"L'assemblée est notre arme fondamentale"
les émeutiers de Forjas Mavens, printemps 1976
Depuis la fin de la guerre civile, une idée devenue pratique fait son chemin en Espagne. Dès les premières grèves sauvages sous le franquisme, les prolétaires espagnols se sont organisés en assemblée. Si l’on peut en trouver l’origine dans une tradition libertaire chère aux Espagnols, elle ne peut expliquer à elle seule l’émergence de la pratique assembléiste dans le mouvement social de ce pays. Les conditions qui ont présidé à l’écrasement du mouvement révolutionnaire espagnol ont contraint les prolétaires à se donner des formes de lutte spécifiques, à défendre l’idée de l’assemblée comme seule organisation possible de la communication, sans laquelle ils ne pouvaient agir. C’est essentiellement le travail qui rattache les pauvres à la société civile, mais sous Franco, c’était brutalement, sans intermédiaires, sans marchandages ni négociateurs. C’est la mise au travail forcé qu’il avait imposé à toute l’Espagne.
Comme l’affirment encore aujourd’hui de nombreux espagnols : « il fallait travailler, mais pour rien ». Peu de choses ont filtré de cette époque, l’État franquiste imposant le silence sur l’insubordination quasi-permanente, en même temps qu’il cherchait à imposer la terreur. À différentes reprises, ce fut la guerre ouverte contre l’État, l’armée dut s’emparer des rues, pour éviter que la population elle-même ne s’en empare. La masse des travailleurs était soumise à des conditions d’exploitation draconiennes, et le mépris avec lequel elle était traitée, était sans limites. En Espagne, plus que nulle part ailleurs, les formes de représentativité politique ont été mises à mal. Plus qu’ailleurs, ce qui parle et se meut au nom de la légalité a trouvé peu d’écho chez les pauvres. Des leçons tirées d’un affrontement direct et permanent pendant près de 40 ans contre l’État, les prolétaires espagnols en ont déduit une nécessité subjective de communiquer entre eux sans intermédiaires. La pratique assembléiste de réunion, discussion, de décision au moment d’une grève constitue tout le contraire du recours systématique à la médiation syndicale, et en cela contient une richesse spécifique aux luttes sociales en Espagne. L’assemblée est un « instrument de lutte, un extraordinaire forum d’agitation, l’assemblée rend possible la participation active de tous les travailleurs dans les décisions » ( Accion comunista, avril 65).
Ailleurs dans le monde, ou du moins en Europe, il y a eu de nombreuses grèves sauvages, avec assemblées ou conseils d’usine, mais jamais la communication ne s’est organisée systématiquement de manière clandestine et autonome comme dans les assemblées espagnoles. Lorsqu’un conflit éclate, les prolétaires espagnols ont toujours dans la tête l’idée de l’assemblée. Ceci se traduit encore aujourd’hui par une défiance historique à l’encontre du syndicalisme. On n’entendra jamais un ouvrier espagnol dire, comme on a pu l’entendre en Angleterre de la bouche de gens pourtant très combatifs : « Le syndicat, c’est nous ! », «Tout le pouvoir aux assemblées », disait-on en 76/77 dans les multiples grèves assembléistes qui éclataient dans toute l’Espagne. En assemblée, tout ce qui est dit et fait appartient au public. Le public, c’est d’abord le public au moment où il se constitue, c’est de sa propre réflexion qu’il puise sa force et son besoin de s’étendre en se généralisant à la société toute entière. De 76 à 78, les assemblées se sont généralisées en Espagne, elles se sont formées pour imposer un rapport de force au reste de la société. Tout au long des années 30, la bourgeoisie en Espagne en est encore à essayer de faire sa propre révolution. Trois obstacles s’opposent au projet de la bourgeoisie de créer un État démocratique suffisamment fort : la concurrence à laquelle se livrent entre elles les différentes bourgeoisies régionales, l’Espagne conservatrice et latifundiaire accrochée à ses privilèges traditionnels et hostile à toute ouverture sur le marché mondial, et un mouvement ouvrier particulièrement rebelle. La république espagnole est faible. L’État espagnol en est encore à espérer concentrer sur lui l’intérêt général. Les différentes bourgeoisies libérales s’attaquent en ordre dispersé à l’Espagne traditionnelle dont les intérêts sont depuis toujours protégés par l’armée. Pour elles, une seule solution : faire participer les pauvres à la défense de ses propres intérêts — c’est ce à quoi elles vont s’atteler, recevant l’appui attendu des bureaucraties syndicales.
La CNT, dès 37 prônera la « syndicalisation de la production », c’est-à-dire la cogestion de la république bourgeoise. Le mot d’ordre CNTiste « d’abord gagner la guerre, la révolution ensuite », sera repris immédiatement par la bourgeoisie qui y retrouve tout son intérêt : faire taire la révolution, puis lier le sort des pauvres à son propre sort. Avec la victoire du franquisme, le projet démocratique de la bourgeoisie libérale de reconnaître aux pauvres une participation à la société civile, va être repoussé pour plusieurs décennies. La société civile et l’État se retrouveront confondus dans la bureaucratie phalangiste. Sous Franco, il n’est reconnu aux travailleurs aucune existence civile. Ils n’ont aucun droit, seulement le devoir de travailler. L’État franquiste survivra grâce à un apport massif de capitaux venus des démocraties occidentales. En échange de ces investissements, il garantissait l’ordre, la stabilité sociale qu’il se chargeait d’assurer par la force militaire. C’est la fraction technocratique, moderniste de l’État, les membres de l’Opus Dei qui, dès 1957, furent les maîtres d’oeuvre du développement industriel. Ils s’opposèrent par leur projet de modernisation du Capital aux réflexes d’autarcie encore en vigueur dans la classe politique, mais s’accommoderont très bien au régime franquiste puisqu’ils avaient besoin d’un État fort. Ainsi, c’est avec la plus grande rigueur qu’ils imposèrent leur plan de développement. Une loi contre la grève fut votée, le plafond des salaires maintenu très bas (déjà en 39, l’État franquiste avait ramené les salaires à ceux de 36), afin de faire de l’Espagne un véritable paradis pour les capitaux, en attirer toujours plus. Dans les années 50 et 60, les luttes ouvrières prennent nécessairement la tournure d’un conflit social ouvert contre l’État. Sous le franquisme, n’existe pas la médiation du Droit entre le travailleur et la société civile.
L’État concentre sur lui l’activité politique et donc syndicale. Ces conditions vont elles-mêmes déterminer une forme d’organisation des travailleurs spécifique du mouvement social espagnol. Tout l’arsenal juridique dont se munissent les démocraties occidentales, et qui va aboutir à l’intégration du mouvement ouvrier à la société civile, ne se développe pas dans l’Espagne fasciste. Sous Franco, il n’existe ni droit au travail, ni droit d’association pour les ouvriers, ni droit de grève, et ceux dont le rôle est habituellement de revendiquer et défendre ces droits, les syndicats, n’ont eux-mêmes pas le droit d’exister. La grève est illégale, considérée comme acte de guerre contre la société civile et réprimée comme tel. Les travailleurs quand ils s’organisent pour une grève, sont traités par l’État en ennemis intérieurs auxquels il faut appliquer les lois de la guerre. Fin 61 par exemple, des ouvriers occupent les ateliers du chemin de fer à Beassain au Pays Basque. Deux jours après, la Guardia Civile intervient pour les faire évacuer et tire. Toute la population de la ville se soulève alors. Une importante vague de grève comme il n’y en avait pas eu depuis 25 ans envahit le pays, principalement dans les chantiers navals de Bilbao et dans les Asturies. De nombreuses augmentations de salaire sont concédées. Par contre, l’état d’exception est déclaré dans le Nord du pays, et des « droits spéciaux » accordés aux flics. Après de nombreuses arrestations, une loi interdit notamment de changer de domicile pendant deux ans. Comme la grève est illégale, l’ouvrier qui se met en grève est hors-la-loi. Il est considéré comme un bandit. Nombreuses sont les assemblées de grévistes qui doivent se tenir clandestinement dans les forêts, ou la montagne. Les travailleurs ne se soucient pas du Droit, ils n’ont rien à en attendre. Alors que la grève est illégale, ils y ont sans cesse recours, massivement. En 58, par exemple, après le licenciement de six mineurs dans les Asturies pour cause de « production insuffisante », une vague de grèves va s’étendre à tous les centres industriels du pays. 25 000 ouvriers à Barcelone (SEAT, Pegaso, Hispano Olivetti...), arrêtent le travail, sans aucune revendication, hormis la solidarité avec les autres grévistes. Les travailleurs, n’ont pas d’autre choix à l’époque que le syndicalisme d’État ou la grève sauvage. Ils ne disposent d’aucune représentativité politique, puisque les syndicats ouvriers sont interdits. La seule forme de représentation syndicale est concentrée dans le CNS, syndicat vertical corporatiste créé en 40 par Franco dans le cadre de la « charte du travail », établie sur le même modèle que celle de l’Italie mussolinienne : «À travers le syndicat, c’est l’État qui prendra soin de savoir si les conditions économiques et de tous ordres dans lesquelles s’effectuent le travail, sont celles qui également correspondent à l’ouvrier. » (Article 3 de la charte du travail) Les quelques tentatives franquistes de lâcher un peu de lest dans la législation du travail et qui évidemment succèdent à des périodes de grèves et d’agitation sociale, seront systématiquement boycottées par les ouvriers qui se refusent à envoyer leurs délégués pieds et poings liés servir de caution à l’État. Ainsi, toutes les réformes qui sont tentées pour intégrer les travailleurs à l’activité syndicale du CNS échouent. Ils n’iront pas participer aux « élections libres des délégués d’entreprise »(loi de 57), et refuseront la proposition qui leur est faite de prendre part aux discussions sur les « conventions collectives » (selon la loi de 58). Seuls les bureaucrates syndicaux des CCOO, USO, etc., contraints à l’époque à la clandestinité politique tenteront afin d’avoir quelques pouvoirs, de s’infiltrer par le biais de ces lois dans le syndicat vertical franquiste. La lutte politique que mènent dans ce but les syndicalistes, se développe déjà à côté de la lutte réelle que mènent les prolétaires en s’affrontant directement avec l’État.
Sous le franquisme, tout le processus d’intégration du mouvement ouvrier à la société civile se trouve bloqué.
Les grèves, pendant toute cette période ne sont jamais lancées à l’initiative d’un organe politique ou syndical. Les revendications, lorsqu’il y en a, portent toujours sur le salaire, les conditions de travail, la réintégration d’un ouvrier licencié. Elles ne se fixent jamais un but politique. Cette activité est délibérément laissée à d’autres, et toute agitation politique est systématiquement boycottée (1). Il n’était pas question de se faire connaître, les leaders déclarés étant immédiatement pris en otage et envoyés en prison, ou bien même assassinés. Il ne fallait laisser aucune prise supplémentaire à la répression. Toutes les organisations politiques étaient dans la clandestinité politique ; les travailleurs eux, durent faire l’expérience de la clandestinité sociale. L’État n’a pas de représentants chez les pauvres. Un vide est ainsi créé entre les travailleurs et la société civile. C’est de ce vide que naissent les assemblées : les travailleurs définissent par eux-mêmes les conditions de la communication. Ils ne se donnent pas d’autre médiation que celle du libre bavardage. En assemblée l’insatisfaction des prolétaires devient elle-même indivisible dans l’affrontement constant qu’ils mènent contre l’État. Par exemple, en 65, dans les Asturies, le commissariat de Mieres est attaqué au moment d’une grève. 8 000 mineurs avaient convergé de diverses localités de la région pour tenir une assemblée dans la maison des syndicats. La police qui avait ordre d’empêcher tout rassemblement arrête 15 personnes.
Le commissariat est pris d’assaut, mis à sac et les 15 mineurs libérés. À la fin des 60’ et pendant les 70’, le principe assembléiste de décision collective et sans intermédiaire va se développer et se retrouver au centre de tous les conflits importants. En 67, à Echevarri (Pays Basque), 560 ouvriers des Laminacion de Bandas en Frio (sidérurgie), se mettent en grève contre la diminution des bonus et occupent l’usine. Des assemblées se tiennent quotidiennement pendant 163 jours avec l’ensemble de la population. La Guardia Civile finit par évacuer l’usine après de violentes bagarres. Des grèves de solidarité avec assemblées éclatent dans toute l’Espagne (dans la métallurgie, les transports, les mines, le textile), pour des augmentations de salaire ou les conditions de travail. Le 27 janvier 67, 30 000 personnes affrontent la police au cours d’une manifestation près d’Echevarri et des ouvriers arrêtés seront même libérés par la foule qui parviendra à désarmer les flics. Début 72, à El Ferrol (Galice), une grève est déclenchée dans les chantiers navals en refus de faire des heures supplémentaires. Six ouvriers sont licenciés. De violentes bagarres s’ensuivent, qui mettent les flics à nouveau en prise à toute la population. Les affrontements s’étendent jusque dans les usines du port, et prennent une dimension telle que la police est forcée de se retirer dans les casernes. Le 10 mars, les émeutiers sont maîtres de la ville pendant quelques heures. L’armée et trois navires de guerre doivent contourner la ville et bloquer l’entrée du port, craignant que les ouvriers ne s’emparent des armes présentes dans tous les arsenaux. Après qu’ils aient été vaincus, l’état d’exception fut déclaré et les ouvriers placés sous statut militaire, la marine faisant régner l’ordre dans les chantiers ainsi que dans la ville. La succession des conflits dans les 60’ et 70’ montre à quel point la législation contre la grève est annihilée dans les faits. Si la grève reste toujours un délit et est souvent réprimée durement, le recours massif et imprévisible qui en est fait, n’a jamais pu être empêché. C’est pourquoi, le 22 mai 1975, la réalité faisant pression, un décret de loi légitimise le recours à la grève, afin de tenter de mieux réguler le déroulement des conflits. La grève cesse d’être un « délit en soi » à condition qu’elle ne dépasse pas les limites de l’entreprise (afin d’éviter le débordement dans la rue et le contact avec le reste de la population), et qu’elle ne soit pas une grève de solidarité.
Ce processus de « libéralisation » formelle entamé par Franco juste avant sa mort ne pouvait qu’avaliser une liberté qui se prenait dans les faits et bien plus largement. Au cours des 70’, l’indiscipline des ouvriers allait toujours en s’accroissant. Les licenciements et les sanctions étaient refusés agressivement et soulevaient d’interminables grèves de solidarité. Les augmentations de prix provoquaient des mobilisations importantes. Tous ces mouvements étaient réprimés violemment. La répression, lorsqu’elle s’abattait quelque part, entraînait soit une résistance accrue qui s’étendait à toute une population, soit elle suscitait la colère ailleurs et le mouvement s’amplifiait. L’assemblée qui se formait dans chaque conflit était l’élément négatif qui activait la communication, et sur laquelle l’État n’avait aucun contrôle. De cette agitation quasi-permanente, le Capital espagnol commençait sérieusement à pâtir. Le nombre considérable d’heures perdues dans les innombrables grèves mettait à mal de nombreuses entreprises. La chute des investissements sur le marché national fut brutale, surtout dans l’industrie. Les franquistes, sous la pression des technocrates bourgeois, s’ils voulaient que le pays redevienne compétitif sur le marché mondial devaient avant tout anéantir la résistance au travail qui se manifestait à travers la multitude de grèves, sabotages, absentéisme qui avaient émaillé les deux dernières décennies. L’État espagnol ne pouvait durablement s’imposer par la force. À partir de 76, il chercha à ce que les pauvres aient une participation démocratique à la société civile. Il avança l’idée que dorénavant, on pourrait « traiter » avec lui. Tout cela avait été depuis longtemps préparé en coulisse. La disparition de Franco tomba à pic, puisque la partie moderniste de l’État put faire coïncider spectaculairement la mort de cette vieille ordure avec le processus de « libéralisation » du régime. En 76, la grève était quasi-générale en Espagne. Partout des conflits éclataient, partout des assemblées se tenaient. Les pauvres organisés en assemblée se sont engouffrés dans la brèche laissée par l’État qui voulait se démocratiser, et ils ont vite vu de quoi il en retournait. Les mesures de blocage des salaires, les licenciements, l’armée toujours sur le pied de guerre, les prisons qui ne désemplissent pas... la réalité de la « libéralisation démocratique » est vite apparue.
En s’organisant en assemblée, ils mirent cette réalité en échec. L’État n’avait toujours pas d’autre recours que de réprimer violemment l’offensive qui s’affirmait dans la rue et les usines. La période de 76 à 78, couramment appelée «mouvement des assemblées », marque la généralisation à toute l’Espagne de la pratique assembléiste – principalement à partir de conflits industriels, mais aussi étendue à l’ensemble des conflits sociaux, qui prirent souvent dans cette période des formes de guerre ouverte contre l’État, et dans laquelle travailleurs, jeunes ou chômeurs-à-vie se sont retrouvés. Le coup d’envoi d’une grande vague de grèves est donné début janvier 76 par la grève qui se déclenche au métro de Madrid. Les dépôts sont occupés mais la troupe expulse. Des assemblées se tiennent dans des églises. La grève s’étend à tous les secteurs de la ville (l’imprimerie, l’enseignement, la santé, la banque...). À Madrid, il y a plus de 100 000 grévistes. Puis le mouvement s’étend à Barcelone, les Asturies, Valence, l’usine Renault de Valladolid. Des affrontements de rue ont lieu un peu partout. Les travailleurs du métro de Madrid sont forcés de reprendre le travail, placés sous statut militaire. À Valladolid, les ouvriers de Renault sont à deux reprises lock-outés. De nombreuses arrestations eurent lieu, et au total, 1 300 ouvriers furent licenciés. Au départ, il n’y avait eu aucune consigne générale de grève, mais elle s’est répandue comme une traînée de poudre. Là où les travailleurs furent forcés de reprendre, ailleurs, d’autres grèves se déclenchèrent. En septembre, la grève est générale à Tenerife, au Pays Basque, elle est générale dans les postes, dans la métallurgie à Sabadell, dans le bâtiment à Leon, et aussi à la Coruna, Burgos, Valladolid. Les grévistes à l’issue des assemblées, s’affrontent rapidement et souvent très durement aux flics. Au Pays Basque, la mort d’un travailleur met 600 000 personnes en grève qui ignorent l’appel à la reprise du travail des syndicats. En Vizcaya (province du Pays Basque), il est créé une coordination unitaire des assemblées d’usine composée de délégués révocables, représentant 12 000 personnes. D’un mouvement qui connut une telle ampleur et qui trouvait principalement ses origines dans des luttes d’ouvriers, il n’en sortit jamais un programme autogestionnaire du type de celui des conseils d’usines en Italie. La préoccupation centrale de ces assemblées se concentrait essentiellement sur la pratique même de la communication. La pratique des assemblées qui se généralisa à l’époque, comme unique forme d’organisation entre les prolétaires, allait de pair avec la généralisation du bavardage. Une véritable passion du dialogue s’y donnait libre cours. Les assemblées, on le sait, étaient ouvertes à tous, chacun pouvait parler de ce qui était fait ou restait à faire, et rapidement on en arrivait à parler de tout. La communication trouvait un prolongement pratique dans l’affrontement collectif contre les flics. À plusieurs reprises, un vent d’émeute souffla à partir des assemblées. À Vitoria, le 3 mars 76, après que les premières barricades furent édifiées dans le centreville, les flics se replièrent faute de renforts. Mais, les assembléistes se sentirent investis d’une telle force qu’ils en arrivèrent momentanément à en oublier l’ennemi. Ils allèrent assister à un meeting dans une église. À la sortie, désarmés, ils se firent mitraillés par les flics qui avaient refermé la nasse entre temps. Toute la soirée et la nuit qui suivit, les émeutiers se répandirent dans la ville et s’affrontèrent aux flics la rage au ventre. Il y eut de nombreux morts. La commission des travailleurs de Forjas Alavesas, qui avait déclenché la grève devenue générale à Vitoria, était forcée de conclure : «Le meilleur moyen de mettre fin à un conflit est de désarmer une des parties. Nous avons repris le travail sans obtenir satisfaction sur toutes nos revendications. D’abord parce que les mitraillettes nous y obligent. Et ensuite parce qu’ils nous ont désarmés, l’assemblée étant bien entendu l’arme fondamentale. » Dans toutes ces grèves, de l’Espagne de la fin des 70’, l’assemblée concentre tous les pouvoirs de décision. Les syndicats sont des corps étrangers à l’insatisfaction qui s’y exprime. La représentation syndicale est clairement rejetée.
En octobre 76, en Vizcaya, pendant la grève de la construction, les assemblées sont journalières et coordonnées entre les différents chantiers où se prennent des décisions discutées ensuite dans l’assemblée générale dont dépend la coordination entre tous les délégués, la commission de négociation, les piquets, la caisse de grève, la rédaction du bulletin de l’assemblée. Les syndicats y sont ouvertement traités en ennemis, et il leur est formellement interdit de prendre la parole, de distribuer des tracts, d’arborer leurs sigles et de collecter de l’argent pour la caisse de grève en utilisant leurs sigles. D’autres fois, comme à Leon à la même époque, des syndicalistes se sont faits purement et simplement démolir le portrait et expulsés de l’assemblée. À la Roca, Gava (Province de Barcelone), dans un conflit qui débuta en mars/avril 76, et qui dura jusqu’en décembre, les syndicats se retrouvèrent en dehors du conflit. En novembre/ décembre, une assemblée unique se tenait et regroupait environ 4 700 personnes. À la Roca, chacun se connaissait, ce qui élimina tout risque d’infiltration et de manipulation sournoise des syndicats. Ceux-ci ne purent faire autre chose que de condamner le conflit de l’extérieur, prenant position contre les assemblées et s’indignant de « l’intransigeance des ouvriers ». À plusieurs reprises, les flics intervinrent pour disperser les assemblées. À partir du 15 novembre pendant une semaine, elles durent se tenir dans le village proche ou la montagne. Le 17, un vote à main levée fut organisé pour élire une commission de négociation, dont 9 délégués sur 10 étaient des ouvriers licenciés – posant comme préalable la réintégration des licenciés et la libération des grévistes arrêtés. En assemblée, ils s’organisèrent pour former des piquets vers les autres usines de la région et aller corriger les jaunes et les mouchards. De nombreuses femmes et des centaines de jeunes se joignirent à eux. La consigne étant, comme à Vitoria, « tout le pouvoir aux assemblées », les syndicats durent unir tous leurs pouvoirs contre les assemblées. Ils firent de l’unité des travailleurs leur cheval de bataille, c’est-à-dire pour eux, l’unité des travailleurs derrière les syndicats, au moment même où certaines assemblées commençaient à se coordonner entre elles. Les staliniens, à travers les CCOO, durent abandonner dans un premier temps leur prétention hégémonique à la représentativité, et pour avoir plus de poids s’associèrent avec l’UGT et l’USO (chrétiens) au sein du COS (une sorte d’intersyndicale). Devant la promesse de leur reconnaissance légale par l’État, ils montrèrent très vite, dans les faits, que la condition sine qua non à cela était qu’ils contribuent à vaincre le mouvement réel. À la Roca, par exemple, où ils étaient rejetés de l’assemblée, ils réussirent à isoler le mouvement, à empêcher qu’il ne s’étende, suppléant par là l’action de la police qui encerclait les ouvriers dans leurs quartiers. Certains syndicats, comme les CCOO, la CNT... tentaient de se servir du prestige d’une clandestinité passée (et toute formelle après Franco) pour être acceptés dans les assemblées. Certains même n’hésitèrent pas à se proclamer assembléistes. Tout au long de l’année 76, il n’était pas rare de voir des syndicalistes proposer leurs services à la porte des usines. Mais, là où les syndicats ont pu pleinement exercer un rôle néfaste contre les assemblées, ce fut là où les assemblées s’avançaient en terrain ennemi : celui de la négociation. Dans l’assemblée s’organise la communication entre les prolétaires eux-mêmes. Il y parlent leur propre langue et il n’est question que de leur propre insatisfaction. Sur le terrain de la négociation, les assemblées, par l’intermédiaire des délégués, étaient forcées d’employer le discours de l’ennemi, celui du deal et des chiffres. Les commissions négociatrices, élues par les assemblées, n’étaient pas des organismes spécialisés dans la négociation, et la plupart du temps, elles étaient là sur un terrain glissant. Certaines assemblées, lorsqu’elles étaient réellement en position de force vis-à-vis de l’État auraient eu tort de ne pas en profiter pour imposer leurs exigences. La négociation n’était plus alors que le moment du rapport du force créé par l’assemblée. Et puis si les délégués de l’assemblée ne se montraient pas à la hauteur, elle pouvait toujours en désigner d’autres, représentants plus fermement sa détermination ! Un bel exemple de résultat négocié fut les 70% d’augmentation du salaire de base, obtenus en 76 à Valladolid par les ouvriers du bâtiment, à l’issue d’une grève avec assemblée. Par contre, la recherche d’une solution négociée en prolongement de ce qui avait motivé les assemblées, ne fit la plupart du temps que les affaiblir, servit aux syndicats à les isoler dans les intérêts particuliers à chaque conflit, et au final, à les faire disparaître une à une.
Cette tendance va s’affirmer plus particulièrement dans la création de commissions mixtes composées de délégués des assemblées et de représentants syndicaux. Dans cette formule bâtarde, l’assemblée se retrouvait uniquement en position de défensive à la table des négociations. L’intransigeance imposée par la force de l’assemblée dans un conflit, faisait souvent que les patrons refusaient d’engager des négociations. Ils ne voulaient pas des délégués élus par l’assemblée comme interlocuteurs. On ne peut s’entendre avec des sauvages, des irresponsables qui n’hésitent pas à appuyer leurs exigences par des moyens violents ! À ce moment-là, les négociations étaient bloquées. Les patrons envoyaient la Guardia Civile pour disperser les assemblées, ou bien alors une guerre d’usure s’engageait, le conflit s’éternisait. En dernier lieu, les syndicats s’offraient pour débloquer la situation et s’imposaient dans un ultime marchandage, négociant au rabais ce qui avait été avancé par l’assemblée. À Alicante, en août-septembre 77, plusieurs entreprises du secteur de la chaussure se mirent en grève pour soutenir les revendications que les travailleurs voulaient imposer dans la négociation pour les nouvelles conventions collectives qui devaient être votées en fin d’année. Le « vide syndical » avait été fait au sein des assemblées. L’assemblée générale des usines de Petrel, Elda, Manovar... exigeait 30 jours de congés payés par an, deux payes en supplément, 5 000 pesetas d’augmentation pour tous, des salaires égaux dans chaque catégorie, 100% du salaire en cas de maladie et les 40 heures par semaine. Les patrons se déclarèrent prêts à entendre ces exigences, mais envoyèrent les flics le 22 août. Des piquets de grève allèrent alors devant les usines de la région. Des assemblées permanentes s’ensuivirent matin et soir, auxquelles assistaient près de 70 000 personnes. Le 26, d’autres usines se joignirent à la grève (comme à Murcia, Albareta, Salinas).
En représailles, des usines furent fermées, beaucoup d’ouvriers licenciés. La presse condamna avec les patrons la présence dans les assemblées de nom breuses personnes n’ayant rien à voir avec le secteur de l’industrie du cuir. De même, ils s’indignèrent en coeur de la pratique du vote à main levée dans les assemblées. Le 3 septembre, des syndicalistes, en faisant miroiter des promesses du patron réussirent à faire voter la reprise dans plusieurs usines. Les autres durent céder par la suite. Non sans que la colère envers les syndicats n’en sorte renforcée. À Gava, les syndicats s’arrangèrent pour faire aboutir les revendications particulières des assemblées des entreprises de moindre importance qui s’étaient mises en grève pour soutenir celle de la Roca. L’assemblée de la Roca qui était la plus combative put ainsi être vaincue dans l’isolement le plus total. Au moment fort des assemblées, l’agitation a largement dépassé le cadre des entreprises et a atteint la société entière. À plusieurs reprises, une communauté d’intérêt entre les pauvres dans la société s’est clairement exprimée : à la Roca, une des exigences formulée en assemblées par les grévistes était celle de l’amnistie générale pour tous les prisonniers d’Espagne. Au moment où une forte agitation régnait dans les prisons, des assemblées se formèrent pour appuyer les mouvements des prisonniers demandant une amnistie générale, car jusqu’alors, seuls les prisonniers politiques en avaient bénéficié. Le 31 juillet 76, la prison de Carabanchel à Madrid s’était mutinée. Puis, avait recommencé le 18 juillet 77 suivie par celles de Yeserias, Badajoz, Murcia, Palma, Grenade, Séville, Oviedo, Barcelone... En août, les prisonniers de Malaga, Séville, Saragosse se révoltèrent aussi. En octobre des mutineries éclatèrent à nouveau à Bilbao, Cartagène, Segovie, Palma de Majorque... La 5ème galerie de la prison de Barcelone fut incendiée. En février 78, la prison de Malaga brûlera aussi. En 77, il y eut de violentes manifestations pour l’amnistie au Pays Basque et en Navarre, qui se soldèrent par six morts et de nombreux blessés. Une grève générale fut appelée en réponse, mais eut un faible écho hors du Pays Basque car partout ailleurs les syndicats s’arrangèrent pour l’annuler. Sous Franco, le risque de se retrouver en prison était un risque encouru par tous. Si à cette époque, le mouvement contre les prisons eut une telle ampleur à l’extérieur, c’est qu’aussi de nombreux travailleurs avaient eu à subir la sinistre expérience de l’emprisonnement, le seul fait de faire grève faisant d’eux des délinquants. Beaucoup se trouvaient d’ailleurs encore entaulés. Ce fut vraiment une révolte contre un sort commun qui s’affirma alors dans les assemblées. En 78, à Renteria (banlieue de San Sebastian), nous connaissons l’exemple d’assemblées convoquées par les habitants pour protester contre un plan d’urbanisation de la ville. Une nouvelle tour en plus de celles qui hérissaient déjà les collines environnantes devait être construite. Les habitants s’opposaient à cette construction car elle aurait entraîné une réduction supplémentaire de l’espace, en plus du bruit et de la saleté qu’auraient occasionnés les travaux. Tout le monde était farouchement contre et l’exprimait en assemblée. L’assemblée fut exécutoire : les plans de la tour furent dérobés, les fondations qui avaient été commencées sautèrent. C’en fut définitivement terminé pour le plan d’urbanisation ! Dans cette période d’agitation permanente, la nécessité se renforça pour l’État de civiliser l’insatisfaction des travailleurs réunis en assemblée, de ramener dans la légalité un mouvement qui en était si souvent sorti. À partir de 77, une avalanche de lois, de décrets, de réformes est produite en vue de préparer la signature d’un pacte social qui réunira tous les prétendants à la gestion du pays : le pacte de la Moncloa (en octobre 77). Ce pacte signé entre le gouvernement et les partis politiques, consacre le consensus social de la « nouvelle Espagne démocratique », une sorte de « compromis historique » à l’espagnol. Il se donne pour objectif de réunir toutes les conditions pour obliger les pauvres à se remettre au travail, par la mise en place d’un solide encadrement législatif. Ainsi, le pacte confirme officiellement la reconnaissance des syndicats. (Ils avaient déjà été légalisés en mars 77. En août, sans perdre de temps, ils participaient à une « commission mixte charger d’étudier le programme gouvernemental » avec les représentants de l’État, et à laquelle participaient les trois principaux syndicats : les CCOO, l’UGT et l’USO. Les partis politiques sont aussi légalisés. La grève sans préavis est autorisée mais doit être déclarée à l’initiative des « représentants légaux ». Il est interdit de faire des grèves avec occupation des locaux, de faire des grèves tournantes ou perlées considérées comme abusives. De plus, seules les grèves dites « économiques », sont autorisées (revendications de salaires etc.) et uniquement dans la période de renouvellement des conventions collectives... Les revendications peuvent être discutées en assemblée, mais sous le contrôle de délégués syndicaux élus pour l’occasion... Ce pacte prévoit en outre des mesures de durcissement des conditions d’exploitation, afin de récupérer les pertes occasionnées par les précédentes grèves, et maintenir le prix de la force de travail à un niveau suffisamment bas pour relancer les entreprises espagnoles et étrangères. Ainsi, les salaires furent bloqués pour cinq ans, et de nombreux licenciements prévus (2). Par le pacte de la Moncloa, l’État a précipité l’intégration du mouvement ouvrier en Espagne.
À ceci près que le rôle d’intermédiaire des syndicats entre les travailleurs et l’État dans ce pays, a été épuisé avant même qu’il ait eu le temps de s’exercer. Les illusions que les syndicats drainent encore ailleurs en Europe, comme défenseurs des intérêts des salariés, ont été ruinées très vite chez les travailleurs espagnols, par leur participation ouverte et accélérée aux affaires de l’État. C’est maintenant l’intérêt de l’État qui s’exprime sans ambages par la bouche des bureaucrates : il faut gérer le travail, il faut gérer ce monde. Aujourd’hui, et en particulier depuis que se sont fait sentir les effets du pacte de la Moncloa. Les syndicats espagnols ont autant de crédit qu’en avait le syndicat vertical franquiste : c’està- dire aucun. L’UGT est considérée pour ce qu’elle est, le syndicat d’État, chargé d’appliquer les mesures gouvernementales. Les staliniens des CCOO apparaissent vraiment pour ce qu’ils ont toujours voulu être, des gestionnaires actifs de la force de travail. L’offensive menée à son terme par l’État, et qui arriva après deux ans de lutte intense dans les usines et dans la rue, réussit à casser l’élan des assemblées. Seulement quelques grèves éclatèrent en réponse, mais furent peu suivies. De stupides plans « de reconversion » d’entreprises purent être appliqués, comme à la SEAT. De nombreuses assemblées avaient été écrasées militairement et n’étaient pas prêtes de se reformer. Mais ce n’est pas le moindre mérite des assemblées que de n’avoir laissé d’autre issue aux syndicats en passe d’être légalisés, que celle de prendre ouvertement position contre elles et pour l’État. Les assemblées ont précipité l’usure du syndicalisme en Espagne. Sous Franco, la dispersion des luttes était une force, le centre était nulle part car elles se développaient partout. Mais, dans la période qui suivit, au moment où les assemblées se sont multipliées, la dispersion a été la principale faiblesse du mouvement. Les quelques tentatives de coordination entre assemblées ont rarement dépassé le cadre inter-entreprises à l’intérieur d’une même région. Les prolétaires organisés en assemblée dans les années 76/78, ont continué de compter sur une propagation spontanée de leur révolte. Ils avaient le souci d’organiser la communication entre eux, et avec leurs alliés immédiats, mais n’ont pas organisé la communication de sorte à ce qu’elle s’empare de tout le pays. Il semble que les assembléistes espagnols à la fin des 70’ n’aient pas évalué la force immense qu’ils avaient entre leurs mains — et il suffit parfois de se représenter sa force pour en avoir alors davantage. La pratique de l’assemblée, ce qu’il y a de plus ancien, de plus ancré dans la lutte des prolétaires en Espagne, est au coeur du mouvement social européen comme ce qu’il y a de plus moderne. L’Espagne a enrichi le terrain des luttes sociales par l’expérience collective de l’assemblée et le principe assembléiste reste exemplaire pour toutes les luttes à venir dignes de ce nom. L’assemblée n’est pas le fruit d’un programme mais d’un besoin de publicité qui devient pratique. En 78, le mouvement des assemblées a été écrasé, mais le principe reste et agit, et ressurgit régulièrement au centre de certains conflits. En Europe, le silence a été généralement organisé et conservé sur les assemblées en Espagne, et principalement par les défenseurs habituels de la vieille classe ouvrière.
Ils se sont tus sur les assemblées car ils ne voulaient surtout pas ébruiter le caractère essentiellement non politique de ce mouvement. D’ici que cela se sache et qu’ailleurs dans le monde des prolétaires se le réapproprient ! Dans les années 77/78, le mouvement des assemblées a dépassé le cadre industriel qui souvent le limitait pour s’en prendre à la société toute entière. Quand les prolétaires s’attaquent aux prisons, aux diktats policiers des urbanistes, méprisent si ouvertement les syndicats et la politique, c’est tout le Vieux-Monde qui est atteint dans ses fondements. Avec la pratique généralisée des assemblées, c’est la question de l’intérêt universel des pauvres qui se trouve posée. L’absence de publicité n’est plus une énigme. Les prolétaires espagnols y ont apporté quelques réponses concrètes dans lesquelles nous nous reconnaissons entièrement.
À nous de jouer !
Vincente Kast, Adriana Valiadis
1. Le 18 juin 59, le PCE (à travers Radio Espagne « indépendante » émettant depuis Prague !!), les cathos de gauche, les nationalistes basques et catalans... s’agitant sur l’agitation sociale des dernières années, s’allièrent dans un mot d’ordre de grève générale de 24h lancé dans le but de «déstabiliser le régime franquiste ». Ce fut l’échec total. Le seul mot d’ordre étant «À bas Franco », la population n’était pas prête à descendre dans la rue et se faire massacrer pour les beaux yeux racoleurs de la politique et de ses dirigeants.
2. Déjà en novembre 76, l’État avait accordé aux patrons le «despido libre » c’est-à-dire la possibilité de licencier à discrétion, sans préavis, les travailleurs jugés indésirables pour l’entreprise, soit pour leur indiscipline, soit par souci de rentabilité.
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