mardi 14 février 2012

[Grèce] "Il faut détruire l'économie"

[Suite au vote du nouveau plan d'austérité, et depuis plusieurs jours avant, des manifestations géantes tournant à l'émeute, des grèves avec piquets (dans le port de Pyrée et la sidérurgie notamment) et des mouvements d'occupations divers ( ont eu lieu dans tout le pays. Des appels à l'insurrection et à la révolution ont circulé. Cette semaine encore, les manifestations et la révolte se poursuivent. En solidarité, nous relayons deux documents. Le premier communiqué de l'école de Droit occupée d'Athènes tout d'abord (puisque nous partageons pleinement ses analyses de la situation), puis une chronologie des évènements du dimanche 12 février, jour du vote au parlement.

Nous invitons en outre nos lecteurs à consulter deux très bons sites de contre-informations sur les luttes en Grèce, qui relayent et traduisent entre autre plus en détail l'actualité brulante de ces derniers jours dans le pays : la page francophone de Contra Info et Nouvelles Hors Les Murs.

Athènes : premier communiqué de
l'occupation de l'Ecole de Droit


“Afin de nous libérer de la dette, nous devons détruire l’économie”

Le spectacle politique et financier a désormais perdu toute confiance. Ses actes sont entièrement convulsifs. Le gouvernement “d’urgence” qui a pris en charge le maintien de la cohésion sociale a échoué à préserver le travail, et en même temps le pouvoir d’achat de la population. Les nouvelles mesures, avec lesquelles l’État vise à assurer la survie de la nation grecque dans le monde financier international, conduisent à une suspension complète des paiements dans le monde du travail. L’abaissement du salaire minimum, maintenant aussi fait de papier, vient à point nommé s’ajouter à la suspension totale de toute forme de salaire direct ou social.

Chaque coût de notre reproduction disparaît. Les structures de santé, les espaces d’enseignement, les aides sociales et toutes les choses qui nous rendaient productifs/ves dans le système dominant sont désormais une chose du passé. Après nous avoir entièrement vidés, ils nous jettent maintenant directement dans la faim et la paupérisation.

La sécurisation de l’abolition de toute forme de salaire, sur le plan juridique, s’effectue via la création d’un “compte spécial fermé”. De cette façon, l’État grec assure que le stock monétaire sera utilisé exclusivement pour la survie du capital, au détriment même de nos propres vies. Le poids de la dette (pas de l’Etat, mais de ce qui est inextricablement contenue dans la relation du capital) se balance au dessus de nos têtes, menaçant de nous tomber dessus et de nous éteindre.

Le mythe de la dette. Le discours patriotique dominant promeut l’idée d’une dette grecque, en la posant comme une question transnationale. Il crée l’impression que certains usuriers apatrides ont ciblé l’État grec et que notre “bon gouvernement” fait tout ce qu’il peut pour nous sauver, alors qu’en réalité qu’il vise à nous éteindre, se comprenant lui-même comme partie du capital monétaire international.

Contre cette fausse conception nationaliste, la dette est à la fois le résultat et une partie indissociable de l’économie politique, un fait que les patrons ne connaissent que trop bien. L’économie est basée sur la production de la pénurie, par de la création de nouveaux champs de rareté (c’est à dire la création destructrice, avec toujours, des conséquences négatives à long terme). La dette et la culpabilisation se diffusent et domineront la société aussi longtemps que la propriété, la routine de la consommation, le marché et l’argent existeront.

Quand nous disons que la crise est structurelle et systémique, nous entend par là que les structures de l’économie politique ont atteint une fin, que leur cœur a été attaquée – et que ce coeur est le processus de production de valeur. Il est clair que pour le capital, nous sommes dispensables (voir la montée en flèche des chiffres du chômage) et que, à ce point, la reproduction de la force du travail est simplement un obstacle dans le processus d’accumulation du capital. La crise monétaire de la dette, qui signifie le remplacement des salaires par des prêts, et l’incapacité d’émettre des prêts, dirige le système dans un cercle vicieux de non-durabilité.

Ceci se produit parce que c’est la valeur même du travail qui est remise en cause, et qui est cette même relation à travers laquelle ceux et celles d’en bas pourraient s’insérer dans les rôles du système.

Nous faut-il alors nous diriger vers le socialisme et l’économie “populaire”? Tous les types de professionnels et dirigeants syndicaux pseudo-populaires cultivent leurs propres illusions et leur sortie politique au sein du système et de l’économie politique actuelle. Ils pourraient parler de nationalisation des banques, cela pourrait prendre la forme d’un lifting du libéralisme rationnel. Souvent, cela prend même la forme de la récupération et de l’alternative «d’esprit révolutionnaire». D’autres fois, nous entendons parler de développement durable, de décentralisation écologique, de démocratie directe et le fétichisme des formes politiques.

Alors que le marché lui-même, et les intervention de l’Etat ne parviennent pas à donner quelque perspectives que ce soit, la politique-spectacle continue à promouvoir toutes sortes de produits tels que l’économie populaire et l’autorité des socialismes d’Etat. Les mythologies des différentes dictatures du prolétariat survivent à une époque où les masses de ceux et celles qui sont exclu-e-s de la production, des institutions, les chômeurs/euses, échouent à fournir une clientèle fiable aux partis politiques et aux syndicats. La position politique réactionnaire des capitalismes d’État a été remplacé par un commerce creux de l’idéologie.

La guerre sociale ne connaît pas de frontière. Certains, au milieu de la crise, voient une re-contextualisation, un redécoupage des enceintes nationales. Le corps national et les racistes de toutes sortes semblent y voir une opportunité pour cibler les immigré-e-s, lancer des attaques et des pogroms et promouvoir le racisme institutionnel de l’Etat grec. Pour eux, leur résistance est peinte aux couleurs nationales; ils luttent comme Grecs, et non pas comme ennemis de l’exploitation et de la répression sociale à laquelle ils sont confrontés.

Nous avons sciemment choisi notre camp, croyant que toute présence d’un symbole national ou d’un drapeau national appartiennent au camp de l’ennemi, et nous sommes prêts à le combattre par tous les moyens nécessaires. Parce que les nazis de l’Aube Doré, les nationalistes autonomes et autres fascistes ne cherchent à promouvoir qu’une communauté purement nationale comme solution, les attaques préventives contre eux et la solidarité pour les immigré-e-s sont une condition nécessaire à toute perspective radicale.

La seule solution est la révolution sociale. Contre tout ce qui a précédé, nous proposons une révolution sociale, que nous considérons comme la seule solution pour avoir une vie, et non mettre à nue la survie. Cela signifie se soulever contre toute institution financière et politique. Cela exige, par la voie de la révolte, de prendre des mesures telles que l’abolition de l’Etat, de la propriété et toute sorte de mesurabilité, la famille, la nation, l’échange et les rôles sociaux de sexe. Pour que nous puissions étendre la gratuité et la liberté à travers toute la vie sociale.

C’est ce que signifie la révolution ! Apporter à cette direction toutes luttes centrées sur les revendications salariales; toutes structures auto-organisées et assemblées, en particulier dans une conjoncture telle qu’en l’espèce, lorsque la forme politique-gouvernementale de la crise systémique peut conduire à une explosion sociale.

Manifestation à 18 heures, Propylées.
Assemblée ouverte de la faculté de droit occupée immédiatement après la manifestation.

Aligné à droite
De l'Ecole de Droit Occupée, 9 Février 2012

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Quelques vidéos










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Résumé chronologique des événements du 12 février

Des dizaines de banques et d’autres bâtiments brûlent à travers la Grèce après les manifestations d’aujourd’hui. Il y a aussi d’énormes émeutes à Thessalonique et Patra. La situation semble partir de plus en plus hors de contrôle. Nous allons essayer de résumer les développements clés pendant la nuit, ci-dessous :

Toutes les heures sont GMT+2

01.06 Le nouveau mémorandum vient juste d’être voté par le Parlement.

01.03 Déclaration de la Faculté de Droit (original en grec) :

Il a été décidé par l’assemblée la Faculté de Droit occupée de continuer l’occupation. Nous appelons tout les gens à prendre les rues, à continuer le combat ! Rien n’est fini, tout commence maintenant. La Faculté de droit est un centre de lutte et continuera à l’être !

00.42 Dans le Parlement, le processus de vote a commencé il y a quelques minutes pour le nouveau mémorandum. Il semble très probable qu’il sera voté de suite.

00.22 Des manifestants enragés ont complétement détruit l’office des députés “socialistes” Gerekou et Dendias (ex-ministre de la justice) il y a quelques heures dans la ville de Corfou.

00.20 L’hôtel de ville de Volos brûle. Plus tôt des gens ont détruit le poste local des impôts, détruisant pleins de documents en-dedans.

00.14 Une manifestation vient juste de démarrer à Athènes, des gens vagabondent dans les rues de la ville et les flics sont planqués dans les rues transversales.

00:07 Des manifestants ont attaqués le commissariat d’Exarchia il y a quelques minutes.

23:45 La fumée provenant des gaz lacrymogènes et des bâtiments en flammes a couvert le centre d’Athènes. Des affrontements se poursuivent toujours et les rues sont pleines de gens. Plus tôt, des gens ont tenté d’attaquer la maison de l’ancien premier ministre Costas Simitis dans le quartier huppé de Kolonaki (rue Anagnostopoulou), ils se sont affrontés aux unités de police qui gardaient la maison.

Un groupe de manifestants a essayé d’envahir le commissariat de l’Acropole un peu plus tôt. Les officiers de police ont réussi à protéger le commissariat mais plusieurs d’entre eux ont été blessé pendant que des véhicules de police brulaient en face de la station.

Plus tôt dans l’après-midi une unité des voltigeurs DELTA a été piégée par des manifestants : les gens ont tendu une corde en travers de la rue mettant à terre les motos rapides.

23.10 C’est impossible d’estimer le nombre de personnes qui ont prise les rues à Athènes ce soir. Ils sont définitivement des centaines de milliers – il y a juste des gens partout.

23.07 Le bâtiment de la Marfin Bank (le même où trois employés de banque sont morts le 5 mai 2010) a été complétement brûlé.

23.05 Une armurie a été pillé à Omonia, à Athènes.

23.02 Les informations à propos de l’occupation prétendue occupation de l’hôtel de ville est confirmée : un groupe de personnes est entrée dedans, pour en être expulsé par la police anti-émeute quelques minutes plus tard.

22.42 L’hôtel de ville d’Athènes serait occupé.

22.40 Les flics attaquent et bloquent les gens dans la Faculté de Droit. Au moins 200 personnes sont piégées dedans.

22.30 Au moins 20 manifestants et 30 flics ont été blessé pendant les affrontements d’aujourd’hui.

21:00 Des milliers de personnes dans la rue Amalias. La police utilise des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants qui se défendent avec tout les moyens disponibles à porté de main et restent face au Parlement mais aussi dans le reste des rues du centre. Plusieurs bâtiments sont en flamme, une branche d’Euro-Bank dans la rue Korai, un café Costa, et le premier étage de l’Office des Comptes de l’État.

Plus tôt la police a tiré des balles en caoutchouc contre les manifestants devant la Faculté de Droit.

20.23 Les affrontements devant la Faculté de Droit continuent. Les gens ont repoussé la plice qui a essayé d’attaquer par vagues le bâtiment. Des milliers et des milliers de personnes sont toujours devant le Parlement, malgré les affrontements qui se déroulent dans la partie basse de la place.

19:50 Quelques manifestants blessés. Sur la Propylea de l’Université d’Athènes se déroulent en ce moment de féroces combat, les gens rapportent des affrontements au corps à corps. L’occupation de la Faculté de Droit s’est défendue contre toutes les attaques de la police et il reste maintenant peut-être environ plus de 500 personnes dans l’école. L’occupation appelle les médecins de la Croix Rouge à aller vers l’école avec du matériel de premier secours car il y a des manifestants blessés dans la Faculté.

19.40 Au moins cinq fronts ouverts dans la rue Fillelinon, sur Othonos, la place Syntagma, Stadiou et derrière le ministère de la Finance. Affrontement face à face devant la Faculté de Droit. Les choses se calment temporairement devant le Parlement.

19:07 Un bloc de manifestants au croisement d’Othonos & Amalias, offensive de la police bloquée sur la place Syndagma et une foule importante s’y rassemble et bouge graduellement vers la Maison du Parlement. Quelques minutes plus tôt des unités de police ont joint leurs forces et attaqué ce groupe.

18.57 Les gens dans la Faculté de Droit se retirent du bâtiment après les attaques consécutives des flics.

18.49 Nouvelles de l’intérieur de la Faculté de Droit : les attaques consécutives de la police contre le bâtiment ont été repoussée par les gens de dedans. Il semble que maintenant la police va essayer d’emporter d’assaut le bâtiment universitaire.

18:29 La rue Ermou est pleine de manifestants qui affrontent des unités de police, en un effort de retourner sur la place. Les occupants de la Faculté de Droit appellent à ce que plus de gens se rassemblent et marchent tous ensemble vers Syndagma.

18:25 Les gens se rassemblent à nouveau devant la Parlement, alors que dans tout le centre des groupes dispersés de manifestants affrontent plusieurs unités de police anti-émeute dispersées.

18:22 Des affrontements autour du King George Hotel et dans la rue Fillelinon, beaucoup de cocktails molotov, alors que l’occupation de la Faculté de Droit appellent les gens à y aller. Plusieurs manifestants sévèrement blessés à Syndagma.

18:00 Des affrontements à grande échelle en face du Parlement. La police a attaqué pour disperser la foule, les manifestants gazés ont bougés vers la partie basse de Syndagma alors que plusieurs centaines de personnes confrontent la police en jetant des pierres. Les occupants de la Faculté de Droit ont été attaqués par les flics, une partie de leur bloc est allé vers Syndagma et l’autre est retournée vers la Faculté. Des feux brûlent pour minimiser les effets des gaz lacrymogènes et des barricades ont été érigés autour de Syntagma.

17:39 Premiers gaz lacrymogènes devant le Parlement.

17:33 Tensions avec la police devant le Monument au Soldat Inconnu (bas de la Maison du Parlement), mais les gens restent.

17:32 Environ 50.000 personnes face au Parlement, les gens arrivent sans cesse, les bus et les lignes de métro pour le centre sont pleins. Tensions devant la Faculté de Droit, la police anti-émeute tente d’empêcher les occupants de la Faculté de Droit de former une marche vers la place Syntagma.

17.10 Plus de 10.000 personnes déjà rassemblées à Syndagma, la place se remplie très vite.

17.03 Environ 200 manifestants sont piégés dans la Faculté de Droit, encerclée par de fortes forces de police.

17.01 Le bloc de l’assemblée populaire de Cholargos-Papagou va vers le parc Korai pour y rencontrer les blocs d’autres assemblés populaires.

16.31 Ilioupoli, Athènes : environ 100 personnes se pré-rassemblent. Une petite manif va suivre dans les rues de Ilioupoli et après les gens iront à Syndagma.

16.27 Environ 1.000 manifestants dans la place Monastiraki.

16.18 Environ 1.000 personnes sont déjà rassemblées à Syndagma.

16.07 Pagrati, Athènes : une manifestation va commencer dans 15 minutes, vers la place Syndagma.

16.04 Syntagma : un double cordon de flics devant le Monument au Soldat Inconnu.

16.03 Dernières infos de la Faculté de Droit occupée : il y besoin de renforts alors que les forces de police sont partout dans la zone. L’accès au bâtiment n’est plus facile dorénavant.

15.52 Environ 400 manifestants à Syndagma. Ils viennent de prendre et de fermer la rue Amalias.

15.39 Les gens se rassemblent à la Faculté de Droit. D’après ce qu’à rapporté un camarade sur 98 FM, une unité de police anti-émeute se tient dans la rue pédestre entre Propylaea et la Faculté de Droit.

15.26 Thessalonique : deux unité de police sont déjà dans la place Aristotelous.

13.59 Chania, Crête : l’occupation de la Préfecture continue. Des anarchiste/anti-autoritaires ont fait plusieurs actions de contre-information dans les quartier de la ville.

13.36 Il existe un accès facile à la Faculté de Droit. Une assemblée populaire est annoncée pour 14.00.

Approx.13.00 Il y a des retours d’arrestations préventives de personnes en lutte dans leurs maisons. L’initiative “Un bateau pour Gaza” a publié un communiqué où elle informe sur la détention d’un de leur membre.

12.18 Une unité de la police anti-émeute de tient dans la rue Othonos, près de la station de métro de Syndagma.

10.30 Un groupe d’employés du Métro ainsi que des personnes solidaires tentent de mettre la pression sur la direction du Métro pour rouvrir la station Syndagma. Les autorités ont aussi décidé de fermer la station Panepistimio, à Propylaea, après 14.00.

Traduit par Contra Info de Occupied London.





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