une critique virulente. Du futurisme, le style musical ne retiendra que l'idée d'expérimentation technique et esthétique.
Pour ceux et celles qui adoptent ce style et le développent dès le début des années 80, c'est l'expression pure du rejet des idées et du style de vie d'une société fondée sur la compétition, la normalisation, le culte de l'apparence et l'obligation de se créer une "image" pour exister, et ainsi l'idéologie de la réussite sociale et le consumérisme que nombre de ces groupes moquent dans leurs compositions ou condamnent simplement par leur manière même de faire de la musique : le rejet des instruments traditionnels et des rythmiques "lisses" et "dansantes", mais aussi un attachement à l'anonymat et au boycott des grands circuits de distribution pour l'essentiel des groupes dès le départ. C'est aussi une réaction au milieu musical des 70's, dominé par une musique sans âme, de laquelle on exige qu'elle soit agréable et audible mais aussi souvent excessivement technique (afin d'en faire des "produits de consommation exceptionnels") et totalement gangrénée par le star-system et les exigences de l'industrie du disque.
Surtout, pour beaucoup de groupes, c'est l'idée que la société est violente, et que par conséquent la culture est violente. Qu'ainsi, la révolte elle même, jusque dans les arts ne peut être que violente. C'est pourquoi la musique industrielle assume, d'une certaine manière, un encrage dans son temps : à l'inverse d'une culture dominante qui n'exprime à la même époque que la "joie de vivre" ou dissèque ses états d'âme et ses petites histoires, occultant ainsi toute la négativité sociale sous-jacente à la vie telle que la décrivent les punks quelques années auparavant.
Enfin : même si certains groupes d'indus se sont illustrés par leur élitisme (obsession pour la provocation gratuite et de la confusion, alliée à de purs opérations marketings - vente de disques "collectors" à des prix inaccessibles) : parce qu'il s'est développé notamment dans les squats et les espaces occupés destinés à accueillir temporairement des évènements musicaux (précurseurs des Zones d'autonomie temporaires et autres Free Party), et bien que résolument underground, le style industriel s'est démarqué aussi par une volonté d'offrir des expériences sonores gratuites et en dehors de tout réseaux marchands mais aussi, pour une large partie de ce mouvement, le rejet du fascisme (à une époque de poussée de mouvements d'extrême droite, et notamment en Europe, se présentant comme "jeunes", "rebelles" et "subversifs") et de l'utilisation irresponsable de leurs différents symbôles par certains groupes, traduction de leur ambiguïté politique ou de leur simple volonté de choquer gratuitement. Même si certains groupes s'en sont toujours défendus en assumant une démarche visant à pousser les gens à la réflexion positive sur la démocratie, la manipulation de masse et plus généralement le monde qui les entoure.
"Si votre seul désir est d'attirer l'attention des gens en dehors de la télévision vers la réalité pour montrer à quel point ce monde est une honte, alors le nihilisme correspond à cette démarche. La sombre attitude adoptée par la plupart des artistes industriels représente une expression de mécontentement difficilement récupérable par la pensée dominante, comme le fut le mouvement punk, par exemple. Mais il est aussi discutable que cela ait aboutit à quoi que ce soit. Une critique négative ne peut jamais être satisfaisante."
Brian Duguid, in "La face hideuse de la liberté".
Un pionnier du genre : "Einsturzende Neubauten":
Littéralement "Bâtiment neuf qui s'effondre". Einsturzende Neubauten est un groupe fondé en 1980 qui initie le style de musique industriel en Allemagne. Toute leur sonorité est composée au départ avec des instruments créés à partir de récupération, de tronçonneuses et autres outils ou objets détournés de leur usage premier. C'est une musique volontairement bruitiste et souvent angoissante. Au départ, ses membres sont notoirement proches de l'esprit des squats autonomes dans lesquels il se produisent et du milieux anarchiste allemand.
Leur chanson "Hamletmaschine" ("Machine Hamlet") est dans ses paroles assez éloquente au sujet de cette angoisse provoquée par les grandes villes, leurs mode de vie, la folie, la souffrance et la révolte ainsi engendrée.
Paroles traduites de l'allemand :
"Ici Electra. Au coeur des ténèbres. Sous le soleil de la torture.
Des métropoles du monde. Au nom de toutes leurs victimes. J'expulse toute la semence
que j'ai reçu. J'étouffe le monde auquel j'ai donné naissance entre mes cuisses.
Je l'enterre dans ma croupe. A bas la joie de l'oppression !
Vive la haine, la répugnance, la rébellion, la mort.
Quand elle marchera dans ta chambre à coucher avec ses couteaux de bouchers,
tu découvrira la vérité"
Le cri du dodo
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire